Quels sont les objectifs que nous nous proposons d'atteindre ?
Nous avons en main les deux « clefs » que nous a donné le Prologue.
Avec la première - désignant le Nom divin - nous allons nous aventurer dans l'Évangile de Jean, à la recherche du Nom.
Celui-ci nous donnera le pivot du texte évangélique, point à partir duquel nous pourrons commencer nos recherches.
Avec la deuxième clef - la symétrie des textes johanniques - nous analyserons la péricope au sein de laquelle se trouve le Nom
divin, et nous en découvrirons sa structure, qui met en relief sa signification.
Quand Dieu révèle-t-il son Nom, dans l’Évangile de Jean ?
Lorsque Jésus parle à la Samaritaine, et qu’elle dit : « je sais que le Messie, celui qu’on nomme Christ, doit venir. Quand
il viendra, il nous annoncera tout » (Jn 4 ; 25) – il lui répond (v. 26) :
JE SUIS, celui qui te parle
À ce moment précis, les disciples arrivent, et le Christ se tait… Nous verrons ultérieurement l’importance
de ce passage, et la raison de son emplacement à cet endroit du texte. Notons pour le moment que le Christ dévoile explicitement
sa divinité en s’appliquant à lui-même le Nom divin. Mais il ne le fait pas encore devant ses disciples et moins encore
devant le peuple d’Israël.
Pour trouver le premier dévoilement de la divinité fait par le Christ au sein du peuple d’Israël, en s’appliquant le Nom
divin, il nous faut aller plus loin dans le texte.
Au chapitre 6, nous lisons l’épisode du Christ marchant sur la mer de Galilée. Généralement, nous n’apportons guère d’intérêt à
ce récit, car il nous paraît n’être qu’un miracle gratuit. Le symbolisme de la traversée de la mer ne nous est plus familier.
L’idée que nous avons de Dieu ne correspond pas particulièrement à la notion d’une force puissante qui nous aurait « fait traverser
la mer à pied sec ».
Cet épisode figure dans les Évangiles de Marc (6 ; 45 – 56) et de Matthieu (14 ; 22 – 36). Matthieu est le seul évangéliste
qui nous rapporte l’épisode de l’apôtre Pierre qui s’élance pour marcher sur les eaux, lui aussi, qui eut peur, qui commença
à enfoncer dans les flots, qui s’écrie : « Seigneur, sauve-moi ! » et s’attire la réponse du Christ : « homme de peu de foi,
pourquoi as-tu douté » (Mt. 14 ; 27 – 31).
L’épisode de la traversée du lac de Tibériade est remarquablement concis. Il tient en quelques versets (chapitre 6, versets 16 à 21) :
6; 16 Le soir venu, ses disciples descendirent au bord de la mer
17a et, montant en barque, allèrent de l’autre côté de la mer, vers Capharnaüm.
17b Il faisait déjà nuit, et Jésus ne les avait pas encore rejoints.
18 Le vent soufflait avec force, la mer se soulevait.
19 Ils avaient ramé environ 25 ou 30 stades quand ils voient Jésus marchant sur la mer et s’approchant de la barque,
et ils eurent peur.
20 Mais il leur dit : JE SUIS, n’ayez pas peur.
21a Ils allaient le prendre dans la barque,
21b mais la barque aussitôt toucha terre au lieu où ils se rendaient.
Première partie :
6; 16 et 17a Le soir venu, ses disciples descendirent au bord de la mer et, montant en BARQUE, allèrent de l’autre côté de la mer, vers Capharnaüm.
v. 16a : il y a d'abord une expression introductive : « le soir venu », - puis se déroule le récit du départ : « ses disciples descendirent au bord de la mer, (v. 17) et, montant en BARQUE, ils se dirigèrent vers Capharnaüm, sur l’autre rive ».
Dernière partie :
Ils allaient le prendre dans la BARQUE, mais la BARQUE aussitôt toucha terre au lieu où ils se rendaient.
le récit se termine par le verset 21b, avec le récit de l’arrivée : « aussitôt vint la BARQUE sur
la terre vers laquelle ils allaient ».
La symétrie de ces deux versets est indiquée par le mot ploion, BARQUE et par le sens lui-même :
d’un côté, ils partent, et de l’autre ils accostent.
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Deuxième partie :
Il faisait déjà nuit, et Jésus ne les avait pas encore rejoints.
Le verset 17b montre l’absence du Christ, marquée par l’obscurité.
Avant-dernière partie :
Ce verset 17b contraste avec le verset 19, qui montre le Christ qui marche sur la mer et approche de la barque :
Ils avaient ramé environ 25 ou 30 stades quand ils voient Jésus marchant sur la mer et s’approchant de la barque, et ils eurent peur. Mais il leur dit : JE SUIS, ne craignez pas.
Dans la dernière partie du récit, nous lisons que les disciples veulent le prendre à bord, mais ils ne le peuvent : au moment précis où ils l’auraient fait,
ils touchent au rivage.
Le récit est assez étrange : on a l’impression que la barque continue d’avancer toute seule pendant
que les disciples regardent le Christ marchant sur les eaux, et qu’elle talonne les rochers ou le sable du rivage du lac de
Tibériade, au moment précis où le Christ atteint l’embarcation. Ne s’étaient-ils pas aperçus qu’ils étaient à deux pas du rivage ?
Pour le saint Evangéliste Jean, il n’est pas question de montrer Jésus montant dans la barque : ce serait un grave contre-sens
théologique. La barque figure l’Église, dans laquelle prennent place les disciples, bien sûr. Le Christ n’a pas à entrer dans
l’Église ! Il la constitue : l’Église est son Corps mystique dont il est la Tête. C’est le Christ lui-même qui est la barque.
Lorsque le vaisseau de l’Église touche au Royaume, lors de la fin des temps, le Christ se trouve sur le rivage mystique, et
accueille ceux qui sont les siens. Tout cela est très bien décrit par le verset 21, où nous voyons la barque toucher terre
au moment précis où les disciples s’apprêtent à prendre le Christ à bord, sans qu’ils parviennent à le faire.
Il s’agit là d’une volonté délibérée de l’Evangéliste Jean : Marc montre explicitement le Christ qui monte dans la barque :
Et il monta auprès d’eux dans la barque, et le vent s’abattit. Et ils étaient très stupéfaits en eux-mêmes ;
car ils ne s’étaient pas rendus compte à propos des pains, ou plutôt leur cœur était endurci.
Marc. 6 ; 51, 52.
Saint Matthieu donne une version plus complète, avec le doute de l’Apôtre Pierre ; il montre le Christ et l’Apôtre Pierre montant dans la barque :
Et aussitôt [après la multiplication des pains] il contraignit les disciles à monter dans la barque et à la précéder
sur l'autre rive, jusqu'à ce qu'il congédie les foules. Et ayant congédié les foules, il monta vers la montagne pour prier. Le soir venu,
il était là, seul. La barque était déjà éloignée [à une distance de] nombreux stades, loin de la terre. Elle était tourmentée par les vagues,
le vent étant contraire. À la quatrième veille de la nuit, il arriva vers eux en marchant sur la mer. Les disciples le voyant marcher sur
la mer, furent troublés disant qu'il est un fantôme et crièrent, apeurés. Aussitôt, Jésus leur parla, en disant : Ayez confiance, JE SUIS,
ne craignez pas. En lui répondant, Pierre dit : Seigneur, si c'est toi, ordonne-moi d'aller auprès de toi sur les eaux. Celui-ci dit : Viens.
Et descendant de la barque, Pierre marcha sur les eaux et alla près de Jésus. Voyant la force du vent, il eut peur et, ayant commencé à
s'enfoncer, il s'écria : Seigneur, sauve-moi. Aussitôt Jésus, étendant la main, le saisit, et lui dit : homme de peu de foi [oligopiste],
pourquoi as-tu douté ? Et quant ils furent montés dans la barque, le vent se calma. Ceux qui étaient dans la barque se prosternèrent devant lui
en disant : en vérité, tu es le Fils de Dieu.
Matthieu. 14 ; 22 - 33.
Jean ne mentionne pas le calme soudain de la mer. Cet élément ne cadre pas avec l’exposé théologique
qu’il veut nous donner.
Le Christ dit aux Disciples : mè phobeisthe - ne craignez pas ! Dans l’Ancien Testament, innombrables sont les allusions
à la crainte, l’effroi et la peur. Mais deux passages du prophète Isaïe – où se trouvent de si nombreuses et explicites prophéties
messianiques - attirent notre attention :
C'est ce dernier verset que le Christ donne comme réponse – en une forme plus développée - aux envoyés de Jean, qui demandaient au Christ s’ils devaient en attendre un autre :
Les aveugles voient et les boiteux marchent, les lépreux sont guéris et les sourds entendent, les morts
ressuscitent (Isaïe 26; 19 : « les morts revivront, leurs cadavres ressusciteront ; réveillez-vous, exultez, tous les gisants
dans la poussière, car ta rosée est une rosée lumineuse et le pays des ombres enfantera ») et la Bonne Nouvelle et annoncée
aux pauvres (Isaïe 29 ; 18 – 19 : « alors les sourds, ce jour-là, entendront les paroles d’un livre et, délivrés de l’ombre
et des ténèbres, les yeux des aveugles verront. Mais les humbles se réjouiront encore dans le Seigneur et les plus pauvres
exulteront dans le Saint d’Israël») ; et heureux celui pour qui je ne serai pas une occasion de chute !
Matthieu. 11 ; 2-6.
La prophétie d’Isaïe au chapitre 35, v. 4 et 5, montre en le Christ « notre Dieu », qui rend le
jugement - krisin - et vient nous sauver. Il rend le jugement, car, devant lui, nous devons nous situer – avec lui ou
contre lui : « qui est de Dieu entend les paroles de Dieu ; si vous n’entendez pas, c’est que vous n’êtes pas de Dieu »
(Jn. 8 ; 47) et : « si vous étiez des aveugles, vous seriez sans péché ; mais vous dites : nous voyons ! Votre péché demeure »
(Jn. 9 ; 41). Devant la Croix, balance de justice, nous nous situons avec ou contre le Christ. Désormais,
la neutralité est impossible.
Les versets suivants de la prophétie disent ceci :
Car de l’eau jaillira dans le désert,
des torrents dans la steppe,
la terre brûlée deviendra un étang
et le pays de la soif se changera en sources.
Isaïe 35 ; 6 – 7.
La prophétie désigne à la fois l’eau du Jourdain lors de la Théophanie, en relation avec le message
du Baptiste et la révélation du Christ - et le discours du Christ au Temple, au dernier jour de la fête, où le Christ se désigne
lui-même comme la Source d’eau vive, telle qu’elle avait été annoncée par lui à la Samaritaine (Jn. 4 ; 10).
Cette eau est aussi l’eau primordiale de la Création, sur laquelle plane l’Esprit. L’iconographie montre le Christ plaçant
les astres dans le ciel, et façonnant l’homme à partir de la glaise. Pourtant, dans le Symbole de Foi, nous désignons le Père
comme « Créateur du Ciel et de la terre ». Qui est créateur ?
La Personne du Père est Source de tout ce qui est créé et incréé. A cet égard, le Père est Créateur. Mais il crée PAR le Fils,
DANS l'Esprit.
- DANS l'Esprit, car l'Esprit plane au-dessus des eaux primordiales ; l'Esprit anime à chaque instant la création qui, sans
la motion de l'Esprit, retournerait immédiatement au néant.
- Il créa PAR le Christ, car c’est le Christ qui agit selon la volonté du Père. Le Christ lui-même reprend ce geste créateur
lorsqu’il guérit l’aveugle avec de la boue, et l’envoie à la piscine de Siloé.
Poursuivons encore notre lecture de la prophétie d’Isaïe :
Il y aura là une route pure
qu’on appellera la voie sacrée ;
aucun impur n’y passera
les insensés n’y passeront pas.
Isaïe 35 ; 8.
La prophétie désigne la mission du Précurseur, qui devait préparer les voies du Seigneur – et c’est
précisément une prophétie d’Isaïe que cite saint Jean-Baptiste (Is. 40 ; 3) : « Aplanissez le chemin du Seigneur ».
Le deuxième passage d’Isaïe qui attire notre attention est celui-ci : Is. 40 ; 9. Il suit la prophétie citée par saint Jean-Baptiste,
que nous venons de citer.
Ce qui nous fait penser à ce qui est écrit dans l’Evangile de Luc : « Il a retrouvé (la brebis perdue),
il la met, tout joyeux, sur ses épaules, etc… » Lc. 15 ; 5 et sq).
Dans le premier passage cité, Isaïe disait : « ne craignez pas, voyez, c’est notre Dieu » (35 ; 4) ; ici : « ne craignez pas,
voici votre Dieu ». Le Christ dit à ses disciples, en approchant de la barque : « JE SUIS », c’est-à-dire : reconnaissez que
je suis Dieu ! - « ne craignez pas », c’est-à-dire : écoutez le prophète Isaïe qui affirme que je suis Dieu !
Quelle est cette crainte ? C’est la frayeur qu’éprouvèrent Adam et Eve, cet « homme global » - figure de l’humanité tout entière,
lorsque Dieu se promenait dans le jardin à la tombée du jour. L’appel divin retentit : « Où es-tu ? » et Adam répondit :
J’ai entendu ton pas dans le jardin ; j’ai eu peur parce que je suis nu et je me suis caché.
Genèse. 3 ; 9 – 10.
Le triomphe sur la peur originelle est décrit dans le psaume 33 :
Je bénirai le Seigneur en tout temps
sa louange sera sans cesse en ma bouche (…)
Je cherche le Seigneur, il me répond
et de toutes mes frayeurs il me délivre.
Qui regarde vers lui resplendira,
et sur son visage point de honte.
Quand le pauvre crie vers lui, Dieu l’écoute,
et de toutes ses angoisse il le sauve.
Psaume 33, 1 - 6.
Cette peur est surmontée. Le Christ en tant que Créateur (comme nous venons de le voir, ce rôle ne
concurrence en rien le titre de Créateur que possède le Père) a accompli la nouvelle Création, l’a recommencée depuis les
origines, l’a récapitulée.
Cette récapitulation apparaît non seulement lorsque le Christ surmonte l’échec adamique, mais surtout quand il marcha sur les eaux.
Il accomplit cette marche sur les eaux précisément comme l'Esprit plana au-dessus des eaux primordiales, car le Christ est un
« autre Paraclet » : « je prierai le Père, et il vous enverra un autre Paraclet » (Jn. 14 ; 16).
Le Christ est authentiquement Paraclet, comme le dit saint Jean en sa première épître : « nous avons comme Paraclet auprès du
Père Jésus-Christ, le Juste » :
L’Esprit est Paraclet : « Le Paraclet, l'Esprit-Saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera
tout (Jn. 14 ; 26).
Il s’agit des deux mains de Consolation au moyen desquelles le Père agit en la Création. L’épître aux Hébreux nous montre cette
réciprocité Christ / Esprit dans ce verset : « Le sang du Christ qui, par un Esprit éternel, s’est offert lui-même sans
tache à Dieu (désignation du Père – voir par exemple Actes 2 ; 32 : « Dieu l’a ressuscité, ce Jésus ») purifiera notre conscience
des œuvres mortes pour que nous rendions un culte au Dieu vivant » (Hb. 9 ; 14).
Dans l’épisode de la marche sur les eaux, nous voyons le Christ faire à l’époque de la Rédemption ce que l'Esprit fit à l’époque de
la Création, pour nous faire comprendre que la Rédemption n’est autre qu’une nouvelle Création, la Création récapitulée.
Partie centrale :
18 Le vent soufflait avec force, la mer se soulevait.
Il s’agit du vent de l’Exode : « Moïse étendit sa main sur la mer. Le Seigneur refoula la mer toute la nuit par un fort vent d’Est et il la mit à sec » (Ex. 14 ; 21). Le Christ est le nouveau Moïse, ou plutôt Celui dont Moïse était la préfiguration, Celui qui conduit son peuple du pays de la mort au Royaume de la Résurrection, passant par la nuit.
À l’aube des temps,
l'Esprit plana sur les eaux.
C’est le Christ qui marche sur la mer,
à l’heure de la Rédemption.
À la tombée du jour,
dans le jardin paradisiaque,
Adam s’effraya entendant les pas de Dieu.
Le soir venu,
dans la barque de l’Église
les disciples s’entendent dire : ne craignez pas !
Dieu révèle son Nom à Moïse au Buisson ;
Le Christ affirme JE SUIS à ses disciples.
Moïse conduisit son peuple sur l’autre rive,
la mer étant repoussée par un grand vent,
loin de la servitude,
au pays de la liberté.
Le Christ fit traverser la mer à ses disciples,
lorsque le vent soufflait avec force,
loin du pays de la mort,
dans le Royaume où règne la Vie éternelle.
Nous pouvons mettre en parallèle la traversée de la mer de Galilée, avec la traversée de la mer Rouge par
le peuple élu mené par Moïse :
- Moïse et le peuple traverse à pied sec ;
- Moïse guide le peuple qui s'engage avec lui dans la traversée de la mer.
- Le Christ laisse les disciples partir seuls en avant,
- puis Il va vers eux, en marchant sur l'eau.
Il fait nuit : il n'y a pas de lumière ; le vent souffle avec force et la mer se soulève : ce vent n'est pas maîtrisé, et
s'avère même dangereux. Pourquoi ? parce que le Christ n'est pas encore avec eux : Jésus ne les avait pas encore rejoints.
La progression des disciples sur l'eau est difficile ; ils ont peur, mais le seul Nom du Christ les calme - ils accostent : tout
péril est chassé.
Le vent de l'Esprit souffle lorsqu'ils sont dans la barque, mais les disciples ne savent pas comment naviguer avec lui.
C'est le Nom du Christ et son apparition qui résout toutes choses.
D'autre part, pourquoi marcher sur l'eau, et non la fendre, ou tout simplement apparaître ? Le Christ est fait homme et
donc Il marche : du fait de son Incarnation, Il évolue en adoptant la façon normale de progresser, pour un être humain.
Mais aussi, le Christ marche sur les eaux, comme l'Esprit planant au-dessus des eaux dans la Genèse.
Enfin, il prononce son Nom : en tant que Dieu fait homme, en tant que Souffle-agent créateur, et Verbe-Dieu créateur, en
tant que Personne de la Trinité sainte, Il offre ainsi Lui-même une Nouvelle Création à l'homme, en et par son Nom.
C'est le mystère trinitaire qui est ici mis en avant.
Dans l'Évangile de Marc (Mc. 4 ; 35 - 41 Jésus « dort sur un coussin », dans la barque. C'est d'ailleurs le seul endroit
de l'Évangile où nous voyons Jésus dormir ! - et 6 ; 45 - 52). Là, Jésus « contraint - ènankasen » ses disciples à monter
dans la barque.
Jésus monte dans la barque et le vent s'apaise : sa présence seule est harmonie et permet aux disciples de pouvoir naviguer.
Le souffle est maîtrisé et pleinement, justement actif en eux. Tout est à sa place, une fois le Christ avec eux :
la barque qu'est l'Église ne peut naviguer qu'avec le Christ en son sein. Quand Il s'y trouve, l'Esprit agit pleinement
et justement.
En conclusion, c'est la stupéfaction des disciples « car ils ne s'étaient pas rendu compte à propos des pains ; leur
cœur s'était endurci ». Il n'avait pas compris le mystère, et surtout la grâce qui opérait par le Christ lors de la
multiplication des pains. À fortiori, ils n'avaient pas non plus compris la tempête apaisée, car ils ne saisissaient pas
l'action de l'Esprit, de la grâce par le Christ. L'enseignement de Marc souligne donc l'opération de la grâce par le Christ seul
– facteur unique d'harmonie et de réalisation de l'Église.
Dans l'Évangile de Matthieu (Mt. 8 ; 23 - 27 et 14 ; 22 – 32)¸ Juste après la multiplication des pains, Jésus contraint
les disciples à partir seuls. Ceux-ci se trouvent pris dans un début de tempête. Le temps passe, pendant que Jésus prie…
Mathieu souligne le fait que Jésus offre à ses disciples un temps libre, où ils sont laissés à eux-mêmes, afin qu'ils puissent
intégrer ce qui s'est passé, lors de la multiplication des pains.
Manifestement, ils ne saisissent pas le sens de l'action de la grâce : ils sont harcelés par un vent contraire.
Ils croient voir un fantôme et ont peur : de nouveau, ils ne sont pas attentifs à la grâce, mais sont livrés à leur raisonnement.
Le Christ leur donne son Nom. Alors Pierre, premier des apôtres, demande au Christ par sa voix, sa parole, son verbe,
qu'il vienne à Lui : il a saisi que par le verbe au sens propre, le Christ peut tout ; mais il doute devant la force du
vent, et sombre, car il est sorti de cet état de grâce. Cependant, il appelle le Christ à l'aide, et Celui-ci ne l'abandonne pas :
la liberté de l'homme est de reconnaître la grâce de l'Esprit agissant par le Christ, et de s'y abandonner ; de la rechercher
quand il la perd (c'est l'enseignement de Saint Silouane).
Puis le Christ et Pierre montent dans la barque et tout s'apaise : l'épreuve passée, le Christ est bien dans la barque,
dans l'Église, et tout est harmonie par sa grâce. Chez Mathieu, c'est la coopération (ou l'absence de coopération, de la
part de l'être humain), de l'homme à la grâce de Dieu, qui est mise en valeur en même temps que la reconnaissance de
la puissance créatrice du Verbe.
Chaque Évangile présente son message ; aussi l'histoire n’est-elle pas racontée de la même manière, car elle ne dit
pas la même chose. Ce qui est commun à tous les Évangiles, c'est le vent qui agite la mer, les disciples dans la
barque qui ont peur pour diverses raisons, et la venue du Christ bien après, en marchant sur les eaux, suivi d'un
apaisement de la situation. Chaque narration met en scène une lecture métaphorique et théologique.
Le Christ tendant la main à Pierre est comme le Christ figuré sur l'icône de la Résurrection, remontant de l'Hadès :
c'est le même geste – la main tendue – et la même formidable signification salvatrice. Notre enfer intérieur est le doute ;
notre Salut, la Foi en son Nom et tout ce qu'Il porte de grâce et de vie.
Nathalie Beaux.
L'objectif tracé initialement a-t-il été atteint ? ?
Nous avons découvert le Nom divin, au sixième chapitre, verset vingt. Celui-ci nous a permis d'identifier une courte
péricope qui relate la traversée de la Mer de Galilée par les disciples, et leur rencontre du Christ, marchant sur les
eaux. Nous avons constaté les différences existant entre les récits synoptiques, et nous avons remarqué la priorité théologique
qui façonne le texte johannique. L'étude de cette péricope nous a sensibilisés à la typologie du Christ - Nouveau Messie,
et nous a fait prendre conscience que l'œuvre du Christ est fondamentalement une nouvelle création, la récapitulation de
l'univers entier.