Le texte présenté ici est un extrait des Notes de Cours prises lors de l'année académique 1983, par le P. Georges Leroy, lorsqu'il était étudiant à L'Institut St. Serge, à Paris. Le présent Cours d'« Histoire de l'Église occidentale » était donné par Mr. Nicolas Lossky. En voici la première partie :
Cliquer ci-dessous, pour vous retrouver aux points correspondants du texte :
1) Introduction- CHAPITRE I -
INTRODUCTION
§ 1. — Une relecture de l'Histoire de l'Occident.
L'Histoire est toujours une question posée au passé. Notre patrimoine ancien doit être vécu dans
des défis nouveaux. Nous étudions la théologie dans cette première moitié du XXIe siècle, dans des conditions nouvelles
dont on ne peut faire abstraction. Nous sommes appelés à écrire l'Histoire en dialogue. La théologie est dans une
certaine mesure, contextuelle. Cela signifie que tout discours devrait être à la fois éternel et contextuel. Cela nous
donne cette leçon : comment nous pouvons être orthodoxes ici et maintenant, assumer un rôle créateur davantage que répétiteur ?
Nous devons être des témoins vivants de l'expérience patristique, expérience qui est tendance à s'estomper en Occident
- afin que chaque mot du Credo soit notre vie.
L'Église occidentale a très longtemps été une Église orthodoxe. Certes, dans les écrits de saint Augustin, nous trouvons
les embryons de ce qui - bien plus tard - deviendra hétérodoxe. Mais cela n'a rien à voir avec ce que nous retrouvons chez
Calvin, car au XVIe siècle, tout le monde se réclame de saint Augustin. Augustin se corrige dans le contexte où il a vécu,
en dialogue avec les Pères de son temps. Augustin n'acquerra une couleur hérétique qu'au travers de l'éclairage du
XVIe siècle, totalement en-dehors de son contexte.
Le moment est venu de relire l’Histoire de l'Occident, prenant en considération les éléments orthodoxes qui ont perduré
bien après le schisme. Nous commencerons au VIIe siècle, pour dégager dès la racine les éléments du schisme et de la Réforme.
Les deux sont à traiter comme un même problème. Politiquement, c'est l'émergence d'un empire occidental digne de ce nom,
entité qui se pose en égalité par rapport à l'entité byzantine. Nous irons jusqu'à la veille de
la réforme, le XVe siècle inclus.
§ 2. — L'expansion de l'Islam.
Mahomet se dit prophète, dans la ligne d'Abraham, de Moïse et de Jésus. Il s'exile à Médine en 662.
Il pacifie cette ville et devint un chef politique et militaire. L'hégire - le 16 juillet 622 - commença l'ère musulmane.
Mahomet veut reprendre la Mecque et mène toute une série de guerres. En janvier 630 la Mecque accepte l'Islam. En 630 - 631,
Mahomet unifia la péninsule sous la loi coranique, jusqu'à la frontière de la Syrie. Mahomet meurt le 8 juin 632 à Médine.
L'Islam prétend être la pureté de la foi d'Abraham. Mahomet a eu des contacts avec le Christianisme sous la forme monophysite
et nestorienne. Le Djihad - guerre sainte - est une notion qui est issue du conflit originel qui se produisit entre
Médine et la Mecque. Il s'agit de la propagation de la foi musulmane par la force, ce qui permit la constitution de
l'immense empire musulman, qui prit son extension de 632 à 732 – date de la bataille de Poitiers, où les musulmans
furent vaincus par Charles Martel.
La première victime de cette expansion fut la Syrie et la Palestine : en 634 se produisit la chute de Gaza ; en 635,
celle de Damas - Héraclius quitte Antioche ; en 638, Jérusalem capitule. En 638, c'est le tour d'Antioche, de Césarée en 639.
Le mouvement s'oriente vers l'Égypte. Les coptes se soumettent aux envahisseurs arabes. Amrou, général arabe, entre en Égypte
en 639 et en 640, il détruisit l'armée impériale. La chute de Babylone se produisit en 641, et Alexandrie capitule
en 642. En général, les villes résistent puis capitulent en posant certaines conditions. Les musulmans lèvent des impôts
sur les non-musulmans. Des églises et les monastères sont conservés. Dès 642, Amrou prend Tripoli, au nord de la Syrie.
En 645, Constantinople tente de reprendre l'Égypte. Amrou bat l'armée de l'empereur Manuel.
En Asie Mineure, se produisit l'invasion de la Cilicie et de la Cappadoce dès 641. En 647, une grande expédition conquiert
la Cappadoce et revient à Damas. En 642 se déroula une expédition en Arménie.
Vers 643, une flotte arabe fut construite pour s'assurer de la suprématie sur la Méditerranée. L’île Chypre fut pillée
en 649, et en 654 ce fut le tour de Rhodes, puis en 655, de la Crète. L'empire byzantin négocie avec les Arabes. La
trêve conclue expire en 653. Un traité arabo-arménien fut signé. Les Arméniens ne voulant pas accepter Chalcédoine,
se tournent vers les Arabes. Les Grecs réoccupent l'Arménie en 657. Vers 660, l'Arménie est reprise par les Arabes.
Du côté occidental, les Arabes se répandent très rapidement. De nombreux réfugiés monophysites d'Égypte envahissent
l'Afrique. Au point de vue théologique, saint Maxime le confesseur combattit le monophysisme : les Africains s'opposent à
Constantinople, qui est tombée dans le monothélisme. L'exarque de Constantinople Grégoire se révolte et se fait proclamer basileus.
Les Arabes profiteront de ces remous en Afrique pour s'imposer. Grégoire est vaincu et tué. En 648, les Arabes se retirent
en Égypte. Jusqu'en 660 l'Afrique reste séparée de l'Empire ; la flotte arabe est à l'origine d'importantes difficultés
de communication.
En 648, est signé le Typos de Constantinople. En octobre 649 se réunit le concile de Latran où étaient présents de nombreux
moines et abbés orientaux chassés par les Arabes, et demandèrent de condamner le Typos.
De 656 à 661, se produisit une guerre civile parmi les Arabes. Moavyah en sortit victorieux. L'empereur Constant quitte Constantinople
et rétablit l'ordre en Afrique. En 669 les Arabes attaquent par mer Syracuse. De 674 à 678, se produisit le siège de Constantinople.
De nouveau, de 663 à 672, se produisit une guerre civile parmi les Arabes, suivie d'une reprise de la Guerre sainte.
- CHAPITRE II -
L'AFRIQUE
§ 1. — Tertullien.
L'Afrique de cette époque était extrêmement riche. À bien des égards, elle est le berceau du
christianisme latin. Initialement, le christianisme romain étaut de langue grecque. L'Afrique a été évangélisée dès les débuts :
vers 250, il y avait une centaine d'évêques. Le martyre de Sainte Perpétue se produisit en 203. Au IIIe siècle, l'Afrique
apparaît comme un grand centre de pensée d'activité chrétienne : il suffit de citer Tertullien, Arnobe et son disciple Lactance.
Tertullien est natif de Carthage ; il reçut sans doute à Rome une éducation très poussée. Vers 195 - 196, il se convertit
au christianisme. Rigoriste étroit, il se joint aux Montanistes en 213. Il fonda sa propre secte. Il connaissait très bien le grec.
Il écrivit aussi des Apologies et le Testimonium. Il écrivit la fameuse expression : « anima naturaliter christiana ».
Il défend les principes de la tradition et de l'autorité : selon lui, les païens ne peuvent interpréter les Écritures. Il défend
la doctrine de la Trinité contre le Sabellianisme. Tertullien est le premier à utiliser le mot « Trinité ». Il écrivit aussi
sur le baptême et la pénitence. Il interdit aux chrétiens d'exercer tous métiers touchant à l'État païen. Il s'attaque au pape Calixte,
qui soutenait le pardon des péchés capitaux. Son oeuvre « De Anima » date de l'an 210. Il est l'un des premiers à parler du
Traducianisme (doctrine qui affirme que l'âme des parents serait transmise aux enfants dans l'acte de procréation). Il est le créateur
de la langue latine de la théologie. Juriste de formation, sa langue était très précise.
§ 2. — Saint Cyprien de Carthage.
Saint Cyprien de Carthage est né vers l'an 200. Après avoir été rhéteur païen, il se convertit
vers l'an 246. Il acquiert une connaissance approfondie des écritures et lit les oeuvres de Tertullien. En 248, il devient
évêque de Carthage et métropolite d'Afrique. En 249, il fuit lors de la persécution de baisse, et dirigea le diocèse par
lettre (nous en possédons 81 - il faut noter son épître 64 sur l’Eucharistie). Il revint en 251. Beaucoup avaient abjuré ou
obtenu des « libelli pacis ». Ceux que l'on appelait des « lapsi » avaient obtenu des « sacrifitori » - document qui assurait
qu'ils avaient sacrifié. Cyprien préconise une pénitence lente et rigoureuse. Dans les années 251 - 252, deux Conciles décideront
selon l'opinion de Tertullien. En 252, se produisit une épidémie de peste qui fut attribuée au « crime des chrétiens ». Cyprien
organisa des œuvres caritatives.
En 250, se produisit le schisme de Novatien. À Rome un prêtre du nom de Novatien répond
à Cyprien « au nom des prêtres et diacres de l'Église de Rome ». En 251, Corneille est élu évêque de Rome. Novatien se fait
ordonner évêque. Il déclare sa position : « aucune rémission n'est possible ». Corneille réunit un concile à Rome et condamne
Novatien. Cyprien manifeste son accord total avec le pape de Rome. Novatien est le chef de file des « Confesseurs » purs et durs.
Ce schisme posera le problème du rebaptême. Déjà Tertullien n’acceptait pas le baptême donné par les hérétiques. Saint Cyprien est
favorable au rebaptême. Il y aura une succession de conciles sur ce sujet. Rome reconnaît tout baptême fait au nom de la Trinité.
En 256 Étienne, pape de Rome, condamne l'usage carthaginois. En fin de compte, le canon 8 de Nicée tranche problème dans
le sens de l'Église de Rome.
Saint Cyprien de Carthage écrivit « De catholicae ecclesiae unitate », ouvrage fondamental
d’ecclésiologie. Il dit : « celui qui n'a pas l'Église comme Mère ne peut avoir Dieu comme Père ». Il définit la dignité épiscopale
comme fondamentalement Une. Il y a une seule dignité, d'un évêque à l’autre. Il insiste sur le caractère local de l'épiscopat.
Il est le gardien de la Tradition reçue de ses prédécesseurs et des apôtres. En 257, Cyprien est banni, lors de la persécution
de Valérien. Il est martyrisé à Carthage le 14 septembre 258.
§ 3. — Augustin d'Hippone.
Augustin est la figure dominante de la chrétienté d'Occident.
Il est né le 13 novembre 354 à Thagaste, en Numidie, ville berbère romanisée. Son père Patricius était le descendant d'un
vétéran de l'armée romaine. D'un caractère difficile, il voulait faire de son fils un avocat. Il se fait baptiser sur son lit
de mort en 370. La mère d’Augustin, Sainte Monique (331 - 387) - était probablement d'origine berbère. Elle était une chrétienne
très pieuse. À la naissance d'Augustin, sa mère l'a fait bénir à l'église. Sa mère le suivra en Italie, verra sa conversion
à Milan, et meurt sur le chemin du retour, à Ostie. Augustin va à l'école à Mandore, puis « monte » à Carthage. Augustin
veut devenir rhéteur. Il rêvait d'une carrière de haut fonctionnaire. À 19 ans, il enseigne déjà la rhétorique. L'an 383,
il vient à Rome. Augustin eut un fils Adeodatus, qui mourut jeune. La conversion d'Augustin se fit par étapes.
Tout d'abord, il mène une vie d'étudiant à Rome. Augustin se met à lire la Bible, il est rebuté par les aspérités de son style,
comme le fut saint Jérôme. Augustin devient manichéen, mais est déçu par Faustus, évêque manichéen. Il quitte la secte, et
se lie aux septiques et aux astrologues. En 384, il accepte une chaire à Milan. Monique le suit. Elle veut le marier avantageusement,
et le faire rompre avec sa concubine, pour des raisons non pas morales, mais sociales. Augustin est très impressionné par Ambroise.
Il était intéressé par l'interprétation allégorique de la Bible, ce qui lui permet de se réconcilier avec les Écritures.
Augustin se rapproche de l'Église. Il rencontre le maître d'Ambroise, Simplicien, qui lui parla de Marius Victorinus,
néoplatonicien qui utilisait des méthodes rationnelles en théologie. Il se mit à lire les néoplatoniciens en traduction latine,
ce qui fut pour lui une révélation. Il y découvre un système qui dépasse les conceptions matérialistes de l'esprit.
Il découvre que le mal n'est pas une substance en soi. Augustin christianise cette philosophie. Il est surtout attiré par
saint Paul, dans lequel il se plonge à fond. Nous sommes à la veille de sa conversion.
La conversion.
En été 386, deux ans après sa rencontre avec Ambroise, il entend parler de la vie de saint Antoine et de la conversion de deux
hauts fonctionnaires. Il en fut vivement frappé, car ainsi pouvaient se convertir des hommes tels qu'il eût rêvé le devenir.
Antoine avait entendu une parole de l'Évangile qui avait déterminé son destin. De même, le « tolle, lege » - « prends et lis »
lui fit lire Romains 13,13 qui dissipa toutes ses incertitudes. Après cette conversion, Augustin se retire. Il se fera
baptiser dans la nuit de Pâques 387. À Cassiciacum, au sud du lac de Côme, il mènera une vie « philosophique » qui donnera
les « dialogues » où le néoplatonisme est déjà modifié par des notes d'aristotélisme et même de stoïcisme. Le néoplatonisme,
tel qu'il était connu en Occident, charrie beaucoup d'éléments divers.
En 387, Augustin se met en route vers l'Afrique.
Sa mère meurt à Ostie. Augustin arrivera à Tagaste, sa ville natale, où il continue à mener la vie philosophique avec
quelques amis choisis, du même monde intellectuel. Augustin s'emploie à réfuter le scepticisme et le manichéisme.
Il approfondit l'apologie chrétienne. La foi précède la science, mais les deux démarches sont inséparables. C'est bien ce
qui est dit dans les Confessions (livre 12 paragraphe 34). La vérité appartient à l'Église et la théologie n'est pas une
notion personnelle, mais une « pensée en Église ».
L'épiscopat.
Au printemps 391, Augustin est à Hippone. Valère, évêque de la ville, était grec, connaissant imparfaitement le latin.
Augustin est fait prédicateur et prêtre. Cinq ans plus tard, il devient évêque, ce qui changera sa vie du tout au tout.
Jusqu'à présent, il avait mené une honnête existence d'universitaire. Il continuera son oeuvre intellectuelle - il écrira énormément -
et mènera une vie ascétique. Il déménage sa communauté de Tagaste - communauté qui grandira et pour laquelle Augustin écrira
sa Règle. Augustin ne vivra pas dans cette communauté, mais groupera ses clercs autour de lui. Le fait de mener cette vie
deviendra une condition nécessaire pour entrer dans le clergé. C'est déjà un exemple du célibat du clergé, et c'est l'idée d'un
lien entre le monachisme et le clergé : monasterium clericorum. En Afrique, cette communauté devient une pépinière
d'évêques, qui à leur tour fonderont ce type de communauté. Ce modèle hipponien va devenir le prototype des Chapitres cathédraux
et collégiaux.
Le De Trinitate.
À la fin du siècle, Augustin écrit les Confessions et commence en 399 son traité « De Trinitate »
terminé en 419. C'est une de ces rares oeuvres patristiques écrites en-dehors des nécessités polémiques. Il l'a écrite pour
lui-même. Augustin prend comme point de départ l'existence éternelle de Dieu en lui-même. L'accentuation très forte de
l'unité de Dieu sert en quelque sorte de point de départ - les personnes paraissent devenir de simples moments de l'unique Être de Dieu.
Mais dans ce même livre on trouve aussi une critique de la notion de substance divine, munies d'attributs ; il insiste sur
l'existence de Personnes.
Augustin ne connaissait pas le grec, il ne visait pas ses sources dans le texte. Certains passages
de ce traité sont très « filioquistes » et seront les sources de Thomas d'Aquin, qui écrira dans un contexte intellectuel
totalement différent - qui fut celui de la redécouverte de l'aristotélisme, très éloigné des Pères grecs. C'est là que l'Histoire
a quelque chose à dire à la Théologie. Dans son épître 169, Augustin dit lui-même combien son traité est difficile.
En fait, son point de départ était mauvais: il ne faut pas partir de l'en-soi de Dieu, mais bien des Théophanies divines,
pour en arriver enfin - avec quelle crainte et quelles précautions ! – à l’Être de Dieu.
Augustin et les Donatistes.
Augustin reprit le dialogue avec les donatistes. Augustin disait qu'une Église qui s'accommode de la division cesse d'être l'Église.
Car l'Église ne saurait être l'Église de quelques-uns, l'Église des Purs. Il reconnaît certaines erreurs du passé de l'action
de l'Église envers les donatistes. Il essuie le refus et les injures de donatistes qui le tiennent pour tenant de l'Église
des persécuteurs. Augustin proteste, comme Ambroise l’avait fait avant lui, contre les violences faites aux hérétiques.
Augustin réussit à convertir de nombreux individus et arrive dans sa ville à un résultat positif. Mais il se mettra ensuite
à « justifier » théologiquement la coercition (épître 93).
La Cité de Dieu.
Le 28 août 410, se produit le sac de Rome perpétré par Alaric, et Augustin se met à écrire la « Cité de Dieu ». Les païens
prétendaient que la chute de Rome était la vengeance des Dieux. La Cité de Dieu est une apologie contre cette conception.
Deux amours ont créé deux cités : la cité terrestre, par l'amour de soi jusqu'au mépris de Dieu ; et la cité de Dieu,
par l'amour de Dieu jusqu'au mépris de soi. Son ecclésiologie est un épiscopalisme traditionnel. Au Moyen Âge, pour étayer
le papo-césarisme, on infléchira la pensée d'Augustin, pour justifier la notion de « Vicaire du Christ » - et dans un autre sens,
au XVIe siècle, pour justifier un charismatisme anti-épiscopalien.
Le pélagianisme.
L'Orient n'a jamais saisi la problématique de ce faux problème qu’est le pélagianisme. Augustin avait lu Romains 5,12 dans la
Vulgate qui dit « in quo omnes peccaverunt » or le texte exact est : « parce que tous ont péché ». C'est une erreur de langue,
et cette erreur amènera Augustin à développer des idées de prédestination.
Pélage - un anglais - défendit à Rome la liberté humaine, utilisant un traité d'Augustin « De libero arbitrio » écrit contre
les manichéens. Pélage discutait l’« Ambrosiaster » attribué faussement à Ambroise (Érasme découvrit le premier cette pseudonymie),
qui est un commentaire des Épîtres - et qui commentait entr’autres Romains 5. Pélage soutenait, comme saint Maxime, que la
Nature reste bonne. Dans les années 410 - 411, survient l'invasion des Wisigoths. Pélage arrive en Afrique, mais Augustin
évite de le rencontrer. Pélage repartira en Palestine, laissant Célestius, un disciple, à Carthage. Pélage est condamné
et excommunié en 411 au concile de Carthage. Pélage disait qu'il était injuste de dire que le baptême des enfants est pour
la rémission des péchés - ce qui est directement opposé à la pensée d'Augustin. Pélage est acquitté en Orient. En mai 418,
se réunit le concile de toute l'Afrique qui condamne Pélage, décision confirmée par Rome.
On ne sait pas grand-chose sur Pélage lui-même.
La doctrine de Pélage est simplifié par Augustin, qui le catalogue comme ennemi de la grâce. Julien, évêque d’Éclane, en Campanie, est par
contre nettement « pélagien » ; il affirmait que la Nature, en soi, est bonne. Il existe un certain lien entre le passé
d'Augustin et sa théologie de la grâce. Augustin place au-dessus de la liberté d'indifférence, celle du libre-arbitre,
la « libertas non peccandi » par laquelle l'homme racheté participe à la vraie liberté, celle que Dieu possède par Nature.
Malheureusement, Augustin va durcir sa position ; il est aisé de tirer la pensée d'Augustin jusqu'à la predestination.
Augustin est attaché au culte des saints et des reliques. Il s'intéresse vivement aux miracles qui surviennent auprès des tombeaux
des martyrs.
En 427 Augustin écrit, trois ans avant sa mort, les « Rétractations », dans lesquelles il rejette le mépris néoplatonicien
de ce qui est terrestre et visible.
Mort d'Augustin.
L'Afrique est envahie par les barbares, ce qu’Augustin resssent très intensément. Hippone est assiégée. Lors du troisième mois
du siège, Augustin tombe malade. Il meurt le 28 août 430. Pendant cent ans, des querelles opposeront les augustiniens
et les pélagiens. En 529, Saint-Césaire d’Arles aura repris toute la question. Au deuxième concile d'Orange, le semi-pélagianisme
est condamné en les termes d'un Augustinisme modéré. Les canons de ce concile seront réutilisés par le concile de Trente,
contre les luthériens.
On sait quelle influence prépondérante exerça saint Augustin dans l'Église latine. D'une part, ses victoires
sur les grandes hérésies de son siècle le firent considérer, à juste titre, comme le champion de l'orthodoxie et presque comme
l'oracle de la Foi. D'autre part, son vaste et curieux génie avait scruté toutes les questions dogmatiques et scripturales
à une telle profondeur, qu'il semblait avoir épuisé les efforts de la raison humaine.
Pendant longtemps, on se contenta donc en Occident de conserver ses écrits par de nombreuses copies, et d'en faire des sortes
d'abrégés ou d'imitations ; à ce point que, plus tard, il a fallu une minutieuse critique pour séparer les œuvres légitimes
de saint Augustin et les ingénieuses contrefaçons colportées sous son nom. C'est ainsi que pendant plusieurs siècles,
la pensée augustinienne, agissant constamment sur les intelligences latines, les pénétra jusqu'à en prendre totale possession,
jusqu'à y vivre d'une vie continuée, comme un arbre multiplie sa sève dans ses nombreuses greffes.
Théodore de Régnon. Études de théologie positive sur la sainte Trinité. Deuxième série - Théories scolastiques. éd. Victor Retaux,
Paris 1892. Vol. II. p. 3 - 4.
§ 3. — Fin de la chrétienté africaine.
Au VIIe siècle, Héraclius (couronné en 610) Empereur de Constantinople, venait lui-même d'Afrique.
En 619 l'Empereur avait pensé transporter sa capitale à Carthage, Constantinople étant trop menacée par les Perses - ce qui
montre l'importance de l'Afrique. Les rapports entre l’exarchat africain et Constantinople sont tendus, ce qui favorisera
les desseins des Arabes. Ceux-ci font des excursions rapides, des raids après lesquels ils se retirent après avoir pillé.
Ils rencontrèrent peu de résistance parmi les byzantins. En 668, se produisit la soumission des oasis du Sud, dans l'actuelle Libye.
En 669, l'empereur Constant II fut assassiné. Les Arabes entrent dans la Byzacène (Moavyah), province centrale autour de Carthage.
La même année, en 669, des Arabes fondent une ville : Kairouan, tête de pont à partir de laquelle les Arabes pourront
conquérir l'Afrique. Les Arabes menacent Carthage. Les Arabes craignaient beaucoup plus les berbères que les byzantins.
En 683, Koçeila, chef berbère, défend l'Afrique. Il prend même Kairouan. Après lui, Kahena, une femme juive, reine des
tribus berbères, mène la lutte.
Ce fut en 698 que prit fin la Carthage chrétienne. Kahena mourra vers 703. Les byzantins ne se trouvent plus que dans la
partie qui se trouve en face de l'Espagne. En 711 ce dernier retranchement sera pris, ouvrant la route de l'Espagne.
Après la conquête, il subsiste des îlots de chrétienté mozarabe, qui paient l'impôt de 20 % de leurs revenus. En 717 cette pratique
est supprimée : ceux qui refusent de passer à l'islam doivent s'expatrier. Les émigrés sont très mal reçus. Le décret
de Grégoire II leur interdit le sacerdoce, les suspectant d’hétérodoxie. En 1076, il ne reste qu'un seul évêque, Cyriaque,
et de ce fait il ne peut plus consacrer d'autres évêques. C'est la fin de la chrétienté africaine.
- CHAPITRE III -
L'ESPAGNE
§ 1. — L'origine de la chrétienté espagnole.
On a peu d'informations sur l'Espagne avant le IIIe siècle, si ce n'est la lettre 67 de Saint Cyprien aux croyants d'Espagne, qui nous montre un épiscopat nombreux, avec une organisation métropolitaine. Au début du IVe siècle, il est fait mention de nombreux martyrs de la persécution de Dioclétien, en divers points. Le concile d’Elvire eut lieu vers 306, avec plus d'une trentaine d'évêques. Ce concile a promulgué 81 canons très sévères, traitant particulièrement de l'apostasie et de l'adultère. Il y a un canon qui exige le célibat sacerdotal. Osius de Cordoue siégeait à ce concile. En 343 il présida le concile de Sardique ; il joua un rôle important dans l'organisation du concile de Nicée.
§ 2. — Le Priscillanisme.
À la fin du IVe siècle, se pose le problème du Priscillanisme. Priscillien et un laïc d'Espagne qui a embrassé le gnosticisme. L'ascétisme tendra à dénigrer la matière, tout en développant l'esprit sectaire. Le catharisme sera un phénomène récurrent de cette mentalité. La prédication de Priscilien déborde dans le Midi de la France. En 380, se réunit le concile de Saragosse qui condamne les Priscilliens sous le nom de manichéens. En 382, fut émis le décret de Gratien bannissant les manichéens. Priscillien est sacré évêque à Avila. Il va en France, puis passa Rome, où Damase lui refuse sa protection, comme Ambroise à Milan. Priscillien revient en Espagne, après avoir néanmoins obtenu l'annulation de son décret de bannissement. Un concile se tint à Bordeaux. Puis on conduisit Priscillien à Trèves, où il est condamné à mort en 383 et exécuté, malgré la plaidoirie de Saint Martin de Tours. C'est le premier cas dans l'Histoire d'une condamnation à mort pour hérésie. Priscillien fut immédiatement vénéré comme martyr par ses adeptes.
§ 3. — Le royaume Wisigoth.
Depuis le Ve siècle, l'Espagne est un royaume wisigoth. Les Wisigoths sont ariens, jusqu'en 587,
où se produisit la conversion de Récarède, roi des Wisigoths. Le troisième concile de Tolède se réunit en 589 et condamne
solennellement l'Arianisme. Ce concile émit une confession de foi qui insistait à tel point sur la consubstantialité du Père
et du Fils que, du même souffle, on dit que le Saint Esprit procède aussi du Fils. Ceci était dit dans un souci majeur de
montrer la consubstantialité du Père et du Fils. Du point de vue théologique, on ne peut pas encore parler de « filioque »,
quoique cela en soit la première apparition écrite.
Saint Léandre de Séville, ami de Grégoire le Grand, l'a connu alors que tous deux se trouvaient à Constantinople, en 582 - 584.
C’est Grégoire le Grand qui a introduit le Kyrie dans la liturgie romaine.
Les Wisigoths et les byzantins sont en conflit, et les rapports de l'Espagne avec Rome deviennent très difficiles. Récarède
se bat contre les byzantins au sud de l'Espagne, et au Nord, contre les Basques. Tolède devient métropole de l'Espagne,
où se tient de nombreux concile. En 633, on note la présence de laïques au concile et le mélange du politique et du religieux.
Le VIIe siècle est marqué par tous ces conciles qui règlent même les affaires de succession au trône. Les grands officiers
de l'État y siègent. En 654 la législation profane des « Romains » et des Wisigoths est unifiée par Recessvinte. Au concile
de Tolède de 681, le roi reçoit le droit de de nommer les évêques de sièges vacants, ce qui sera ensuite un point de discorde
permanent entre l'Église et l'État - le Césaro-papisme. En 694, il est décidé que pour tout concile les trois premiers jours
seraient réservés aux affaires ecclésiastiques, à l'exclusion des laïcs. Le dernier roi est Rodrigue (ou Rodéric).
§ 3. — L'invasion arabe.
Du côté africain, c'est l'exarque Julien qui va favoriser le passage des Arabes en Espagne : en 510,
se produisent des incursions arabes accompagnées de pillage. En 711 Rodrigue est occupé au nord par les Basques, et Julien
accompagne lui-même l'armée arabe. Rodrigue est battu. Djebbel-Tarik, général arabe, a donné son nom à Gibraltar - il conquiert Tolède.
L'Espagne devient une province musulmane.
L'Église espagnole, inextricablement liés à l'État, avait longtemps persécuté les juifs, nombreux dans les villes. La population
juive de l'Espagne préférait le joug musulman à celui des chrétiens. De leur côté, les chrétiens peuvent pratiquer leur foi
moyennant le paiement de l'impôt. Beaucoup de chrétiens se réfugient en Galicie, au nord-ouest de l'Espagne. Il se donnent Pélage
comme roi : c'est la fondation du Royaume des Asturies, en 739. Alphonse Ier le catholique et un roi héréditaire.
Ce royaume sera le point de départ de la reconquête.
En 756, à Cordoue, capitale arabe de l'Espagne, nous voyons la fondation du califat des Omeyades, au sein duquel vivra la
chrétienté mozarabe - comme en Afrique, mais beaucoup plus importante. Les Arabes perdent Narbonne en 759, C’est le début du recul.
La reconquête durera des siècles.
- CHAPITRE IV -
LE ROYAUME FRANC
§ 1. — la Royauté mérovingienne.
Clovis (466 - 511) est le premier roi converti au christianisme (496) par sa femme Clotilde (494 - 545).
La loi salique est celle qui réglait la succession au trône dans le royaume franc. La loi salique instaura le partage du territoire
entre les fils. Sans cesse, il y aura des phénomènes de division et de réunification : ce furent des luttes fratricides et cela produisit
une situation très instable. Sous Clotaire (VIe siècle - il s'agit du mari de sainte Radegonde), il y eut une réunification. Au VIe
et au VIIe siècle, la royauté mérovingienne offre le tableau de luttes incessantes. À la mort du roi Dagobert, en 639, la puissance
royale ira s'effritant ; l'autorité passe aux Maires des Palais (rois « fainéants »). Ce fut dans cette période que vécut
saint Grégoire de Tours (qui rédigea l’Historia Francorum) et Saint Colomban (venu en Gaule vers 590, il fonda des monastères,
dont Luxeuil). Ebroïn fut Maire du Palais après la mort de Clovis II en 657. Sa femme Bathilde devint régente, avec trois fils :
Clotaire, Childéric et Thierry. La résistance contre Ebroïn sera menée par saint Léger, évêque d'Autun, qui sera considéré comme martyr.
Childéric II rassemble les trois royaumes. Ebroïn et saint Léger furent tous deux envoyés en exil à Luxeuil. Après diverses péripéties,
Ebroïn se fait assassiner. En 686, les seigneurs et évêques de Neustrie font appel à Pépin de Herstadt pour être Maire du Palais en
Neustrie, alors qu'il l’était déjà en Austrasie. Il meurt en 714. Son bâtard, Charles Martel (690 - 741) lui succède.
§ 2. — La victoire contre les Sarrasins - règne de Charles Martel.
Charles Martel unifia les trois royaumes et soumit l'Aquitaine, en descendant combattre les Arabes. Une première
fois, en 720, les Arabes prennent Narbonne. Le duc Eudes d'Aquitaine, allié avec Charles Martel, les combat. En 1631, l'émir
Abd-El-Rhamân traverse les Pyrénées, s'empare de Bordeaux et remonte jusqu'à Poitiers. En octobre 732, un peu au nord de Poitiers,
eut lieu la grande victoire de Charles Martel contre les Arabes. En 737, Charles Martel dut les combattre à Avignon. Les Sarrasins
seront définitivement chassés en 752, par son fils Pépin le Bref. Charles Martel étendit son influence au nord, pillant l'Église
pour récompenser les généraux.
L'apôtre des Allemands avait été saint Boniface ; il fut protégé par Charles Martel. Sous son règne,
ne se réunirent pas de conciles, ce qui est assez révélateur. Charles Martel n'avait guère envie de se faire reprocher ses exactions
envers l’Église. Comme un roi, Charles Martel partage en territoire entre ses deux fils : Carloman, qui abdique - en 750, il
partira au monastère du mont Cassin. Pépin, en 751 à Soissons, va se faire élire roi des Francs. Saint Boniface va lui conférer
l'onction de l’huile sainte, pratique reprise des empereurs byzantins. Quand le pape Étienne II viendra en France, il renouvellera
l'onction. Saint Boniface entreprendra la réforme de l'Église des Francs, en rassemblant des conciles qui rendirent les biens à
l'Église et restaurèrent des sièges métropolitains. En 747, saint Boniface devient archevêque de Mayence. Il repart en mission
et sera martyrisée en 754.
§ 3. — L'apparition du monachisme.
L'Occident a entendu parler du monachisme par Athanase, exilé à Trèves (336 - 337) et à Rome, en 339. En 460 Saint-Martin fonde Ligugé, et y reste une dizaine d'années ; ensuite il fonde Marmoutiers. Saint-Martin se déplaçait pour évangéliser les campagnes, et fonda des paroisses. Il est initié en même temps à la vie monastique. Les apophtegmes des Pères du Désert et des règles monastiques furent traduites en latin à cette époque. Vers 400, saint Honorat fonde Lérins. Vers 415 apparaît saint Jean Cassin ; il fonde deux monastères à Marseille. Du temps de saint Jérôme, au IVe siècle, furent fondés des monastères latins en Palestine. À Milan, en Afrique, en Espagne, se forment également des monastères. Notons l'existence des communautés épiscopales d'Augustin, qui ne fut pas le premier à en constituer. Nous pouvons également noter l'action de saint Paulin de Nole en Campanie.
- CHAPITRE V -
LA BRETAGNE
§ 1. — Implantation du Christianisme en Grande-Bretagne.
En fait, il s'agit de la Grande-Bretagne d'aujourd'hui. Bède le Vénérable est notre source principale.
D'après Lucius, le roi de Grande-Bretagne, en 156, aurait écrit à Eleuthère, pape de Rome, pour obtenir le baptême.
En fait, Eleuthère fut pape plus tard. En 208, Tertullien parle des chrétiens de Grande-Bretagne. Origène en parle également.
Le christianisme serait venu de Gaule, en 177, après la persécution de Lyon. En 314, au concile d'Arles, trois évêques bretons
sont présents. Il est historiquement prouvé qu'il existait une organisation diocésaine en Grande-Bretagne au IVe siècle.
Le premier martyr, Saint Alban (vers 304, sous la persécution de Dioclétien), se convertit en voyant la piété d'un prêtre
poursuivi par ses persécuteurs. Il va se déclarer chrétien. Il sera baptisé par le martyre lui-même.
En 306, Constantin est proclamé empereur à York. La tradition légendaire se réfèrera au passé impérial de l'Angleterre, pour
contester l'autorité du pape, par exemple (sous Henri VIII).
En 359, des évêques bretons siègent au concile de Rimini. Ils durent avoir recours à l'aide financière de l'Empereur. On sait
peu de choses sur cette période. Vers 396, Victricius, évêque de Rouen, est envoyé pour ramener la paix entre les évêques bretons.
Saint Martin reçoit et forme beaucoup de moines bretons. Ils évangélisaient l'Irlande, même avant Patrick.
Pélage est originaire d'Angleterre, il la quittera vers 380. Il fut combattu par Augustin et Jérôme. Ses doctrines
furent répandues en Angleterre au Ve siècle.
Saint Germain d'Auxerre (429) vint en Grande-Bretagne, afin de pacifier l'Église. Les Saxons et les Angles envahirent le pays,
et refoulèrent les chrétiens à l'ouest.
Saint Patrick (389 - 461) n'est pas irlandais, mais romano-breton. Capturé par des pirates vers seize ans, il resta six ans en
captivité en Irlande ; il parvint à fuir en Gaule. Il passa par Auxerre. Il revint évangéliser l'Irlande. Il obtint du roi
la tolérance pour les chrétiens. Il fonda des centres monastiques et Armagh, centre administratif et culturel de l'Église d'Irlande.
Puis vient la période de coupures.
Au VIe siècle, cette Église celtique sera tout-à-fait originale : elle fête Pâques à une date propre, et possède ses coutumes
locales. C'était un christianisme monacho-centriste. Tout était centré sur la personne de l’Abbé et du père spirituel.
La confession fréquente comme sacrement y est né : le sacrement de pénitence y est né en liaison avec la direction spirituelle.
L'esprit de pèlerinage se développe : on voyage beaucoup. Il s'agit de la recherche d'une cité spirituelle, comme le dit
l’épître aux Hébreux, au chapitre 13, verset 14 : «nous n'avons pas ici-bas de cité permanente, mais nous recherchons
celle de l'avenir». Le Royaume est une réalité intérieure.
§ 2. — Début de la rechristianisation de la Grande-Bretagne (577).
Du cinquième au VIIe siècle, l'Église celte était pratiquement coupée de l'extérieur. Saint Gildas nous en donne quelques renseignements. L'intervention personnelle du pape Grégoire le Grand fut à l'origine de la rechristianisation de ce pays. En 586 - 588, Grégoire, n'ont encore évêque, remarque des jeunes gens vendus comme esclaves sur le marché de Rome. Renseignements pris, ce sont des « Angles » - « non Angli sed Angeli » - de la province de Deira (cela permet de créer une étymologie symbolique : ces « Angles » sont censés être tirés de la colère de Dieu – de ira). Un dialogue eu lieu sur le forum. Grégoire va chez le pape, demandant l'envoi de missionnaires - ce qui ne lui est pas accordé. C'est Grégoire lui-même, devenu pape, qui dès le début de son pontificat en 490, organisera une mission vers l'Angleterre.
§ 3. — Augustin de Canterbury.
Grégoire envoie Augustin et quelques moines vers ce pays dont on ne savait rien. En 597, traverse
la Manche. Le roi du Kent Ethelburt les reçoit très courtoisement. Sa femme Berthe est chrétienne, car elle est la fille
d'un roi franc. Son aumônier est un évêque. Le roi se convertit à la Pentecôte de cette même année, suivi de ses sujets.
Augustin retourna à Arles se faire sacrer évêque, en cette même année. Augustin, à son retour, baptisera plus de dix mille Anglais.
Dans une de ces lettres, Grégoire compare Ethelburt et Berthe à Constantin et Hélène. C'est un argument qui sera repris
plus tard. Augustin a toujours besoin d'être encouragé par Grégoire. Il lui demande comment organiser le territoire.
Grégoire lui suggère de les diviser en deux provinces de douze diocèses chacune ; la province du sud de Londres comme centre -
et pour le Nord, York.
Grégoire s'adresse à son « frère dans l'épiscopat » Augustin. Il s'appelait, avec une totale sincérité
« servus servorum Dei - serviteur des serviteurs de Dieu ». Ce plan d'organisation a été petit à petit réalisé, bien plus tard.
Londres n'est pas dans le Kent, mais dans le Sussex. Londres s'est défendu contre la christianisation, et Augustin est
resté dans la capitale du Kent, Canterbury, qui a hérité du siège primatial. Augustin est mort en 604. York ne se convertira
qu'en 625. En ce qui concerne la primauté entre les deux provinces, Grégoire suggère que soit établie selon l'ancienneté dans
l'épiscopat des titulaires des sièges. En fin de compte, un concile décrétera que l'évêque d’York est « primat d'Angleterre »,
et celui de Canterbury « primat de toute l'Angleterre ». L'un est un tout petit peu plus primat que l'autre...
Dans les lettres de Grégoire, se trouve une allusion à la famille de l'évêque, en ce qui concerne les ressources. C'était
une des très rares informations sur les évêques mariés en Occident. Il n'y a pas un mot sur l'envoi éventuel de fonds à Rome.
Grégoire recommande de ne pas détruire les temples païens, mais de les transformer en église. Les noms des jours de la semaine
et de Pâques n'ont pas été remplacés par des appellations chrétiennes. Il recommande même de ne pas supprimer les sacrifices
d'animaux, mais bien de les inclure dans les fêtes. Il recommande d'emprunter dans toutes église tout usage liturgique qui
puisse convenir pour les Anglais - cela signifie l'existence d'une grande liberté liturgique.
Il fut un esprit d'une largeur
très étonnante pour l'époque. Grégoire montre toujours une préoccupation pastorale en vue du salut des fidèles, et ne procède
pas par injonctions autoritaires. Augustin demande à grégoire que faire, étant le seul évêque - Gregoire lui répond qu'il
admet qu'il consacre un évêque en l'absence d'autres évêques, si les distances sont trop grandes - quoiqu'il puisse faire
venir quelqu'un de Gaule, auquel cas il pourrait revenir à la norme.
À propos de l'inconduite de l'évêque d'Arles, il lui rappelle
qu'il n'a pas de juridiction sur les évêques de France, et ne peut agir que par la persuasion et l'exemple. La correction
fraternelle doit exister de par le bon exemple, et non par la coercition - comme cela est précisé dans l'épître aux corinthiens
de saint Clément de Rome, qui parle au nom de la Vérité et non de l'autorité. À propos des relevailles, Grégoire dit qu'après
la chute, la capacité de se multiplier a été « préservée » à l'homme - ce qui fait tomber toute cette théologie augustinienne
qui voit dans la sexualité une conséquence du péché originel. Grégoire dit même qu'il ne faut pas empêcher la femme
qui vient d'accoucher ou qui est dans ses règles, d'approcher du Sacrement, sauf s'il par respect elle veut s'abstenir.
C'est une opinion très nuancée, voyant dans le coeur et la volonté de l'homme, la racine du péché.
Grégoire conseilla à Augustin de s'unir avec les Celtes, afin de les rappeler à l'ordre - non pas romain - mais à celui de
toute la chrétienté. Augustin est bien sûr mal reçu par les Celtes, issus de leur sol, ennemis jurés des Angles qui les ont envahis.
La première rencontre lieu près de Bristol, au lieu-dit « Augustin’s hoke » - le chêne d'Augustin. Augustin leur demande
d'adopter l'usage baptismal, l'usage de la tonsure et le comput pascal (les Celtes avaient élaboré un comput propre).
Les Celtes ne se laissèrent pas convaincre par la guérison d’un aveugle, faite par Augustin. Une deuxième réunion échoue.
Mais Augustin réussit à convertir en sus du Kent, une partie de l’Essex, dont Londres. L'union avec les Celtes se fera beaucoup
plus tard, tant bien que mal. À la mort d’Ethelburt, le christianisme est menacé.
§ 4. — La christianisation de l'ensemble de l'Angleterre.
Edwin se convertit en 627 au christianisme, avec son royaume de Morthambrie, et devient suzerain
de toute l'Angleterre, ce qui inaugure une ère de paix et de sécurité. Le royaume s'étendra jusqu'à Édimbourg, qui porte son nom.
À la fin du VIIe siècle, toute l'Angleterre devient chrétienne.
Au VIe siècle, on trouve des remontrances d’évêques gaulois aux chrétiens d'Armorique, concernant le fait qu'ils célébraient sur
des autels portatifs, et se faisaient assister par des femmes dans la liturgie. Les Celtes considèrent les Romains comme des novateurs.
Saint Colomban proteste contre le comput romain, qui sera pourtant adopté en 631, après la venue à Rome d'une délégation
irlandaise. En 664, se tient le concile de Whitby, à propos de l'unité de la célébration pascale. Les Celtes se réclament
de leur tradition et de leurs Saints. Le roi Oswy de Northombrie intervient pour convaincre d'adopter le comput romain.
Les Gallois ne l'adopteront qu’en 755. Mais ce concile marquera pour l'histoire, l'unification du christianisme sous la
règle romaine.
Au VIIe siècle, se produisit la « peste jaune ». Après une longue vacance, le pape Vitalien consacre un grec de Tarse :
Théodore, pour le siège de Canterbury. Il arrive en 669. Il convoque en 673 un concile à Hartford, pour faire la réforme
canonique de l'Église d'Angleterre : établir les limites des diocèses et interdire l'immixtion dans les affaires des autres diocèses ;
ce concile interdit au clercs de se promener de diocèse en diocèse, et aux moines de changer de monastère sans autorisation.
Le concile rappelle également la nécessité de la réunion d'un concile périodique. En 680, a lieu le concile de Atfield,
où le symbole de Foi est dit avec filioque. Cette formule apparaît pour affirmer la consubstantialité du Fils avec le Père.
Wilfried, évêque d’York, est dépossédé de son diocèse par le roi. Théodore en appelle à Rome, et le roi considéra cet appel comme
une atteinte à son autorité. Théodore mourut très âgé ; il avait fondé une école où l'on enseignait les langues classiques.
Carfried y éduquera un moine : Bède le vénérable (673 - 735) - homme de savoir universel. Son oeuvre est encyclopédique. Il animait l'école d’York.
C'est de là qu’Alcuin apportera l'instruction en Françie, sous Charlemagne.
L'invasion des vikings se produisit à la fin du VIIIe siècle. En 870, seul le sud de l'Angleterre résistait à l'invasion.
Le pacte avec les Danois fut signé en 878, et aboutit à la division du pays. Du mélange de ces races sortira une nation nouvelle,
une fois que les Danois auront été christianisés.
- CHAPITRE VI -
L'ITALIE
§ 1. — Paul Ier (757 - 767).
La donation de territoires de la part de Pépin le Bref permit l'apparition du domaine pontifical. Cela
montre l'importance des relations existantes entre le pape et les rois francs - ce dernier est nommé Patrice des Romains, et est suzerain.
Lors de l'élection de Paul Ier, il se produisit une controverse sur les modalités de l'élection du pape. À partir du moment où ce dernier est à la fois évêque
de Rome et « Dux », il se trouve placé à la tête de l'exercitus (la classe militaire) et du corps ecclésiastique. L'exercitus
demanda à pouvoir participer à l'élection et à présenter des candidats pour le pontificat. À la mort de Paul Ier, le duc Toto (sic)
avait trois frères dont Constantin, qui va réussir à faire élire - contre Christophe, chef de l'administration ecclésiastique
de Rome (Patriarchium). Le duc avait à son appui le mécontentement de la population, soulevée par la dureté du pape Paul Ier.
Constantin est resté pape presque un an. Christophe, un autre frère, complotera avec les rois lombards contre le pape Constantin II.
Une troupe lombarde tua le duc, et Constantin II est arrêté. Les Lombards tentent de faire installer Philippe, un Lombard également.
Christophe se retourne, avec son fils Serge, contre les Lombards, et parvient à faire élire Étienne III, partisan soutenu par le parti
ecclésiastique. Cela entraîne la réunion d'un concile en 768, qui dépose et condamne Constantin et son entourage ; ils sont aveuglés.
Étienne III envoie Serge avec une ambassade auprès de Pépin pour lui apporter l'hommage du pape et lui demander d'envoyer des évêques
francs pour la réunion d'un concile. Pépin meurt ; Carloman et Charles reçoivent l'onction royale. En 769, les deux rois envoient à
Rome les évêques francs, avec Wilchaire, évêque de Sens et archevêque-primat des Gaules.
§ 2. — Le concile du Latran.
Le concile du Latran se réunit en 769, avec une cinquantaine d'évêques. On y brûle tous les actes du pontificat
de Constantin II. Le mode d'élection du pape est réformé : on ne pourra élire qu'un diacre ou un prêtre cardinal (« cardinal » signifie
le fait d'être attaché à certaines paroisses ou églises de Rome). L'idée était d'exclure les laïcs et les militaires de la candidature
à la papauté. L'exercitus rendra hommage après l'installation du pape. Le concile limite le corps électoral aux ecclésiastiques.
Cette réglementation se veut universelle. Les ordinations de Constantin II sont déclarées invalides, ce qui entraîne la ré-ordination
des personnes concernées. Ce concile du Latran prend position de façon très orthodoxe sur les icônes, s'appuyant sur le concile de
Nicée. Les négociations d’Étienne III avec les lombards se terminent par l'assassinat de Christophe et Serge : Étienne III rejette
l'échelle après s'en être servi...
Adrien Ier (772 - 775) est contemporain de Charlemagne. Dans ses rapports avec Charlemagne, s'élabora une image des
relations entre l'Église et l'État. Adrien est à la fois de la classe ecclésiastique et de l'exercitus. Son influence
est indiscutée.
- CHAPITRE VII -
CHARLEMAGNE : SA POLITIQUE
§ 1. — Charlemagne : sa politique territoriale.
Charlemagne est né en 742. En 771, Carloman meurt. Charles est seul roi. En 800, il est couronné Empereur par Léon III.
Mort en 814, il laisse l'Empire à Léon III le pieux.
Carloman règne sur l'Austrasie, la Bourgogne et la Provence. À sa mort, il laisse deux enfants en bas âge. Ses nobles demandent
à Charles de régner : il se retrouve ainsi à la tête de deux royaumes. Pendant 28 ans, il étendra son territoire.
Charles avait épousé la fille du roi Didier de Lombardie, en répudiant sa première femme. Il répudie aussi sa deuxième femme
et épouse Hildegarde, qui lui donnera quatre fils et cinq filles. Didier n'ose pas s'affronter à Charles ; il veut faire
donner par le pape Adrien Ier l’onction royale aux deux fils de Carloman. L'intrigue ne réussit pas, et Didier marche sur Rome.
Charles est en ce moment en campagne en Saxe. Finalement, il vient en Italie et assiège Pavie. Lors de la fête de Pâques de
l'an 754, il va à Rome. Il renouvelle la promesse de donation faite en 756. Didier se rend ; Charles le met dans un monastère -
et devient roi de Lombardie. Le territoire pontifical est également vassal du royaume franc. Toute l'Italie, sauf le sud byzantin,
devient donc sujet de la couronne franque. À chaque fois qu'il survient des intrigues lombardes, le pape est menacé, jusqu'à
ce que Charles revienne pour soumettre définitivement les Lombards, ce qu’il fit à Frioul. Au nord, Charles soumet la Saxe,
la Bavière (778), le royaume Avare (791), et la Pannonie (796). Les territoires nouveaux sont protégés par la vassalisation
des peuples avoisinants (constitution des « Marches », qui sont des états-tampon). Au sud-ouest, Charles intègre l'Aquitaine.
Il veut profiter des dissensions arabes en Espagne. En 798, il traverse les Pyrénées. Ce fut l'échec (bataille de Roncevaux,
mort de Roland). Une nouvelle expédition fut menée en 801, et aboutit à la prise de Barcelone, qui était le centre des Marches
d'Espagne. Tout ce très vaste territoire constitue l'Empire d'Occident. Le 25 décembre 800, Charles est le premier
« Saint Empereur Romain ».
§ 2. — Charlemagne : sa politique intérieure.
Charles organisa l’Empire avec beaucoup de soin : il exigea que les vassaux ainsi que tous les officiers de l'État prêtent un serment de fidélité. Les « Missi Dominici » sur une institution sur laquelle il fit reposer l'Empire. Il systématisa la législation, et l’exprima dans des Capitulaires élaborés par le Souverain et son Conseil. L'église joua un rôle de premier plan dans l'organisation de l'État carolingien. Le Conseil du roi comprend toujours l'archichapelain et le comte palatin - c'est-à-dire une présence laïque et ecclésiastique, tandis que la Chancellerie est aux mains des clercs. Cette dualité clercs - laïques se retrouva partout : dans les villes, on retrouve un comte et un évêque, tous deux représentants du souverain et inséparables. Il ne s'agit pas d'une « bicéphalité », car cette dualité est inséparable. Les Missi Dominici vont souvent par deux. Vers 800, l’Empire est divisé en « Missatica », sous la responsabilité de deux Missi : un laïque et un ecclésiastique, Missi permanents qui s'ajoutent aux itinérants. C'est une organisation complexe et efficace, dans laquelle il n'y a aucune séparation entre l'Église et l'État. Tout tient en la personne de Charles. Il réforme l'Église par conviction et non par accident, en vertu du fait que l'Église lui est confiée, lui-même étant à la tête de l'État. Il considère qu'il existe deux instances : Dieu et lui.
§ 3. — Charlemagne : la réforme de l'Église.
La réforme de l'Église se fera sur la base des « Collectio Dyonisanum » (par Denis le Petit - Collection des canons et décisions conciliaires). Charlemagne rétablit l'autorité épiscopale : il insiste sur la résidence de l'évêque dans son diocèse. Il exige que l'autorité de l'évêque puisse s’exercer sur les parois seigneuriales, ainsi que sur les monastères. Il rétablit progressivement les métropoles, disparues pendant les invasions, et l'archiépiscopat (le pallium symbolisant le lien avec le pape). Le métropolitain aura pratiquement autorité sur les diocèses. La désignation des évêques dans les diocèses est faite par le souverain. Charlemagne insiste sur l'instruction des clercs et sur leur tenue morale : la vie communautaire sera encouragée - vie qui se déroulera sous la règle augustinienne. Il unifia la liturgie et donna des instructions précises pour la prédication et pour la lutte contre les vestiges du paganisme.
- CHAPITRE VIII -
CHARLEMAGNE ET LA PAPAUTÉ
§ 1. — Le principe de gouvernement.
Le principe de base qui gouvernait les actions de Charlemagne est l'idée que l'Église lui avait été confiée
par Dieu, à lui, comme Empereur. Son attitude envers le pape était dictée par son idée du partage des responsabilités :
son rôle était de défendre l'Église du Christ ; celui du pape étant d'élever les mains comme Moïse, afin que les chrétiens
soient victorieux en tout lieu. Au roi revient donc le rôle de régir toute l'Église, au dehors et en dedans ; au pape
revient la prière et l'intecession pendant que le peuple chrétien combat, ayant le roi à sa tête.
Adrien et Léon furent contemporains de Charlemagne. Ce dernier a entretenu de bons rapports avec Adrien, dont il a pleuré
sincèrement la mort. Charles intervint dans le conflit entre Rome et Ravenne, pour une question de juridiction - conflit
qui se résolut au profit de Ravenne, sans pour autant altérer les bons rapports existants avec Adrien. Adrien trouva normal
d'écrire à Charlemagne pour se justifier auprès de lui d'accusations concernant l'administration des états pontificaux.
Charlemagne intervint dans le conflit adoptianniste. Adrien, en écrivant aux évêques espagnols, envoie un double de sa
lettre à Charlemagne. Les relations sont dans l'ensemble équilibrées, mais il existe une certaine soumission, même sur
d'importantes questions concernant la Foi.
Cela changera avec Léon III. Deux jours après la mort d'Adrien, Léon écrit à Charlemagne. Ce dernier considère de son
devoir de rappeler le pape à ses obligations. Le ton en est très significatif : c'est celui d'un maître admonestant son
subordonné - mais c'est aussi celui de quelqu'un qui croit profondément à ce qu'il dit : c'est bien plus qu'un simple geste
politique. En 799 – 800, a lieu le couronnement de Charlemagne.
Adrien était de naissance noble, il avait bénéficié de l'adhésion des deux classes : la noblesse et le clergé. Léon,
quant à lui, était de naissance pauvre, et s'opposa à la noblesse. Charlemagne éprouvait un sentiment d'égalité avec
Adrien - sentiment qu'il n'aura plus avec Léon.
§ 2. — Attentat contre Léon III.
Le 25 avril 799, se produisit un attentat contre Léon ; attaqué, il fut sauvé par quelques amis. Charlemagne, en réponse à l'appel à l'aide, ordonne ni plus ni moins qu'on lui amène le pape ! Charlemagne renvoie le pape à Rome, avec une forte escorte. Charlemagne et Léon III se sont rencontrés à Paderborn. Alcuin fut écarté de cette entrevue. Charlemagne prit au sérieux les accusations portées contre Léon : il s'agissait d'adultère et de parjure. Il voulut juger l'affaire en entier, alors qu’Alcuin lui recommandait de simplement juger les assaillants du pape comme des criminels. Alcuin était d'origine anglaise, et a tendance - comme les anglais de l'époque - à avoir un préjugé favorable envers l'évêque et le siège de Rome : Alcuin invoque le « Constitutum Sylvestri » et les actes du « concile » de Sinuesse, pour dire que pour juger le pape, il faut 72 témoins, et que le Siège apostolique juge tout le monde, mais n'est jugé par personne - textes souvent repris ensuite... Ce sont des textes proviennent les Apocryphes Symmaquins, fabriqués de toutes pièces par Denis le Petit, au IVe siècle. Finalement, le jugement est laissé personnellement à Charlemagne. Très vite après l'arrivée de Charlemagne à Rome, un synode se réunit. D'après le Liber Pontificalis, on rappelle à Charlemagne qu'on ne juge pas le pape. D'après les annales franques, les accusateurs se récusent. Le pape est contraint, à deux jours de Noël, à se juger publiquement lui-même, l'Évangile à la main, à Saint-Pierre - se disculpant des accusations.
§ 3. — Couronnement de Charlemagne.
Pendant la messe de Noël,
Charlemagne est couronné Empereur des Romains, et le pape se prosterne devant l'Empereur. C'est sans doute l'élément le
plus significatif de l'Histoire médiévale. Le couronnement fut certainement prémédité. Charlemagne ne feindra y avoir été
surpris et contraint par le pape, que parce que Byzance exprima son mécontentement devant le rétablissement de l'Empire d'Occident.
Léon III semble avoir été de caractère trop médiocre que pour avoir pris une telle initiative. En 800, le pape, en couronnant
l'Empereur, n'apparaît nullement comme effectuant une innovation, ni comme possédant un pouvoir de « faire » l'Empereur.
Depuis longtemps, le patriarche de Constantinople invoquait l'Esprit Saint sur l'empereur. Ce couronnement provoqua néanmoins
un incident diplomatique majeur. En fait, le rétablissement de l'Empire d'Occident n'était nullement une nouveauté, mais inquiéter
Byzance parce que ce titre était échu à un souverain politiquement puissant. Charlemagne n'a jamais voulu « gommer » Byzance.
Dans l'imagerie médiévale, on occultera complètement l'image du pape prosterné devant l'Empereur, au profit de celle de l'Empereur
agenouillé devant le pape. Mais cela est bien postérieur au IXe siècle. On ne peut nier la sincérité de Charlemagne
dans son dévouement à l'Église. Il prend très au sérieux ses responsabilités de monarque, dignité qu'il est conscient
de recevoir de Dieu. Sa très forte personnalité domine ceux qui avaient affaire à lui, et dans ce sens, on peut parler
de Césaropapisme. Il a sincèrement cru servir l'Église, et cela vaut aussi pour ses interventions dans le domaine théologique :
l'affaire de l'adoptianisme, la querelle iconoclaste, et la question du Filioque.
- CHAPITRE IX -
L'ADOPTIANISME ESPAGNOL
§ 1. — Le concile de Séville.
En 711, l'Espagne est conquise par les Arabes, sauf le royaume des Asturies et de la Marche d'Espagne, qui restent sous domination franque. La chrétienté mozarabe vit sur ses propres traditions, et est très traditionaliste. En 780, Adrien Ier investit Egila pour réformer l'Église d'Espagne et y supprimer les particularismes. Il se rend dans la région de Grenade, avec Mitegius, espagnol farouchement pro-romain. Ce dernier déclare que le Jésus historique, le fils de David, est la seconde Personne de la Sainte Trinité. Cela provoqua un scandale. Les mozarabes sont habitués à une terminologie autre, qui est celle de l'assumptus homo « homme assumé » - expression présente dans les textes liturgiques. Dans cette acception, l'homme Jésus est «adopté» par le Verbe ; dans sa Nature humaine, Jésus est le « Fils adoptif » de Dieu. Au concile de Séville, on condamne Mitegius. Élipan, évêque de Tolède, sera attaqué par deux moines du royaume des Asturies, l'accusant de néo-nestorianisme devant le pape. Il écrivit aux Espagnols, usant de l'argumentation patristique. Charlemagne appuie le pape, en convoquant plusieurs évêques espagnols à Ratisbonne : ils se rétractent. La querelle reprend : les évêques espagnols écrivent en accusant les Orthodoxes de modalisme. « Jésus est l'homme adopté par Dieu, le premier des fils adoptifs que nous deviendrons tous », dit Félix d’Urgèle.
§ 2. — Le concile de Francfort.
Charlemagne précise l'idée d'un grand concile d'Occident : ce sera le concile de Francfort, en 794, qui visera à « damer le pion » à l'Empire grec. Alcuin et saint Benoit d’Aniane y participent. Le concile statue sur l'unicité de la Personne du Fils, et cette documentation est envoyée en Espagne, dont les Compilations d’Alcuin, très partiales, et une lettre de Charlemagne. En 798, Léon III réunit un concile à Rome, et Félix est anathématisé ; il meurt à Lyon. Cette controverse a révélé la qualité d'intellectuels tels qu’Alcuin et Benoît d’Aniane, capables d'argumenter en se basant sur les Écritures et les Pères. Ce niveau intellectuel sera étouffé par le développement de la dialectique scolastique, faisant perdre le contact direct avec les Écritures et les Pères, perdant l'usage de la méditation sur les éléments mêmes de la Révélation, au profit de la dialectique scolaire.
- CHAPITRE X -
LA QUERELLE ICONOCLASTE
§ 1. — Relations entre Constantinople et la Cour franque.
Irène, la veuve de Léon IV, fils de Constantin copronyme, est régente pour son fils. Elle avait
entrepris des démarches auprès de la Cour franque, pour conclure un mariage entre son fils et l’une des filles de Charlemagne.
Depuis 769 (synode de Rome - pour effacer le pontificat de Constantin II et légitimer Étienne III - qui avait condamné le conseil
iconoclaste de 753 convoqués par le Copronyme à Ieria), Rome et Constantinople se trouvaient en état de schisme.
En 781, Irène envoie une ambassade auprès de Charlemagne pour ce motif, un an après la mort de son mari. Rotrude, fille de Charlemagne,
avait été instruite dans la langue grecque, et dans les usages de l'Église grecque. Après 781, nous assistons à la préparation
du concile de Nicée II - en relation avec le pape Adrien Ier, avec qui le patriarche Taraise renoue par lettre synodique, en 784.
Adrien accepte d'envoyer des représentants au concile en préparation, en échange de territoires pontificaux qui avaient été annexés.
§ 2. — Le concile de Nicée II.
En 787, se réunit le concile de Nicée II, après le concile manqué de Constantinople. Nous nous trouvons nulle part de traces d'acceptation formelle des actes de Nicée II. Adrien a fait un effort particulier pour que Charlemagne soit tout-à-fait tenu en dehors des affaires du concile - dont il ne prendra connaissance que par les Actes mal traduits qu'il recevra. On peut juger de leur mauvaise traduction par les citations que l'on trouve dans les livres Carolins.
§ 3. — Les Livres carolins et leur influence.
Vers 790 - 792, Charlemagne, aidé d’Alcuin qui lui fournira les arguments patristiques et scripturaires, émet les « Capitulari de Imaginibus » :
c'est le titre des « Livres carolins ». Charlemagne se place en juge entre les deux conciles : celui de Ieria et celui de Nicée II (783 et 787).
« Ieria a eu tort de vouloir faire détruire les images, et Nicée de vouloir les faire adorer ». Dans ces écrits, on se moque du fait
que le concile ait été présidé par une femme, et que les Pères qui y siégèrent eurent la naïveté de dire que l'Esprit procède du
Père seul. On y affirme également que l'on peut se sauver sans les images - mais si on les garde, il n'est pas question de leur offrir
un quelconque culte. Charlemagne n’accorde aux images qu'un rôle d'illustration.
Au XVIe siècle, les Livres carolins ont causé un grave problème aux catholiques en face des réformateurs, qui profitaient de
ces arguments contre les images – au point de faire douter aux catholiques de leur authenticité... Dans les Livres carolins, est posée
l'affirmation de la supériorité de Rome en matière de foi ; l'hostilité envers les Grecs y est très marquée. Trois ans avant la rédaction
de ces Capitulaires, s'était produite la rupture entre l'Orient et l'Occident, tandis que la guerre contre Byzance avait
repris en Italie. Jérusalem, Antioche et Alexandrie étant sous le joug arabe, seuls Rome et Constantinople continuent à détenir
un rôle politique.
§ 4. — Le Concile de Francfort.
Le concile de Francfort déroule ses préparatifs avec les légats du pape (794) - et ces derniers participent à la condamnation des « erreurs » de Nicée II. Charlemagne demandera à Adrien de ratifier le concile de Francfort et de rejeter celui de Nicée II. Adrien répond par une analyse des erreurs d'interprétation que Francfort a faites à propos de Nicée II, disant qu'il a reconnu Nicée II, sans le désavouer ni l’approuver. Il proposa Charlemagne de reconnaître Nicée II, sous condition de la restitution de la part de Constantinople, des territoires qui sont situés sur le sol italien. Mais l'affaire n'aboutit pas : Nicée II n'a jamais été reconnus officiellement par l'Occident. Les Livres carolins ont laissé plus de traces dans la conscience occidentale que les actes de Nicée II. L'Occident n'a pas intégré la théologie de l'icône, et ce faisant, a dévié vers ce que la Réforme ne pouvait pas ne pas dénoncer. Dans le cadre du règne de Charlemagne, cette problématique illustre bien la question complexe et nuancée des rapports existants entre le pape Adrien et Charlemagne.
- CHAPITRE XI -
LE FILIOQUE
§ 1. — Le troisième concile de Tolède.
Il semble que la formule du Filioque apparaisse pour la première fois au troisième concile de Tolède en 589, lorsque les Wisigoths d'Espagne adhérèrent à la Foi orthodoxe, d’Ariens qu'ils étaient. Le roi Récarède, dans sa profession de Foi, dit le : « l'Esprit procède du Père et du Fils, et Il est une seule substance avec le Père et le Fils ». L'intention est anti-arienne, insistant un tel point sur la plénitude de la divinité du Fils, qu'Il participe aussi au Saint-Esprit. C'est une très forte affirmation de l'unité divine. Le même concile prescrit de chanter le Credo de Nicée à la Messe - ce qu'en Occident, on ne faisait pas encore. Sans doute, ce texte du credo contient-il l’ajout « Filioque ». Cela contribue à faire connaître le Credo - dans sa forme interpolée - Credo que chacun pensera original. Pendant longtemps encore, Rome ne chantera pas le Credo à la Messe. En 556, Pélage premier, pape de Rome, envoie une profession de Foi à Childebert : il y est dit que l'Esprit-Saint qui intemporellement procède du Père, est l'Esprit du Père et du Fils. C'est la preuve de l'existence d'une réflexion théologique approfondie qui distingue la procession hypostatique du Père et la mission de l'Esprit. À cette époque, on ne pratiquait pas le symbole de Nicée-Constantinople dans la Liturgie de Rome. Saint Jérôme, saint Ambroise, saint Augustin (dans le « De Trinitate »), saint Cyrille d'Alexandrie, ont réfléchi sur les rapports existants entre le Fils et l'Esprit : la participation du Fils à la spiration de l'Esprit.
§ 2. — Citations scripturaires.
Voici quelques citations scripturaires où l'Esprit est l'Esprit du Fils :
Jean 16 ; 15 : « tout ce qu’a le Père est à Moi. Voilà pourquoi J'ai dit : c'est de mon bien qu'Il prendra pour vous en faire part ».
Galates 4 ; 6 : « Dieu a envoyé dans nos coeurs l'Esprit de son Fils qui crie : Abba, Père ! »
Romain 8 ; 9 : « Qui n'a pas l'Esprit du Christ ne Lui appartient pas ».
Philippiens 1 ; 19 : « je sais que cela servira à mon salut, grâce à vos prières et au secours de l'Esprit de Jésus-Christ
qui me sera fourni ».
Jean 14 ; 16 - 17 : « je prierai le Père et Il vous donnera un autre Paraclet, pour être avec vous à jamais, l'Esprit
de Vérité, que le monde ne peut recevoir ».
Jean 15 ; 26 : « quand viendra le Paraclet, que Je vous enverrai d'auprès du Père, l'Esprit de vérité, qui procède du Père,
Il Me rendra témoignage ».
Jean 16 ; 7 : « si Je ne pars pas, le paraclet ne viendra pas à vous ; mais si Je pars, Je vous L'enverrai ».
En 767, se tint le synode de Gentilly. Ce fut une discussion qui se déroula entre des Grecs iconoclastes
qui désiraient se faire soutenir par la royauté franque, et les Latins - au sujet de la Trinité et les images des saints.
Peut-être y a-t-on déjà traité de la question du Filioque.
§ 3. — Offensive contre les Grecs.
L'attaque explicite contre les Grecs apparaît dans les Livres Carolins. En 787, se produit la brouille
entre Irène et Charlemagne. Celui-ci affirme : « Taraise n’est pas orthodoxe, car il ne dit pas, selon l’enseignement du
concile de Nicée : l'Esprit qui procède du Père et du Fils, mais : … par le Fils ». Cela trahit un manque d'information
caractéristique - à la fois concernant le concile de Nicée, et la formule patristique classique : «... par le Fils ».
Adrien prend vigoureusement la défense des Grecs et du patriarche Taraise « qui n'a fait qu'emprunter les formules des
Pères anciens ». Il cite Saint Hilaire, Augustin, Léon et Grégoire le Grand.
Au concile de Cividale, qui se déroula en 796 au Frioul, nous trouvons une autre attaque contre la doctrine des « Grecs ».
Cette attaque se produisit dans un contexte de guerre ouverte entre les byzantins et l'Italie. Le Filioque y est défendu
comme une explicitation légitime du symbole de Constantinople, lui-même légitimement explicité à partir du symbole de Nicée.
C'est une argumentation exacte au point de vue méthodologique. Le filioque ne ferait, selon ce concile, que souligner la
consubstantialité des Personnes. Le concile soumet la question à Charlemagne, en le traitant pratiquement comme un juge suprême.
§ 4. — L'usage des moines du Mont des Oliviers.
Le patriarche Thomas de Jérusalem envoie deux moines en Francie, en 807 : ils arrivent à Aix, avec des représentants des autorités arabes dont Thomas depend. Les moines viennent du Mont des Oliviers, vieux monastère latin fondé par Rufin. Georges, Higoumène, est subjugué par la liturgie d’Aix. Il emporte en Terre sainte des livres liturgiques francs, et introduit les usages d'Aix au Mont des Oliviers - entre autres le chant du Credo. Les moines de saint Sabbas traitent les Francs d'hérétiques. Les moines du Mont des Oliviers prétendent que c'est l'usage de Rome - ce qui est inexact. On en réfère à Léon III, pape de Rome, en lui disant que Charlemagne pratique le Filioque. Charlemagne envoie une profession de Foi où, à deux reprises, il dit que l'Esprit procède du Père et du Fils.
§ 5. — Intervention de Charlemagne.
Charlemagne met ses théologiens au travail : en 809 le concile d'Aix justifie le Filioque, avec les arguments de Théodulfe d'Orléans. Charlemagne veut convaincre Rome d'insérer le Filioque dans le Credo. Il envoie trois évêques à Rome. Le pape ne veut pas insérer le filioque dans la liturgie, et demande qu'on le supprime en Francie. Les Francs refusent. Le pape demande que les Francs suppriment le chant du Credo à la messe. Les Francs n'obéissent toujours pas. Léon trois fait graver en latin le texte du Credo sans filioque à droite et à gauche de l'entrée de la crypte de Saint-Pierre de Rome. « Il le fait pour l'amour et la défense de la Foi orthodoxe » (Liber Pontificalis). Léon III avait une forte conviction dans ce domaine. En 812, la paix avec Constantinople est conclue. On enterre la question du Filioque.
- CHAPITRE XII -
SAINT PHOTIUS
§ 1. — Photius ou Ignace ?
Noble, très cultivé, haut fonctionnaire du palais, il devint patriarche en 858 - de laic qu’il était.
Grégoire Asbestas, archevêque de Syracuse, avait été déposé par Ignace (lui-même déposé par Michel III), prédécesseur de Photius.
Photius informe Nicolas Ier, pape de Rome, de son élection. L'empereur Michel III demande à Nicolas Ier d'envoyer des légats
pour un concile visant à traiter les derniers restes de l'iconoclasme. Le concile, avec les légats, reconnaît la légitimité
de Photius contre Ignace. Nicolas Ier refuse de confirmer l'action des légats. Il réunit ainsi un synode à Rome, qui
déclare Photius comme étant non canonique et ré-institue Ignace.
Constantinople reconnaît le droit d'appel à Rome - mais non pas le droit d'intervention du pape lorsqu'il n'y a pas appel.
Constantinople n'accepte pas l'ingérence de Nicolas Ier, car il s'agit d'une prétention nouvelle qui est fondée sur
les fausses décrétales - ensemble d’écrits apocryphes, composé vers 850. Il s'ensuit un schisme entre Rome et Constantinople.
§ 2. — La question bulgare.
En Bulgarie, le prince Boris fut baptisé en 865, par des missionnaires byzantins. Michel III est son parrain. Les rapports entre Boris et Byzance se gâtent, car Boris veut obtenir l'autocéphalie. Diplomatiquement, Rome ne dit pas « non » à cette requête. Les deux sièges ont des droits sur la Bulgarie, qui est à cheval sur les deux juridictions. Mais la partie Constantinopolitaine (la Thrace) est bien plus importante que la partie romaine (qui correspond à la Yougoslavie contemporaine). Nicolas Ier envoie des Francs comme missionnaires, et ceux-ci imposent le Filioque aux Bulgares.
§ 2. — L'Encyclique aux Patriarches orientaux.
En 867 Photius dénonce comme hérésie le Filioque, dans une encyclique aux patriarches orientaux. C'est la première
fois que le Filioque est dénoncé comme hérésie ; et il s'agit également du premier traité orthodoxe sur cette question.
Un concile est réuni à Constantinople (867), et décide de déposer et d'excommunier Nicolas Ier. Lors d'une révolution de palais,
Michel III est assassiné et remplacé par Basile II. Photius est chassé, et Ignace est rétabli, ce qui entraîne la réconciliation avec Rome.
En 869 – 870, un autre concile se réunit à Constantinople. Les occidentaux appellent ce concile le huitième concile oecuménique. Photius
y est excommunié. Les légats d'Adrien II sont obligés de reconnaître le retour de la Bulgarie sous la juridiction de Constantinople.
En 877, Ignace meurt, et Basile rappelle Photius. Jean VIII reconnaît Photius comme patriarche de Constantinople.
§ 3. — La réhabilitation de Photius.
En 872, se réunit un concile à Constantinople, avec la présence des légats romains. Photius est réhabilité ; les décisions et
condamnations de 869 sont annulées. Toute addition au Credo de Nicée est condamnée, ce qui exclut de facto le Filioque.
Dans le canon I, nous trouvons la promesse mutuelle de Jean VIII et de Photius de connaître les excommunications des deux
Églises, sans préjudice de la primauté romaine.
En 886, Léon VI devient Empereur et renvoie Photius qui se retire dans un monastère. Il y écrit son Traité sur le Saint Esprit,
où il dit que « certains Francs utilisent le Filioque ». Pour Photius, le Filioque est encore la doctrine des Francs,
et non pas des Latins.
- CHAPITRE XIII -
LA RENAISSANCE CAROLINGIENNE
§ 1. — Les grandes figures de ce mouvement de Renaissance.
La renaissance carolingienne est liée à une sorte de redécouverte de la culture classique.
Les écoles se sont développées lors du règne de Charlemagne, de par sa volonté de relever le niveau moral et intellectuel
- d'abord du clergé - afin qu'il connaisse au minimum la langue latine, la liturgie et les vérités de la Foi. Tout cela
demande une formation, qui sera reçue dans les écoles épiscopales qui sont alors réorganisées. La culture grecque et
latine avait subsisté en Grande-Bretagne. Jusqu'au VIIe siècle, elle avait été surtout conservée. Elle redevint ensuite
vivante (Bède le vénérable 675 - 735 fut un homme de culture encyclopédique ; il fut le grand-père spirituel d’Alcuin).
Charlemagne commença par amener à la cour des hommes d'Italie : Pierre de Pise - son précepteur personnel, grammairien
ramené après les campagnes de Lombardie ; Paul diacre, moine du mont Cassin, historien qui a écrit la grande Chronique
des Lombards et une Histoire romaine. Il compose aussi un homiliaire : ce type de livre est un élément
important de la culture médiévale et contient des oeuvres des pères très largement interpolées, ce qui en fit des éléments
d’anti-culture patristique en Occident. Paulin d’Aquilée - venu en 776 à la cour, ami d’Alcuin, auteur d'un malencontreux
traité sur le Filioque - fut un grammairien qui s'est mis à la théologie sur le tard.
§ 2. — Alcuin et autres personnages.
Né vers 730, Alcuin (+ 804) provient de l'école épiscopale d’York - lieu où la culture s'est conservée.
Il fut l'élève de disciples de Bède le Vénérable. Il dirigea l'école d’York à partir de 767. Il exécuta des missions pour
Charlemagne. Après 793, Alcuin se fixe à Saint-Martin de Tours dont il devint l'Abbé en 796. Il est resté diacre toute sa vie.
Homme de vaste culture, il enseignait à l'école palatine et y instaure le système du Trivium et du Quadrivium -
système qui restera en place pendant tout le Moyen Âge. Le Trivium comprenait la grammaire, la rhétorique et la dialectique.
Il s'agissait de l'étude du langage. Le Quadrivium comprenait l'arithmétique, la géométrie, la musique et l'astronomie.
C'est l'étude des disciplines scientifiques. Ce fut Cassiodore (+ 580) qui le premier répartit les disciplines de la sorte.
Dungal, moine à Saint-Denis vers 784, devint un intime de la famille de Charlemagne.
Théodulfe d'Orléans (750 - 1121), Goth espagnol d’origine, devint archevêque vers 800. Après la mort d'Alcuin, il
deviendra le principal théologien de la dynastie carolingienne. Il a aussi écrit un Traité du Saint Esprit favorable au Filioque.
Il a développé les écoles paroissiales dans le diocèse d'Orléans. Il intrigua et fut déposé ; il mourut en disgrâce.
§ 3. — Les grandes institutions.
L'Académie palatine était une école qui existait déjà sous Pépin. On cherchait à y former
l'aristocratie franque. La Cour de l'époque était socialement très diversifiée ; elle était constituée de l'ensemble des
gens de la maisonnée royale. Dans cette école, le programme d'Alcuin sera appliqué strictement.
Dans l'Empire, les écoles épiscopales et les écoles monastiques reçoivent la responsabilité de l'enseignement ;
ils y sont incités par des capitulaires très précis.
L'Abbaye de Fulda est située à l'est d'Aix. Elle fut fondée en 744. Saint Boniface qui est enterré ; c'est un lieu
de pèlerinage. Elle devint un grand centre de culture, la capitale intellectuele de l'Allemagne future.
L'Abbaye de Saint-Gall se dressait sur la rive sud du lac de Genève. Il s'y constitua une importante collection de manuscrits.
Citons encore l'abbaye de Reichenau.
Raban Maur (784 - 866) fut abbé de Fulda. C'était un exégète qui reprit la pratique des Commentaires de l'Écriture occidentaux.
Valafried Strabon (808 - 849) fut disciple de Raban Maur. Il vécut à Aix en 829 - 838. Abbé de Reichenau, il écrivit la Glose ordinaire,
qui fut la base de la scolastique future. C'est l'un des points de rétrécissement de la littérature patristique en Occident (en ce sens
que l'on ne connaîtra ni ne citera les Pères - dans la majorité des cas - qu'au-travers de ces ouvrages de systématisation).
À Liège, Scedulius Scotius arrive d'Irlande ; il connaissait le grec.
Lyon fut un centre important de culture depuis le IXe siècle. Ledrad et son successeur Agobar furent des polémistes
qui s'opposèrent à Amaler (évêque vicaire qui le remplaça lors de sa disgrâce). Ce dernier développait un symbolisme
très précis sur le fractionnement en trois de l’hostie. Dans son traité « De Ecclesiasticiis Oficiis » (801), il distingua entre :
- la première parcelle, qui symbolise le Corps historique du Christ,
- la deuxième parcelle, qui symbolise son Corps mystique, l'ensemble des chrétiens vivants : c’est la fraction de
l’hostie à laquelle le clergé communie - (conception qui est une semence de cléricalisme) ;
- la troisième parcelle, qui symbolise le troisième Corps : l'ensemble des défunts.
Agobar et son diacre Florus dénoncèrent cette théorie, qui fut condamnée. Cette théorie n'est cependant jamais disparue.
La signification attachée à la troisième parcelle fut sans doute le point de départ de la réflexion postérieure sur le purgatoire.
Citons les centres monastiques de Ferrières en Gâtinais, de Jumièges, de Saint Wandrille, de Saint Vaast, et Corby.
Pascase Radbert fut Abbé de Corby en 803 et Rathran y fut moine.
Citons également les écoles cathédrales de Reims, d’Orléans, de Metz et de Laon, avec une influence irlandaise.
§ 4. — Jean Scot Érigène.
Jean Scot Érigène (810 - 877) est venu en 855 à l'école palatine, à laquelle il donna une nouvelle impulsion.
Il connaissait très bien le Grec, et traduisit Denis l'Aréopagite en latin. Grâce à lui, l'oeuvre de Denys vivra en Occident.
Au XIVe siècle, les grands mystiques anglais (et notamment l'auteur du « Nuage de l’Inconnaissance ») étaient nourris de Denys,
par la traduction de Jean. Il traduisit les « Ambigua » de saint Maxime, et le « Discours sur la Création de l'homme » de saint
Grégoire de Nysse. Il composa son « De Divisione Natura » qui donne un schéma néoplatonicien de toute la connaissance.
Il s'agit d'un cycle qui va de Dieu à Dieu. Il présente quatre types de Nature :
1) la Nature incréée créante : Dieu ;
2) la Nature créée créante : le monde des causes primordiales (les « logoï » de saint Maxime) ;
3) la Nature créée non créante : l'homme comme microcosme ;
4) la Nature qui ne crée pas et n'est pas créée : c'est le retour à Dieu qui se fait dans la contemplation l'amour,
et non pas par le déterminisme.
En 1210, Jean Scot Érigène sera condamné à Paris, et en 1225 il sera également condamné à Sens, par le pape Honorius III,
pour panthéisme. Jean Scot Érigène écrivit aussi le « De Praedestinatione ».
Note complémentaire sur Scot Érigène :
Né en Irlande, où s'était réfugiée, depuis l'évêque Théodore de Cantorbéry, l'étude des Lettres grecques et latines,
Scot Érigène fut invité par Hincmar en 845 à Paris, pour soutenir contre Gottschalk qu'il ne saurait y avoir qu'une seule
prédestination : celle des bons. Scot Érigène enseigna à l'École palatine, au sein de la Cour brillante et cultivée
de Charles le Chauve ; il traduisit les œuvres de Denis l'Aréopagite et de Maxime le Confesseur - dont les manuscrits
avaient été envoyés à Charles le Chauve, en 827, par l'Empereur de Constantinople, Michel le Bègue. Scot Érigène écrivit,
aux environs de 867, le De Praedestinatione, pour établir que nous ne sommes pas prédestinés par Dieu péché,
contrairement à ce qu'avait soutenu Gottschalk.
Pour réfuter ce dernier, Scot Érigène fait appel à l'autorité des Pères, mais aussi à la raison qui, à son gré, mérite
le premier rang, car on ne peut user de l'autorité que pour aller à la Vérité. Son traité est une exposition du dogme suivant
les règles de la dialectique : la division, la définition, la démonstration et l'analyse - et cette méthode trouve sa justification
dans le fait que la vraie philosophie est la vraie religion sont des termes convertibles. Il semble donc que, pour l'Érigène,
la foi ne soit acceptable que dans la mesure où elle est justifiée par la raison. Cependant, le rôle de la raison se réduit
à l'interprétation d'un double symbolisme, ce que Scot développe dans son ouvrage De Divisione Naturae.
L'essence de Dieu est inconnaissable, non seulement pour nous, mais en soi, parce qu'elle transcende toute catégorie, parce
que Dieu est superessentiel. Dieu ne peut se révéler à nous que par des manifestations, proportionnée à l'infirmité de notre
entendement, donnant lieu à un double langage : celui que Dieu parle directement à l'homme par le moyen des Écritures,
et celui qu'il parle indirectement à nos sens par le truchement de la nature. Ce double langage, en égard à notre faiblesse,
nécessairement symbolique : un symbole, par son côté sensible et concret, est directement accessible à des esprits comme la
nôtre, dont l'activité est liée à celle des sens corporels ; par ailleurs, il enveloppe une réalité intelligible qu'il est
loisible de découvrir sous la figure qu'il nous propose.
La droite raison a seule qualité pour déchiffrer le langage figuré
de l'Écriture et le symbolisme de la nature : pour nous dire ce qu'il faut entendre par les comparaisons qu'institue
la Bible entre Dieu et le soleil, le tonnerre, le cèdre et l'hysope, ou pour nous permettre de découvrir, dans le miroir
de la nature, la Trinité qui s'y reflète. Tout ce que nous devons croire aux fins de notre salut est contenu dans l'Écriture :
elle est la seule autorité valable en la matière, et cette autorité est sans appel. Mais c'était la raison qu'il revient
de donner un sens précis à ce que nous devons croire en interprétant le sens caché de l'Écriture. Sa juridiction s'étend
à tout le donné révélé : elle se définit alors comme une interprétation rationnelle de la foi ; et c'est en ce sens que la
vraie philosophie s'identifie avec la vraie religion.
La philosophie de Scott Érigène fut mal accueillie. La nouveauté et l'incertitude de sa terminologie néoplatonicienne
le firent prendre pour un panthéiste. Son interprétation rationnelle du symbolisme scripturaire s'exerce sans critérium
ni règles fixes d'herméneutique pour distinguer ce qui, dans l'Écriture, doit être pris au sens littéral ou au figuré.
Ce zélé défenseur de l'orthodoxie finit par en être la victime. Prudence de Troyes, le diacre Florus et Saint Rémi de Lyon
dénoncèrent l'incapacité de Scot en matière de foi et déplorèrent que la raison et la philosophie fussent substituées par
lui aux Livres saints et aux Pères. Au XIIe siècle, le pape Honorius II maudit le De Divisione Naturae où pullulent
les vers de l'hérésie. L'opprobre porté sur sa doctrine en déconsidéra la méthode pour longtemps.
Louis Rougier. Histoire d’une faillite philosophique : la Scolastique. Éd. J.J. Pauvert 1966. p. 52 – 56.
- CHAPITRE XIV -
LA QUERELLE EUCHARISTIQUE DU IXe SIÈCLE
§ 1. — Paschase Radbert.
Paschase Radbert (785 - 860) écrivit « De Corpore et Sanguine Domini ». Paschase Radbert est
un moine de Corby. Il en est élu abbé en 844. Il est en relation avec Charles le Chauve. Dans son traité, il incorpore un
certain nombre de récits de miracles liés à l'eucharistie. Ceux-ci comprennent des détails qui poussent la pensée
dans un sens « matérialiste », dans une vision charnelle du Mystère. C'est le premier traité systématique sur le
mystère eucharistique.
La présence du Christ dans l'Eucharistie est la réalité du Corps du Christ historique, un tel point
que le sacrifice devient une sorte de répétition du calvaire. C'est sur le chemin de la négation du caractère unique de la
Passion du Christ : ce traité décrit un caractère « charnel » de la présence du Christ sur l'autel. Il se contente de dire
que le mode de présence et spirituel, sans davantage préciser. Il utilise le réalisme eucharistique de Saint Ambroise.
§ 2. — Raban Maur.
Raban Maur, abbé de Fulda et archevêque de Mayence, réagit contre cet excès en insistant sur le caractère spirituel de la présence du Christ, sans laisser de place à la réalité objective de la Présence. Ni les uns, ni les autres, n’ont suffisamment défini ce qu'il entendait par « spirituel ». Raban donnera des arguments à Zwingle et Calvin, bien plus tard.
§ 3. — Gottschalk.
Paschase est attaqué par Gottschalck (805 - 868) d'une façon encore plus violente. Ce dernier rejette
absolument toute idée de répétition du Calvaire, comme toute identité absolue entre le corps eucharistique et historique.
Dans des éléments se trouve une virtus de divinité - réalité objective dans les éléments. Il part de l'unité entre le
Christ et les éléments, comme de l'union hypostatique des deux Natures dans le Christ.
Charles le Chauve est au centre de la dispute. Rathram reprend la position de Gottschalk, il insiste sur le fait que l'Eucharistie
est « spirituellement » le Corps du Christ. Là aussi, on ne sait ce qu'il entend par « spirituellement ».
Au XVIe siècle, spirituel signifiera immatériel - le terme ayant perdu sa relation avec le Spiritus - le Saint Esprit.
Rathram insiste sur la réalité de la Présence.
Au IXe siècle, tout le monde croit à la réalité des Universaux. À cette époque, la conviction de l'existence d'une réalité
ne dépend pas de sa perception par les sens. Au Xe siècle, la controverse reprendra. À l'opposé de ses détracteurs, Paschase
sera retenu comme la base de la théologie eucharistique en Occident.
- CHAPITRE XV -
LA DISLOCATION DE L'EMPIRE APRÈS CHARLEMAGNE
§ 1. — La mort de Charlemagne.
En 811, trois ans avant la mort de Charlemagne, il ne restait que Louis comme fils légitime.
En 813, Charlemagne associe Louis à la direction de l'Empire : il le fait venir à Aix et lui tint une longue exhortation,
dans l'église, sur les responsabilités et devoirs du gouvernement. Il le dirigea vers l'autel, sur lequel il y avait une couronne,
il lui dit de SE la mettre sur la tête. On est Empereur par la volonté de Dieu, mais le clergé - présent - ne participe pas
à la cérémonie. Louis se couronne lui-même.
Charlemagne meurt le 28 janvier 814. Au XVIIe siècle, l'université française (la Sorbonne) reprit le patronat de Charlemagne -
quoiqu'il fut canonisé par un antipape.
§ 2. — Louis le débonnaire.
Louis de Pieux - surnommé le débonnaire - né en 778, meurt en 840. Sous son règne, les velléités de pouvoir des
autorités ecclésiastiques franques vont se faire jour.
Le pape Léon III meurt en 816, peu de temps après Charlemagne. Étienne IV lui succède, sans attendre la permission de Louis pour
le consacrer - le mettant devant le fait accompli. Étienne prêtera serment à l'Empereur, mais par le peuple de Rome tout entier.
Étienne va en Francie et rencontre Louis à Reims - il le couronne empereur à l'issue de leur rencontre. Il s'agit en fait
d'un re-couronnement fait par le pape. Étienne IV meurt le 24 janvier 867.
Le 25 janvier, Pascal Ier est élu et est consacré le lendemain : on va vite pour ne pas devoir demander d'autorisation.
Sous son pontificat, on écrit la Charte du « privilège du roi Louis ». C'est le premier document mettant par écrit ce qu’est
l'État pontifical. L'empereur renonce à son pouvoir, dans l'enceinte des États pontificaux, sauf en certains cas d'appel.
Il y a une rupture de l'équilibre entre les pouvoirs, dans cette forme d'exemption du droit impérial.
§ 3. — Division de l'Empire.
En 817, se produisit la première division de l'Empire. L'empire fut divisé entre les trois frères, avec droit de primauté
accordée à Lothaire. Lothaire, fils de Louis (qui est l'aîné) est associé à l'Empire, comme Louis le fut. Lothaire acquiert
ainsi un droit de primauté sur ses deux frères : Pépin (qui meurt tôt) et Louis (le germanique). L'idée nouvelle de l'unité
de l'Empire limite ainsi la divisio imperii traditionnelle - au nom de l'Empire. C'est l'embryon de la doctrine
de l’«Empereur élu» par les Princes palatins. Le principe franc de la succession héréditaire se profile au loin.
Le pape couronne Lothaire à Rome en 1123. La constitution impériale, en 824, rétablit l'obligation de prêter serment à
l'empereur avant la consécration du pape ; il donne le droit d'élection, non plus au seul clergé, mais à tout le peuple romain.
Louis se remarie avec Judith. Il perd son conseiller, Benoît d’Aniane. Une dissension se produit entre les trois fils de
Louis - entre eux et contre son père. En 843, le Traité de Verdun consacre la dislocation de l'Empire carolingien
et la montée de la papauté.
- Louis le Germanique : il règne sur ce qui sera le futur Empire Romain Germanique. Il est né en 804 ; hérite en 817 ; meurt en 876.
- Lothaire : il règne sur le Lotharingie. C'est le fils de la première femme de Louis. Il est né en 795 ; associé en 813 ; devient
Empereur en 840 ; meurt en 855. Il hérite de la Francie médiane, et donne son nom à la Lorraine.
- Charles II le Chauve ; c'est le fils de Judith. Il est né en 823 ; roi de Francie occidentale en 843 ; devient Empereur en 875 ; meurt en 877.
§ 4. — La montée en puissance de la papauté.
Avec la disparition de la forte personnalité de l'Empereur, montera un autre type d'Empire : la papauté. De puissantes personnalités (Léon IV 847 – 855 ; Nicolas Ier 858 - 867) ont engrangé le pouvoir, jusqu'à la réforme grégorienne du XIe siècle (Grégoire VII). L'effacement de l'Empire facilitera les invasions. Le Xème siècle est une période dont nous n'avons plus guère de documents. Beaucoup a été détruit à cette période.
- CHAPITRE XVI -
LA CONTROVERSE PRÉDESTINATIENNE
§ 1. — Les quatre thèses de Gottschalk.
La controverse prédestinatienne reprend toute la problématique augustino-pélagienne. Gottschalck
(805 - 868) est le fils du Comte de Saxe. Enfant, il devint oblat à Fulda vers 822. Raban Maur, abbé du monastère, le tonsure.
Gottschalck se lie d'amitié avec Wallafried Strabon, futur abbé de Reichenau, et avec Servatus Lupus, futur abbé de Ferrières en Gâtinais.
Parvenir à l'âge adulte, Gottschalck proteste contre son monachisme forcé. Le concile de Mayence, en 829, lui donne raison
et le libère de sa tonsure. Raban Maur proteste, et la dispense est annulée. Gottschalck est assigné à résidence dans le
monastère d’Orbay, dans le diocèse de Soissons. Il y est ordonné prêtre par le chorévêque de Soissons, sans que l'Ordinaire
soit mis au courant.
Vers 840, Gottschalck s’en va en pèlerinage à Rome. En chemin, il prêche un augustinisme extrêmement rigide. À Vérone,
sa prédication inquiète l'évêque du lieu qui envoie une demande d'information à Raban Maur. Maur envoie un mémoire sur la
prédestination, et déplace le débat sur la question de la prescience divine.
- Gottschalck prêche une double prédestination : au salut et à la damnation. C'est la première des quatre thèses qu'il soutient.
- La seconde thèse est l'absence totale de liberté humaine, qui a été perdue par le péché originel : l'homme n'est plus libre
que de faire le mal.
- La troisième thèse affirme que Dieu ne veut pas le salut de tous les hommes.
- Et enfin la quatrième thèse affirme que le Christ n'est pas mort pour tous, mais seulement pour les élus prédestinés au salut.
Gottschalck est obligé de fuir l'Italie. Il part chez les Slaves - peut-être en Bulgarie. Après 842, il revient à Fulda,
car Raban Maur - devenu archevêque de Mayence – n’y est plus.
§ 2. — Cruelles sanctions contre Gottschalk.
En octobre 848, Raban Maur fait accuser Gottschalck à un plaid tenu à Mayence. On l'accuse d'être un moine vagabond et de
prêcher des doctrines hérétiques. Les évêques s'inquiètent de conséquences pratiques de ces doctrines : le désespoir ou
l'insouciance. Gottschalck est contesté par les autorités tant civiles qu’ecclésiastiques. Gottschalck et ses partisans de
Fulda sont sommés de se rétracter, ce qu'il refuse. Ils sont fouettés publiquement pour désobéissance - comme moines.
Gottschalck est renvoyé à Orbay.
Hincmar, archevêque de Reims, fait étendre la controverse en provoquant la réunion d'un concile convoqué par Charles le chauve,
à Quierzy sur Oise, en 849. Parmi tous ceux qui participèrent à ce concile, nous trouvons Paschase Radbert. Gottschalck
présente sa Confession de Foi et refuse de la discuter. Il est déposé de la prêtrise et, à coups de fouet, on le force à
brûler sa Confession de Foi. Il est enfermé dans un couvent, où il restera jusqu'à la fin de sa vie.
§ 3. — Polémiques à propos de la prédestination.
Hincmar rédige une réfutation, où il défend la part du libre-arbitre humain. Ratram compose un traité « De praedestinatione »,
où il réfute Hincmar et soutient Gottschalck. Hincmar se tourne vers Prudence de Troyes et Servalon. Tous deux, en 849, prennent
le parti de Gottschalck.
Charles le Chauve demande à Servalon de reprendre la doctrine augustinienne. À partir de la notion
de « massa damnata », Servalon fait décoller la doctrine d'Augustin. Hincmar se tourne vers Jean Scot Érigène qui a, lui
aussi, écrit un « De praedestinatione », et, dans ce texte, se sert de la Dialectique : Dieu étant simple, on ne peut parler
de double prédestination. Dans son traité (851) il témoigne d'un augustinisme modéré. Il fait scandale par sa méthode d'étude ;
on l'accuse de rationalisme. Prudence de Troyes répond, en refusant la méthode de la dialectique, et en rétorquant à
coups de citations augustiniennes.
L'Église de Lyon reprend la thèse de Prudence de Troyes, laissant Gottschalck de côté,
en affirmant : par la Chute, l'homme perd toute liberté pour le bien, il ne peut être sauvé que par la grâce - accusant par
là-même Jean Scot Érigène de semi-pélagianisme. C'est la doctrine occidentale qui « chosifie » la grâce.
§ 4. — Le synode de Soissons.
Hincmar alimente
la controverse avec l'Église de Lyon. Son évêque Rémy produit le « Liber de tribus epistolis » « Livre des trois épîtres ».
Ce texte s'efforce de revenir à un Augustinisme purifié, écartant les pseudépigraphes. En 853, se tient le Synode de Soissons.
Prudence de Troyes et Servalon y participent. Charles le chauve transporte une partie de l'assemblée à Quierzy et
y a d'abord quatre Capitula où Hincmar résume sa doctrine :
– prédestination pour les élus ;
– prescience pour ceux qui demeurent dans la « massa damnata » ;
– dans la « massa damnata », Dieu choisit les élus par sa prescience, selon leurs mérites futurs ;
– la liberté est perdue mais est rendue par la grâce ;
– Dieu veut le salut de tous et le Christ a souffert pour tous les hommes.
§ 5. — Le concile de Valence.
L'Église de Lyon réagit contre ces thèses; en 855, Lothaire réunit un concile à Valence. Il se sent en continuité avec
Saint Césaire d'Arles et le concile d'Orange (529) qui avait résolu la question de l'augustinisme. Le concile émet des canons qui :
- admettent la double prédestination, à cause de la prescience des fautes des réprouvés ;
- affirment que le salut n'est destiné qu'à ceux dont Jésus-Christ a dit : « quiconque croit en moi a la vie éternelle » ;
- que la rédemption est pour tous les baptisés ;
- que le libre-arbitre ne peut rien sans la grâce, Source du mérite et non l'inverse.
Les canons de ce concile furent confirmés et modifiés par Nicolas Ier.
Hincmar rédige un deuxième traité contre les décisions de Valence, rappelant Querzy. Enée est élu au siège de Paris. Il
accepte de signer quatre articles de foi, contre Hincmar. Dans son troisième traité sur la prédestination, Hincmar fait référence
à Jean Chrysostome, et par là ouvre une brèche dans l'impasse.
§ 6. — Un problème toujours en suspens.
En 860, on parvient à un accord affirmant plus ou moins l'universalité de la Rédemption - c'est le fondement de la position
future de l'Église catholique. Nicolas Ier essaie de régler le problème personnel de Gottschalk. Hincmar essaie de le faire
abjurer pour pouvoir lui donner la Communion. Gottschalk refuse et meurt vers 868.
La question de la prédestination est un problème complexe en Occident. Le problème mit cent ans à se résoudre du temps d'Augustin ;
il reprit au neuvième et au seizième, tout en n'étant toujours pas résolu.
- CHAPITRE XVII -
LE DROIT CANONIQUE AU IXème SIÈCLE
§ 1. — L'usage pénitentiel.
Dans la période carolingienne, sous Louis le Pieux, se produit une réaction dans le domaine pénitentiel.
La pénitence publique avait décliné au sixième siècle. En Irlande au cinquième siècle, s'était développée une pratique
pénitentielle « privée » : il s'agissait d'un dialogue se déroulant avec son père spirituel, et développant un système de pénitences et
de mortifications de toutes sortes. Cette pratique s'étend aussi sur le continent au sixième et septième siècle. Sous Charlemagne,
seuls les pénitentiels anglo-saxons sont connus en Francie.
Par la suite, on reproche à ces livres les trois points suivants :
– les pénitences y sont imprécises, variant d'un pénitentiel à l'autre ;
– les « compensations » se généralisent, qui remplacent les mortifications par des prières, des aumônes, etc.
– l'autorité de ces livres est imprécise.
On tenta de revenir à l'ancienne pénitence publique, et de réglementer la pénitence privée : « à faute publique – pénitence
publique – à faute privée, pénitence privée ». Le principe de compensation ne va pas disparaître, et c'est de là d'où naîtra
la pratique des indulgences.
§ 2. — Les faux Isidoriens.
Le nom de ces écrits provient d'Isidore Mercator, désignant Isidore de Séville (Ve - VIe s.). Le plan de ce recueil de «canons» est calqué sur la Dyonisiana (Denis le Petit) et sur l'Hispana (Isidore de Séville). Il s'agit de recueils canoniques connus en Occident à l'époque. On y trouve des lettres de papes anciens, anté-nicéens (il s'agit d'un faux intégral). On y trouve des canons des quatre premiers conciles et de conciles locaux (la base est authentique mais interpolée), et enfin des lettres de papes (de Sylvestre Ier à Grégoire III) : 35 fausses et d'autres corrigées. Le tout tend à montrer les conséquences juridiques de la primauté romaine.
§ 3. — Les faux Capitulaires.
Ces « Capitulaires » furent compilés soi-disant par Benoît, diacre de Mayence, sous les ordres d'Odgar,
son évêque, prétendant faire suite aux Capitulaires d'Anségise - authentiques, ceux-là (prétendant rapporter des canons
de Charlemagne et de Louis le Pieux). Un quart des Capitulaires de Benoît sont authentiques, mais falsifiés, et trois quarts
sont faux.
Le but est de défendre l'Église contre les pouvoirs laïques, qui menacent l'Église dans son patrimoine. Le patrimoine
de l'Église y est déclaré « sacré ». Les clercs sont mis à l'abri d'obligations dites incompatibles avec l'état consacré,
notamment le service militaire. D'après cet écrit, un clerc ne peut être jugé que par des ecclésiastiques. Toutes les
choses requises pour le juger mettent le clerc à l'abri de toute poursuite juridique. On en arrivera plus tard à condamner
en Angleterre, au XVe siècle, un clerc coupable de meurtre caractérisé, à huit jours de pain et d'eau ! C'est une pierre
d'attente de la future Réforme…
Dans ce texte, il est dit que le clerc peut faire appel à Rome, et pour les causes majeures (qui impliquent un évêque),
seule la papauté était sensée être apte à trancher. Les évêques échappent donc même aux cours ecclésiastique. Jamais auparavant
la juridiction papale n'avait été poussée aussi loin.
Ces textes s'emploient à défendre, au départ, l'autorité des évêques diocésains contre - d'une part, les chorévêques - et
d'autre part les métropolitains. Dans l'Empire franc, les évêques voyaient leur autorité érodée des deux côtés.
Ces textes ramènent l'autorité du métropolitain à l'ancien « primus inter pares » du Synode. Mais tous les abus de pouvoir
reprochés aux métropolitains sont transférés à la papauté, qui est plus lointaine. Mais plus tard, le résultat sera de
réduire l'évêque local à l'état de préfet de l'autorité romaine.
§ 4. — La provenance de ces documents.
Ces faux furent composés vers 850 dans le Royaume de Charles le Chauve, peut-être au Mans.
Ils furent apportés à Rome en 864. Nicolas Ier semble les accepter comme authentiques : en 865 il y fait référence,
en s'adressant aux évêques de France, et dans sa controverse avec Photius. Adrien Ier s'en inspire également, plus tard.
Ces documents furent acceptés en Gaule, puis en Italie. Au XIe siècle, les « faux isidoriens » entrent dans le droit
canon de la Curie romaine ; ils sont « canonisés » par les décrets de Gratien. Au Xe siècle, le silence régne à ce sujet :
les archives sont absentes ; tout a été détruit. Au XIe siècle, on voit les décisions romaines s'en inspirer. Ce ne sera
qu'au XVIe siècle qu'on démontrera leur fausseté : la conscience a baigné pendant sept siècles dans une conception fausse - il
en est resté quelque chose dans la conscience occidentale ; on a ensuite cherché des justifications ailleurs.
- CHAPITRE XVIII -
LA DIALECTIQUE
§ 1. — Le morcellement féodal.
À partir du milieu du neuvième siècle, l'Église va tomber dans les mains des laïques, petit à petit, ceux-ci
faisant élire et nommer qui ils veulent. Les trois fils de Louis le Pieux se partagent l'Empire, et le démantèlement de la
puissance politique va mener au morcellement féodal. La féodalité mettra les clercs en position de soumission, tandis que
les évêques et les abbés seront considérés en tant que vassaux. Le bas-clergé sera pratiquement en condition servile.
La papauté n'y échappe pas.
En 962, l'empire est rétabli par Othon Ier. L'idéal de l'unité est poursuivi par la pensée médiévale. Les rivalités entre des papes
impériaux et romains vont s'affirmer (c'est le phénomène des anti-papes). Cet état de choses se poursuivra jusqu'à Grégoire VII,
dont la réforme tendra à affranchir l'Église.
Le Xe siècle est marqué par les pillages des incursions normandes. On conserve néanmoins un mouvement de pensée :
la réforme et la renaissance du monachisme s'opèrent. En 910, Odon fonde Cluny. Les centres de Reims, Corby, Saint-Germain-des-Prés,
Auxerre... subsistent cependant.La question des rapports entre les dogmes et les Arts libéraux commencent à se poser,
surtout avec la réforme monastique. LeTrivium forme le cadre d'apprentissage, avec les disciplines de la grammaire,
de la rhétorique et de la dialectique. Il s'agit de l'étude des formes du langage, par l'explication des auteurs anciens de
la littérature païenne. L'utilisation de ces auteurs rencontrera des réticences et des oppositions, surtout de la
part du milieu monastique. On étudie les auteurs suivants : Virgile, Horace et Juvénal - pour la forme poétique ;
Cicéron et Salluste - pour la prose. Uniquement les auteurs latins sont utilisés. On utilise aussi des florilèges patristiques.
§ 2. — L'influence de la philosophie aristotélicienne.
La Dialectique est aristotélicienne : c'est la logique, le syllogisme, l'art de discuter. Le syllogisme dialectique tire ses conclusions de prémices simplement vraisemblables. La science et la démonstration partent de prémices vraies. La logique dialectique est une méthode, et non pas un en-soi. Elle apprend à apprendre. Mais de méthode, la Dialectique deviendra la connaissance elle-même. Elle devient la fin, et non plus le moyen. Cassiodore (VIe siècle - Les 7 arts libéraux) dit : « la Dialectique est la science des choses divines et humaines, l'Art des arts ».
§ 3. — Le contexte historique.
Béranger de Tours, disciple de Fulbert de Chartres (960 – 1029), lui-même disciple de Gerbert d'Aurillac (938 - devenu pape sous le nom de Sylvestre II en 999, + 1003), qui avait étudié les mathématiques en Espagne - science arabe - devint en 983 abbé de Bobbio. En 992, il est écolâtre à Reims. Il eut une activité politique auprès de Hugues Capet. En 991, il devient archevêque de Reims, par le fait de la déposition d'Arnould, son prédécesseur, par un concile local. Jean XV conteste la déposition, ce qui est mis en doute par Gerbert. En 996, il va Rome ; en 997 Grégoire V confirme la déposition de Gerbert, ne reconnaissant pas son intronisation. Othon le fait nommer archevêque de Ravenne. L'année suivante, en 999 il devint pape sous le nom de Sylvestre II. Le premier protagoniste du gallicanisme va être le plus grand défenseur des droits du siège de Rome : il rétablit Arnould ! Sylvestre II est un grand savant - il construisit un globe céleste et divers instruments scientifiques. Il introduisit les chiffres arabes dans l'usage latin. Il tenta une synthèse de Platon et Aristote.
§ 4. — Les sources de la Dialectique.
Les sources de la dialectique sont l'Isagogè de Porphyre (un commentaire des Catégories
d'Aristote) et les commentaires de Boèce sur celle-ci - qui constituèrent la base d'une réflexion philosophique en tant
que recherche indépendante de la foi, réflexion humaine parallèle à la Révélation. On aboutira à une dissection des
opérations de l'esprit, ce qui sera un terrain favorable pour les querelles eucharistiques du XIe siècle.
Béranger de Tours (999 – 1088) se réclamera au départ de Rathram - et ses adversaires, de Paschase Radbert. Gerbert écrivit
un traité dans lequel il défendit Paschase, s'efforçant de le mettre plus ou moins en accord avec Rathram - tous deux
admettant une « présence mystique ». Cette nouvelle querelle eucharistique ne se base plus sur la tradition ecclésiastique,
mais sur les exigences du langage et de la raison. C'est un accent très différent du mode de pensée qui était auparavant
en usage.
Note complémentaire sur les sources de la Dialectique :
On possédait, sous forme d'ouvrages variés, l'équivalent de l'Organon d'Aristote, sauf les Seconds Analytiques.
Abélard inventorie en ces termes les richesses de son époque : « pour ce qui est de la Dialectique, toute l'éloquence
latine est contenue dans sept ouvrages et trois auteurs. Les latins ne connaissent, en effet, que deux livres d'Aristote,
les Prédicaments et l'Interprétation ; un de Porphyre, qui en explique les cinq voies : le gens, l'espèce,
la différence, le propre et l'accident - sert d'introduction à l'étude des Prédicaments. Puis nous nous servons
des quatre livres de Boèce sur les divisions, les topiques et les syllogismes - soit catégoriques, soit hypothétiques ».
On sait, en effet, comment Boèce, qui avait appris le grec à Athènes, désirant, dans les temps malheureux où il vivait (480 – 524),
rétablir à Rome le culte des lettres et des sciences, c'était voué à la tâche de traduire en latin tout Platon et tout Aristote,
de les commenter et d'établir leur accord fondamental sur les grands problèmes philosophiques. De ce programme, il ne put
réaliser qu'une faible partie. Nous ne possédons plus que sa traduction de l'Hermeneia accompagnée de deux commentaires ;
sa traduction des Catégories accompagnée d'un commentaire qui semble n'être que la paraphrase latine d'un traité en partie
perdu de Porphyre ; puis une série de traités spéciaux sur le syllogisme catégorique et hypothétique, la division, les différences
topiques d'Aristote et de Cicéron.
Ces traités, dont Alcuin et Raban parlent nommément au neuvième siècle, constituaient un manuel complet de logique
aristotélicienne. C'est par Boèce que le Moyen Âge a appris à disserter sur les cinq « universaux », sur les « topiques »,
et à former les syllogismes selon les règles d'Aristote.
Que les Docteurs de la Haute Scolastique aient été instruits des principes de la logique aristotélicienne constitue un fait
du plus notable intérêt. Grâce à Aristote, révélé par Boèce, ils croyaient posséder le mécanisme de la démonstration, savoir
à quelles conditions devait être assujetti un raisonnement, pour être tenu pour valable. De là procédera la méthode
scolastique, où l'art de la division, de la définition, de la déduction syllogistique - est poussé à son suprême abus.
Louis Rougier. Op. cit. p. 48 – 50.