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Texte completQuels sont les objectifs que nous nous proposons d'atteindre ?
Nous allons étudier un long texte, qui s'étend du chapitre 13 au chapitre 17 de l'Évangile de Jean. Ce texte commence par le récit du
« Lavement des pieds » : un geste spectaculaire que le Christ opéra auprès de ses disciples. Ce récit est d'une compréhension aisée ;
il n'en est pas de même de la suite du texte. Généralement, les paroles du Christ sont admirées, mais peu comprises – et particulièrement
en ce qui concerne le chapitre 17, généralement désigné sous le titre de « Prière sacerdotale », et décrit comme étant
« la grande prière d'oblation et d'intercession du Sauveur alors de son sacrifice ». Au long de texte que nous nous apprêtons
à étudier, nous rencontrerons des paroles du Christ qui sont admirables, mais dont la signification n'est pas aisée à saisir.
Tout d'abord, nous verrons pourquoi les chapitres 13 à 17 de l'Évangile de Jean doivent être considérés comme un tout. Il nous faudra
examiner également pourquoi nous mettons en parallèle un texte d'une telle étendue - avec la péricope considérablement plus brève
qu'est l'Entretien avec Nicodème. Ici aussi, nous constaterons que la structure du texte aide à sa compréhension.
De plus, nous constaterons également que chaque partie du texte possède sa structure « en parallèle », mettant en évidence les éléments
qui portent le sens du texte. Enfin, nous apprendrons pourquoi ce long texte nous apparaîtra comme étant véritablement
la « Loi de la Nouvelle-Alliance ».
Voici le texte (13; 1 - 17; 26)
Il se présente comme un POLYPTIQUE constitué de cinq volets.
C'est la NOUVELLE TORAH, le PENTATEUQUE DE LA NOUVELLE ALLIANCE :
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PREMIER VOLET (13; 1-30) : Le Récit du Lavement des pieds
Dans le Pentateuque de la Nouvelle Alliance, le premier volet, comprenant le récit du Lavement des pieds,
tient la place de la Genèse. Il s'agit d'une symétrie inversée : le rapport qui existe entre ces deux textes est semblable à celui qui lie
un objet et son reflet dans le miroir.
Dans le récit de la Genèse, alors que c'est Dieu qui revêt Adam et Ève d'un vêtement, pour les protéger après leur Erreur
fondamentale - ici, c'est le Christ qui se ceint d'un linge (13 ; 4).
Alors qu'Adam et Ève voulaient braver l'interdit divin qui visait à les protéger d'une réalité qu'il ne pouvaient encore assumer
- ici, l'apôtre Pierre souhaite que le Christ lui lave non seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête (13 ; 9).
Le Christ donne à ses disciples le commandement de « devoir se laver les pieds les uns aux autres » (13 ; 14), afin qu'ils agissent
comme Lui-même avait agi envers eux ; dans le texte de la Genèse, tout au contraire, Adam et Ève désiraient devenir Dieu
à la place de Dieu. Ils convoitaient la puissance absolue, à l'exclusion de Dieu - alors qu'ici, le Christ exhorte ses
disciples au service mutuel.
Adam et Ève s'emparent délibérément du fruit de l'arbre, alors que Judas reçoit la bouchée donnée par Jésus (13 ; 26).
Adam et Ève sont expulsés du Paradis, alors que Judas sortit de lui-même, dans la nuit (13 ; 30).
13 1 Avant la fête de Pâques, Jésus, sachant que son heure était venue de passer de ce monde au Père, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’à la fin.
13 2 Au cours d'un repas, alors que déjà le diable avait mis au cœur de Judas Iscariote, fils de Simon,
le dessein de Le livrer,
3 sachant que le Père lui avait tout remis entre les mains et qu'Il était venu de Dieu et qu'Il s'en allait vers Dieu,
4 Il se lève de table, dépose ses vêtements, et, prenant un linge, Il s'en ceignit.
5 Puis Il met de l'eau dans un bassin et Il commença à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge dont Il était ceint.
6 Il vient donc à Simon-Pierre, qui Lui dit : « Seigneur, Toi, me laver les pieds ? »
7 Jésus lui répondit : « Ce que Je fais, tu ne le sais pas maintenant ; tu comprendras plus tard ».
8 Pierre lui dit : « Non, Tu ne me laveras pas les pieds, jamais ! » Jésus lui répondit : « Si Je ne te lave pas, tu n'as pas de part avec moi ».
9 Simon-Pierre lui dit : « Seigneur, pas seulement les pieds mais aussi les mains et la tête ! »
10 Jésus lui dit : « Qui s'est baigné n'a pas besoin de se laver; il est pur tout entier. Vous aussi, vous êtes purs ; mais pas tous».
11 Il connaissait en effet celui qui le livrait ; voilà pourquoi Il dit : « Vous n'êtes pas tous purs ».
13 12 Quand Il leur eut lavé les pieds, qu'Il eut repris ses vêtements et se fut remis à table, Il leur dit :
« Comprenez-vous ce que Je vous ai fait ?
13 Vous m'appelez Maître et Seigneur, et vous dites bien, car Je le suis.
14 Si donc Je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres.
15 Car c'est un exemple que Je vous ai donné, pour que vous fassiez, vous aussi, comme moi J'ai fait pour vous.
16 Amen, Amen, Je vous le dis, le serviteur n'est pas plus grand que son maître, ni l'envoyé plus grand que celui qui l'a envoyé.
17 Sachant cela, heureux êtes-vous, si vous le faites.
13 18 Ce n'est pas de vous tous que Je parle ; Je connais ceux que j'ai choisis ; mais il faut que l'Écriture
s'accomplisse : Celui qui mange mon pain a levé contre moi son talon.
19 Dès maintenant, Je vous le dis, avant que cela n'arrive, afin que vous croyez lorsque cela arrivera, que Je Suis.
20 Amen, Amen, Je vous le dis, qui reçoit celui que J’envoie me reçoit, et celui qui me reçoit, reçoit celui qui m’a envoyé »
21 Ayant dit cela, Jésus fut troublé en son esprit et Il attesta : « En vérité, en vérité, Je vous le dis, l'un de vous me livrera».
22 Les disciples se regardaient les uns les autres, ne sachant de qui il parlait.
23 Un de ses disciples, celui que Jésus aimait, se trouvait à table tout contre Jésus.
24 Simon-Pierre lui fait signe et dit : « Demande quel est celui dont Il parle ».
25 Celui-ci, se penchant alors vers la poitrine de Jésus, Lui dit : « Seigneur, qui est-ce ? »
26 Jésus répond : « C'est celui à qui Je donnerai la bouchée que je vais tremper ». Trempant alors la bouchée, Il la prend et
la donne à Judas, fils de Simon Iscariote.
27a Après la bouchée, alors Satan entra en lui.
13 27b Jésus lui dit alors : « ce que tu as à faire, fais-le vite ».
28 Cela, aucun parmi les convives ne comprit pourquoi Il le disait.
29 Comme Judas tenait la bourse, certains pensaient que Jésus voulait lui dire : « Achète ce dont nous avons besoin pour la fête »,
ou qu'il donnât quelque chose aux pauvres.
30 Aussitôt la bouchée prise il sortit; il faisait nuit.
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DEUXIÈME VOLET (13; 31 - 14; 31) : Le Nouveau Commandement et l'annonce de l'envoi du Paraclet
Dans le Pentateuque de la Nouvelle Alliance, le deuxième volet, comprenant le don du Nouveau Commandement
et l'annonce de l'envoi du Paraclet, tient la place du livre de l'Exode.
Le Christ donne à ses disciples un Commandement nouveau (13 ; 34–35), comme Moïse avait donné le Décalogue à son peuple (Ex. 20 ; 1–21).
Simon-Pierre ne peut suivre le Christ, qui s'en va en un autre lieu (13 ; 36). De même, l'apôtre Thomas dit à Jésus qu'il ne sait où son
Maître s'apprête à aller (14 ; 5). L'annonce du départ du Christ « en un autre lieu » correspond à l'Exode.
Le Christ promet à ses apôtres l'effusion de l'Esprit-Saint, envoyé par le Père (14 ; 26). À la fin du livre de l'Exode, la figure de l'Esprit-Saint, gloire
du Seigneur remplit le Temple, au point que Moïse ne put pénétrer dans la Tente de Réunion (Ex. 40; 34–35).
13 31 Quand il fut sorti, Jésus dit : « Maintenant le Fils de l'homme est glorifié et Dieu est glorifié en Lui.
32 Si Dieu est glorifié en Lui, Dieu Le glorifiera aussi en Lui et tout de suite Il Le glorifiera.
33 Petits enfants, Je suis avec vous encore un peu de temps. Vous me chercherez, et, comme je l'ai dit aux Juifs : là où moi Je vais,
vous ne pouvez pas aller, aussi à vous, Je le dis maintenant.
34 Je vous donne un nouveau commandement : que vous vous aimiez les uns les autres ; comme je vous ai aimés, afin que vous aussi, vous
vous aimiez les uns les autres.
35 En cela, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l'amour les uns envers les autres ».
36 Simon-Pierre lui dit : « Seigneur, où vas-tu ? » Jésus lui répondit : « Où Je vais, tu ne peux pas me suivre maintenant ; mais
tu me suivras plus tard ».
37 Pierre lui dit : « Pourquoi ne puis-je pas Te suivre à présent ? Je donnerai ma vie pour toi ».
38 Jésus répond : « Tu donneras ta vie pour moi ? En vérité, en vérité, je te le dis, le coq ne chantera pas que tu ne m'aies renié
trois fois.
14 1 Que votre cœur ne se trouble pas ! vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi.
2 Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures, sinon Je vous l'aurais dit ; Je vais vous préparer une place.
3 Et quand Je serai allé et que Je vous aurai préparé une place, à nouveau Je viendrai et Je vous prendrai près de moi, afin que, là
où Je suis, vous aussi, vous soyez.
4 Et du lieu où je vais, vous savez le chemin ».
14 5 Thomas lui dit : « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment saurions-nous le chemin ? »
6 Jésus lui dit : « Je suis la Voie, la Vérité et la Vie. Nul ne vient au Père que par moi.
7 Si vous me connaissez, vous connaîtrez aussi mon Père ; dès à présent vous le connaissez et vous l'avez vu ».
8 Philippe lui dit : « Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit ».
9 Jésus lui dit : « Voilà si longtemps que Je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ? Qui m'a vu a vu le Père. Comment
peux-tu dire : "Montre-nous le Père" ?
10 Ne crois-tu pas que Je suis dans le Père et que le Père est en moi ? Les paroles que Je vous dis, Je ne les dis pas de moi-même :
mais le Père demeurant en moi fait ses œuvres.
11 Croyez-moi, que Je suis dans le Père et que le Père est en moi. Croyez du moins à cause des œuvres mêmes.
12 En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi fera, lui aussi, les œuvres que je fais ; et il en fera même de
plus grandes, parce que Je vais vers le Père.
13 Et tout ce que vous demanderez en mon nom, Je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils.
14 Si vous me demandez quelque chose en mon nom, Je le ferai.
14 15 Si vous M’aimez, vous garderez mes commandements ;
16 et Je demanderai au Père et Il vous donnera un autre Paraclet afin qu’Il soit avec vous dans les siècles.
17 l'Esprit de Vérité que le monde ne peut recevoir parce qu’il ne Le voit pas ni ne Le connaît. Vous, vous Le connaissez, parce
qu’auprès de vous Il demeure est qu’Il est en vous.
14 18 Je ne vous laisserai pas orphelins. Je viendrai vers vous.
19 Encore un peu de temps, et le monde ne me verra plus. Mais vous, vous verrez que je vis et vous aussi, vous vivrez.
20 Ce jour-là, vous comprendrez que Je suis en mon Père.
14 21 Celui qui a mes commandements et qui les garde, c'est celui-là qui m'aime ; or celui qui m'aime sera aimé
de mon Père ; et Je l'aimerai et Je me manifesterai à lui ».
22 Judas - pas l'Iscariote - lui dit : « Seigneur, et qu'est-il advenu, que Tu doives Te manifester à nous et non pas au monde ?»
23 Jésus lui répondit : « Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera et nous viendrons vers lui et nous nous
ferons une demeure chez lui.
24 Celui qui ne m'aime pas ne garde pas mes paroles ; et la parole que vous entendez n'est pas de moi, mais du Père qui m'a envoyé.
25 Je vous ai dit cela tandis que Je demeurais près de vous.
26 Mais le Paraclet, l'Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, Lui, vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que Je vous ai dit.
27 Je vous laisse ma paix ; c'est ma paix que Je vous donne ; Je ne vous la donne pas comme le monde la donne. Que votre cœur ne se trouble
ni ne s'effraie.
28 Vous avez entendu que je vous ai dit : Je m'en vais et je reviendrai vers vous. Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez de ce que
Je vais vers le Père, parce que le Père est plus grand que moi.
29 Je vous le dis maintenant avant que cela n'arrive, pour qu'au moment où cela arrivera, vous croyiez.
30 Je ne m'entretiendrai plus beaucoup avec vous, car il vient, le Prince de ce monde ; sur moi il n'a aucun pouvoir,
31 mais il faut que le monde sache que J'aime le Père et que J’agis comme le Père me l'a ordonné. Levez-vous ! Partons d'ici!
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TROISIÈME VOLET (15; 1-25) : La Vigne véritable
Dans le Pentateuque de la Nouvelle Alliance, le troisième volet - comprenant la parole sur la Vigne véritable,
la désignation du Commandement et la description de l'attitude haineuse de la part du monde - tient la place du Lévitique.
Le Lévitique est un code juridique, qui contient un grand nombre de prescriptions légales vétéro-testamentaires. C'est un livre austère,
et il est permis de s'étonner de vouloir y retrouver des parallèles avec un texte évangélique !
Pourtant, c'est dans le Lévitique que nous trouvons le Commandement : « tu aimeras ton prochain comme toi-même - Je suis
le Seigneur » (Lv. 19 ; 18). Nous retrouvons cette prescription fondamentale dans le « troisième volet », sous ces termes: « Voici
quel est mon commandement : vous aimer les uns les autres comme Je vous ai aimés » (Jn. 15 ; 12). Cette prescription est la base de
la Loi néo-testamentaire, donnée par le Christ.
Dans le « troisième volet », le Christ se désigne Lui-même comme étant la Vigne véritable, et le Père en taille les sarments - action
qui est désignée par le verbe « purifier ». De cette façon, nous sommes purs, grâce à la parole du Christ que nous entendons (Jn. 15 ; 3).
Or, c'est cette « loi de sainteté » qui parcourt une grande partie du Lévitique, dont un bon nombre de lois vise à distinguer
le pur de l'impur : « soyez-Moi consacrés puisque Moi, le Seigneur, Je suis Saint » (Lv. 20 ; 26).
Dans le « troisième volet », nous voyons qu'une profonde césure existe entre ceux qui sont du monde, et que le monde aime - et ceux qui
appartiennent au Christ, et que le monde hait : « qui Me hait, hait aussi mon Père » (Jn. 15; 23). Suivant la même optique, le Lévitique
se termine par une série de bénédictions qui s'adressent à ceux qui se conduisent selon les lois divines (Lv. 26 ; 3-11), et une
série de malédictions qui menacent ceux qui n'écoutent pas les commandements et repoussent les lois qui font partie de la
Révélation (Lv. 26 ; 14-46).
15 1 « Je suis la vigne véritable et mon Père est le vigneron.
2 Tout sarment en moi qui ne porte pas de fruit, Il l'enlève, et tout sarment qui porte du fruit, Il le purifie, pour qu'il porte
encore plus de fruit.
3 Déjà vous êtes purs grâce à la parole que Je vous ai fait entendre.
4 Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut de lui-même porter du fruit s'il ne demeure pas sur la vigne, ainsi
vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi.
5 Je suis la vigne ; vous, les sarments. Celui qui demeure en moi, et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit ; car hors de moi
vous ne pouvez rien faire.
6 Si quelqu'un ne demeure pas en moi, on le jette dehors comme le sarment et il se dessèche ; puis on les ramasse et on les jette au feu
et ils brûlent.
15 7 Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, demandez ce que vous voudrez et vous l'aurez.
8 C'est la gloire de mon Père que vous portiez beaucoup de fruit, et vous serez alors mes disciples.
9 Comme le Père m'a aimé, moi aussi Je vous ai aimés. Demeurez en mon amour.
10 Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez en mon amour, comme moi j'ai gardé les commandements de mon Père et Je demeure
en son amour.
15 11 Je vous dis cela, pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite.
15 12 Voici quel est mon commandement : vous aimer les uns les autres comme Je vous ai aimés.
13 Nul n'a plus grand amour que celui-ci : donner sa vie pour ses amis.
14 Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande.
15 Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; mais Je vous appelle amis, parce que tout
ce que j'ai entendu de mon Père, Je vous l'ai fait connaître.
16 Ce n'est pas vous qui m'avez choisi ; mais c'est moi qui vous ai choisis et vous ai établis pour que vous alliez et portiez du
fruit et que votre fruit demeure, afin que tout ce que vous demanderez au Père en mon Nom, Il vous le donne.
17 Ce que Je vous commande, c'est de vous aimer les uns les autres.
15 18 Si le monde vous hait, sachez que moi, il m'a pris en haine avant vous.
19 Si vous étiez du monde, le monde aimerait son bien ; mais parce que vous n'êtes pas du monde, puisque mon choix vous a tirés du monde,
pour cette raison, le monde vous hait.
20 Rappelez-vous la parole que Je vous ai dite : Le serviteur n'est pas plus grand que son maître. S'ils m'ont persécuté, vous aussi,
ils vous persécuteront ; s'ils ont gardé ma parole, la vôtre aussi, ils la garderont.
21 Mais tout cela, ils le feront contre vous à cause de mon nom, parce qu'ils ne connaissent pas Celui qui m'a envoyé.
22 Si Je n'étais pas venu et ne leur avais pas parlé, ils n'auraient pas de péché ; mais maintenant ils n'ont pas d'excuse à leur péché.
23 Qui me hait, hait aussi mon Père.
24 Si Je n'avais pas fait parmi eux les œuvres que nul autre n'a faites, ils n'auraient pas de péché ; mais maintenant ils ont vu et ils
nous haïssent, et moi et mon Père.
25 Mais c'est pour que s'accomplisse la parole écrite dans leur Loi : Ils m'ont haï sans raison.
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QUATRIÈME VOLET (15; 26 - 16; 4) : Le départ du Christ et l'envoi du Paraclet
Dans le Pentateuque de la Nouvelle Alliance, le quatrième volet - comprenant l'annonce du départ du Christ
et de l'envoi du Paraclet - tient la place du Livre des Nombres.
Le Livre des Nombres commence par le recensement des tribus d'Israël (Nb. 1 ; 1 – 4 ; 49). Au début du « quatrième volet », nous
trouvons l'annonce du fait que les disciples seront « exclus des synagogues » (Jn. 16 ; 2), c'est-à-dire ne seront plus recensés
au nombre des Juifs.
Nous trouvons également dans le Livre des Nombres le récit de l'Exode et la description des étapes parcourues dans le désert,
ainsi que l'arrivée en Canaan (Nb. 9 ; 1 – 13 ; 33). Dans le « quatrième volet », nous trouvons à nouveau l'annonce du départ
du Christ, de son Exode de ce monde : « maintenant, Je m'en vais vers celui qui m'a envoyé (...) c'est votre intérêt que Je parte… »
(Jn. 16 ; 1–7).
Lors du cheminement dans le désert, nous voyons que Moïse confère l'Esprit sur 70 Anciens ; deux d'entre eux étant restés au camp,
cela ne les empêcha pas de recevoir leur part de l'Esprit : « voici Eldad et Médad qui prophétisent dans le camp ». Loin d'être scandalisé
de ce fait, Moïse s'exclame : « puisse tout le peuple du Seigneur être prophète ! » (Nb. 11 ; 24–30). C'est précisément l'envoi de
l'Esprit qu'annonce le « quatrième volet » : « quand Il viendra, Lui, l'Esprit de vérité, Il vous introduira dans la vérité tout
entière » (Jn. 16 ; 13).
La révolte d'Israël entraîna comme conséquence ce châtiment : « tous ces hommes qui ont vu ma gloire (...) ne verront pas le pays
que j'ai promis par serment à leurs pères (Nb. 14 ; 22–23). Dans le « quatrième volet », le Christ quitte le monde et dit à
ses disciples : « Voici venir l'heure - et elle est venue - où vous serez dispersés chacun de votre côté et me laisserez
seul (Jn. 16 ; 32). Israël a douté dans le désert, tandis que les Disciples ont déserté dans la nuit du Jardin des Oliviers.
15 26 Quand viendra le Paraclet, que Je vous enverrai d'auprès du Père, l'Esprit de vérité, qui procède du Père, Il me
rendra témoignage.
27 Mais vous aussi, vous témoignerez, parce que vous êtes avec moi depuis le commencement.
16 1 Je vous ai dit cela pour vous éviter le scandale.
2 On vous exclura des synagogues. Bien plus, l'heure vient où quiconque vous tuera pensera rendre un culte à Dieu.
3 Et cela, ils le feront pour n'avoir reconnu ni le Père ni moi.
4 Mais moi je vous ai dit cela, pour qu'une fois leur heure venue, vous vous rappeliez que Je vous l'ai dit.
16 5 Mais maintenant Je m'en vais vers Celui qui m'a envoyé, et aucun de vous ne me demande : "Où vas-tu ?"
6 Mais parce que Je vous ai dit cela, la tristesse remplit vos cœurs.
7 Cependant Je vous dis la vérité : c'est votre intérêt que Je parte ; car si Je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous ; mais
si Je pars, Je vous L'enverrai.
8 Et Lui, une fois venu, Il établira la culpabilité du monde en fait de péché, en fait de justice et en fait de jugement :
9 de péché, parce qu'ils ne croient pas en moi ;
10 de justice, parce que je vais vers le Père et que vous ne me verrez plus ;
11 de jugement, parce que le Prince de ce monde est jugé.
12 J'ai encore beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez pas le porter à présent.
13 Mais quand Il viendra, Lui, l'Esprit de vérité, Il vous introduira dans la vérité tout entière ; car Il ne parlera pas de Lui-même,
mais ce qu'Il entendra, Il le dira et Il vous dévoilera les choses à venir.
14 Lui me glorifiera. Car c'est de mon bien qu'il recevra et Il vous le dévoilera.
15 Tout ce qu'a le Père est à moi. Voilà pourquoi j'ai dit que c'est de mon bien qu'il reçoit et qu'il vous le dévoilera.
16 16 « Encore un peu, et vous ne me verrez plus, et puis un peu encore, et vous me verrez ».
17 Quelques-uns de ses disciples se dirent entre eux : « Qu'est-ce qu'il nous dit là : "Encore un peu, et vous ne me verrez plus, et
puis un peu encore, et vous me verrez", et : "Je vais vers le Père" ? »
18 Ils disaient : « Qu'est-ce que ce : "un peu" ? Nous ne savons pas ce qu'il veut dire ».
19 Jésus comprit qu'ils voulaient le questionner et Il leur dit : « Vous vous interrogez entre vous sur ce que j'ai dit : "Encore un peu,
et vous ne me verrez plus, et puis un peu encore, et vous me verrez".
20 Amen, Amen, Je vous le dis, vous pleurerez et vous vous lamenterez, et le monde se réjouira ; vous serez tristes, mais votre tristesse
se changera en joie.
21 La femme, sur le point d'accoucher, s'attriste parce que son heure est venue ; mais lorsqu'elle a donné le jour à l’enfant, elle ne
se souvient plus des douleurs, dans la joie qu'un homme soit venu au monde.
22 Vous aussi, maintenant vous voilà tristes ; mais Je vous verrai de nouveau et votre cœur sera dans la joie, et votre joie, nul ne
vous l'enlèvera.
23 Ce jour-là, vous ne me poserez aucune question. En vérité, en vérité, Je vous le dis, ce que vous demanderez au Père, Il vous le
donnera en mon nom.
24 Jusqu'à présent vous n'avez rien demandé en mon nom ; demandez et vous recevrez, pour que votre joie soit complète.
16 25 Tout cela, Je vous l'ai dit en figures. L'heure vient où Je ne vous parlerai plus en figures, mais Je vous
entretiendrai du Père en toute clarté.
26 Ce jour-là, vous demanderez en mon Nom et Je ne vous dis pas que J'interviendrai pour vous auprès du Père,
27 car le Père Lui-même vous aime, parce que vous m'aimez et que vous croyez que Je suis sorti d'auprès de Dieu.
28 Je suis sorti d'auprès du Père et venu dans le monde. De nouveau Je quitte le monde et Je vais vers le Père ».
29 Ses disciples lui disent : « Voilà que maintenant Tu parles en clair et sans figures !
30 Nous savons maintenant que Tu sais tout et n'as pas besoin qu'on te questionne. À cela nous croyons que Tu es sorti de Dieu ».
16 31 Jésus leur répondit : « Vous croyez à présent ?
32 Voici venir l'heure - et elle est venue - où vous serez dispersés chacun de votre côté et me laisserez seul. Mais Je ne suis pas seul : le
Père est avec moi.
33 Je vous ai dit ces choses, pour que vous ayez la paix en moi. Dans le monde vous aurez à souffrir. Mais gardez courage ! J'ai vaincu
le monde ».
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CINQUIÈME VOLET (17; 1-26) : La prière de Jésus au Père, pour les Disciples
Dans le Pentateuque de la Nouvelle Alliance, le cinquième volet - comprenant la prière de Jésus au Père, pour
ses disciples - tient la place du Deutéronome.
Dans le « cinquième volet », le Christ adresse sa prière au Père. Il Lui demande de Le glorifier, de sorte
que Lui-même Le glorifie. Il a mené à bonne fin l'œuvre que le Père lui avait donnée de faire (Jn. 17 ; 4). Jésus s'apprête à regagner
le Royaume, régnant avec le Père, et bénéficiant de la gloire dont Il jouissait avant que toutes choses ne soient créées (Jn. 17; 5).
Dans le Deutéronome, Moïse, au terme de sa vie, a mené à terme sa mission, qui fut de conduire Israël en Terre Promise. Certes, lui-même mourut,
après avoir aperçu de loin la Terre promise, mais sans être parvenu à y entrer (Dn. 34 ; 1–12). Là aussi, nous avons un « parallélisme
en miroir » : Moïse fait arriver son peuple dans la Terre promise, mais n'y parvient pas lui-même. Jésus s'apprête à parvenir dans le Royaume,
tandis que ses disciples n'y parviennent pas encore eux-mêmes. Le Christ va accomplir son Exode dans
le Royaume, et va siéger auprès du Père, laissant cependant ses disciples sur la terre. Le Christ lui-même pénètre « par-delà le voile »,
faisant fonction de « Précurseur » pour l'ensemble de ses disciples (Hb. 6 ; 19-20), qui sont eux-mêmes appelés à devenir membres
du Royaume.
Le « cinquième volet » est tout entier la prière de Jésus au Père, en faveur de ses disciples. Le Deutéronome se conclut par les
bénédictions de Moïse sur les tribus d'Israël. Bien sûr, le caractère de ces textes est extrêmement différent : austère, rude
et de caractère archaïque, dans le Deutéronome - lumineux et transparent dans le texte johannique. Mais tous deux bénissent - l'un,
les tribus d'Israël, et l'autre, les douze disciples.
Dans le texte des bénédictions que Moïse a prononcées sur les tribus d'Israël – au 33e chapitre du livre du Deutéronome –
nous pouvons noter la présence d'une anomalie : Moïse adresse une bénédiction spécifique à onze tribus d'Israël, alors qu'il y en
a douze… Il omet la tribu de Siméon. Nous ne trouvons dans cette énumération que onze tribus (I - Ruben, v. 6 ; II - Juda, v. 7 ; III - Lévi, v. 8 ;
IV - Benjamin, v. 12 ; V - Joseph, v. 13 ; VI - Zabulon, v. 18 ; VII - Issachar, v. 18 ; VIII - Gad, v. 20 ; IX - Dan, v. 22 ; X - Nephtali, v, 23 ; XI - Asher, v. 24).
Au 42e chapitre du livre de la
Genèse, nous voyons que Jacob - vivant en Égypte - retient Siméon en otage, afin d'être certain que ses frères ramènent Benjamin
(verset 18 et suivants). Mais ce n'est pas ce passage qui nous fournit la raison de l'omission de cette tribu par Moïse, au moment
crucial de la proclamation solennelle de ses ultimes sentences.
Nous trouvons le motif de cette omission parmi les bénédictions de
Jacob (Gn. 49; 5-6) : « Siméon et Lévi sont frères, ils ont mené à bout la violence de leurs intrigues. Que mon âme n'entre pas
en leur conseil, que mon cœur ne s'unisse pas à leur groupe, car dans leur colère ils ont tué des hommes... ». Ce passage fait allusion
à l'incident relaté au chapitre 34 de la Genèse, où les deux fils de Jacob, Siméon et Lévi, ont massacré la population d'une ville,
malgré l'accord passé avec les gens qui y vivaient.
Notons le fait qu'au chapitre sept de l'Apocalypse, l'énumération des douze
tribus d'Israël est reprise, cette fois-ci en omettant la tribu de Dan - et en scindant la tribu de Joseph en celles de Joseph
et de Manassé (Juda/Ruben/Gad, v. 5 ; Aser/Nephtali/Manassé, v. 6 ; Siméon/Lévi/Issachar, v. 7 ; Zabulon/Joseph/Benjamin, v. 8).
Cinq parties du texte, pour les cinq livres de la Loi, car nous sommes en présence de la nouvelle Torah.
17 1 Ainsi parla Jésus, et levant les yeux au ciel, Il dit : « Père, l'heure est venue : glorifie ton Fils, afin que
ton Fils Te glorifie
2 et que, selon le pouvoir que Tu Lui as donné sur toute chair, Il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés !
3 Or, la vie éternelle, c'est qu'ils Te connaissent, Toi, le seul véritable Dieu, et celui que Tu as envoyé, Jésus-Christ.
4 Je T'ai glorifié sur la terre, en menant à bonne fin l'œuvre que Tu m'as donné de faire.
5 Et maintenant, Père, glorifie-moi auprès de Toi de la gloire que J'avais auprès de Toi, avant que fût le monde.
6 J'ai manifesté ton Nom aux hommes, que Tu as tirés du monde pour me les donner. Ils étaient à Toi et Tu me les as donnés et ils ont
gardé ta parole.
17 7 Maintenant ils ont reconnu que tout ce que Tu m'as donné vient de Toi ;
8 car les paroles que Tu m'as données, Je les leur ai données, et ils les ont accueillies et ils ont vraiment reconnu que Je suis sorti
d'auprès de Toi, et ils ont cru que Tu m'as envoyé.
17 9 C'est pour eux que Je prie ; Je ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que Tu m'as donnés, car ils sont à Toi,
10 et tout ce qui est à moi est à Toi, et tout ce qui est à Toi est à moi, et Je suis glorifié en eux.
11 Je ne suis plus dans le monde ; eux sont dans le monde, et moi, Je viens vers Toi. Père saint, garde-les dans ton Nom que Tu m'as
donné, pour qu'ils soient Un comme nous.
12 Quand J'étais avec eux, Je les gardais dans ton Nom que Tu m'as donné. J'ai veillé et aucun d'eux ne s'est perdu, sauf le fils de
perdition, afin que l'Écriture fût accomplie.
13 Mais maintenant Je viens vers Toi et Je parle ainsi dans le monde, afin qu'ils aient en eux-mêmes ma joie en sa plénitude.
17 14 Je leur ai donné ta parole et le monde les a haïs, parce qu'ils ne sont pas du monde, comme moi Je ne suis pas
du monde.
15 Je ne te prie pas de les enlever du monde, mais de les garder du Mauvais.
16 Ils ne sont pas du monde, comme moi Je ne suis pas du monde.
17 Sanctifie-les dans la vérité : ta parole est vérité.
18 Comme Tu m'as envoyé dans le monde, moi aussi, Je les ai envoyés dans le monde.
19 Pour eux Je me sanctifie moi-même, afin qu'ils soient, eux aussi, sanctifiés dans la vérité.
17 20 Je ne prie pas pour eux seulement, mais aussi pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi,
21 afin que tous soient un. Comme toi, Père, Tu es en moi et moi en Toi, qu'eux aussi soient en nous, afin que le monde croie que Tu
m'as envoyé.
22 Je leur ai donné la gloire que Tu m'as donnée, pour qu'ils soient Un comme nous sommes Un :
23 moi en eux et Toi en moi, afin qu'ils soient parfaits dans l'unité, et que le monde reconnaisse que Tu m'as envoyé et que Tu les as
aimés comme Tu m'as aimé.
24 Père, ceux que Tu m'as donnés, je veux que là où Je suis, eux aussi soient avec moi, afin qu'ils contemplent ma gloire que Tu m'as
donnée parce que Tu m'as aimé avant la fondation du monde.
25 Père juste, le monde ne T'a pas connu, mais moi Je T'ai connu et ceux-ci ont reconnu que Tu m'as envoyé.
26 Je leur ai fait connaître ton Nom et Le le leur ferai connaître, pour que l'amour dont Tu m'as aimé soit en eux et moi en eux ».
Tout d'abord, une question se pose : pourquoi considérons-nous qu'un texte aussi long doive être considéré
comme un tout ?
A) Ce texte est clairement délimité :
Il commence par la phrase introductive, qui situe l'action dans le temps : « Avant la fête de Pâques,
Jésus, sachant que son heure était venue » (13; 1).
Le texte se termine par la fin du discours de Jésus, texte suivi par la phrase :
« Ayant ainsi parlé, Jésus s'en alla... » (18; 1) - c'est le commencement du récit de l'arrestation de Jésus, prélude à sa Passion.
B) Les parallèles avec le récit de la Rencontre avec Nicodème courent tout au long du texte :
1) Les deux personnages en miroir :
- Nicodème vient de nuit pour découvrir la Foi (3 ; 2)
- Judas s’en va de nuit pour trahir Jésus (13 ; 30).
2) La naissance selon l'Esprit :
- Jésus dit à Nicodème : « ce qui est né de la chair est chair ; ce qui est né de l'Esprit est Esprit » (3 ; 6)
– Jésus priera le Père afin qu’Il donne aux Disciples « un autre Paraclet » qui sera avec eux à jamais (13 ;16).
3) L'incroyance, source de condamnation :
- Jésus dit : « nul n’est monté au Ciel, hormis Celui qui est descendu du Ciel » (3 ; 13) – et il dit par ailleurs : « Nul ne va
au Père que par Moi » (14 ; 5) ; Celui « qui ne croit pas est déjà condamné » (3 ; 18)
– « maintenant, ils n’ont pas d’excuse à leur péché : qui Me hait, hait aussi mon Père » (15 ; 22 – 23).
4) La séparation du monde :
- « La Lumière est venue dans le monde et les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la Lumière » (3 ; 19)
– « J’ai manifesté ton Nom aux hommes (…) et le monde les a pris en haine, parce qu’ils ne sont pas du monde » (17;6–14).
5) Le don de la Vérité-Lumière-Gloire :
- « Celui qui fait la Vérité vient à la Lumière » (3 ; 21)
– « Je leur ai donné la Gloire que Tu M’as donnée (…) parce que Tu M’as aimé avant la création du monde » (17 ; 22 – 26).
- 1 -
PREMIER VOLET (13; 1-30) : Le Récit du Lavement des pieds
L’ensemble de ce texte est spécifique à l’Evangile de Jean.
Cette péricope est clairement définie par le verset introductif : « avant la fête de Pâques… » et le mot de conclusion :
« il faisait nuit ».
Première partie (13; 1) :
13 1 Avant la fête de Pâques, Jésus, sachant que son heure était venue de passer de ce monde au Père, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’à la fin.
La notion d’Heure apparaît fréquemment dans l’Évangile de Jean.
En fait, nous retrouvons sept « Heures » dans l’Évangile de Jean :
- à trois reprises, l’Heure n’est pas encore venue :
1) A Cana, son Heure n’était pas encore venue (2 ; 4) ;
2) dans le Temple, au milieu de la fête, son Heure n’était pas encore venue (7 ; 30) ;
3) près du Trésor, son Heure n’était pas encore venue (8 ; 20) ;
- l’unique annonce de l’imminence de l’Heure :
4) le Christ dit à la Samaritaine : « l’Heure vient – et nous y sommes – où les vrais adorateurs adoreront le Père en Esprit
et Vérité » (4 ; 23) ;
- à trois reprises, l’Heure est venue :
5) mais après son Entrée à Jérusalem, Jésus dit : « voici venue l’Heure où le Fils de l’Homme doit être glorifié » (12 ; 23) ;
6) dans le passage que nous lisons maintenant, Jésus sait que son Heure est venue de passer de ce monde vers son Père
(13 ; 1) ;
7) dans la prière sacerdotale, Jésus lève les yeux au ciel et dit : « Père, l’Heure est venue » (17 ; 1).
Ici, l’Heure est venue pour que le Christ passe de ce monde vers le Père. « Ayant aimé les siens qui sont dans le monde, Il les aima
jusqu’au bout ».
parallèle à : Dernière partie (13; 27b-30) :
13 27b Jésus lui dit alors : « ce que tu as à faire, fais-le vite ».
28 Cela, aucun parmi les convives ne comprit pourquoi Il le disait.
29 Comme Judas tenait la bourse, certains pensaient que Jésus voulait lui dire : « Achète ce dont nous avons besoin pour la fête »,
ou qu'il donnât quelque chose aux pauvres.
30 Aussitôt la bouchée prise il sortit; il faisait nuit.
L’Heure était venue – ici, il faut « faire vite ».
L’heure est venue, pour Jésus – et Il demande à Judas de se hâter.
Entre la première et la dernière partie, il s’agit d’une opposition, bien plus que d’un parallèle :
- Jésus aima les siens « jusqu’au bout » ; ici, Judas trahit Jésus « jusqu’au bout », jusqu’au plus profond de la nuit spirituelle,
alors même qu’il vient de recevoir la bouchée de la main du Sauveur ;
- Jésus « aima les siens » - alors que personne ne comprend, parmi les disciples, ce que Jésus lui dit : l’amour d’un côté,
l’incompréhension de l’autre;
- Judas se sépare du corps des Apôtres : « prenant donc la bouchée, celui-là sortit aussitôt » (13 ; 30) – alors que
Jésus s’apprête à rejoindre son Père ;
- les Apôtres pensent que Jésus demanda à Judas de donner quelque chose aux pauvres, alors que Judas s’apprête à recevoir
l’argent des riches…
Deuxième partie (13; 2-11) :
13 2 Au cours d'un repas, alors que déjà le diable avait mis au cœur de Judas Iscariote, fils de Simon,
le dessein de Le livrer,
3 sachant que le Père lui avait tout remis entre les mains et qu'Il était venu de Dieu et qu'Il s'en allait vers Dieu,
4 Il se lève de table, dépose ses vêtements, et, prenant un linge, Il s'en ceignit.
5 Puis Il met de l'eau dans un bassin et Il commença à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge dont Il était ceint.
6 Il vient donc à Simon-Pierre, qui Lui dit : « Seigneur, Toi, me laver les pieds ? »
7 Jésus lui répondit : « Ce que Je fais, tu ne le sais pas maintenant ; tu comprendras plus tard ».
8 Pierre lui dit : « Non, Tu ne me laveras pas les pieds, jamais ! » Jésus lui répondit : « Si Je ne te lave pas, tu n'as pas de part avec moi ».
9 Simon-Pierre lui dit : « Seigneur, pas seulement les pieds mais aussi les mains et la tête ! »
10 Jésus lui dit : « Qui s'est baigné n'a pas besoin de se laver; il est pur tout entier. Vous aussi, vous êtes purs ; mais pas tous».
11 Il connaissait en effet celui qui le livrait ; voilà pourquoi Il dit : « Vous n'êtes pas tous purs ».
La construction symétrique de cette partie dégage un verset central :
v. 1 - 2 : Le diable a inspiré à Judas Iscariote, le dessein de livrer Jésus – à cet égard, Judas est impur.
// v. 10 – 11 : Les Apôtres et Pierre à leur tête, sont purs « pas tous, cependant » v. 10. « Il connaissait en effet celui
qui Le livrait » (v. 11).
v. 3 – 6 : Jésus lave les pieds des Apôtres
// v. 8 – 9 : Pierre dit à Jésus : pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête !
v. 7 - verset central : « Ce que Je fais, tu ne le sais pas maintenant ; tu comprendras plus tard ». Cette parole révèle
le caractère prophétique du geste de Jésus.
parallèle à : Avant-dernière partie (13; 18-27a) :
13 18 Ce n'est pas de vous tous que Je parle ; Je connais ceux que j'ai choisis ; mais il faut que l'Écriture
s'accomplisse : Celui qui mange mon pain a levé contre moi son talon.
19 Dès maintenant, Je vous le dis, avant que cela n'arrive, afin que vous croyez lorsque cela arrivera, que JE SUIS.
20 Amen, Amen, Je vous le dis, qui reçoit celui que J’envoie Me reçoit, et celui qui Me reçoit, reçoit Celui qui m’a envoyé »
21 Ayant dit cela, Jésus fut troublé en son esprit et Il attesta : « En vérité, en vérité, Je vous le dis, l'un de vous me livrera».
22 Les disciples se regardaient les uns les autres, ne sachant de qui il parlait.
23 Un de ses disciples, celui que Jésus aimait, se trouvait à table tout contre Jésus.
24 Simon-Pierre lui fait signe et dit : « Demande quel est celui dont Il parle ».
25 Celui-ci, se penchant alors vers la poitrine de Jésus, Lui dit : « Seigneur, qui est-ce ? »
26 Jésus répond : « C'est celui à qui Je donnerai la bouchée que je vais tremper ». Trempant alors la bouchée, Il la prend et
la donne à Judas, fils de Simon Iscariote.
27a Après la bouchée, alors Satan entra en lui.
Dans la deuxième partie, il est spécifié que le Diable est l’inspirateur de Judas Iscariote (13 ; 2)
– tandis qu’ici, l’Évangéliste note que Satan entra en Judas lorsqu’il mangea la bouchée (13 ; 27).
Dans la deuxième partie, il est dit que le Père a tout remis entre les mains du Christ (13 ; 3)
– tandis qu’ici, le Christ affirme solennellement : « Amen, Amen, Je vous le dis : celui qui reçoit celui que J’envoie Me reçoit,
et celui qui Me reçoit, reçoit Celui qui M’a envoyé » : qui reçoit le Christ, reçoit le Père (13 ; 20).
C’est dans cette avant-dernière partie que nous trouvons la Révélation du Nom :
Cette parole est visiblement symétrique au verset central de la deuxième partie - ce qui est dit à Pierre (« tu comprendras plus tard » 13 ; 7) : avec Pierre, Jésus agit d’abord, pour susciter la compréhension ultérieure de l’Apôtre, tandis qu’ici, Jésus émet son message avant que l’événement n’arrive, afin de susciter ultérieurement la Foi.
Si ce verset exprime la voix du Christ, pourquoi dirait-Il à son Père « aie pitié de moi » ?
En fait, chacun des versets du Psautier exprime la voix du Corps spirituel du Christ, tout entier, Tête et Corps – Corps
intégral dont la tête est le Christ, et dont chacun d’entre nous, formons les membres (I Co. 12 ;27). Ce sont les membres du
Corps spirituel du Christ qui disent : « aie pitié », alors que la Tête divino-humaine, le Christ, dit à son Père : « ressuscite-Moi ».
Cette notion de Corps spirituel est une importante clef de compréhension pour l’ensemble du Psautier. Outre le fait que le
Psautier soit une « anthologie » complète et exhaustive de toutes les attitudes possibles de l’être humain devant son Créateur
– de l’amour le plus dévoué à la haine la plus revendicatrice – ce livre inspiré exprime la voix, tantôt de la Tête, tantôt des
membres de ce Corps spirituel. Savoir d’où vient cette voix permet de comprendre les versets psalmiques.
Saint Jean est le seul à nous rapporter le geste du Christ qui désigne nommément le traître, « plonge » la bouchée et la donne à Judas,
puis lui dit : « ce que tu as à faire, fais-le vite » (13 ; 27).
Pierre demande à Jean d’interroger Jésus : « demande de qui Il parle » (13 ; 24). « Celui-là, se renversant ainsi sur la poitrine de
Jésus,
( car tous les convives sont allongés ; ce détail montre l’intimité que Jean partage avec le Christ ) il lui dit : Seigneur,
qui est-il ? C’est celui à qui Je donnerai la bouchée que je vais plonger, répond Jésus (v. 26). Plongeant alors la bouchée,
il la prend et la donne à Judas, fils de Simon l’Iscariote ».
À la lecture de ce passage, n’avons-nous pas l’impression que Jésus désigne Judas pour la mission qui lui serait, en quelque sorte,
assignée ?
Ce que Jésus fait ici montre un comportement typique de la divino-humanité : Dieu SAIT, mais volontairement Il ne tient pas
compte de ce savoir, afin de laisser l’espace indispensable à l’exercice de la liberté de la créature humaine.
Dieu SAIT, mais Il le PEUT pas
ou plus exactement :
Dieu détient la connaissance parfaite
mais volontairement, Il choisit de ne pas en tenir compte.
Dieu sait tout,
mais Il limite sa toute-puissance
pour laisser décider librement sa créature humaine.
Jésus SAIT que Judas va le trahir, mais il se rendra dans le Jardin des Oliviers sans aucunement
chercher à échapper à l’arrestation, non pas seulement pour respecter les prophéties, mais surtout pour respecter la liberté du
traître, ce qui est, à nos yeux, le comble du paradoxe !
C’est une attitude qui est pour nous, simples humains créés, difficile à comprendre : lorsque nous savons quelque chose,
nous tenons toujours compte de l’information que nous possédons, afin de gérer notre vie quotidienne : si nous savons qu’il y
a un trou sur notre chemin, nous ferons tout ce qui nous sera possible pour l’éviter - pour le contourner. Il nous paraît pour
le moins paradoxal de consentir à tomber dans ce trou, afin de ménager la liberté de celui qui l’a creusé ! Mais c’est là
un raisonnement humain, uniquement humain…
Le Christ savait parfaitement bien, et sait de toute éternité, que Judas le trahira. Mais à tout moment, Judas a toujours été libre,
en tant qu’être humain à l’image de son Créateur. À tout moment, Judas pouvait renoncer à la trahison qu’il méditait. Il valait mieux faire
mentir les prophéties de la Passion, que de réaliser ce destin… Mutatis mutandis, il en allait de même pour Salomé : comme nous
le disent les textes liturgiques, Hérode aurait mieux fait de violer le serment qu’il avait inconsidérément fait à la jeune danseuse,
que de rester fidèle à sa parole, et de commettre le crime d’assassiner le Précurseur…
Si Jésus avait modelé sa conduite et ses paroles selon la trahison à venir, Il aurait figé Judas dans son rôle de traître,
et supprimé de ce fait, sa liberté de créature. Et non seulement Il aurait supprimé de facto la liberté de Judas, mais le Christ
aurait fait entrer le mal dans son projet de Salut, ce qui est impossible à Dieu. Dieu est bon, fondamentalement et essentiellement
bon, et le mal n’entre pas dans ses projets – sinon Il serait en contradiction avec Lui-même. Cette absence du Mal dans le
projet divin n’est aucunement une limitation de la puissance divine : le mal n’est qu’une privation d’être, un défaut d’être,
« vide » qui ne saurait trouver place dans la perfection absolue de l’Être qu’est Dieu.
Suivant cette ligne de pensée, l’Ancien Testament nous montre une DOUBLE SÉRIE de prophéties : les prophéties triomphales,
qui montrent la réalité telle qu’elle aurait dû l'être, si Israël avait été fidèle à sa vocation, si le Peuple élu s’était
converti au Christ et aurait à son tour, illuminé les nations, la Croix restant ce qu’elle était de toute éternité : la charpente
de l’Univers, un symbole de lumière et de gloire – et les prophéties de la Passion, du Serviteur souffrant, qui montrent ce qui s’est
réellement passé : la Croix transformée, métamorphosée en une hideuse caricature, en une forme de cauchemar, en un immonde
instrument de supplice, par les Puissances des ténèbres.
Pourquoi avoir émis des prophéties sur une réalité triomphale qui, finalement, ne s’est pas concrétisée ?
Eh bien, pour la même raison que ce que nous constatons à l’égard de Judas : à tout moment, le Peuple élu aurait pu se convertir
et se réconcilier avec sa vocation historique et spirituelle ; Dieu ne voulait pas figer le destin d’Israël en constatant
d’avance son échec, et plus fondamentalement, il n’y avait pas de place en Dieu pour un échec de son plan de Salut, pour un échec
relatif affectant l’Économie divine ; Il ne voulait prévoir que le succès de son Projet illuminateur.
Pourquoi Judas trahit-il le Christ ? Les textes liturgiques reprennent ce que l’Évangile nous dit : Judas trahit Jésus par avarice,
étant captivé par les pièces d’argent qui lui étaient promises. Cela nous semble un peu court, comme argumentation…
Une autre hypothèse paraît séduisante : Judas était un zélote, membre de parti dont le premier but était de libérer Israël du joug
de l’occupant romain. En cheminant avec Jésus, Judas avait bien vu quels étaient ses pouvoirs, et avait certainement évalué
qu’avec une telle puissance, Jésus, s’Il l’avait voulu, aurait pu jouer un rôle politique déterminant. Mais à aucun moment,
Jésus n’a montré des ambitions politiques ; bien au contraire, Il s’est toujours dérobé lorsqu’on était sur le point de Le mettre
à la tête d’une rébellion.
Le temps passait, la tension s’accroissait entre Jésus et les dirigeants de la société juive. On peut supposer que Judas ait
vu en ce moment, l’occasion unique de « mettre Jésus au pied du mur » : en faisant arrêter Jésus, Celui-ci n’aurait eu d’autre
issue que d’appeler à son secours des légions d’anges. Faisant passer de vie à trépas la milice qui venait L’arrêter, Il aurait été
automatiquement entraîné dans une logique de rébellion. Il aurait libéré ses pouvoirs contre ses adversaires, les chefs politiques
juifs et immanquablement, les troupes romaines.
Voici qu’arriva l’inconcevable : Jésus se laissa faire, et il fut arrêté et condamné à mort. Ce fut l’éclatement de tous
les espoirs de Judas, et il alla mettre fin à ses jours.
Les Évangélistes Marc et Matthieu rapportent cette parole terrible de
Jésus : « Malheur à cet homme, par qui est trahi le Fils de l'Homme. Il eût mieux valu pour cet homme qu'il ne soit pas né »
(Mc. 14 ; 21 // Mt. 26 ; 24). Pour Judas, il aurait mieux valu qu'il ne tienne pas sa promesse, et qu'il encaisse les trente
deniers sans trahir le Christ - ainsi, sa destinée ne se serait pas terminée tragiquement.
Nous pouvons relever à ce sujet un
passage assez remarquable des textes liturgiques, texte qui reproche à Hérode d'avoir tenu son serment fait à Hérodiade, avec comme
conséquence tragique la décapitation de saint Jean-Baptiste :
Après avoir dansé, * l'initiée du Diable malfaisant * s'adjugea pour salaire ta tête, Précurseur. * Détestable
festin plein de sang ! * Plût au ciel que tu n'eusses juré, * fils du mensonge, Hérode, violateur de la Loi ; * et même ayant juré,
pourquoi tenir ce serment ? * Mieux eût valu te dédire et atteindre la vie * plutôt qu'en l'observant * de couper la tête du Précurseur. *
Mais nous, parmi les fils de femme l'honorant * à juste titre comme le plus grand, * nous disons bienheureux le Baptiste du Seigneur.
Deuxième stichère du Lucernaire, Ton 5. 29 Août : Grandes Vêpres de la Décollation de saint Jean-Baptiste. Ménée d'Août. Traduction P. Denis
Guillaume. Diaconie Apostolique 1981. p. 275.
De même que la parole du Christ envers Judas est unique en son genre, unique également est ce texte liturgique
qui exhorte Hérode à ne pas tenir son serment ! Nous sommes loin de l'« impératif catégorique » de Kant...
L'idée que Judas ait voulu « mettre le Christ au pied du mur » est une hypothèse plausible.
Mais elle ne nous est pas explicitement indiquée par le texte évangélique. Si tel était le cas,
le rôle de Judas aurait été purement circonstanciel ; Judas n’aurait pas grand-chose à nous apprendre, à nous qui vivons aujourd’hui.
Et si Judas avait réellement trahi par avarice ? Trente pièces d’argent ne représentait pas une fortune : tout juste de
quoi acheter un champ « le prix du Précieux qu’ont apprécié les fils d’Israël » comme dit Matthieu (27 ; 9) en citant le
Prophète Zacharie (Za. 11 ; 12 – 13).
En ce jour, Judas abandonne le Seigneur * pour s'attacher au démon ; * aveuglé par l'amour de l'argent, * il
quitte la lumière et s'enfonce dans la nuit ; * comment donc pourrait-il y voir clair encor, * celui qui a vendu la Lumière pour
trente deniers ? * Mais pour nous se lève le Soleil, * Celui qui pour le monde a souffert ; * aussi crions-Lui reconnaissants : * Toi
qui as souffert par amour pour les hommes, Seigneur, gloire à Toi.
Triode. Vendredi-Saint à Matines. Antienne IV, Ton 5. Traduction P. Denis Guillaume. Diaconie Apostolique 1995. p. 520.
L’avarice est une passion, une captivité de l’âme. Un avare peut priver d’eau chaude, de chauffage ou de
nourriture sa famille et son entourage afin d’économiser un centime, mais acheter une luxueuse voiture parce que « cela se voit ».
Nous voyons cela couramment autour de nous. L’économie d’un avare n’a rien de rationnel, n’a rien à voir avec la «sage gestion»
d’une maisonnée : l’avare évitera de devoir faire une réparation parce que cela coûte cher, mais sera confronté ensuite à des
dégâts bien plus coûteux. L’avarice est l’expression d’un refus fondamental de la vie, tapi dans les profondeurs de la psyché. Judas
était prisonnier de sa passion, comme de nombreux êtres humains sont prisonnier de la leur.
Une passion est fondamentalement la perte de liberté pour soi-même. La puissance du désir humain est faite pour être orientée
vers Dieu. Elle devient « passion » dès lors que ce désir est dévié vers des biens ou des avantages terrestres. Sacrifiant tout
à sa passion, Judas a commis l’acte le plus irrationnel que l’on puisse imaginer. L’énormité commise par Judas est un contre-exemple
qui reste important pour nous : l’Église a toujours mis en garde les croyants contre les passions, car chacune d’entre elles peut
nous faire perdre notre liberté, qui nous est indispensable pour approcher Dieu.
Lors donc que l’Évangéliste Jean nous donne ces détails exclusifs, il fait une omission éclatante : il ne rapporte pas
les paroles de l’Institution, soigneusement écrites par les trois Synoptiques (Lc. 12 ; 19 – 20 // Mc. 14 ; 22 – 42 // Mt. 26 ; 26 – 28).
Aux yeux de l’Évangéliste Jean, l’enseignement de la partie centrale de ce passage est un exact équivalent de la Cène :
Partie centrale (13 ; 12 – 17) :
13 12 Quand Il leur eut lavé les pieds, qu'Il eut repris ses vêtements et se fut remis à table, Il leur dit :
« Comprenez-vous ce que Je vous ai fait ?
13 Vous m'appelez Maître et Seigneur, et vous dites bien, car Je le suis.
14 Si donc Je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres.
15 Car c'est un exemple que Je vous ai donné, pour que vous fassiez, vous aussi, comme moi J'ai fait pour vous.
16 Amen, Amen, Je vous le dis, le serviteur n'est pas plus grand que son maître, ni l'envoyé plus grand que celui qui l'a envoyé.
17 Sachant cela, heureux êtes-vous, si vous le faites.
La trahison de Judas se fait dans le contexte du Lavement des Pieds. Qu’est-ce que le Christ nous enseigne en lavant les pieds
de ses Disciples ?
Il nous avertit de ne pas dévier son message en une relation de pouvoir : «vous devez vous laver les pieds les uns aux autres»
(Jn. 13 ; 14). Car l’une des grandes passions qui marquent les hommes – et qui cause à chaque génération tant de victimes!
- est la recherche du pouvoir. Si l’avarice est le travestissement du refus fondamental de la vie, la recherche
du pouvoir est la déviation de l’amour de la vie terrestre, de la tendance inhérente à l’être humain à se mettre en avant.
La transformation de l’Église en une structure de pouvoir sera une tentation dominante au fur des siècles, et le Seigneur le savait…
Comprenez-vous ce que Je vous ai fait ? (verset 12)
Amen, Amen, Je vous le dis (déclaration solennelle) :
le serviteur n’est pas plus grand que son maître
ni l’envoyé (apostolos) plus grand que Celui qui l’a envoyé.
Si vous savez ces choses,
Les Disciples doivent « se laver les pieds les uns des autres » (v. 14). Le Seigneur donne un exemple (hupodeigma)
qui doit être suivi. Mais cet exemple, s’il inclut le service mutuel, va jusqu’au martyre et au don total de soi. Bienheureux celui
qui en sera capable ! C’est la participation au Sacrifice du Christ, équivalent à la communion à la même Coupe de la Cène.
Dans la deuxième partie, ainsi que dans la partie centrale, le verbe « laver » (niptein) se retrouve huit fois
(v. 5 – 6 – 8 deux fois – 10 – 12 – 14 deux fois). Huit est le chiffre de l'œuvre du Christ, mystiquement accomplie par l'eau :
...l'Arche, dans laquelle un petit nombre, en tout huit personnes, furent sauvées par l'eau. L'antitype est le Baptême
qui vous sauve maintenant, lui qui n'est pas l'enlèvement d'une souillure charnelle, mais l'engagement à Dieu d'une bonne conscience
par la Résurrection de Jésus-Christ.
Première épître de Pierre, 3 ; 20-21.
Le nombre huit évoque le passage de la mort à la Vie, de ce monde au Royaume, par la mort dans l'eau et la Résurrection dans la Lumière éternelle. C'est ce « lavage mystique » qui est évoqué huit fois.
- 2 -
DEUXIÈME VOLET (13; 31 - 14; 31) : Le nouveau Commandement et l'annonce de l'envoi du Paraclet
Ce texte est exclusif à l’Evangéliste Jean.
Il est introduit par ce bref verset de liaison : « Quand il (Judas) fut sorti, Jésus dit ».
La fin de cette partie est nettement marquée par la vive exclamation du Christ :
Première partie (13; 31 - 14; 4) :
13 31 Quand il fut sorti, Jésus dit : « Maintenant le Fils de l'homme est glorifié et Dieu est glorifié en Lui.
32 Si Dieu est glorifié en Lui, Dieu Le glorifiera aussi en Lui et tout de suite Il Le glorifiera.
33 Petits enfants, Je suis avec vous encore un peu de temps. Vous me chercherez, et, comme je l'ai dit aux Juifs : là où moi Je vais,
vous ne pouvez pas aller, aussi à vous, Je le dis maintenant.
34 Je vous donne un nouveau commandement : que vous vous aimiez les uns les autres ; comme je vous ai aimés, afin que vous aussi, vous
vous aimiez les uns les autres.
35 En cela, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l'amour les uns envers les autres ».
36 Simon-Pierre lui dit : « Seigneur, où vas-tu ? » Jésus lui répondit : « Où Je vais, tu ne peux pas me suivre maintenant ; mais
tu me suivras plus tard ».
37 Pierre lui dit : « Pourquoi ne puis-je pas Te suivre à présent ? Je donnerai ma vie pour toi ».
38 Jésus répond : « Tu donneras ta vie pour moi ? En vérité, en vérité, je te le dis, le coq ne chantera pas que tu ne m'aies renié
trois fois.
14 1 Que votre cœur ne se trouble pas ! vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi.
2 Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures, sinon Je vous l'aurais dit ; Je vais vous préparer une place.
3 Et quand Je serai allé et que Je vous aurai préparé une place, à nouveau Je viendrai et Je vous prendrai près de moi, afin que, là
où Je suis, vous aussi, vous soyez.
4 Et du lieu où je vais, vous savez le chemin ».
Les exégètes ont noté le verset 37, où Pierre dit au Christ : « pourquoi ne puis-je pas te suivre à présent ? »
- or, au chapitre 16, verset 5 Jésus dit : « aucun de vous ne me demande : où vas-tu ? » Selon les exégètes, c'est un signe de plus
de l'incohérence du texte de l'Évangile de Jean.
En fait, nous sommes dans la deuxième partie (13 ; 31 - 14 ; 20) de la longue péricope qui s'étend du récit du lavement des pieds (13 ; 1)
à la parole conclusive : « Je leur ai révélé ton Nom (de Père) et le leur révélerai, pour que l'amour dont Tu m'as aimé soit en eux et Moi
en eux » (17 ; 26). Cette deuxième partie nous révèle le Commandement nouveau donné par le Christ : « aimez-vous les uns les autres
comme Je vous ai aimé » (13 ; 34). Suivre le Christ, signifie donner sa vie pour Lui. Dans ce passage, Pierre demande au Christ
pourquoi ne peut-il pas Le suivre. La réponse du Christ est très claire : Pierre ne peut pas Le suivre, parce qu'il n'est pas
encore prêt a donner sa vie pour Lui : il est sur le point de Le trahir par trois fois. C'est tout à la fin de l'Évangile, après
une longue progression et une longue maturation de la part de Pierre, que le Christ lui prédira son martyre, après lui avoir
dit « pais mes agneaux » (21; 15 - 19). Pierre ne recevra cette annonce que lorsqu'il sera spirituellement prêt à l'accueillir.
Quant à la question du Christ que nous trouvons au chapitre 16 verset 5, elle se situe bien sûr dans un tout autre contexte : elle
figure dans l'avant-dernière partie (15 ; 26 - 16 ; 33) de la longue péricope qui nous concerne (13 ; 1 - 17 ; 26). Il s'agit du
Don du Saint Esprit : Le Christ va à Celui qu'il a envoyé (16 ; 5), c'est-à-dire le Père. Le Christ veut dire la vérité à ses
disciples : « il vaut mieux pour vous que Je parte ; car si Je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas à vous » (16 ; 7) il s'agit
de la réciprocité de manifestation qui existe entre le Fils et l'Esprit. Le Fils retourne auprès du Père, afin que l'Esprit soit
envoyé ; et l'Esprit, quant à lui, manifestera le Christ dans le cœur des disciples et les fidèles de tous les siècles.
Cette réciprocité de manifestation entre le Fils et l'Esprit est l'un des points importants de la théologie de Jean.
Il nous paraît assez puéril de vouloir opposer un Christ qui, d'un côté refuserait que Pierre le suivre et de l'autre côté,
s'étonnerait que ses disciples ne le suivent pas !
* * *
La « glorification », est, comme nous l’avons vu, l’ensemble indissociable, le continuum de la Passion et de la Résurrection.
Il est de première importance d’affirmer que nous ne pouvons considérer la Passion sans la Résurrection : nous ne voyons
les souffrances du Christ que dans la transparence de la Vie nouvelle qui nous est donnée : la Résurrection se
dresse entre nous et la Passion du Christ, et illumine cette dernière. Les souffrances du Fils de Dieu ne peuvent être
contemplées en soi – un Christianisme réduit à une pensée de la « souffrance rédemptrice » est gravement altéré,
et ne présente qu’une vue partielle de la Vérité révélée.
Cette « glorification » implique les deux Personnes divines du Père et du Fils ; la Passion ne concerne pas seulement le Christ :
Pendant le peu de temps dont le Christ dispose afin d’être avec ses Disciples, le Christ va leur révéler « là où Il va » : Il va franchir les portes de la mort, aller rechercher victorieusement les défunts aux Enfers, remonter tous les niveaux de l’être - à la stupéfaction des Anges, et faire siéger notre Nature à la droite du Père. Cela, personne ne l’a fait avant Lui.
Ce "nouveau Commandement" qui consiste à s’aimer les uns les autres, fut rappelé au jeune homme riche, alors qu’il s’approchait du Christ et lui posait la question : « Maître, que dois-je faire de bon pour posséder la Vie éternelle ? » (Mt. 19; 16. Ce récit se trouve dans les Synoptiques, mais est absent dans l’Evangile de Jean). Le Christ cite le Lévitique (19 ; 18), en disant : « tu aimeras ton prochain comme toi-même ».
Pourtant, ce commandement est réellement nouveau : il ne s’agit plus seulement d’aimer son clan,
sa tribu, son peuple, mais bien tout être humain à l’image de Dieu. Il s’agit d’aimer son prochain d’un amour qui est immédiatement
issu de l’amour dont le Christ Lui-même nous aime, et qu’Il tient du Père. Cet amour n’est possible que grâce à l’Energie insuflée
en nous par l’Esprit-Saint qui nous est donné pour cela par le Christ. Cet amour se situe dans la motion du Dieu trinitaire,
et n’est pas seulement un phénomène humain et psychique.
Simon Pierre s’adresse au Christ, au nom de tous les Disciples, demandant : « Seigneur, où vas-Tu ? » Il lui répond que là où Il va,
Pierre ne peut Le suivre maintenant. Pierre proteste de son dévouement jusqu’à la mort :
Cette réponse présomptueuse attire la réponse abrupte du Christ : la prédiction du triple reniement de Pierre au chant du coq.
Le Christ continue de répondre à la question de Pierre : « où vas-Tu ? ».
Les versets suivants contiennent la première des deux Révélations du Nom contenues dans cette péricope :
14 1 Que votre cœur ne se trouble pas !
- vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi.
2 Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures, sinon Je vous l'aurais dit ; Je vais vous préparer une place.
3 Et quand Je serai allé et que Je vous aurai préparé une place, à nouveau Je viendrai et Je vous prendrai près de moi, afin que, là
où Je suis, vous aussi, vous soyez.
4 Et du lieu où je vais, vous savez le chemin ».
Les quatre premiers versets du chapitre 14 commencent par la recommandation du Christ : « que votre cœur ne soit
pas troublé » (14 ; 1), termes que nous trouvons identiquement dans la dernière partie (14 ; 27).
« Croyez en Dieu ; croyez aussi en Moi » (14 ; 1).
Avoir la Foi en Dieu le Père et à son Fils incarné qui Lui est consubstantiel, est la fondation indestructible qui est le
remède au « trouble » de l’esprit.
parallèle à : Dernière partie (14; 21-31) :
14 21 Celui qui a mes commandements et qui les garde, c'est celui-là qui m'aime ; or celui qui m'aime sera aimé
de mon Père ; et Je l'aimerai et Je me manifesterai à lui ».
22 Judas - pas l'Iscariote - lui dit : « Seigneur, et qu'est-il advenu, que Tu doives Te manifester à nous et non pas au monde ?»
23 Jésus lui répondit :
« Si quelqu'un m'aime, il gardera ma parole, et mon Père l'aimera et nous viendrons vers lui et nous nous
ferons une demeure chez lui.
24 Celui qui ne m'aime pas ne garde pas mes paroles ; et la parole que vous entendez n'est pas de moi, mais du Père qui m'a envoyé.
25 Je vous ai dit cela tandis que Je demeurais près de vous.
26 Mais le Paraclet, l'Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, Lui, vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que Je vous ai dit.
27 Je vous laisse ma paix ; c'est ma paix que Je vous donne ; Je ne vous la donne pas comme le monde la donne. Que votre cœur ne se trouble
ni ne s'effraie.
28 Vous avez entendu que je vous ai dit : Je m'en vais et je reviendrai vers vous. Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez de ce que
Je vais vers le Père, parce que le Père est plus grand que moi.
29 Je vous le dis maintenant avant que cela n'arrive, pour qu'au moment où cela arrivera, vous croyiez.
30 Je ne m'entretiendrai plus beaucoup avec vous, car il vient, le Prince de ce monde ; sur moi il n'a aucun pouvoir,
31 mais il faut que le monde sache que J'aime le Père et que J’agis comme le Père me l'a ordonné. Levez-vous ! Partons d'ici!
L’interrogation de Pierre trouve son écho en l’interrogation de Jude :
- Dans la première partie, l’Apôtre Pierre pose au Christ la question : « Seigneur, où vas-Tu ? » (13 ; 36)
- Dans la dernière partie, l’Apôtre Jude (« pas l’Iscariote » - le frère de Jacques), pose au Christ la question :
« Seigneur, comment se peut-il que Tu doives Te manifester à nous et non pas au monde ? » (14 ; 22)
La question de Jude reflète les préoccupations du Disciples, préoccupations qui sont encore très loin de ce que Jésus veut leur
enseigner. Nous pourrions exprimer ainsi l’interrogation de l’Apôtre : « Maître, tu vas Te manifester à nous ; c’est bien beau…
Mais ce serait tellement mieux si Tu te manifestais aux nations, afin que nous puissions installer le Royaume – avec bien sûr,
une place prépondérante pour nous… ». Le Christ s’abstient de répondre à ces aspirations qui se situent encore sur le plan de
l’ambition politique. Il promet l’envoi de l'Esprit-Saint. C’est l'Esprit-Saint qui changera la vision des Disciples, qui leur donnera
les « yeux spirituels ». Cette vision nouvelle leur permettra de prendre la véritable mesure de leur mission. Pour le moment,
ils ne peuvent pas encore soupçonner la portée de ce que leur promet le Christ.
- Dans la première partie, le Christ donne un nouveau commandement à ses Apôtres. (13 ; 34)
- Dans la dernière partie, le passage commence par ces mots : « celui qui a mes commandements et qui les garde,
voilà celui qui M’aime » (14 ; 21).
Ensuite, nous avons ce que l’on peut appeler : le nouveau commandement développé, énoncé à deux reprises :
Celui qui a mes commandements et qui les garde,
celui-là est celui qui M’aime ;
celui qui M’aime sera aimé par mon Père
et Je l’aimerai et Me manifesterai à lui (14 ; 21).
C’est la promesse de la Vie en Christ.
Il s’agit de :
1) posséder et garder les commandements
2) ce qui est le signe tangible de l’amour que l’on porte au Christ
3) l’amour que l’on porte au Christ suscite l’amour de la part du Père
4) en retour, le Christ aimera celui qui est aimé par le Père
5) et le Christ Se manifestera à celui qui est aimé par le Père.
Cet énoncé de la « voie de la vie spirituelle » est suivi par la question de Jude, puis repris à une seconde reprise, mais avec un élément
de plus : l’inhabitation du Père et du Fils dans le croyant :
Si quelqu’un M’aime
il gardera ma Parole
et mon Père l’aimera
et Nous viendrons à lui,
et Nous ferons en lui notre demeure
(14 ; 23).
avec une opposition :
Celui qui ne M’aime pas
ne garde pas mes paroles.
et une précision :
Ma Parole n’est pas mienne ;
c’est la Parole de Celui qui M’a envoyé
(14 ; 24).
La Parole trouve son origine dans le Père ; elle vient DU Père et est donnée PAR le Fils, qui s’adresse aux hommes.
Voici l’annonce de l'Esprit-Saint (14 ; 25-26) :
« Je vous laisse la paix, Je vous donne ma paix » (14 ; 27) : c’est la réalisation de la prophétie d’Isaïe :
Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière :
sur les habitants du sombre pays, une lumière a resplendi (…)
car un Enfant nous est né,
un Fils nous est donné ;
Il a reçu l’Empire sur les épaules,
on lui donne ce nom :
Conseiller merveilleux, Dieu fort,
Père éternel, Prince de la Paix.
(Is. 9 ; 1 – 6)
« Je vous laisse ma PAIX, je vous donne ma PAIX » (Jn. 14 ; 27) semble être contradictoire avec
l'autre parole du Christ :
« Ne croyez pas que Je sois venu apporter la PAIX sur la terre » (Mt. 10 ; 34 // Lc. 12 ; 51).
Cette contradiction n'est qu'apparente, car il existe deux termes pour désigner la PAIX, en Araméen :
SHAYNA - la paix extérieure, faite de « traités de paix » et d'ententes formelles ;
SCHLAMA - la paix intérieure, qui est ele fruit de l'Esprit-Saint.
Les deux paroles du Christ sur la PAIX peuvent donc être comprises comme suit :
« Je vous laisse ma PAIX / SCHLAMA, je vous donne ma PAIX / SHLAMA » (Jn. 14 ; 27) - la paix intérieure ;
« Ne croyez pas que Je sois venu apporter la PAIX / SHAYNA sur la terre » (Mt. 10 ; 34 // Lc. 12 ; 51) - la paix formelle et
extérieure.
Il n'y a donc pas de contradiction quant au sens, entre ces deux affirmations du Christ.
Cette Paix n’est pas la paix fragile et transitoire du monde, mais le Don de l’Esprit :
« Je ne vous la donne pas comme le monde la donne. Que votre cœur cesse de se troubler et de craindre » (14 ; 27).
« Si vous M’aimiez, vous vous réjouiriez de ce que Je vais au Père, parce que le Père est plus grand que Moi »
Cette parole fut un pilier de l’argumentation arienne qui niait la divinité du Christ, et fut largement
citée par les subordinationnistes. Elle donna du fil à retordre aux théologiens orthodoxes ! Comment comprendre cette
affirmation du Christ ?
En fait, le Christ n’est pas Dieu par Lui-même, tout comme l'Esprit n’est pas Dieu par Lui-même : le Père est seule Source
de la Divinité, Il est seul Dieu par Lui-même. C’est bien pour cela qu’Il est Père.
Le Christ est pleinement Dieu en tant qu’engendré du Père.
L'Esprit est pleinement Dieu, en tant que procédant du Père.
Ni le Fils ni l'esprit ne voient leur divinité « diminuée » de quelque façon que ce soit, du fait qu’Ils la reçoivent du Père.
C’est en ce sens que le Christ dit que le Père est « plus grand » que Lui, et que l'Esprit pourrait le dire pareillement.
Si le Christ était Lui-même « source de la divinité », il serait Père Lui aussi, ce qui n’a pas de sens : il n’y a qu’un
seul Père où se trouve le pôle de l’Unité divine – il n’y a qu’un seul Dieu, parce qu’il n’y a qu’un seul Père.
Les deux Personnes qui reçoivent la Divinité du Père sont en réciprocité de service pour réaliser l’œuvre du Père : l'Esprit
a désigné le Fils lors de la Théophanie ; à son tour, le Christ « se retire » afin de laisser agir l'Esprit.
- Dans la première partie, le Christ prédit le triple reniement de Pierre (13 ; 28) ;
- Dans la dernière partie, le Christ dit « il vient, le Prince de ce monde » (14 ; 30).
- Dans la première partie, le Christ dit à ses disciples qu’Il reviendra les prendre avec Lui (14 ; 3) ;
- Dans la dernière partie, le Christ dit à ses disciples : « Levez-vous ! partons d’ici ! » (14 ; 31).
Notons le fait que les exégètes remarquent ironiquement que dans ce verset, Jésus donne le signal du départ. Mais il continue
ses propos dans les chapitres 15 et 16, et prononce même une prière au chapitre 17. Est-ce encore une contradiction dans le
texte johannique ?
- Il s’agit simplement de la césure extrêmement nette qui signale le passage au troisième volet de la péricope (15 ; 1 – 25),
qui parle de la Vigne véritable.
Dans la péricope précédente, dans le verset de la Révélation du Nom, le Christ disait :
« Dès maintenant, Je vous le dit, avant que cela n’arrive, afin que vous croyez quand cela arrivera que JE SUIS (13 ; 19) ».
Ici, Il affirme :
Ainsi Je vous l’ai dit, avant que cela n’arrive, afin que quand cela arrivera vous croyez (14 ; 29).
Mais cette fois, la Révélation du Nom ne se trouve pas ici. Bien au contraire, il s’agit de la venue de l’AUTRE :
Dans la péricope précédente, après la Révélation du Nom, nous voyons Satan entrer dans Judas, après
qu’il ait reçu la bouchée (13 ; 27).
Ici, après la promesse de l’envoi de l'Esprit-Saint, nous voyons surgir le Prince du monde.
Nous pouvons compléter maintenant la description de la « voie de la Vie spirituelle » telle que nous la décrit ce passage d’une richesse
exceptionnelle :
- posséder et garder les commandements
- ce qui est le signe tangible de l’amour que l’on porte au Christ
- l’amour que l’on porte au Christ suscite l’amour de la part du Père
- en retour, le Christ aimera celui qui est aimé par le Père
- et le Christ Se manifestera à celui qui est aimé par le Père ;
- le Père envoie au Nom du Christ l'Esprit-Saint aux croyants
- cet Esprit leur donnera la Paix / Don de l’Esprit
- qui permettra de triompher du Prince du monde.
Deuxième partie (14; 5-14) :
14 5 Thomas lui dit : « Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment saurions-nous le chemin ? »
6 Jésus lui dit : « Je suis la Voie, la Vérité et la Vie. Nul ne vient au Père que par moi.
7 Si vous me connaissez, vous connaîtrez aussi mon Père ; dès à présent vous le connaissez et vous l'avez vu ».
8 Philippe lui dit : « Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit ».
9 Jésus lui dit : « Voilà si longtemps que Je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ? Qui m'a vu a vu le Père. Comment
peux-tu dire : "Montre-nous le Père" ?
10 Ne crois-tu pas que Je suis dans le Père et que le Père est en moi ? Les paroles que Je vous dis, Je ne les dis pas de moi-même :
mais le Père demeurant en moi fait ses œuvres.
11 Croyez-moi, que Je suis dans le Père et que le Père est en moi. Croyez du moins à cause des œuvres mêmes.
12 En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi fera, lui aussi, les œuvres que je fais ; et il en fera même de
plus grandes, parce que Je vais vers le Père.
13 Et tout ce que vous demanderez en mon nom, Je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils.
14 Si vous me demandez quelque chose en mon nom, Je le ferai.
Les exégètes pensent que les versets 5 et 6, contenant la question de Thomas : « Seigneur, nous ne
savons pas où tu vas » s’accordent mal avec les versets 1 à 3 du même chapitre 14. En effet, Jésus vient de dire qu’Il s’en va
« dans la maison du Père » (v. 2) pour y préparer une place pour ses disciples. Pourquoi Thomas s’inquiète-t-il de la route
à suivre, si Jésus vient de dire qu’il reviendra chercher ses disciples ? Les exégètes pensent retrouver là des indices de la
présence d’additions qui ont été faites au texte primitif de l’Évangile. Selon eux, les versets 1 à 3 et 4 à 6 n’auraient
certainement pas été écrits en même temps ; l’un des deux textes devrait être une addition par rapport à l’autre.
Nous nous situons dans le deuxième volet (13 ; 31 – 14 ; 31) de la longue péricope qui couvre les chapitres 13 à 17 de l’Évangile
de Jean. Il s’agit du discours où le Christ donne le Commandement nouveau à ses disciples.
Dans le premier segment de ce discours, Jésus dit à ses disciples, après leur avoir donné le Commandement nouveau de l’amour
mutuel : « croyez en Dieu, croyez aussi en Moi » (14 ; 1) Il leur dit également qu’Il leur prépare une place « afin que là où JE SUIS,
là aussi, vous soyez » (14 ; 3). Il conclut en disant : « du lieu où Je vais (la maison du Père), vous connaissez le chemin »
(car les disciples connaissent le Père, au-travers de l’enseignement du Christ). Ce segment est parallèle au dernier segment
du volet de la péricope, qui donne le Commandement nouveau développé. Tout cela est très cohérent.
Le deuxième segment du discours commence par la question de Thomas, qui s’interroge sur le chemin à suivre (14 ; 5). Le Christ y
répond par cette parole : « JE SUIS la Voie et la Vérité et la Vie » (v. 6). Ce passage est un énoncé de la consubstantialité
du Père et du Fils : « Je suis dans le Père et le Père est en Moi » (14 ; 10).
Effectivement, il existe une césure dans le texte, entre les versets 4 et 5 du chapitre 14. Cela correspond à la division existant
entre la première et la deuxième partie de ce volet de la péricope. Cela est conforme au mode de rédaction de l’Évangile
de Jean et n’a pas d’origine accidentelle, n’est donc pas le fruit d’une maladresse rédactionnelle.
L’Apôtre Thomas pose la question : « Seigneur, nous ne savons pas où Tu vas. Comment en connaîtrions-nous le chemin ? »
Le Seigneur répond par la deuxième Révélation du Nom contenue dans cette péricope (14 ; 6) :
Nul ne vient au Père que par moi.
Si vous me connaissez, vous connaîtrez aussi mon Père ;
dès à présent vous le connaissez et vous l'avez vu.
La « voie de la Vie spirituelle » passe par le Christ, qui est l’unique Voie permettant de découvrir la Divinité.
L’Apôtre Philippe pose la question : « Seigneur, montre-nous le Père, et cela nous suffit » (14 ; 8)
C’est assurément la pire question que puisse poser un Disciple à ce moment-là ! Jésus lui répond affectueusement : « voilà si longtemps que Je suis avec vous, et tu ne Me connais pas, Philippe ? »
(v. 12) Le Christ émet ensuite une affirmation solennelle : « En vérité, en vérité, Je vous le dis, celui qui croit en Moi fera, lui aussi, les œuvres que Je fais. Il en fera même de plus grandes, parce que Je vais au Père.
Le Fils fait les œuvres du Père : l’expulsion des Puissances mauvaises, le soulagement des douleurs, la guérison
des maladies, et ultimement, la Résurrection de Lazare. Avant que le Christ ne donne à Lazare l’ordre de sortir du tombeau,
le Christ s’adresse explicitement au Père : « Je savais bien que Tu M’exauces toujours ; mais c’est pour tous ces hommes
qui M’entourent que Je parle, afin qu’ils croient que Tu M’as envoyé » (11 ; 41 – 43). La Résurrection de Lazare est donc,
par excellence, une œuvre du Père réalisée PAR le Fils.
Lorsque les croyants seront « greffés » en plénitude au Christ, par eux aussi passeront les œuvres du Père, en l’absence
apparente du Christ.
parallèle à : Avant-dernière partie (14; 18-19) :
14 18 Je ne vous laisserai pas orphelins. Je viendrai vers vous.
19 Encore un peu de temps, et le monde ne me verra plus. Mais vous, vous verrez que je vis et vous aussi, vous vivrez.
20 Ce jour-là, vous comprendrez que Je suis en mon Père.
- Dans la deuxième partie, Thomas posait la question : « Seigneur, nous ne savons pas où Tu vas.
Comment en connaîtrions-nous le chemin ? » (14 ; 5).
- C’est ici que le Seigneur apporte la réponse :
Je ne vous laisserai pas orphelins (orphanous)
Je reviendrai vers vous
(14 ; 18)
- Dans la deuxième partie, Jésus disait : « Croyez en Moi (…) sinon, croyez par les œuvres
(du Père) » (14 ; 11) L’œuvre du Père est la Résurrection du Christ. L’œuvre du Père est que le Christ triomphe de la mort ;
- ici, nous voyons affirmée la certitude que ceux qui croient en le Christ vivront de la Vie donnée par le Père, la Vie absolue,
hors d’atteinte de toute forme de mortalité :
Dans peu de temps le monde ne Me verra plus.
Mais, vous, vous Me verrez,
parce que Moi Je vis et que vous vivrez
(14 ; 19)
Le Christ est glorifié parce qu’Il est Vivant car ressuscité,
et la gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, comme le dit saint Irénée.
- Dans la deuxième partie, se trouve l’affirmation de la consubstantialité du Père et du Fils.
- ici, nous voyons la réalisation de cette consubstantialité, en l’être humain :
L’être humain est divinisé : il devient Dieu par participation, participant à la Nature divine
du fait que le Fils a élevé notre Nature humaine à la droite du Père, après que soit accomplie le « Glorification »
: Passion / Résurrection.
L’être humain qui réalise sa vocation spirituelle est uni au Fils, du fait que le Fils en tant
que Dieu et deuxième Personne de la Trinité, a assumé notre Nature humaine.
PAR le Fils, l’être humain (l'Esprit-Saint demeurant en lui)
peut désormais dire à Dieu/Première Personne de la Trinité :
« Notre Père ».
Partie centrale (14 ; 15 – 17) :
Cette partie récapitule la « Voie du Salut » :
14 15 Si vous M’aimez, vous garderez mes commandements ;
16 et Je demanderai au Père et Il vous donnera un autre Paraclet afin qu’Il soit avec vous dans les siècles.
17 l'Esprit de Vérité que le monde ne peut recevoir parce qu’il ne Le voit pas ni ne Le connaît. Vous, vous Le connaissez, parce
qu’auprès de vous Il demeure est qu’Il est en vous.
- l’amour que l’on porte au Christ
- se traduit par le fait de posséder et de garder les commandements
- cet amour suscite la demande que le Christ adresse au Père
- en retour, le Père donnera le Paraclet
- qui demeure dans le cœur de celui qui aime le Christ.
En 14 ; 26 - 31, le Christ envoie l'Esprit Saint, qui donne la Paix/Don de l'Esprit, qui permet de triompher du Prince du monde.
Maintenant, nous franchissons un nouveau pas : nous apprenons l’inhabitation de l'Esprit dans le croyant, et la connaissance
de l'Esprit que possède le croyant aimant le Christ.
- Cet Esprit de Vérité restera toujours présent auprès des croyants ;
- Cet Esprit distingue les croyants du « monde », c’est à dire de l’ensemble de ceux qui ne veulent pas accueillir la Révélation.
- Les croyants connaissent l'Esprit qui est en eux.
Le Christ posait la question à Philippe : « il y a si longtemps que Je suis avec vous, et tu ne Me connais pas ? » (13 ; 9)
Désormais, les croyants connaissent le Christ et l'Esprit ; par le Christ et dans l'Esprit, ils accèdent à la connaissance du Père.
- 3 -
TROISIÈME VOLET (15; 1-25) : La Vigne véritable
Première partie (15; 1-6) :
15 1 « Je suis la vigne véritable et mon Père est le vigneron.
2 Tout sarment en moi qui ne porte pas de fruit, Il l'enlève, et tout sarment qui porte du fruit, Il le purifie, pour qu'il porte
encore plus de fruit.
3 Déjà vous êtes purs grâce à la parole que Je vous ai fait entendre.
4 Demeurez en moi, comme moi en vous. De même que le sarment ne peut de lui-même porter du fruit s'il ne demeure pas sur la vigne, ainsi
vous non plus, si vous ne demeurez pas en moi.
5 Je suis la vigne ; vous, les sarments. Celui qui demeure en moi, et moi en lui, celui-là porte beaucoup de fruit ; car hors de moi
vous ne pouvez rien faire.
6 Si quelqu'un ne demeure pas en moi, on le jette dehors comme le sarment et il se dessèche ; puis on les ramasse et on les jette au feu
et ils brûlent.
Cette partie commence par la Révélation du Nom contenue dans cette péricope. Cette Révélation du Nom est annoncée à deux reprises, car ce passage traite de la relation des deux Personnes divines - du Père/Vigneron, et du Fils/Vigne - avec les sarments/disciples.
Le Père purifie les Disciples unis au Verbe :
Le Père coupe le sarment stérile, et purifie le sarment qui est vivant.
tout sarment en Moi qui ne porte pas de fruit
Il l’enlève
v. 2 et tout (sarment) qui porte du fruit
Il le purifie (kathairei)
pour qu’il en porte encore plus.
v. 3 déjà vous êtes purs (kathairoi este), à cause de la parole que je vous ai dite.
Les Disciples sont purs, du fait de l’inhabitation du Logos.
ceux qui demeurent :
v. 4 Demeurez en Moi, comme Moi en vous
de même que le sarment ne peut de lui-même porter du fruit s’il ne demeure pas sur la vigne,
ceux qui ne demeurent pas :
ainsi vous non plus, si vous ne demeurez en Moi.
Le Verbe vivifie les Disciples unis à Lui, et par Lui, au Père :
v. 5 JE SUIS la Vigne, vous les sarments.
Le Fils fait vivre les « sarments ». En-dehors du Verbe, c’est l’absence de Vie, et au lieu d’une abondance de fruit, c’est la mort qui ne laisse que des cendres.
celui qui demeure :
Celui qui demeure en Moi et Moi en lui
celui-ci porte du fruit abondant car hors de Moi vous ne pouvez rien faire.
celui qui ne demeure pas :
Si quelqu'un ne demeure pas en moi,
on le jette dehors comme le sarment
et il se dessèche ;
et on les ramasse
et on les jette au feu
et ils brûlent.
parallèle à : Dernière partie (15; 18-25) :
15 18 Si le monde vous hait, sachez que moi, il m'a pris en haine avant vous.
19 Si vous étiez du monde, le monde aimerait son bien ; mais parce que vous n'êtes pas du monde, puisque mon choix vous a tirés du monde,
pour cette raison, le monde vous hait.
20 Rappelez-vous la parole que Je vous ai dite : Le serviteur n'est pas plus grand que son maître. S'ils m'ont persécuté, vous aussi,
ils vous persécuteront ; s'ils ont gardé ma parole, la vôtre aussi, ils la garderont.
21 Mais tout cela, ils le feront contre vous à cause de mon Nom, parce qu'ils ne connaissent pas Celui qui m'a envoyé.
22 Si Je n'étais pas venu et ne leur avais pas parlé, ils n'auraient pas de péché ; mais maintenant ils n'ont pas d'excuse à leur péché.
23 Qui me hait, hait aussi mon Père.
24 Si Je n'avais pas fait parmi eux les œuvres que nul autre n'a faites, ils n'auraient pas de péché ; mais maintenant ils ont vu et ils
nous haïssent, et moi et mon Père.
25 Mais c'est pour que s'accomplisse la parole écrite dans leur Loi : Ils m'ont haï sans raison.
En fait, il s’agit d’une opposition : la première partie traite de l’union au Christ, comme
le sarment au cep de vigne. La dernière partie traite de l’exclusion du monde qui hait le Christ.
Le « monde » (kosmos) est le « collectif » qui comprend tous ceux qui s’opposent au Christ, cette obscurité qui n’a
pas reçu la Lumière.
Ce passage possède sa structure symétrique :
Première partie : le monde hait les Disciples du Christ :
Le monde hait les Disciples que le Christ a choisis et extraits du monde. Cette haine est dans le droit fil de l’exclusion qu’a subie le Christ Lui-même.
v. 18 Si le monde vous hait,
sachez que Moi, il m'a pris en haine avant vous.
v. 19 Si vous étiez du monde,
le monde aimerait son bien (to idion)
mais parce que vous n’êtes pas du monde,
puisque mon choix vous a tirés du monde,
c’est pourquoi le monde vous hait.
parallèle à :
Dernière partie : la haine envers le Christ rejaillit sur le Père :
La haine du Christ équivaut au fait de haïr le Père , puisqu’Ils sont consubstantiels.
v. 23 Celui qui Me hait, hait aussi mon Père.
v. 24 Si Je n’avais pas fait parmi eux des œuvres que nul autre n’a faites, ils n’auraient pas de péché ;
maintenant ils ont vu et ils nous haïssent, et Moi et mon Père.
v. 25 Mais c'est pour que s'accomplisse la Parole écrite dans leur Loi :
ils M’ont haï sans raison.
Deuxième partie : la persécution visant le Christ vise aussi les Disciples :
parallèle à :
Avant-dernière partie : la persécution incrimine les êtres humains qui ont entendu et méprisé le message du Christ :
La réponse de chaque humain à la Révélation conditionne sa condition de pécheur ou de sauvé.
v. 22 Si Je n’étais pas venu et je (ne) leur avais (pas) parlé,
ils n’auraient pas de péché ;
maintenant ils n’ont pas d’excuse à leur péché.
Partie médiane : la persécution contre le NOM divin exprime l’obstination dans l’ignorance :
La Révélation est donnée aux êtres humains par le Nom du Christ, et cette Révélation est la Connaissance du Père.
21 Mais tout cela, ils le feront contre vous à cause de mon Nom (dia to onoma mou),
parce qu' ils ne connaissent pas celui qui M'a envoyé.
Quelle est cette parole (15 ; 25) ?
Dans le psaume 34, il est écrit : « sans cause ils m’ont tendu leur filet pour me perdre, sans
raison ils ont couvert d’outrages mon âme » (v. 7). Et plus loin, dans le même psaume : « que ne puissent se réjouir à mes
dépens mes injustes ennemis, ni se faire entre eux des clins d’œil, ceux qui m’abhorrent sans raison (oi misountes me dôrean)
(v. 19). Les versets 15 et 16 disent : « ils se sont rassemblés pour se rire de moi, ils se sont unis pour me frapper de leurs coups,
sans que je sache pourquoi. Ils m’ont déchiré sans pitié, m’éprouvent, moquerie sur moquerie, grinçant des dents contre moi ».
Le psaume 68 nous dit : « ils sont plus nombreux que les cheveux de ma tête, ceux qui me haïssent sans raison (oi misountes
me dôrean). Ils sont puissants, mes ennemis, ceux qui me persécutent injustement. La dette que je n’avais pas contractée,
il m’a fallu l’acquitter » (v. 5). En opérant la Rédemption du genre humain, le Christ a, en quelque sorte, « acquitté une dette » dont il
n’était nullement redevable. « Pour nourriture ils m’ont donné du fiel, dans ma soif ils m’abreuvaient de vinaigre » (v. 22). Ce psaume
contient la prophétie explicite de la Passion.
Citons encore les versets du psaume 108 : « On me parle une langue de mensonge, de paroles de haine on m’entoure, on
m’attaque sans raison. On me rend le mal pour le bien, la haine pour le prix de mon amitié » (v. 3 – 5). C’est ce qu’un peuple
ingrat a rendu à Dieu qui est venu parmi eux. Les versets suivants contiennent la plus redoutable malédiction de tout
le Psautier (v. 6 – 21).
Deuxième partie (15; 7-10) :
15 7 Si vous demeurez en moi et que mes paroles demeurent en vous, demandez ce que vous voudrez et vous l'aurez.
8 C'est la gloire de mon Père que vous portiez beaucoup de fruit, et vous serez alors mes disciples.
9 Comme le Père m'a aimé, moi aussi Je vous ai aimés. Demeurez en mon amour.
10 Si vous gardez mes commandements, vous demeurerez en mon amour, comme moi j'ai gardé les commandements de mon Père et Je demeure
en son amour.
A) Demandez, et vous recevrez (v. 7).
Si vous demeurez en Moi et que mes Paroles demeurent en vous, demandez ce que vous voudrez et vous l’aurez.
B) Vous porterez du fruit (v. 8).
C’est la gloire de mon Père que vous portiez beaucoup de fruit,
C) Vous deviendrez les Disciples du Verbe.
et vous serez alors mes Disciples.
D) Les Disciples sont l’objet de l’amour du Père et du Fils (v. 9).
Comme le Père M’a aimé, Moi aussi Je vous ai aimés. Demeurez en mon Amour.
E) Ceux qui observent les commandements demeurent dans l’Amour du Verbe, comme le Verbe a gardé les
commandements du Père et demeure dans son Amour (v. 10).
Si vous gardez mes commandements, vous demeurez en mon Amour, comme Moi J’ai gardé les commandements de mon Père, et Je
demeure en son Amour.
parallèle à : Avant-dernière partie (15; 12-17) :
15 12 Voici quel est mon commandement : vous aimer les uns les autres comme Je vous ai aimés.
13 Nul n'a plus grand amour que celui-ci : donner sa vie pour ses amis.
14 Vous êtes mes amis, si vous faites ce que je vous commande.
15 Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; mais Je vous appelle amis, parce que tout
ce que j'ai entendu de mon Père, Je vous l'ai fait connaître.
16 Ce n'est pas vous qui m'avez choisi ; mais c'est moi qui vous ai choisis et vous ai établis pour que vous alliez et portiez du
fruit et que votre fruit demeure, afin que tout ce que vous demanderez au Père en mon Nom, Il vous le donne.
17 Ce que Je vous commande, c'est de vous aimer les uns les autres.
Nous pouvons noter le fait que le mot « fruit » (karpon) se retrouve sept fois dans le
texte (15 ; 2 deux fois – 4 – 5 - 8 – 16 deux fois).
E) Les paroles immortelles :
Voici mon commandement : aimez-vous les uns les autres comme Je vous ai aimés. Il n’est pas de plus grand amour que de
donner sa vie pour ses amis (v. 12 - 13).
D) Les Disciples, de « serviteurs », deviennent « amis » du Christ :
Vous êtes mes amis, si vous faites ce que Je vous commande (v. 14). Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ignore
ce que fait son maître ; je vous appelle amis, car tout ce que J’ai appris de mon Père, Je vous l’ai fait connaître (v. 15).
C) Les Disciples sont choisis par le Christ :
Ce n’est pas vous qui M’avez choisi ; mais c’est Moi qui vous ai choisis et vous ai institués,
B) Ils doivent porter du fruit :
pour que vous alliez et que vous portiez du fruit, et un fruit qui demeure ;
A) Demandez et vous recevrez :
alors tout ce que vous demanderez au Père en mon Nom, Il vous l’accordera (v. 16).
Et la reprise des « Paroles immortelles » :
Ce que Je vous commande, c’est de vous aimer les uns les autres (v. 17).
Partie centrale (15 ; 11) :
15 11 Je vous dis cela, pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite.
La symétrie en cinq points que nous venons de décrire encadre ce verset central.
La joie parfaite est celle qu'éprouvait saint Jean-Baptiste :
« L’Ami de l’Epoux était ravi de joie en présence de l’Epoux » (3 ; 29).
Voici que les Disciples de l’Epoux sont appelés à vivre la même joie.
- 4 -
QUATRIÈME VOLET (15; 26 - 16; 4) : Le départ du Christ et l'envoi du Paraclet
Première partie (15; 26 - 16; 4) :
Ce volet est séparé du précédent par une césure abrupte :
- fin de la partie précédente : « …ils m’ont haï sans raison ».
---
- début du texte du quatrième volet : « Quand viendra le Paraclet… »
15 26 Quand viendra le Paraclet, que Je vous enverrai d'auprès du Père, l'Esprit de vérité, qui procède du Père, Il me
rendra témoignage.
27 Mais vous aussi, vous témoignerez, parce que vous êtes avec moi depuis le commencement.
16 1 Je vous ai dit cela pour vous éviter le scandale.
2 On vous exclura des synagogues. Bien plus, l'heure vient où quiconque vous tuera pensera rendre un culte à Dieu.
3 Et cela, ils le feront pour n'avoir reconnu ni le Père ni moi.
4 Mais moi je vous ai dit cela, pour qu'une fois leur heure venue, vous vous rappeliez que Je vous l'ai dit.
Ce texte contient de nombreux termes remarquables :
A) - Les Apôtres sont avec le Christ dès le commencement.
B) - L’Heure vient ; leur Heure sera venue.
C) - Les Disciples seront exclus.
D) - Les Apôtres vont témoigner.
Le Christ envoie :
- depuis le Père
- l’Esprit qui procède du Père
- l’Esprit qui témoigne du Christ.
Et les Apôtres témoignent des Trois Personnes :
leur témoignage va au Père, par le Fils, dans l’Esprit.
Quand viendra le Paraclet que Je vous enverrai du Père,
l'Esprit est envoyé DU Père PAR le Fils, auprès des Apôtres, dans le temps ;
L'Esprit de Vérité qui procède du Père (15 ; 26)
L'Esprit procède DU Père et le Fils est engendré DU Père, éternellement, dans la vie trinitaire ;
Il (l'Esprit) Me (au Christ) rendra témoignage.
Et vous aussi, vous témoignerez, parce que vous êtes avec Moi depuis le commencement (16 ; 26 – 27).
Le témoignage de l'Esprit est parallèle à celui des Apôtres : tous témoignent du Christ.
Les versets suivants (16 ; 1 – 4) décrivent l’exclusion des synagogues, et les intentions meurtrières
de ceux qui n’ont connu, ni le Père, ni le Christ (16 ; 1 – 4).
Le Christ avertit les Apôtres pour que, l’heure venue, ils se rappellent ses paroles. « Je ne vous l’ai pas dit dès le
commencement, (ex archès) parce que J’étais avec vous » (16 ; 4). Ce verset est précédé par l’annonce de l’envoi du Paraclet ;
- Les Apôtres témoigneront, parce qu’ils étaient avec le Christ depuis le commencement (ap'archès - 15 ; 26). Ce verset est précédé
par l’annonce des persécutions et des volontés meurtrières de ceux qui n’auront pas l'Esprit, car ils se sont opposés au Père et au Fils.
parallèle à : Dernière partie (16; 31-33) :
16 31 Jésus leur répondit : « Vous croyez à présent ?
32 Voici venir l'heure - et elle est venue - où vous serez dispersés chacun de votre côté et me laisserez seul. Mais Je ne suis pas seul : le
Père est avec moi.
33 Je vous ai dit ces choses, pour que vous ayez la paix en moi. Dans le monde vous aurez à souffrir. Mais gardez courage ! J'ai vaincu
le monde ».
A') - Les Apôtres laissent le Christ seul.
B') - L’Heure vient ; elle est venue.
C') - Les Disciples seront dispersés.
D') - Les Apôtres auront des afflictions dans le monde.
Voici que l’heure vient, elle est venue… (v. 32). Les Disciples seront dispersés (suite aux persécutions et aux volontés
meurtrières de ceux qui n’auront pas l'Esprit), et laisseront Jésus seul.
Dans la première partie, Jésus prédit l’exclusion des Disiciples ;
ici, dans la dernière partie, Il prédit leur dispersion.
Mais Jésus n’est pas seul : le Père est avec Lui (v. 32).
- Dans la première partie, l'Esprit rend témoignage au Christ ;
ici, dans la dernière partie, le Père est présent auprès du Fils.
Le Christ prédit les souffrances que devront endurer les Apôtres, mais Il leur dit : « Ne craignez pas, J’ai vaincu le monde » (16 ; 33).
Deuxième partie (16; 5-15) :
16 5 Mais maintenant Je m'en vais vers Celui qui m'a envoyé, et aucun de vous ne me demande : "Où vas-tu ?"
6 Mais parce que Je vous ai dit cela, la tristesse remplit vos cœurs.
7 Cependant Je vous dis la vérité : c'est votre intérêt que Je parte ; car si Je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous ; mais
si Je pars, Je vous L'enverrai.
8 Et Lui, une fois venu, Il établira la culpabilité du monde en fait de péché, en fait de justice et en fait de jugement :
9 de péché, parce qu'ils ne croient pas en moi ;
10 de justice, parce que je vais vers le Père et que vous ne me verrez plus ;
11 de jugement, parce que le Prince de ce monde est jugé.
12 J'ai encore beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez pas le porter à présent.
13 Mais quand Il viendra, Lui, l'Esprit de vérité, Il vous introduira dans la vérité tout entière ; car Il ne parlera pas de Lui-même,
mais ce qu'Il entendra, Il le dira et Il vous dévoilera les choses à venir.
14 Lui me glorifiera. Car c'est de mon bien qu'il recevra et Il vous le dévoilera.
15 Tout ce qu'a le Père est à moi. Voilà pourquoi j'ai dit que c'est de mon bien qu'il reçoit et qu'il vous le dévoilera.
Le Christ retourne vers le Père :
« Maintenant Je vais vers Celui qui M’a envoyé » (v. 5). Tout ce qu’a le Père est au Christ (v. 15).
C’est l’affirmation de la consubstantialité.
Ce retour est nécessaire, pour que puisse se réaliser l’effusion de l'Esprit :
Il vous est avantageux que Je parte ;
car si Je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas à vous ;
mais si Je pars,
Je vous l’enverrai (v. 7).
- L’Esprit ne parle pas de Lui-même, mais Il dit ce qu’Il entend du Père (v. 13) ;
- L’Esprit glorifie le Christ, ; le Christ « donne de son Bien » à l’Esprit (v. 14).
Ici, est révélée en plénitude la réciprocité de service des deux Personnes de la Trinité, le Fils et l'Esprit, qui nous révèlent
le Père. Le Christ est venu pour nous révéler Dieu comme Père : la première Personne de la Trinité est la Source ultime et absolue,
d’où sort la Vie que le Christ veut nous communiquer par sa Résurrection. Le Message que donne le Christ dépasse très largement
la simple dimension intellectuelle ou affective : son Message ne peut être compris et vécu sans l’effusion du Saint-Esprit. Le Christ
donne l'Esprit aux Disciples, afin que ceux-ci puissent comprendre en plénitude et vivre le Message du Sauveur : « l’Esprit vous
introduira dans la Vérité toute entière » (v. 14). Le Christ se retire, afin que l'Esprit puisse être donné en plénitude.
À son tour, l'Esprit donne aux Disciples de confesser le Christ. Le Christ et l'Esprit nous donnent d’aimer le Père et de Le connaître.
Telle est la vie chrétienne.
La méconnaissance de cette « réciprocité de service » entre le Fils et l'Esprit peut mener à un grave contresens :
On ne peut pas imaginer échec plus douloureux, plus tragique que celui-là : « Il vous est avantageux que Je parte car
si Je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas à vous ». Cela veut dire au fond : ma présence vous est un obstacle sur le chemin du Royaume de Dieu.
Maurice Zundel. Homélie sur la Présentation de Jésus au Temple. Ta Parole comme une source. éd. Anne Sigier. p. 172.
Comment comprendre cette interprétation du départ du Christ, en termes d'échec ? Voici l'explication que nous donne Maurice Zundel :
Quel était l'obstacle ? Évidemment, l'obstacle, c'est que les apôtres voyaient Jésus devant eux : il ne
Le voyaient pas au-dedans d'eux-mêmes. (...) Ils étaient bien loin de se douter que le Royaume était au-dedans d'eux-mêmes
et qu'une conversion radicale était attendue de chacun : c'est donc sur une équivoque tragique Jésus les quitte jusqu'à ce
qu'ils Le découvrent finalement au-dedans d'eux-mêmes.
Ibid.
C'est assurément une grande et noble pensée, mais cette considération passe à côté de la signification
réelle de ce passage johannique. La pensée trinitaire de Maurice Zundel est totalement kénotique : il conçoit la Trinité
comme étant faite de personnes qui se vident sacrificiellement l'une dans l'autre - le contenu de la personne n'étant
rien d'autre que le don qu'elle fait d'elle-même.
Suivant cette optique, l'être humain doit lui aussi apprendre à se
vider sacrificiellement en autrui, transformant ce que Maurice Zundel appelle son « moi préfabriqué » en un pur « moi oblatif ».
Suivant cette vision des choses, le nœud même de la Rédemption ne se situe plus dans la Résurrection, mais bien lors du Vendredi-Saint,
lorsque Jésus c'est totalement « vidé de Lui-même » en un sacrifice parfait.
Nous pouvons noter le fait que qu'une telle
vision trinitaire kénotique passe pratiquement sous silence le rôle de l'Esprit-Saint, car il est essentiellement question
de la paternité divine qui se vide sacrificiellement dans le Fils, et du Fils qui s'offre sacrificiellement au Père.
Cet « oubli » de l'Esprit-Saint est caractéristique d'une pensée théologique d'inspiration filioquiste.
Enfin, cette idée
d'un Dieu qui se vide de lui-même en une oblation parfaite est édifiée sur une vive opposition envers la Divinité vétéro-testamentaire,
qui est décrite par Maurice Zundel comme un Dieu-propriétaire :
- qui a besoin d'affirmer son domaine en exigeant le sacrifice du premier-né, le sacrifice de tout
ce qui est précieux, pour bien montrer qu'Il est le Maître.
Ibid.
- cette Divinité vétéro-testamentaire s'opposant à :
- ce Dieu-là, le Dieu vivant, le Dieu Esprit et Vérité, un Dieu qui ne peut rien posséder, qui donne
tout, un Dieu dont le mouvement essentiel est un mouvement de générosité. Et ce Dieu n'a pas un domaine marqué par des
frontières étanches. Il n'y a pas un Saint des saints infranchissable où il faudrait aller Le trouver. La sainteté
chrétienne est dans la vie. C'est la vie qui est devenue le sanctuaire de la Divinité. C'est notre vie, notre vie
quotidienne, c'est notre travail, nos loisirs, ce sont nos émerveillements, nos joies, nos tendresses qui sont le domaine
de la sainteté divine.
Ibid.
Dans cette perspective, il ne s'agit plus de découvrir un nouvel espace-temps qui est celui du Royaume, mais
bien de s'investir totalement dans la vie telle qu'elle est ici et maintenant, dans un esprit de parfaite oblation de
soi-même. La découverte d'un Dieu qui est intérieur à nous-mêmes est vue en opposition à la recherche du Royaume, en
tant que nouvelle dimension cosmique.
Tout ceci est semé de bonnes intentions, mais demeure étranger à notre perspetive.
Et quand Il viendra, Il confondra le monde
au sujet du péché,
au sujet de la justice
et au sujet du jugement (v. 8).
au sujet du péché d’une part, parce qu’ils ne croient pas en Moi ;
au sujet de la justice d’autre part, parce que je vais vers le Père et que vous ne me voyez plus ;
et au sujet du jugement, parce que le Prince de ce monde a été jugé (v. 9 – 11).
Pourquoi parler du péché, de la justice et du jugement, et pourquoi leur assortir ces explications, dont nous n’apercevons
pas la logique, de prime abord ?
Pour cela, revenons au parallèle de l’« entretien avec Nicodème » :
Nous donnons en vert les paroles du Christ dites à Nicodème, dans le passage parallèle, et qui nous éclairent sur la signification des allusions au péché, à la justice et au jugement, qui se trouvent dans notre texte.
1) Dans sa seconde Venue, le Christ confondra le monde au sujet du péché « parce qu’ils ne croient pas en Moi » :
Dieu a tant aimé le monde
qu’Il a donné son Fils unique
afin que tout homme qui croit en Lui ne périsse pas
mais ait la Vie éternelle (3 ; 16).
L’œuvre du Père est de croire au Christ ; inversement, le Péché par excellence est de ne pas croire au Fils que le Père a envoyé. Ceux qui croient en le Christ ont la Vie éternelle.
2) Dans sa seconde Venue, le Christ confondra le monde au sujet de la justice parce que le Christ va vers le Père et que les Disciples ne Le verront plus :
Nous parlons de ce que nous savons
et nous attestons ce que nous avons vu,
mais vous ne recevez pas notre témoignage.
Si vous ne croyez pas quand Je vous dis les terrestres,
comment croirez-vous quand Je vous dirai les célestes ? (3 ; 11-12)
La justice demande à ce que l’on reconnaisse la valeur du témoignage oculaire. Les Disciples sont des témoins oculaires; les Chrétiens des siècles suivants seront appelés Bienheureux, car ils croiront sans avoir vu.
3) Dans sa seconde Venue, le Christ confondra le monde au sujet du jugement parce que le Prince de ce monde a été jugé:
Nul n’est monté au Ciel
si ce n’est Celui qui est descendu du Ciel,
le fils de l’Homme.
Comme Moïse éleva le serpent au désert (Nb. 21 ; 9),
ainsi faut-il que soit élevé le Fils de l’Homme (3 ; 13 – 14).
Le Christ s’en ira lors de l’Ascension, disparaissant hors de vue des Disciples. Il reviendra, descendant de la même manière, pour le Jugement. Le jugement est celui du Prince de ce monde, et de ceux qui n'ont pas cru au Nom du Christ. Quant aux croyants, ils sont au nombre des sauvés, car Dieu ne vaut pas la perte, mais le Salut des hommes.
Car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde,
mais afin que le monde soit sauvé par Lui (3 ; 17).
Le Prince de ce monde a été jugé ; la Résurrection du Christ lui a ôté définitivement toute puissance.
Celui qui croit en Lui n’est pas jugé ;
l’incroyant est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au Nom
du Fils monogène de Dieu (3 ; 18)
Nous voyons que le sens de ce passage apparemment mystérieux s'éclaire si l'on jette un coup d'oeil à la péricope parallèle à celle que
nous étudions maintenant. Il s'agit :
1) de croire au Christ,
2) de transmettre le message donné par les témoins oculaires de l'oeuvre du Christ,
3) et finalement de savoir que le jugement a déjà été rendu contre le Prince de ce monde, tandis que celui qui croit en Christ
n'est pas atteint par le jugement.
parallèle à : Avant-dernière partie (16; 25-30) :
16 25 Tout cela, Je vous l'ai dit en figures. L'heure vient où Je ne vous parlerai plus en figures, mais Je vous
entretiendrai du Père en toute clarté.
26 Ce jour-là, vous demanderez en mon Nom et Je ne vous dis pas que J'interviendrai pour vous auprès du Père,
27 car le Père Lui-même vous aime, parce que vous m'aimez et que vous croyez que Je suis sorti d'auprès de Dieu.
28 Je suis sorti d'auprès du Père et venu dans le monde. De nouveau Je quitte le monde et Je vais vers le Père ».
29 Ses disciples lui disent : « Voilà que maintenant Tu parles en clair et sans figures !
30 Nous savons maintenant que Tu sais tout et n'as pas besoin qu'on te questionne. À cela nous croyons que Tu es sorti de Dieu ».
À la fin du discours sur la venue du Paraclet, les disciples expriment leur Foi en le fait que le Christ
est sorti de Dieu (le Père) 16 ; 27 – 30. « le Père lui-même vous aime, parce que vous m'aimez et que vous croyez que je suis sorti
d'auprès de Dieu (…) Ses disciples lui disent : « (…) Nous savons maintenant que tu sais tout et n'as pas besoin qu'on te questionne.
À cela nous croyons que tu es sorti de Dieu. »
Les exégètes sont surpris que Jésus, tout de suite après, aux versets 31 – 32, semble mettre en doute la réalité de cette Foi: « Jésus
leur répondit : « Vous croyez à présent ? Voici venir l'heure - et elle est venue - où vous serez dispersés chacun de votre côté et
me laisserez seul. »
Ils en tirent comme conclusion que l’un des deux passages est une addition par rapport au texte primitif.
Nous sommes dans cette longue péricope qui couvre les chapitres 13 à 17 de l’Evangile. Celle-ci est divisée en cinq volets,
et nous nous situons dans l’avant-dernier volet de la péricope (15 ; 26 – 16 ; 33). Les versets 27 à 30 du chapitre 16 figurent
à la fin de l’avant-dernière partie de ce volet (16 ; 25 – 30).
Le Christ dit à ses disciples que l’Heure vient (celle de la
résurrection) où Il les entretiendra du Père en toute clarté, qu’ils adresseront leurs demandes au Père au Nom du Christ,
et que le Père les aime, parce que les disciples aiment le Christ et croient que Jésus est issu de Dieu, c’est-à-dire du Père.
Effectivement, les disciples répondent en écho à la parole du Christ : « nous croyons que Tu es issu de Dieu (le Père) ». Confesser
que le Christ est issu de Dieu n’est pas encore dire que le Christ est Dieu. C’est une confession de Foi imparfaite.
Les Disciples ne sont pas capables de confesser la plénitude de la Foi avant la Résurrection et le Don de l’Esprit-Saint.
Aux versets 31 et 32, Jésus ne met pas en doute la Foi des Apôtres. Il constate simplement son caractère incomplet, et Il donne
la prédiction de la Passion. Ces versets 31 et 32 forment une section de texte (la dernière des cinq que comporte le volet)
qui est parallèle à la première section du volet (15 ; 26 – 16 ; 4) : les disciples seront dispersés et laisseront Jésus seul,
comme il est dit dans la dernière partie (16 ; 31) – non pas parce que leur Foi peut être mise en doute par le Christ ;
cette Foi ne pouvant être complète avant la Résurrection – mais bien parce que les Juifs excluront les disciples des synagogues,
estimeront rendre un culte à Dieu en les tuant, parce qu’ils ne connaissent ni le Père ni le Christ (16 ; 3).
Cette apparente contradiction dans le texte est en fait une convergence, si l’on tient compte de la structure du texte.
Voyons les parallélismes entre la deuxième et l’avant-dernière partie :
- Deuxième partie : « J'ai encore beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez pas le supporter à présent » (v. 12).
- Avant-dernière partie : « L'heure vient où je ne vous parlerai plus en figures, mais je vous entretiendrai du Père en
toute clarté » (v. 25).
- Deuxième partie : l’Esprit introduit les Disciples dans la Vérité tout entière – v. 13 - (la Vérité est une figure du Christ,
car les adorateurs du Père l’adoreront désormais en Esprit et en Vérité, comme il est dit à la Samaritaine) ;
- Avant-dernière partie : le Christ ne parle plus en figures, mais entretient les Disciples du Père en toute clarté ( v. 25).
Nous allons au Père, par le Christ, dans l’Esprit.
- Deuxième partie : « et aucun de vous ne me demande : où vas-Tu ? » (v. 5)
- Avant-dernière partie : « ce jour-là, vous ne me poserez plus aucune question » (v. 23).
- Deuxième partie : « Maintenant Je vais vers Celui qui M’a envoyé » (v. 5).
- Avant-dernière partie : « Maintenant Je quitte le monde et Je vais au Père » (v. 28).
Ce passage nous apporte les précisions suivantes :
- Le Christ est issu du Père et revient au Père (v. 28).
- Les Disciples prieront le Père au Nom du Christ (v. 26)
Partie centrale (16 ; 16 – 24) :
- DE LA TRISTESSE À LA JOIE -
A/ 16 16 « Encore un peu, et vous ne me verrez plus, et puis un peu encore, et vous me verrez ».
17 Quelques-uns de ses disciples se dirent entre eux : « Qu'est-ce qu'il nous dit là : "Encore un peu, et vous ne me verrez plus, et
puis un peu encore, et vous me verrez", et : "Je vais vers le Père" ? »
18 Ils disaient : « Qu'est-ce que ce : "un peu" ? Nous ne savons pas ce qu'il veut dire ».
19 Jésus comprit qu'ils voulaient le questionner et Il leur dit : « Vous vous interrogez entre vous sur ce que j'ai dit : "Encore un peu,
et vous ne me verrez plus, et puis un peu encore, et vous me verrez".
1) 20 Amen, Amen, Je vous le dis, vous pleurerez et vous vous lamenterez, et le monde se réjouira ;
2) vous serez tristes, mais votre tristesse
se changera en joie.
3) 21 La femme, sur le point d'accoucher, s'attriste parce que son heure est venue ; mais lorsqu'elle a donné le jour à l’enfant, elle ne
se souvient plus des douleurs, dans la joie qu'un homme soit venu au monde.
4) 22 Vous aussi, maintenant vous voilà tristes ; mais Je vous verrai de nouveau et votre cœur sera dans la joie, et votre joie, nul ne
vous l'enlèvera.
B/ 23 Ce jour-là, vous ne me poserez aucune question. En vérité, en vérité, Je vous le dis, ce que vous demanderez au Père, Il vous le
donnera en mon nom.
24 Jusqu'à présent vous n'avez rien demandé en mon nom ; demandez et vous recevrez, pour que votre joie soit complète.
C’est la prédiction de la Passion et de la Résurrection (A), suivie par quatre schémas « peine / joie » (1-4),
dont le troisième est l’image de la femme qui enfante. (B) Personne n’enlèvera la joie des Disciples, car ils seront en liaison permanente
avec le Père, au Nom du Christ.
Le mot « un peu » (mikron) revient sept fois. La construction répétitive du passage sert à répéter sept fois
ce mot important.
- 5 -
CINQUIÈME VOLET (17; 1-26) : La prière de Jésus au Père, pour les Disciples
Première partie (17; 1-6):
17 1 Ainsi parla Jésus, et levant les yeux au ciel, Il dit : « Père, l'heure est venue : glorifie ton Fils, afin que
ton Fils Te glorifie
2 et que, selon le pouvoir que Tu Lui as donné sur toute chair, Il donne la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés !
3 Or, la vie éternelle, c'est qu'ils Te connaissent, Toi, le seul véritable Dieu, et celui que Tu as envoyé, Jésus-Christ.
4 Je T'ai glorifié sur la terre, en menant à bonne fin l'œuvre que Tu m'as donné de faire.
5 Et maintenant, Père, glorifie-Moi auprès de Toi de la gloire que J'avais auprès de Toi, avant que fût le monde.
6 J'ai manifesté ton Nom aux hommes, que Tu as tirés du monde pour me les donner. Ils étaient à Toi et Tu me les as donnés et ils ont
gardé ta parole.
Ce volet commence par la formule : « Ainsi parla Jésus »
Dans ce texte fondamental du Christianisme, le Christ dévoile son intimité avec le Père, et le projet qu’il destine à ses Disciples
« Glorifie ton Fils »
Nous avons vu précédemment que l’œuvre du Salut est la « gloire du Père ». La « glorification » du Christ est le continuum
Passion-Résurrection. Le Christ désigne la Passion comme « glorification » parce que l’Economie divine - l’œuvre du Salut - est
authentiquement et pleinement la « gloire » du Père, le déploiement dans le temps de la Volonté divine.
En cette Heure (l'Évangile de Jean comporte sept mentions de l'Heure (2;4 - 4;23 - 7;30 - 8;20 - 12;23 - 13;1 - 17;1):il
s’agit ici de la septième Heure de l’Evangile, l'heure ultime, juste avant la Passion du Christ), le Père va glorifier son Fils en le laissant vivre la Passion et la
Résurrection, et le Fils va glorifier le Père, en révélant à ses Disciples et à ceux qui les suivront, la voie de
la Vie éternelle.
Ce passage nous donne une admirable définition de ce qu’est la Vie éternelle (verset 3) :
La Vie éternelle,
c'est qu'ils Te connaissent, Toi, le seul véritable Dieu (le Père),
et Celui que tu as envoyé, Jésus-Christ.
En de nombreux endroits de l’Evangile de Jean, nous trouvons des définitions de la Vie éternelle,
qui toutes la désignent comme la Foi en le Fils, et la connaissance du Père qui découle immédiatement de cette Foi :
3 ; 36 : Qui croit au Fils a la Vie éternelle ;
5 ; 24 : En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole et croit à celui qui m'a envoyé a la Vie éternelle et ne vient
pas en jugement, mais il est passé de la mort à la Vie.
6 ; 40 : Oui, c'est la volonté de mon Père, que quiconque voit le Fils et croit en lui ait la Vie éternelle et que je le ressuscite
au dernier jour.
6 ; 47 : En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit a la Vie éternelle.
Le Christ a mené à bonne fin l’œuvre que le Père lui a donné de faire. Comme nous l’avons vu plus haut, (6 ; 29) :
" L'œuvre de Dieu, c'est que vous croyiez en celui qu'il (le Père) a envoyé."
Enfin, le Christ a manifesté le Nom du Père aux hommes, qui peuvent maintenant dire « Notre Père ».
parallèle à : Dernière partie (17; 20-26) :
17 20 Je ne prie pas pour eux seulement, mais aussi pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi,
21 afin que tous soient un. Comme toi, Père, Tu es en moi et moi en Toi, qu'eux aussi soient en nous, afin que le monde croie que Tu
m'as envoyé.
22 Je leur ai donné la gloire que Tu m'as donnée, pour qu'ils soient Un comme nous sommes Un :
23 moi en eux et Toi en moi, afin qu'ils soient parfaits dans l'unité, et que le monde reconnaisse que Tu m'as envoyé et que Tu les as
aimés comme Tu m'as aimé.
24 Père, ceux que Tu m'as donnés, je veux que là où Je suis, eux aussi soient avec moi, afin qu'ils contemplent ma gloire que Tu m'as
donnée parce que Tu m'as aimé avant la fondation du monde.
25 Père juste, le monde ne T'a pas connu, mais moi Je T'ai connu et ceux-ci ont reconnu que Tu m'as envoyé.
26 Je leur ai fait connaître ton Nom et Le le leur ferai connaître, pour que l'amour dont Tu m'as aimé soit en eux et moi en eux ».
- Le thème de la gloire se retrouve dans cette dernière partie, comme il figure dans la première ;
- Le Christ a manifeste le Nom du Père aux hommes, est-il dit dans la première partie ; ici, le Christ fait connaître le Nom du Père.
La première partie parle de l’œuvre accomplie auprès des Disciples pour leur faire connaître le Père.
La dernière partie parle plutôt des Disciples eux-mêmes, et de ceux qui par la parole des Disciples, croient dans le Christ (verset 20).
Le Christ prie le Père afin que tous soient UN - de la même unité qui règne entre le Père et le Fils.
Nous trouvons ici cette parole du Christ au Père : « Tu m’as aimé avant la fondation du monde » (v. 24)
Cette parole affirme la coéternité du Verbe avec le Père.
Deuxième partie (17; 7-8) :
17 7 Maintenant ils ont reconnu que tout ce que Tu m'as donné vient de Toi ;
8 car les paroles que Tu m'as données, Je les leur ai données, et ils les ont accueillies et ils ont vraiment reconnu que Je suis sorti
d'auprès de Toi, et ils ont cru que Tu m'as envoyé.
- Le Christ a donné aux Disciples les paroles qui viennent du Père ;
- Les Disciples les ont accueillies ;
- Ils ont cru que le Christ vient du Père et que c’est le Père qui a envoyé le Verbe – et que tout ce qu’a le Christ
vient du Père.
parallèle à : Avant-dernière partie (17; 14-19) :
Le monde a haï les Disciples porteurs de la Parole que le Christ a donnée de la part du Père.
17 14 Je leur ai donné ta parole et le monde les a haïs, parce qu'ils ne sont pas du monde, comme moi Je ne suis pas
du monde.
15 Je ne te prie pas de les enlever du monde, mais de les garder du Mauvais.
16 Ils ne sont pas du monde, comme moi Je ne suis pas du monde.
17 Sanctifie-les dans la vérité : ta parole est vérité.
18 Comme Tu m'as envoyé dans le monde, moi aussi, Je les ai envoyés dans le monde.
19 Pour eux Je me sanctifie moi-même, afin qu'ils soient, eux aussi, sanctifiés dans la vérité.
Comme dans la deuxième partie, le Christ affirme qu’il a donné aux Disciples la parole qui vient du
Père : "Je leur ai donné ton Verbe » (17 ; 14)
Le Christ n’est pas du monde, et à son image, les Disciples ne sont pas du monde.
- Il ne s’agit pas de sortir du monde, mais de se garder du Mauvais.
Le Christ demande au Père : « Sanctifie-les dans la Vérité »
- et Il précise : « ton Verbe est la Vérité »
Lors de la rencontre avec la Samaritaine (chapitre 4), le Christ dit que les vrais adorateurs adoreront le Père en Esprit et en
Vérité - la Vérité étant synonyme de la Parole, qui est le Christ, Parole véridique. Le Verbe est la Vérité ; les disciples
sont sanctifiés dans le Verbe / Vérité : l’Esprit-Saint, le Verbe et le Père : toute la Trinité est en action dans la Révélation
vécue par les Disciples.
Pour les Disciples, le Christ se sanctifie Lui-même (17 ; 19).
« afin qu’ils soient aux aussi sanctifiés dans la Vérité ».
En quoi le Christ peut-Il se sanctifier, Lui qui est la Perfection même ? C’est vraiment un paradoxe. Comment comprendre cette
parole ? Nous avons parlé plus haut de la « réciprocité de service » qui existe entre le Christ et l’Esprit (page 147 et 177),
ou pour mieux dire, de la « réciprocité de manifestation » qui existe entre les deux Personnes divines : le Christ donne l’Esprit
à ses Disciples, et l’Esprit pénètre le cœur des êtres humains, transforme leur cœur de pierre en un cœur de chair, illumine
leurs yeux spirituels, afin qu’ils puissent voir le Christ tel qu’Il est, c’est-à-dire transfiguré en permanence par
les Rayons de sa Divinité, montrant la Nature humaine telle qu’elle est dans sa Vérité, transparente aux Energies
divines – rétablie dans sa splendeur originelle, restituée dans la lumière de la Ressemblance.
Le Christ se sanctifie Lui-même, c’est-à-dire appelle sur Lui l’Esprit, afin que nous-mêmes, illuminés par l’Esprit, par le Christ
qui nous apporte la Vérité plénière, nous nous mettions en communication avec le Père pour recevoir de Lui la Vie éternelle et
absolue. Le Christ est « Le Saint » par excellence, et Il est Saint pour nous, afin que nous devenions Saints comme
Lui-même et le Père le sont. Si le Christ est Saint pour nous aui sommes ses disciples, chaque être humain est appelé à
devenir Saint à son tour, pour tous les autre êtres humains, afin que les autres à leur tour, fassent la découverte
de la Vie divine.
Partie centrale (17 ; 9 – 13) :
17 9 C'est pour eux que Je prie ; Je ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que Tu m'as donnés, car ils sont à Toi,
10 et tout ce qui est à moi est à Toi, et tout ce qui est à Toi est à moi, et Je suis glorifié en eux.
11 Je ne suis plus dans le monde ; eux sont dans le monde, et moi, Je viens vers Toi. Père saint, garde-les dans ton Nom que Tu m'as
donné, pour qu'ils soient Un comme nous.
12 Quand J'étais avec eux, Je les gardais dans ton Nom que Tu m'as donné. J'ai veillé et aucun d'eux ne s'est perdu, sauf le fils de
perdition, afin que l'Écriture fût accomplie.
13 Mais maintenant Je viens vers Toi et Je parle ainsi dans le monde, afin qu'ils aient en eux-mêmes ma joie en sa plénitude.
« Père saint, garde (les Disciples) dans le Nom que Tu M’as donné, pour qu’ils soient UN en nous » (17 ; 11).
Le Père a donné au Christ son NOM de Père, afin que les Disciples eux-mêmes puissent le prier en disant : « Notre Père ».
Ce faisant, ils réalisent l’unité dans la diversité : ils sont UN avec le Père, par le Christ et dans l’Esprit,
sans que leur Personne ne soit dissoute dans la Divinité. La communion avec les Personnes trinitaires permet l’union des
Personnes - le Père, le Fils, l’Esprit et les créatures humaines parvenues à la parfaite Ressemblance - sans que soit mise
en danger ni abolie la différence entre la Nature divine et la Nature humaine, sans que soit effacée la différence définitive
existant entre le Créateur et les créatures. C’est l’union sans confusion, que seule la Trinité permet. Cette union sans
confusion étant réalisée, tout ce qui est au Père est au Christ, tout ce qui est au Christ est au Père (v. 10) , et le Christ
est glorifié dans les créatures humaines qui se sont intégrées dans la Vie trinitaire, car l’Energie divine circule désormais
dans l’ensemble du Corps mystique, sans obstacle ni résistance, ni obscurcissement. Le Christ ne prie pas pour le « monde »,
car le « monde » est l’ensemble des êtres porteurs de l’Image divine, qui se sont tenus volontairement à l’écart de la dynamique
de divinisation : ce sont ces ténèbres qui n’ont pas reçu la Lumière.
Le grand texte que nous venons d’étudier (13 ; 1 – 17 ; 26), se présente comme un polyptyque, avec cinq volets ou panneaux :
PREMIER VOLET :
(13 ; 1 – 30)
Récit du lavement des pieds
Je vous le dis, avant que cela n’arrive,
afin que vous croyez quand cela arrivera
que JE SUIS (13 ; 19)
DEUXIÈME VOLET :
(13 ; 31 – 14 ; 31)
Le Nouveau Commandement et l’annonce de l’envoi du Paraclet
Là où JE SUIS, vous aussi, vous serez.
JE SUIS la Voie et la Vérité et la Vie
TROISIÈME VOLET :
(15 ; 1 – 25)
La Vigne véritable
JE SUIS la Vigne véritable,
et mon Père est le Vigneron.
QUATRIEME VOLET :
(15 ; 26 – 16 ; 33)
Le départ du Christ et l’envoi du Paraclet
Le Christ enverra le Paraclet, l'Esprit qui procède du Père;
la tristesse se changera en joie, que nul ne pourra ravir
CINQUIÈME VOLET :
(17 ; 1 – 26)
La prière de Jésus au Père, pour les Disciples
L'Heure est venue, de la glorification du Fils; le Christ nous a révélé le Nom du Père.
Si nous jetons un coup d’œil sur le premier volet (13 ; 1 – 30), le récit du Lavement des pieds, en le mettant en rapport avec le cinquième et dernier volet (17 ; 1 – 26), la prière de Jésus au Père pour ses Disciples, plusieurs éléments deviennent apparents :
- les premiers mots du récit du Lavement des pieds sont ceux-ci : « Jésus, sachant que son Heure était venue de passer de
ce monde au Père… » (13 ; 1)
- les premiers mots de la prière de Jésus au Père sont : « Père, l’Heure est venue » (17 ; 1).
- le Lavement des pieds se fit au cours d’un repas, « alors que déjà le diable avait inspiré à Judas Iscariote, le fils de Simon,
le dessein de Le livrer… » (13 ; 2).
- dans le prière de Jésus au Père, Il dit : « j’ai veillé sur eux et aucun d’eux ne s’est perdu, sauf le fils de perdition, afin
que l’Ecriture s’accomplisse » (17 ; 12).
- au cours du Lavement des pieds, le Christ dit à ses disciples : « Amen, Amen, Je vous le dis : qui reçoit celui que J’envoie
Me reçoit, et qui Me reçoit, reçoit Celui qui M’a envoyé » (13 ; 20).
- ce même enseignement se retrouve dans la prière de Jésus au Père : « que tous soient UN, comme Toi, Père, Tu es en Moi, et Moi
en Toi, qu’eux aussi soient UN en Nous, afin que le monde croie que Tu M’as envoyé ».
Si nous considérons le deuxième volet (13 ; 31 – 14 ; 31), le Commandement Nouveau, et le quatrième et avant-dernier volet (15 ; 26 – 16 ; 33), le départ du Christ et l’envoi du Paraclet, nous constatons ceci :
- dans le deuxième volet, il est dit : « le Paraclet, l’Esprit-Saint, que le Père enverra en mon Nom,
vous enseignera tout, et vous rappellera tout ce que Je vous ai dit » (14 ; 26)
- le quatrième volet commence par ces paroles : « quand viendra le Paraclet, que Je vous enverrai
d’auprès du Père, l’Esprit de Vérité, qui procède du Père, Il Me rendra témoignage » (15 ; 26)
- dans le deuxième volet, Jésus dit à ses Disciples : « Je n’en ai plus longtemps à être parmi vous » (13 ; 33)
- dans le
quatrième volet, Jésus dit à deux reprises : « sous peu vous ne Me verrez plus et puis un peu encore et vous me verrez » (16 ; 16 et 19).
- dans le deuxième volet, Jésus dit à ses Disciples : « tout ce que vous demanderez en mon Nom, Je le ferai, pour que le Père soit
glorifié dans le Fils. Si vous Me demandez quelque chose en mon Nom, Je le ferai » (13 ; 13 – 14)
- dans le quatrième volet, Jésus affirme : « jusqu’ici vous n’avez rien demandé en mon Nom. Demandez et vous recevrez,
et votre joie sera parfaite. (…) Ce jour-là, vous demanderez en mon Nom… » (16 ; 24 – 26).
- dans le deuxième volet, Jésus dit à ses Disciples : « que votre cœur cesse de se troubler et de craindre » (14 ; 27)
- dans le quatrième volet, Jésus dit : « Amen, Amen, Je vous le dis : vous allez pleurer et vous lamenter ; le monde, lui, se
réjouira ; vous serez dans la tristesse, mais votre tristesse se changera en joie » (16 ; 20).
Avec le parallélisme visible des deux volets extérieurs, se dégage le volet central, avec les paroles immortelles :
Voici mon commandement : aimez-vous les uns les autres comme Je vous ai aimés.
Il n’est pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis
(15 ; 12 - 13)
- et le verset central :
Je vous dis cela, pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite
(15 ; 11).
Tout ceci nous permet de saisir la remarquable cohérence qui imprègne ce long texte, d'une importance fondamentale.
L'objectif tracé initialement a-t-il été atteint ? ?
Nous nous sommes aperçus que le récit du « Lavement des pieds » présente d'évidents « parallèles inversés » avec le récit de la Genèse
: alors que les deux « êtres humains globaux » de l'espace-temps paradisiaque avaient été revêtus de « tuniques de peau », le Christ
se ceignit d'un linge pour laver les pieds de ses disciples. Alors que le Christ-Créateur modela l'argile de l'être humain originel,
Jésus essuya les pieds de ses disciples. Alors que l'« être humain global » s'empare du fruit pour le consommer et le détruire,
Judas reçoit la bouchée de la main de Jésus. Involontairement, les deux « êtres humains globaux » se retrouvèrent hors du Paradis,
dans un univers hostile ; volontairement, Judas sortit, et c'était la nuit. Dans tout ce récit, Jésus dissuade l'être humain
de s'orienter vers une relation de pouvoir.
– Dans le deuxième volet, nous recevons le « Commandement nouveau » ainsi que
l'annonce du Paraclet. Et c'est justement dans le livre de l'Exode que Moïse donne les Commandements à son peuple. Le Christ
annonce son propre Exode, ce qui suscite la perplexité de l'apôtre Pierre. Dans le deuxième volet, nous avons l'énoncé du Nom
divin : « JE SUIS la Voie, la Vérité et la Vie ».
– Dans le troisième volet, nous avons l'image de la « Vigne véritable » dont
le Père « purifie » le cep, qui le Christ. C'est une allusion à la « Loi de sainteté » que nous trouvons dans le Lévitique.
Dans ce volet, nous trouvons également l'énoncé du Nom divin : « JE SUIS la Vigne véritable ». Nous trouvons aussi à la fin
de ce livre du Lévitique, une série de bénédictions et de malédictions, qui se trouvent reflétées dans le texte évangélique, en
l'antagonisme qui oppose le « monde » et les disciples qui croient au message du Christ.
– Le quatrième volet commence par
annoncer que les disciples seront exclus des synagogues, c'est-à-dire ne seront plus comptés au nombre des Juifs. Cette affirmation
est en rapport avec le recensement du peuple d'Israël, que nous trouvons dans le livre des Nombres. Après le départ du Christ,
c'est-à-dire son Ascension, l'Esprit-Saint sera envoyé et conduira les disciples du Christ dans la Vérité tout entière.
Dans le livre des Nombres, Moïse confère l'Esprit aux Anciens, et cela rejaillit jusque dans le camp. De la même façon,
l'Esprit-Saint sera donné à tous les fidèles confessant le Christ, et pas seulement aux Apôtres. À la fin du texte de ce volet,
le Christ annonce la dispersion des Apôtres, de même que dans le livre des Nombres, le châtiment sera imposé à Israël qui a
douté dans le désert.
– Dans le cinquième volet, le Christ parvient au terme de sa mission, et est glorifié par le Père, tandis
que les disciples sont toujours en chemin… Dans le Deutéronome, c'est le contraire : Israël parvient à la Terre promise, mais
Moïse est enterré en-dehors de ses limites. Il appartenait au Christ d'accomplir le dessein ultime de Dieu, et non pas à Moïse…
La dernière partie de notre grand texte est la prière de Jésus au Père, en faveur de ses disciples - ce qui peut être mis en relation
avec la bénédiction de Moïse sur les tribus d'Israël, à la fin du livre du Deutéronome.
– Nous voyons ainsi que notre texte
est véritablement une Torah : celle de la Nouvelle-Alliance. Elle est divisée en cinq livres, tout comme la Loi mosaïque.
La signification de la « Torah de la Nouvelle-Alliance » dépasse infiniment celle de la Loi mosaïque, et est adressée à
l'humanité tout entière. Enfin, notre texte est la « Torah théologique ». Nous nous apprêtons à étudier le récit de la Passion,
qui se révélera être une « Torah pratique » : la « Nouvelle Loi » appliquée aux événements.
Cette Étude nous permet d'ajouter une cellule au bas à droite, dans notre tableau récapitulatif :
- 1 - Le Prologue : Chapitre 1, versets 1 à 18. (Péricope 1) Étude 23 |
|
- 2 - Le pôle central de l’Évangile de Jean : La traversée de la mer : chapitre 6, versets 16 à 21. JE SUIS. Ne craignez pas. (Péricope 12) Étude 24 |
|
- 3 - Et sur l’autre versant : le Parallèle qui est la Péricope de la multiplication des pains : chapitre 6, versets 1 à 15. (Péricope 11) Étude 25 |
- 3 - Sur un versant de l’Évangile, nous avons la Révélation du Nom divin : JE SUIS le Pain de Vie : chapitre 6, versets 22 à 51. (Péricope 13) Étude 25 |
- 4 - Sur l’autre versant, nous avons le récit de la guérison du paralytique de Béthesda, chapitre 5 ; versets 1 à 18 (« ne pèche plus »). Le récit lui-même est suivi d’un premier texte doctrinal précisant les relations entre le Père et le Fils : chapitre 5, versets 19 à 30, et d’un deuxième texte doctrinal qui nous parle du témoignage en faveur du Fils : celui des « œuvres », témoignage qui est plus grand que celui de Jean-Baptiste : chapitre 5, versets 31 à 47. (Péricope 10) Étude 26 |
- 4 - Sur un versant de l’Évangile, nous avons la Révélation du Nom divin : JE SUIS la Lumière du monde du chapitre 7 ; 1 au chapitre 8 verset 59. Jésus à la Fête des Tabernacles : Discours sur l'Eau vive. Inclusion de la « Femme adultère » Chapitre 8, versets 1 à 11. (Péricope 14) Étude 26 |
- 5 - Sur l’autre versant, nous avons le récit de la guérison du fils du fonctionnaire royal, chapitre 4 ; versets 46 à 54. Il s'agit du reflet inversé du récit de la guérison de l'aveugle-né. (Péricope 9) Étude 27 |
- 5 - Sur un versant de l'Évangile (9; 1 - 10; 21), nous avons la Révélation des Noms divins : JE SUIS la Porte / le bon Berger. Guérison de l'aveugle-né : chapitre 9, 1 - 38. Le récit lui-même est suivi d'un TEXTE DOCTRINAL où se trouve l'intitulé des Noms divins : chapitre 9 ; 39 à 10 ; 21. Ce texte montre l'exclusivité de la Voie présentée par le Christ. (Péricope 15) Étude 27 |
- 6 - Sur l’autre versant, nous avons l'accueil des Samaritains. (Péricope 8) Étude 28 |
- 6 - Sur un versant de l'Évangile (10; 22 - 39), nous avons le Discours de la Dédicace : Révélation de la consubstantialité Père / Fils : Moi et mon Père, nous sommes UN. Divorce entre le peuple d'Israël et le Messie. (Péricope 16) Étude 28 |
- 7 - Sur l’autre versant, nous avons le récit de la rencontre avec la Samaritaine. (4; 4 - 38) (Péricope 7) Étude 29 |
- 7 - Sur un versant de l'Évangile (10; 40, 12; 11), nous avons l'Onction à Béthanie : 12; 1-8 Judas proteste. Prophétie involontaire de Caïphe. Inclusion de la Résurrection de Lazare 11; 1 - 44 JE SUIS la Résurrection et la Vie.. La nouvelle Annonciation ; Confession de Foi de Marthe. (Péricope 17) Étude 29 |
- 8 - Sur l’autre versant (3; 22 - 4; 3) : la joie de l'Ami de l'Époux. Second témoignage de Jean-Baptiste (Péricope 6) Étude 31 |
- 8 - Sur un versant de l'Évangile (12; 12 - 50) : Je L'ai glorifié, et Je Le glorifierai à nouveau. Entrée à Jérusalem. Jugement du monde. Incrédulité des Juifs. (Péricope 18) Étude 31 |
- 9 - Sur l’autre versant (3; 1 - 21) : l'entretien avec Nicodème. (Péricope 5) Étude 32 |
- 9 - Sur un versant de l'Évangile, nous avons un polyptique, avec cinq volets ou panneaux : (13; 1 - 17; 26) : PREMIER VOLET : (13 ; 1 – 30) Récit du lavement des pieds Je vous le dis, avant que cela n’arrive, afin que vous croyez quand cela arrivera que JE SUIS (13 ; 19) DEUXIÈME VOLET : (13 ; 31 – 14 ; 31) Le Nouveau Commandement et l’annonce de l’envoi du Paraclet Là où JE SUIS, vous aussi, vous serez. JE SUIS la Voie et la Vérité et la Vie TROISIÈME VOLET : (15 ; 1 – 25) La Vigne véritable JE SUIS la Vigne véritable, et mon Père est le Vigneron. QUATRIEME VOLET : (15 ; 26 – 16 ; 33) Le départ du Christ et l’envoi du Paraclet Le Christ enverra le Paraclet, l'Esprit qui procède du Père; la tristesse se changera en joie, que nul ne pourra ravir CINQUIÈME VOLET : (17 ; 1 – 26) La prière de Jésus au Père, pour les Disciples L'Heure est venue, de la glorification du Fils; le Christ nous a révélé le Nom du Père. (Péricope 19) Étude 33 |
Le Saint Esprit vient, comme le Fils, du Principe unique ou du Père, par un acte éternel que l'on
appelle « procession ». Il ne faut pas confondre avec cet acte « ab intra », un autre acte « ad extra » qui est commun
au Père et au fils, et qui consiste dans l'envoi du Saint Esprit, pour une opération extérieure.
Ces deux actes sont clairement indiqués dans la Sainte Écriture, par ces paroles : « lorsque viendra le Paraclet que
Je vous enverrai de mon Père, l'Esprit de vérité qui procède du Père » (Jn. 15 ; 26).
Le Concile de Nicée a copié l'Écriture, dans le Symbole (Credo), et n'a rien ajouté à ces paroles : « qui procède du Père »,
persuadé qu'il était que l'esprit humain ne doit rien ajouter aux révélations de Dieu.
Comme le Fils a la même substance (ou « même Nature ») que le Père dont Il est engendré, de même le Saint-Esprit a la même
substance (même Nature) que le Père duquel Il procède ; c'est pourquoi le Saint-Esprit est un seul et même Dieu avec
le Père et le Fils, distinct seulement de l'un et l'autre par ses attributs personnels. Outre la qualité de procéder
du Père, le Symbole, d'après la sainte Écriture, attribue au Saint-Esprit celle des communications divines à l'humanité ;
c'est pour cela qu'il est dit : « qui a parlé par les prophètes ». L'Église orthodoxe croit que le Saint-Esprit
continue à parler au monde par l'Église – qu'Il revêt d'infaillibilité. Mais cette direction de l'Église par le Saint-Esprit
n'est pas une inspiration proprement dite, car l'Église n'est pas assistée par le Saint-Esprit pour faire au monde de
nouvelles révélations, mais uniquement pour conserver la doctrine de Jésus-Christ dans sa pureté primitive.
L'insufflation divine dans l'Église n'est donc qu'une direction, une assistance continues. Cette mission, cet envoi
du Saint Esprit est commun au Père et au Fils.
Les Églises occidentales n'ont pas conservé le Symbole tel qu'il fut rédigé par les conciles œcuméniques de Nicée
et de Constantinople. Après les mots « qui procède du Père », elles ont ajouté « et du Fils », en latin, « filioque ».
Cette addition a été insérée aussi dans le Symbole dit « de saint Athanase », et qui ne date que du neuvième siècle de
l'ère chrétienne.
L'addition faite au Symbole de Nicée remonte au septième siècle, et fut faite en Espagne. Elle se répandit en Occident
au huitième et neuvième siècle, par l'influence de l'empereur Charlemagne. Rome ne l'admit qu'au commencement du
XIe siècle, à la prière de l'empereur Henri.
Depuis cette époque, elle a été acceptée par toutes les Églises occidentales. Au XVIe siècle, l'Église anglicane et
les Églises protestantes qui entreprirent de réformer les abus de Rome, n'élevèrent pas d'objection contre l'addition.
L'Église orthodoxe a conservé le Symbole tel qu'il fut promulgué, sans en rien retrancher, sans y rien ajouter. Elle
soutient : premièrement que l'addition a été faite irrégulièrement, ce qui ne peut être contesté ; deuxièmement, que
l'addition renferme une grave erreur contre le mystère de la Sainte Trinité.
En effet, la procession, considéré comme l'acte éternel qui produit le Saint-Esprit, est un attribut personnel du Père,
qui est le Principe. Cette qualité de Principe est l'attribut qui distingue la personnalité du Père de celle du Fils et
de celle du Saint-Esprit. Donner au Fils un attribut personnel du Père, c'est lui donner sa personnalité ; c'est confondre,
dans la Trinité, ce qui doit être distinct : c'est détruire le mystère lui-même.
Aussi les Pères de l'église ont-ils été unanimement enseigné que le Saint-Esprit ne procède que du Père.
Les textes authentiques que l'on a cité en faveur de la croyance contraire ne se rapportent qu'à l'acte « ad extra »,
en vertu duquel le Saint-Esprit est envoyé par le Père et le Fils – et non pas à l'acte éternel et « ab intra » qui
produit le Saint-Esprit.
Le bienheureux Augustin qui, en apparence, semble le plus favoriser l'opinion formulée par l'addition occidentale,
la condamne en réalité ; car, après avoir résumé, dans son « traité de la Trinité », tout ce qu'il avait écrit sur
ce sujet, il déclare, en termes formels, qu'il faudrait avoir perdu le sens pour dire que le Saint-Esprit tire son
origine du Fils aussi bien que du Père. Il n'entendait donc, par les mots « procession du Fils » que l'envoi par
le Père et le Fils.
Cet envoi commun au Père et au Fils n'est pas contesté par l'Église orthodoxe, qui maintient seulement que l'addition
occidentale, faite irrégulièrement, est contraire à l'enseignement universel de l'Église jusqu'au huitième siècle, et
renferme une erreur très dangereuse, malgré les efforts tentés par les occidentaux pour l'atténuer.
Le principal moyen que l'on a pris pour l'atténuer a été de dire que le Fils est seulement « principe secondaire »
dans la Trinité. D'abord, cette expression ne peut être justifiée par l'enseignement traditionnel ; c'est une
innovation ; de plus, elle fait supposer qui a quelque chose de « secondaire » en Dieu, ce qui est contraire à
la sainte doctrine catholique, et à la simple raison qui nous démontre qu'en Dieu il ne peut rien y avoir que de
« nécessaire ». Le Père est l'unique principe pour l'acte « ab intra » ; le Père et le Fils ne sont, comme dit le
bienheureux Augustin, qu'un seul principe pour l'acte «ad extra». Telle est la doctrine constante de l'Église
orthodoxe.
Toutes les Églises occidentales ont donc dévié de la vérité touchant le Saint-Esprit, par l'addition faite au Symbole,
tout en professant les points essentiels les mystères de la Sainte Trinité.
Exposition de la doctrine de l'Église catholique-orthodoxe, Vladimir Guettée, p. 88-99.
Au courant du XIXe siècle, dans le cadre des conversations entre l'Église vieille-catholique et l'Église orthodoxe russe,
un théologien russe, Bolotov, s'efforça de trouver un terrain d'entente entre la théologie occidentale et la position
orthodoxe, concernant cette question du « filioque ».
La doctrine du « filioque » finit par aboutir à l'affirmation que « l'Esprit procède du Père et du Fils comme d'un seul
et même Principe ». Dans cette perspective, le Père et le Fils sont tous deux « cause » de l'Esprit – le Père et le Fils
formant un seul et même Principe d'où procède l'Esprit. Bolotov proposa d'éviter de dire que la Personne du Fils
soit « cause » de la Personne de l'Esprit-Saint, et suggéra d'affirmer que le Fils soit la « condition » de la
procession de l'Esprit-Saint :
« La fenêtre transparente n'est pas la cause – serait-elle même secondaire – de
la lumière du jour dans la pièce, mais en est la condition indispensable. « N'est pas la cause » : sans paroles superflues,
la preuve en est que durant les nuits d'automne, il fait complètement noir, même sous les toits transparents des ateliers
photographiques. Il n'y a que la cause qui agit : la condition est totalement improductive » (Bolotov – la question
du Filioque).
Dans la notion que « l'Esprit procède du Père par le Fils », le « Fils » serait la condition de la procession
de l'Esprit, du Père – qui reste la seule cause d'origine. La lumière passe par le verre transparent d'une fenêtre,
et il est bien entendu que la fenêtre n'est pas la cause de la lumière, cette cause se situant dans le soleil,
l'origine de la lumière. S'il n'existe pas de fenêtre, la pièce restera plongée dans l'obscurité. Dans cette
perspective de «Christ / condition de la procession de l'Esprit», s'il n'y a pas de Christ, l'Esprit ne saurait
procéder, c'est-à-dire exister en tant que divinité... Évidemment, cette supposition est irréaliste, car le Christ
existe de toute éternité.
Il reste donc à éclaircir le sens du terme « condition » : lorsqu'il est affirmé que le Christ serait « condition » de
la procession de l'Esprit, quelle est la signification de ce terme ? Sans doute pourrait-on s'approcher de la
signification de ce terme en disant que la procession de l'Esprit du Père se fait « dans l'atmosphère », « dans le contexte »
de l'engendrement du Fils. Il reste à savoir que signifierait ce « contexte ».
Cette problématique induit donc la question suivante : l'Esprit lui-même aurait-il « quelque chose à voir » dans
l'engendrement du Christ ? Finalement, il est légitime de se demander s'il nous est permis d'explorer de tels
aspects de la vie trinitaire – à moins que de telles questions ne soient définitivement inaccessibles à notre
entendement et à notre réflexion ? Dans ce cas, de tels propos ne seraient qu'« une logomachie foncièrement
ennuyeuse, chicanière et stérile », une tendance vers une « phraséologie sans contenu » (P. Serge Boulgakov,
dans son ouvrage : Le Consolateur).
Prenons une comparaison – tout en restant conscient des limites de toute comparaison dans ce genre de domaine :
Alphonse a un fils : Jacques. Jacques est le fils d'Alphonse, et la filiation de Jacques fait foncièrement partie
de l'identité paternelle d'Alphonse. Nous ne pouvons pas penser à Alphonse en faisant abstraction du fait qu'il a
un fils, dont le nom est Jacques… Alphonse a également un ami très proche : Jules. Il serait certainement risqué
d'affirmer que l'amitié de Jules pour Alphonse ait « quelque chose à voir » avec la paternité de celui-ci !
Bien sûr, on peut nous rétorquer que l'amitié de Jules pour Alphonse est d'une nature fondamentalement différente
que l'identité paternelle de ce dernier… Il est certain que dans le domaine de la théologie trinitaire, toute
comparaison basée sur des faits humains est inévitablement bancale.
Mais cette comparaison peut néanmoins nous
faire prendre conscience qu'il y a quelque chose de « forcé » dans ce syllogisme qui affirme que nous ne pouvons
pas penser à la première Personne de la Trinité - au Père - sans faire allusion, par le fait même, à l'engendrement
du Fils - et que, par voie de conséquence, lorsque nous affirmons que l'Esprit procède du Père, Il procède de cette
Personne qui est « Père du Fils », engageant par là-même l'engendrement du Fils dans le processus de la procession
de l'Esprit.
Suivant ce raisonnement, l'Esprit procède du Père en tant que Père du Fils, et l'expression « l'Esprit procède du Père
et du Fils » n'est que la simplification de cet énoncé. On a bien l'impression que tout ce processus n'est en fait
qu'un « habit coupé sur mesure » destiné à faire passer la doctrine du « filioque » dans la dogmatique orthodoxe.
Cela revient pratiquement à reprocher aux Orthodoxes - lorsqu'ils disent que « l'Esprit procède du Père seul » - d'envisager
la procession de l'Esprit en refusant de jeter un regard sur l'engendrement du Fils par le Père. Or la position orthodoxe
affirme que le Père engendre le Fils et que l'Esprit procède du Père - les deux termes « engendrer » et « procéder » étant
différents, afin de montrer que la relation entre le Père et Fils n'est pas la même que celle existant entre le Père
et l'Esprit - tandis que la différence en tant que telle reste inaccessible à notre entendement.
L'expression « l'Esprit procède du Père » provient de l'Évangile de Jean.
Dans les Actes, nous lisons que « l'Esprit de Jésus » ne permit pas aux Apôtres d'aller en Bithynie (Act. 16 ; 7). Dans
plusieurs épîtres, nous trouvons l'expression « l'Esprit du Christ / de Jésus-Christ / du Fils » (Rm. 8; 9, Gal. 4; 6,
Phil. 1; 19, I P. 1; 11). Les Pères de l'Église parlent couramment de « l'Esprit du Fils » et affirment que l'Esprit-Saint procède du Père par le
Fils. Cela ne veut pas dire pour autant qu'ils affirmeraient la procession hypostatique du Saint-Esprit PAR le Fils,
ou DU Fils. Dans son ouvrage « Contre Eunome » saint Grégoire de Nysse nous donne cet exemple : « imaginons une autre
lumière semblable rayonnant à travers elle (c'est-à-dire à travers la seconde lumière) mais ayant sa cause hypostatique
dans la lumière prototype ». Ainsi donc, nous pouvons imaginer trois étoiles parfaitement alignées par rapport à nous,
de sorte que, de notre point de vue, nous ne voyons qu'un seul point lumineux qui nous transmet la lumière des trois
étoiles confondues à nos yeux. Dans cette situation, nous recevons la lumière de l'étoile médiane au-travers de l'étoile
qui se trouve la plus proche de nous. Nous recevons la lumière de la deuxième étoile PAR la troisième, sans que cette
troisième étoile - la plus proche de nous - n'en soit l'origine.
Cet exemple permet de distinguer la provenance apparente de la lumière de sa source réelle. D'une façon analogue,
on pourrait considérer que l'Esprit-Saint procède du Père par le Fils, tout en considérant que l'Esprit trouve sa
cause ultime uniquement dans le Père. Selon cette optique, Grégoire de Chypre distinguait entre la notion
d'« origine hypostatique » (huparxin ekhein) et celle d'« existence » (huparchein). En français contemporain,
cela revient à distinguer entre la « cause » et la « raison d'être ». L'Esprit-Saint aurait une seule cause dans
le Père, mais aurait sa raison d'être dans le Fils. Il recevrait son origine hypostatique du Père, mais existerait
par le Fils.
La cause appartient donc au seul Père. Mais le Père ne peut être présenté comme « producteur » de l'Esprit,
si l'on fait abstraction du Père qui génère le Fils. De cette façon, le Fils est immédiatement engendré du Père,
tandis qu'il existe une médiation du Fils dans la procession de l'Esprit. Si la cause appartient au seul Père,
la médiation du Fils ne peut appartenir à la catégorie de cause. Nous reviendrons sur ce point un peu plus loin
dans le cours de notre réflexion.
Si le Fils serait la « condition » de la procession de l'Esprit du Père, comme nous l'avons vu plus haut - en ce sens
que le Christ aurait « quelque chose à voir » dans la procession de l'Esprit - dans ce cas, l'engendrement du Fils par
le Père aurait «quelque chose de plus» que la procession de l'Esprit du Père : l'engendrement du Fils par le Père
serait la condition de la procession de l'Esprit du Père, qualité dont la procession de l'Esprit du Père serait
totalement dépourvue, car la procession de l'Esprit du Père n'est en aucune façon la condition de l'engendrement du
Fils par le Père. L'engendrement du Fils a donc quelque chose de plus que la procession de l'Esprit, dans la Trinité.
Cela justifierait la subnumération : le fait que l'on cite toujours le Fils avant l'Esprit, dans l'ordre
immuable Père / Fils / Saint-Esprit.
Je ne peux me laisser convaincre (dit le théologien russe Bolotov) que selon la théologie des saints Pères orientaux,
l'ordre des Personnes de la Sainte Trinité (taxis) ne correspond qu'à l'ordre de leur révélation dans l'Histoire et
que, en particulier, fils de Dieu ne précéderait le Saint Esprit que dans le sens chronologique et non pas également
dans le sens logique. Il est plus conforme à la pensée patristique d'affirmer que l'ordre historique de la révélation
reflète le mystère des relations internes de la sainte Trinité.
Le problème du filioque vu par des théologiens russes. MEPRO, 33 (1985) N˚114, p. 34.
En ce qui nous concerne, nous ne pouvons nous empêcher de sentir le caractère artificiel d'un tel raisonnement,
qui forme un lien entre la subnumération et une propriété particulière de l'engendrement du Fils par le Père.
Cela ne coule pas de source !
La pensée scolastique possède un outil qui, de prime abord, permet de résoudre cette question apparemment plus
facilement qu'avec la notion de cause et de condition : il s'agit de la «cause première» et de
la «cause seconde».
On appelle en général « cause première » la cause qui, dans sa causalité et dans son action, ne relève que d'elle-même ;
par opposition, on appelle « cause seconde » la cause qui dépend d'une cause supérieure. (...) La dénomination de « cause seconde »
est réservée, dans le sens strict et formel, à la cause qui mérite, il est vrai, le nom de principale, mais qui tient
d'une cause supérieure son activité elle-même. C'est à l'influence de sa cause première que la cause seconde doit,
non pas simplement de produire telle et telle action, mais d'agir, mais d'être cause.
Théodore de Régnon. La Métaphysique des Causes. p. 551-553.
L'Esprit-Saint, de toute évidence, possède sa cause première en la Personne du Père, et a le Fils comme cause seconde.
Dans cette perspective, l'Esprit procède du Père et du Fils - sans devoir dire que l'Esprit procède du Père et du Fils
« comme d'un seul principe », car la différence entre le Père et le Fils est sauvegardée, en tant que causes
respectivement première et seconde.
C'est là où nous tombons sur ce qui est réellement une différence de mentalité : la pensée aristotélicienne a
éduqué l'esprit latin à n'éprouver aucune difficulté à concevoir une cause première et une cause seconde. Par contre,
la pensée grecque ne reconnaît qu'un seul Principe (archè). Par définition, il ne peut exister qu'un Principe unique :
s'il n'est pas unique, il n'est plus Principe… Comme il est dit dans les premiers mots du prologue de l'Évangile de Jean :
« Dans le Principe, le Verbe est de façon permanente vers le Père ». Le Principe dont il est question, n'est autre
que la Personne du Père - cette Source absolue et ultime dont tout provient, y compris la divinité du Fils et de
l'Esprit - l'un par voie d'engendrement, et l'autre par voie de procession. Le Principe est
nécessairement unique. Dans cette perspective, il n'y a pas de place pour une « cause seconde ».
Le « par le Fils » est exempt de la plus légère apparence d'une signification de causalité : l'expression « par le Fils »
se volatilise toujours, dès que saint Grégoire de Nysse et saint Basile le Grand commencent à parler de la « cause » - de la
cause de l'être du Saint-Esprit. « Selon son être, dit Basile le Grand, le Saint-Esprit dépend de sa cause, qui est
le Père dont Il procède ». Encore plus significative est la façon dont Saint Grégoire de Nysse s'exprime : « le Saint-Esprit
a la cause de son être là même où le Fils unique l'a Lui-même, c'est-à-dire dans le Dieu de l'Univers » (Adv. Eunom. 1, 1).
Thèses sur le Filioque, par un théologien russe. Istina 17 (1972) p. 278.
Dans l'esprit grec, il est impossible d'attribuer deux causes à un seul et même effet ! Le « principe », la « cause »
est toujours et nécessairement unique. L'« archè » dans la Trinité est nécessairement le Père, qui est une Personne,
et une seule. Seul le Père est cause ; seul le Père est Principe. Sur un tel terreau, le filioque ne pouvait fleurir.
Dans son ouvrage « La Foi orthodoxe », Saint Jean Damascène affirme : « nous croyons aussi en l'Esprit Saint ... qui procède
du Père et repose dans le Fils » (Livre 1 chap. 8).
La théologie orthodoxe classique affirme que le Saint-Esprit procède du Père seul, mais que ce même Saint-Esprit
est envoyé PAR le Christ auprès des êtres humains. La procession de l'Esprit du Père seul concerne la vie intra-trinitaire,
tandis que l'envoi du Saint-Esprit auprès des êtres humains - et plus généralement dans le monde - se fait PAR le Fils.
Dire que l'Esprit-Saint procède du Père et du Fils revient à confondre ces deux plans distincts :
Il faut faire une stricte distinction entre la procession éternelle du Saint-Esprit qui est son attribut personnel,
et sa procession temporelle, sa descente sur les créatures ou pour des missions dans le monde, qui n'est pas le propre
de l'hypostase même de l'Esprit Saint mais est quelque chose d'extérieur, de transitoire et appartient tant au
Saint-Esprit qu'au Fils ... Si l'Église orthodoxe affirme que le Saint-Esprit procède du Père seul, elle entend
précisément la procession éternelle et hypostatique du Saint-Esprit. Quant à sa procession temporelle, les orthodoxes,
en accord total avec les chrétiens occidentaux, croient que l'Esprit Saint procède, c'est-à-dire est envoyé dans
le monde, non seulement du Père mais aussi du Fils ou, plus exactement, par le Fils.
Théologie dogmatique orthodoxe de Macaire, le métropolite de Kroutitsy et de Kolomna. Vol. 1, paragraphe 41.
Cela n'explique aucunement le fait que « l'Esprit repose dans le Fils » – expression qui, indubitablement, fait partie
de la Tradition de l'Église.
Le passage du métropolite Macaire - cité ci-dessus - reprend l'affirmation du saint Patriarche Photius, qui affirme
que le Saint-Esprit procède du Père seul, et cantonne la procession de l'Esprit par le Fils, à la mission de l'Esprit
dans la création. On peut désigner cette position sous le terme de « théologie simplifiée » : hors du temps,
l'Esprit Saint procède du Père seul; dans le temps, il procède du Père et du Fils.
La « théologie simplifiée » n'explique aucunement l'ordre dans lequel sont énumérées les Personnes divines :
Père, Fils et Saint-Esprit. Le Saint-Esprit est l'Esprit du Fils, et non pas le Fils de l'Esprit… La question
est de savoir si l'ordre dans lequel on énumère les Personnes de la Trinité est accidentel et non-significatif
(ce qui est hautement improbable !), ou si cet ordre reflète quelque chose de la vie de la Trinité elle-même.
À cet égard, le théologien Vassili Vassilievitch Bolotov (1854-1900) cite la lettre 52 de saint Basile de Césarée :
Le Saint-Esprit est compté avec le Père et le Fils, par ce que Lui aussi est au-dessus de la créature, mais Il est
placé comme nous l'avons appris dans l'Évangile par ces paroles du Seigneur : « allez baptiser au nom du Père,
du Fils et du Saint-Esprit » (Mt. 28 ; 19). Celui qui Le place avant le Fils, ou qui Le dit plus ancien que le
Père, s'oppose à l'ordre voulu par Dieu et s'éloigne de la saine croyance, parce qu'il ne garde pas le mode de
glorification qu'il a reçu, et qu'il imagine pour lui-même un langage nouveau afin de plaire aux hommes. Si en
effet le Saint-Esprit est supérieur à Dieu, Il n'est pas de Dieu, et il est écrit : « l'Esprit est de Dieu » (I Co. 2 ; 12).
Mais, s'Il est de Dieu, comment est-il plus ancien que Celui de qui Il est ? Quelle est cette folie, alors qu'il
n'y a qu'un seul inengendé [le Père], (folie) qui fait dire qu'un autre être est supérieur à l'inengendré ?
Mais le Saint-Esprit n'est pas non plus avant le Fils unique, car il n'y a aucun intermédiaire entre le Fils
et le Père.
D'un autre côté, s'Il n'est pas de Dieu [le Père] et s'Il est par le Christ, Il n'est pas du tout.
C'est pourquoi cette innovation au sujet de son rang équivaut à la destruction de son existence même, et c'est la
négation de la Foi tout entière.
Il est donc également impie de faire descendre le Saint-Esprit jusqu'à la créature - et de le placer au-dessus du
Fils - ou au-dessus du Père, soit selon le temps, soit selon le rang »
Saint Basile, Lettres. éd. « Les Belles Lettres » 1956 Tome I. Lettre 50. p. 136-137.
V. Bolotov, dans son ouvrage « La question du Filioque », explique ce passage de la Lettre 52 de saint Basile :
Saint Basile pouvait dire que toute innovation quant à la place du Saint-Esprit dans la Sainte Trinité amène à nier
l'existence même du Saint-Esprit, dans la mesure où il (saint Basile) était convaincu que l'ordre des hypostases,
transmis par le Seigneur Lui-même, correspond non seulement à la révélation de la Sainte Trinité dans l'Histoire,
mais correspond également à la vie interne du Dieu Tri-unitaire, pour autant qu'elle soit accessible à l'esprit humain.
Il en découle que saint Taraise de Constantinople est d'accord avec saint Basile le Grand lorsque ce dernier dit
dans sa synodique que le Saint-Esprit procède du Père par le Fils ; que l'expression « l'Esprit est par le Christ »
est inexplicable si elle se limite à désigner la mission temporelle du Saint-Esprit dans le monde à travers le
Christ - cette expression ne peut être comprise que dans le sens de base ontologique pour une telle révélation
du Saint-Esprit dans l'Histoire ; que non seulement sa procession du Père seul, mais aussi son rayonnement à
travers le Fils, marquent des moments définis dans l'existence éternelle de l'Esprit Saint. De cette façon,
l'embryon du rejet de l'existence même de l'Esprit-Saint, réside non seulement dans les interprétations ne
reconnaissant pas que le Saint-Esprit procède du Père, mais aussi dans celles qui nient son rayonnement par le Verbe.
- Il me semble que Bolotov « tire » la pensée de Saint Basile nettement au-delà de ce qu'aurait sans doute voulu
exprimer le saint Père. Saint Basile s'oppose à toute modification dans l'énumération des Personnes trinitaires,
sans pour autant en tirer des conclusions précises quant à la vie intra-trinitaire elle-même.
Que pouvons-nous penser de tout cela ?
Heureusement pour nous, Saint Jean Damascène nous présente une synthèse de la pensée patristique. Voyons ce qu'il
nous dit à propos des trois Personnes divines :
- Quand je dis Dieu, je parle évidemment du Père et de son Fils monogène, notre Seigneur Jésus-Christ, et
de son Esprit très Saint, notre Dieu unique.
S.C. 535, p. 223.
- Tout ce qui correspond au Père en sa qualité de Cause, Source et Principe générateurs, doit convenir au Père seul ;
- tout ce qui correspond à Causé, Fils engendré, Verbe, Puissance fondatrice, Volonté, Sagesse, doit convenir au Fils ;
- tout ce qui correspond à Causé, Procédant, Révélateur, Puissance perfectionnante, doit convenir au Saint-Esprit.
S.C. 535, p. 207.
- Celui qui existe toujours inengendré est Dieu et Père ; Il n'est issu de personne par génération et Il a engendré
sont Fils coéternel.
- Celui qui existe éternellement avec le Père est Fils et Dieu, engendré du Père hors du temps, éternellement,
sans perte de substance, sans passion et sans séparation.
- Le Saint-Esprit est Dieu, force sanctifiante, doté d'hypostase, procédant du Père sans séparation et
reposant dans le Fils, consubstantiel au Père et au Fils.
S.C. 535, p. 217.
- Le Fils est l'image du Père, et l'Esprit image du Fils – et c'est par l'Esprit que le Christ habitant
dans un homme donne à celui-ci d'être à son image.
- L'Esprit-Saint est Dieu, intermédiaire entre l'inengendré et l'engendré, et se trouve lié au Père par le Fils.
S.C. 535, p. 215.
- Nous croyons à un unique Esprit-Saint, qui procède du Père et repose dans le Fils. Proclamé Dieu avec
le Père et le Fils, il est incréé, procédant du Père, communiqué par l'intermédiaire du Fils, possédant
tout ce que possède le Père et le Fils, sauf en ce qui concerne le fait de n'être pas engendré – et celui d'être engendré.
S.C. 535, p. 179.
- Le Fils est issu du Père par voie de génération ; l'Esprit-Saint est Lui-même issu du Père, par voie
de procession. Nous savons d'une part qu'il y a une différence entre génération et procession ; quel
est le mode de cette différence : nous l'ignorons absolument.
- C'est à cause du Père qu'existent le Fils et l'Esprit. Le fait de n'être pas engendré, la génération et la
procession : c'est dans ces seules propriétés hypostatiques que se distinguent l'une de l'autre les
trois saintes hypostases.
S.C. 535, p. 181.
Quand nous écoutons Saint Jean Damascène nous dire que l'Esprit repose dans le Fils, qu'Il est intermédiaire entre
l'inengendré et l'engendré, et se trouve lié au Père par le Fils – on a presque l'impression que nous ne
sommes pas loin du filioque !
Voyons ce que saint Jean Damascène nous dit du Verbe :
Il n'y a pas eu de temps ou Dieu a été sans Verbe. Depuis toujours, Il (le Père) est en possession de son propre
Verbe, issu de lui (le Père) par génération, de manière irréductible à celle de notre verbe qui est sans
subsistance et s'échappe dans l'air. Il (le Verbe) est subsistant, vivant, parfait, ne s'écartant pas
de Lui (le Père), mais se trouvant toujours en Lui.
S.C. 535, p. 157.
L'Esprit est le souffle du Verbe :
Il faut que le Verbe possède aussi un Esprit : aussi bien même notre verbe n'est pas sans avoir part à l'esprit.
Mais en nous le souffle de l'esprit est étranger à notre propre substance ; car il est l'aspiration et l'expiration
de l'air inhalé et exhalé en rapport avec la constitution propre de notre corps. Et au moment où a lieu l'émission
de la voix, ce phénomène est l'expression du verbe : il manifeste en lui-même la valeur qu'a le verbe.
Instruits de l'existence d'un Esprit de Dieu, qui va de pair avec le Verbe et manifeste son activité, nous Le
concevons (l'Esprit) comme une Puissance substantielle, considérée elle-même en soi dans une hypostase particulière,
procédant du Père et reposant dans le Verbe dont elle est révélatrice. En effet, jamais le Verbe n'a fait défaut
au Père, ni l'Esprit au Verbe.
S.C. 535, p. 159.
Nous, les êtres humains, nous élaborons ce que nous voulons dire - tout d'abord dans notre pensée - et ensuite
nous nous exprimons par la parole, mais il est impossible d'émettre cette parole si elle n'est pas appuyée
par notre souffle.
Dans la divinité, le sens du message divin est donné par le Père ; il est exprimé par le Fils, tout en étant
propulsé par l'Esprit/Souffle.
Dans cette perspective, n'y a aucune différence entre la vie trinitaire et le processus de la Révélation
auprès des êtres humains. La Trinité vit exactement comme elle émet son message auprès de nous. En Dieu, la
Parole et le Souffle sont des Puissances inséparables du Père – tout en étant des Personnes à part entière.
La pensée de Saint Jean Damascène nous présente ses deux piliers fondamentaux : la « monarchie » du Père – le
fait qu'Il est la Source ultime et absolue ; et le sens concret des termes Verbe et Esprit – Parole et Souffle.
Le Souffle sort du Père, et ne saurait sortir de deux Personnes à la fois ! Le Père est seul Principe, la seule Cause ;
l'Esprit est « l'Esprit du Fils » parce qu'il « insuffle » le Verbe, « donne force », si l'on peut dire, à la
« structure logique » du Verbe. D'une certaine façon, il y a, d'un côté, une structure, et de l'autre, un courant.
C'est en ce sens que l'on peut dire que l'Esprit « repose » sur le Verbe, et que l'Esprit est « l'Esprit du Fils »
– souffle inséparable du Verbe.
Citons Saint Basile :
La cause principelle de tout ce qui est fait est le Père ; la cause démiurgique est le Fils ; la cause
perfectionnante : l'Esprit. Il s'ensuit que c'est par la volonté du Père que les esprits serviteurs (leitourgika pneumata)
subsistent, par l'acte du Fils qu'ils arrivent à l'être, par la présence de l'Esprit qu'ils reçoivent leur perfection.
S.C. 17bis, p. 377-379. Basile de Césarée. Sur le Saint-Esprit.
Ainsi donc, le Fils et l'Esprit agisse dans la création comme Puissances du Père – l'une, démiurgique, créatrice – l'autre,
perfectionnante et finalisante.
La pensée de Saint Jean Damascène, en tant que synthèse patristique, est une pensée qui est simple et concrète.
Il est aisé de comprendre ce qu'est un principe unique, ce qu'est la parole, ce qu'est le souffle. Le message
divin est toujours « organisé » par le Verbe, et est « animé » par le Souffle. Le message divin ne saurait être a-logique,
dépourvu de verbe. Un ruminant qui paît dans un champ, lorsqu'il pousse un cri, possède certes un souffle, mais
n'émet pas de message organisé : c'est un être a-logique. De leur côté, le verbe et le souffle sont inséparables,
à la fois en l'être humain et en Dieu.
Si nous cantonnons notre pensée théologique à ce qu'a dit saint Jean Damascène, nous ne ferons pas de distinction
entre la vie intra-trinitaire et l'émission du message divin en-dehors de la Trinité à l'intention des êtres
humains conscients, faits à l'image de Dieu – ou, si nous utilisons un langage plus théologique, entre la
Théologie et l'Économie. Dans ce cas, nous ne rencontrerons sans doute pas de conflit concernant le filioque, car
nous effaçons par le fait même la pensée photienne, qui limite strictement à l'Économie divine la question de
la procession de l'Esprit par le Fils – c'est-à-dire qu'elle limite la procession de l'Esprit par le Fils à l'action
divine auprès des êtres humains et, plus largement, dans toute la création.
Pouvons-nous nous le permettre ?
Je crois pour ma part, qu'il est insuffisant de dire que la signification de l'expression « l'Esprit repose sur
le Verbe » dit tout simplement que l'Esprit-Saint donne son souffle au Logos. Ce n'est pas faux, bien évidemment.
Mais nous pouvons certainement y trouver une signification plus profonde. Car, finalement, il est dépourvu de sens,
littéralement in-sensé, de parler de l'Esprit-Saint indépendamment de la vie spirituelle.
- Incontestablement, l'Esprit procède du Père, suivant la lettre du Nouveau Testament.
- Incontestablement, à l'instant de sa mort, le Christ remit l'Esprit/Souffle au Père.
- Incontestablement, l'Esprit repose sur le Fils.
La Vie divine circule donc du Père à l'Esprit, par voie de procession. C'est le Père, en tant que Source ultime,
qui « produit » l'Esprit. L'Esprit est l'Esprit du Christ, cet Esprit qui oint L'homme-Dieu. Et finalement,
le Christ remet l'Esprit au Père en le glorifiant. Tout ceci sans exclusivisme, car le Père glorifie le
Fils, en L'engendrant.
Nous, les êtres humains, nous recevons le message divin du Père, par le Verbe. Ce message pénètre jusqu'au fond
de notre âme et de notre cœur, et transforme celui-ci de cœur de pierre, en cœur de chair. Par là, nous apprenons
notre solidarité avec tous les êtres humains, parvenant, à la cime de la sainteté, à voir la réalité par
les yeux des autres. L'accomplissement de la vie spirituelle est de « reposer » sur notre prochain,
précisément comme l'Esprit repose sur le Christ. Ensuite, ce même message, enrichi de la sainteté vécue
par les êtres humains, remonte des tréfonds de notre âme jusqu'à la surface de notre conscience, y ramenant
des intuitions bénéfiques. Puis cette même Énergie remonte jusqu'au niveau du divin, sous forme de prière.
L'ensemble de ce que l'on peut appeler un « processus ascensionnel » se déroule dans la lumière de l'Esprit.
Étant dans la lumière de l'Esprit, ce processus échappe à toute formulation verbale. Il est inaccessible à la théologie !
Par contre, la révélation du mystère divin par le Verbe, des lèvres du Christ, se fait par des mots, et permet la
conceptualisation. Cela nous explique pourquoi l'on peut à la fois parler de la vie spirituelle – et être frappé de
mutisme lorsqu'on aborde ce domaine. Le « processus descendant » est verbalisable, tandis que le « processus ascendant »
ne l'est pas. Là aussi, il ne saurait être question d'exclusivisme, car c'est dans l'Esprit que le message
du Verbe nous parvient, et c'est en Christ que nous élevons notre prière vers le Père, car il est à noter
que l'anaphore eucharistique est toujours destinée au Père.
Nous avons donc un « parallélisme en miroir » : pour nous, humains, nous recevons le message du Christ ; en
le mettant pratique, nous « reposons » par la charité, sur l'humanité entière – et, dans la prière, nous nous
élevons en l'Esprit vers le Père. C'est le processus de la vie spirituelle.
Par contre, en Dieu, la Vie divine
s'écoule du Père en l'Esprit par voie de procession – l'Esprit, quant à lui, repose sur le Fils – et le Fils glorifie
le Père en lui remettant l'Esprit, et tout en étant, du même mouvement, glorifié par le Père.
C'est de cette façon que nous nous permettons d'aller un peu plus loin que ne l'a fait saint Jean Damascène, avec tout
le respect que nous lui devons. Il nous a été permis de jeter un très bref coup d'œil sur le processus intra-trinitaire
de la Vie divine, non pas parce que nous désirions le faire avec une curiosité indiscrète, mais parce que nous y avons
été poussés par la systématisation importune du filioque. Ce que nous considérons comme une « maladresse théologique » -
devenue par accident historique une « hérésie » - a eu malgré tout, un résultat heureux : nous permettre de contempler une petite
fraction du Royaume.