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L'arrestation de Jésus - le contexte théologiqueQuels sont les objectifs que nous nous proposons d'atteindre ?
Au long de notre étude de l'Évangile de Jean, nous avons généralement commenté en premier lieu, chaque péricope située «en aval»
du pôle central du texte évangélique – et ensuite, la péricope parallèle située « en amont » du texte.
Lors des deux dernières Études, nous avons exceptionnellement permuté cet ordre : nous avons préféré commencer par la péricope
située « en amont » - qui était « l'entretien avec Nicodème » (3 ; 1 – 21) - avant d'analyser le long et très important texte
qui commence par le récit du lavement des pieds, et se termine par la prière de Jésus au Père pour les disciples
(13 ; 1 – 17 ; 26), juste avant le commencement du récit de la Passion. Cela permettait d'étudier tout d'abord un texte relativement
court et simple, avant de s'attaquer à un segment de l'Évangile beaucoup plus étendu, complexe, et d'une signification essentielle
pour la Foi chrétienne.
Maintenant, nous reprenons notre méthode traditionnelle : nous allons étudier le Récit de la Passion (18 ; 1 – 19 ; 42), et ensuite
examiner le passage parallèle qui est la séquence qui montre Jésus chassant les marchands du Temple (2 ; 13 – 25). Cela permet d'étudier
le Récit de la Passion juste après avoir examiné le long texte doctrinal qui s'étendait du 13e au 17e chapitre de l'Évangile de Jean.
Nous verrons si ces deux péricopes d'une extrême importance présentent des similarités structurales, et des complémentarités doctrinales.
Nous constaterons l'enracinement du texte que nous allons étudier, et nous y découvrirons des nouveaux Noms divins.
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PREMIER VOLET (18; 1-12) : L'arrestation de Jésus, au Jardin des Oliviers - le contexte théologique
18 1 Ayant dit cela, Jésus s'en alla avec ses disciples de l'autre côté du torrent du Cédron. II y avait
là un jardin dans lequel il entra, ainsi que ses disciples.
2 Or Judas, qui le livrait, connaissait aussi ce lieu, parce que bien des fois Jésus et ses disciples s'y étaient réunis.
3 Judas donc, menant la cohorte et des gardes détachés par les grands prêtres et les Pharisiens, vient là avec des lanternes,
des torches et des armes.
4 Alors Jésus, sachant tout ce qui allait lui advenir, sortit et leur dit : « Qui cherchez-vous ? »
5 Ils lui répondirent : « Jésus le Nazaréen. » Il leur dit : « Je Suis. » Or Judas, qui le livrait, se tenait là, lui aussi,
avec eux.
6 Quand Jésus leur eut dit : « Je Suis », ils reculèrent et tombèrent à terre.
7 De nouveau il leur demanda : « Qui cherchez-vous ? » Ils dirent : « Jésus le Nazaréen. »
8 Jésus répondit : « Je vous ai dit que Je Suis. Si donc c'est moi que vous cherchez, laissez ceux-là s'en aller » ;
9 afin que s'accomplît la parole qu'il avait dite :« Ceux que tu m'as donnés, je n'en ai pas perdu un seul. »
10 Alors Simon-Pierre, qui portait un glaive, le tira, frappa le serviteur du grand prêtre et lui trancha l'oreille droite. Ce
serviteur avait nom Malchus.
11 Jésus dit à Pierre : « Rentre le glaive dans le fourreau. La coupe que m'a donnée le Père, ne la boirai-je pas ? »
12 Alors la cohorte, le tribun et les gardes des Juifs saisirent Jésus et le lièrent.
Dans la Nouvelle Loi, le premier volet, comprenant le récit de l'arrestation de Jésus au jardin des
Oliviers, tient la place de la Genèse.
« Il y avait un jardin », dans lequel « bien des fois Jésus et ses Disciples s’étaient réunis ». Il s’agit bien sûr du Jardin
des Oliviers, qui tient une grande place dans le récit de la Passion du Christ. Judas « connaissait ce lieu », tout comme le Serpent
connaissait fort bien le Jardin du Paradis. Le Christ se promenait au jardin des Oliviers, comme le Dieu Créateur se promenait
« à la brise du jour, » dans le Jardin du Paradis (Gen. 3 ; 8), dévoilant les beautés de sa Sagesse à la créature humaine,
faite à son image. D'ailleurs, c'est réellement le Christ lui-même qui se promenait dans le Jardin du Paradis avec
« l'homme global », car c'est par le Christ et dans l'Esprit que le Père Créateur a suscité et façonné sa Création.
Le Jardin des Oliviers, dans lequel le Christ se promenait avec ses Disciples, était réellement l'image du Paradis. Par contre, le
même Jardin des Oliviers, qui servit de théâtre à la trahison de Judas, est tout autant l'image de la réalité déchue. Ce jardin
se trouve « de l'autre côté du torrent du Cédron » (Jn. 18 ; 1) - dont le nom signifie en hébreu « sombre, trouble ». Le tout
est de voir de quel côté se place-t-on : du côté de la lumière, ou du côté de cette obscurité qui n’a pas voulu recevoir le
Seigneur ? Le Jardin des Oliviers traduit ces deux réalités.
L’image du Jardin porte une profonde signification, juste au début de ce grand récit de la Passion. Le Christ nous apporte
le Salut en une Création nouvelle. Sa « glorification », c’est-à-dire le continuum Passion / Résurrection, commence par un
événement dans le Jardin, et cet événement est une trahison – tout comme Adam a « trahi » la confiance du Créateur, en goûtant
de l’Arbre du Bien et du Mal, qui devait rester hors d’atteinte. Le Créateur faisait confiance en Adam, tout comme le Christ
faisait confiance à Judas, qu’il traitait avec le même amour que tous les autres Disciples avec lesquels Il partageait
son pain. (Ps. 41 ; 9).
Dans le Jardin du Paradis, il y avait en fait, DEUX arbres : l’Arbre de la Connaissance du Bien
et du Mal, et l’Arbre de Vie.
L’Arbre de Vie reste mystérieux dans le récit de la Genèse. Aujourd’hui, l’Arbre de Vie est présent en Personne dans
le Jardin des Oliviers : c’est le Christ. Il va nous être révélé pleinement, lorsque le Seigneur sera élevé sur le Bois.
- Le Créateur plaça l’Arbre de Vie dans le Jardin du Paradis ; Moïse éleva le serpent d’airain sur un étendard (Nb. 21 ; 9)
afin de donner la possibilité de guérir après la morsure du serpent ; et le Christ, à la fois Nouveau Créateur et Nouveau
Moïse, fut élevé sur le bois de la Croix pour nous guérir de l’atteinte du Démon. Il prit sur Lui la faute d’Adam,
en étant Lui-même expulsé du jardin clos de la vigne – telle qu’elle apparaît dans la parabole des vignerons homicides
(Lc. 20 ; 6 – 16 et synoptiques ; le texte est absent dans Jn. ), étant crucifié en-dehors des murs de Jérusalem.
Le tropaire de l’avant-fête de Noël exprime cette réalité, disant :
Prépare-toi, Bethléem : pour tout homme s’ouvre l’Eden ; pare-toi, Ephratha : en la grotte la Vierge fait fleurir l’Arbre de Vie ; son propre sein devient le mystique Paradis où pousse l’Arbre divin dont ceux qui en mangent vivront au lieu d’en mourir comme Adam ; le Christ vient au monde pour renouveler son image déchue.
Ajoutons une remarque : dans les textes de l’avant-fête de Noël, nous trouvons aussi un texte remarquable. Nous avions vu plus haut que dans l’ordre de la manifestation, il existe une réciprocité de service entre le Fils et l’Esprit. Cette « réciprocité de service ou de manifestation », est bien exprimée dans le texte suivant :
Ciel, écoute ma voix, terre, prête l’oreille : voici, le Fils et Verbe de Dieu le Père vient naître d’une Vierge inépousée par bienveillance de Qui l’engendre impassiblement et coopération du Saint-Esprit. Prépare-toi, Bethléem, voici que s’ouvre la porte de l’Eden ; Celui qui Est devient ce qu’il n’était ; le Créateur de toutes choses se laisse modeler, Lui qui accorde au monde la grâce du Salut » (Ménée de Décembre, p. 219).
Dans le Paradis, Dieu maintint hors de portée de l’être humain global l’Arbre de Vie. Si l’être
humain global avait mis la main sur l’Arbre de Vie (c’est-à-dire se serait emparé de la Résurrection comme d’un bien propre),
c’est toute l’humanité qui aurait été frappée de mort ontologique, car l’humanité était encore en un état unitaire. En vertu
de cette unité originelle de la Nature humaine, lorsque l’être humain global se mit en contact avec l’Arbre de la Connaissance
du Bien et du Mal, la division (préexistante dans la Création, car héritée d’un monde antérieur, celui des Incorporels), lorsqu’il
prit contact avec une réalité qu’il ne devait connaître qu’après avoir acquis la maturité nécessaire, lorsqu’il s’infecta avec
le « virus » de la mortalité, c’est à toute l’humanité qu’il le transmit.
Dans le Jardin des Oliviers, un individu, Judas, mit effectivement la main sur l’Arbre de Vie : Jésus, la Vigne véritable.
Judas accomplit un forfait auquel Adam n’a pu atteindre. Mais nous nous situons dans le monde déchu : l’humanité s’est
parcellisée en une multitude d’individus, isolés dans leur « bulle », divisés l’un par rapport à l’autre. Et la perte
n’atteignit que Judas lui-même, au prix de son propre suicide.
- Un autre individu a également trahi le Christ, et à trois reprises : c’est Pierre. Mais il fut lavé par les larmes
de son repentir et reprit un nouveau départ, à la tête des Apôtres.
L’accès du Paradis fut défendu par « la flamme du glaive fulgurant » - glaive brandi par les Chérubins (Gen. 3 ; 24),
pour empêcher l’accès du Jardin à ceux qui n’avaient pas écouté le Commandement protecteur. Dans le Jardin des Oliviers,
ce fut Pierre qui brandit le glaive et qui trancha l’oreille de l’un de ceux qui étaient « comme l’aspic sourd, aux oreilles
bouchées » (Ps. 57 ; 5). Alors qu’Adam, en arrachant le fruit à l’Arbre de la Connaissance, avait introduit la division
dans la Création, le Christ, Nouvel Adam, réintroduit l’Unité dans le Cosmos, en guérissant l’oreille du serviteur.
Les quatre Évangiles rapportent l’épisode de l’oreille coupée ; Luc est le seul à raconter la guérison du serviteur :
« Jésus prit la parole et dit : laissez, cela suffit. Et, lui touchant l’oreille, il le guérit » Lc. 22 ; 51).
« Jésus et ses Disciples s’étaient maintes fois réunis » au Jardin des Oliviers (Jn. 18 ; 2). Là où régnait l’Unité, Judas va
introduire la division : il va arracher Jésus à ses Disciples ; il va mettre en place les éléments nécessaires pour que Jésus
soit mis à mort, c’est-à-dire pour que les meurtriers, qui font les œuvres de leur Père, Satan, infligent à Jésus
la mort au nom de toute l’humanité, séparant violemment son âme de son corps précieux. Celui-ci se reposera trois jours
dans le tombeau, tandis que son âme vivifiante ira dans l’Hadès annoncer la Résurrection aux morts de l’Ancienne Alliance,
immobilisés jusque là dans une impasse métaphysique.
Comment Judas fait-il tout cela ? Par un baiser. Il embrasse Jésus de ses lèvres - tout comme Adam, de ses lèvres,
mange le fruit de l’Arbre de la Connaissance. Manger le fruit, qu’est-ce que cela signifie, sinon arracher le fruit
à l’arbre qui le nourrit, puis le détruire en le consommant : c’est introduire la division et la mort, là où régnait
la vie et l’unité.
Par son baiser, Judas arrache Jésus à ses Disciples, et tente de Le détruire par la condamnation
à mort qu’il a contribué à mettre en scène. Pourtant, Jésus sera le diamant d’une dureté parfaite qui fera sauter
l’engrenage de la violence mimétique, car Il est condamné à mort tout en étant parfaitement pur de tout péché.
Dans le Jardin des Oliviers, nous avons deux humanités, figure du choix qui se présente à chaque être humain,
face au Message du Christ : d’une part, les Disciples, d’autre part, la soldatesque et le traître. Les Disciples, ce sont
ceux qui ont réalisée la Voie du Salut, telle qu’elle est décrite en Jn. 14 ; 15 – 17 : ils aiment le Christ ; ils gardent
ses commandements, dont le premier est de s’aimer les uns les autres ; le Christ leur donnera un « autre Paraclet », qui
demeurera dans le cœur de chaque personne qui aime le Christ.
La soldatesque et le traître, ainsi que les Grands-Prêtres
et les Pharisiens qui les ont envoyés, ceux-là sont fils de leur père, qui « était homicide dès le commencement, qui est
menteur et père du mensonge » (8 ; 44). Chacun, dans sa vie, doit choisir quelle dynamique il va suivre. C’est ce que nous
dit le Deutéronome :
Vois, Je te propose aujourd’hui vie et bonheur, mort et malheur.
(…) Je prends à témoin contre vous le ciel et la terre :
Je te propose la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction.
choisis donc la vie, pour que toi et ta postérité vous viviez,
aimant le Seigneur ton Dieu, écoutant sa voix, vous attachant à Lui.
Deutéronome, 30 ; 15 – 20.
Comment se fait-il que nous sommes dans un tel monde ? Dieu n’aurait-il pas pu créer un univers
où la souffrance n’existe pas, ou du moins un univers où la souffrance soit moins présente ? Le scandale de la souffrance
est particulièrement évident dans les événements de la Passion du Christ. Fallait-il absolument qu’il existe un monde
où même le Fils de Dieu doive souffrir les affres de la mort ?
Si Dieu suscite une créature libre, l’exercice même de cette liberté suscite le mal et la souffrance. Mais cela n’explique
pas grand-chose, car Dieu demeure responsable « en bout de ligne » d’avoir voulu et permis l’existence d’un monde où une
telle souffrance est possible. Dans ce cas, Il ne peut être appelé « Bon ». On nous répondra : « il n’existe pas d’univers
où l’on ne se tue pas si l’on saute par la fenêtre du trentième étage ». C’est une réponse de « bon sens ». Mais dans
les questions ultimes, le « bon sens » ne permet pas d’y comprendre quelque chose. Même dans les sciences, et en
particulier dans la physique quantique, la réalité scientifique est un « attentat au bon sens ». Nous avons le droit
de nous poser la question de l’existence de la souffrance, même et surtout si celle-ci nous paraît être imposée par
l’évidence de la vie concrète.
Pour comprendre de quoi il s’agit véritablement, il est nécessaire de nous placer dans une vaste perspective.
Il est important de mettre en place maintenant les jalons qui nous sont indispensables pour comprendre dans toute
son ampleur, l’acte de Salut réalisé par le Christ.
Consultons la Genèse. Ce texte mystérieux nous donne quelques significations évidentes : tout d’abord, il « désenchante » le monde :
il nous dit où Dieu n’est pas. Les étoiles, le soleil, les plantes, les animaux, toutes les forces de la nature
ne sont pas Dieu ; elles sont créées. À l’inverse de tous les peuples de l’époque, Israël ne reconnaît pas dans
les forces de la nature l’expression de la présence immédiate de Dieu. Dieu est une chose, et le monde cosmique en est une autre.
Ensuite, il nous dit ce qu’est l’être humain. Celui-ci est un mélange de matière et de divinité.
Notre Créateur
fait cadeau à son œuvre d’une grâce toute divine, en plaçant dans son image la ressemblance de ses propres beautés » (Saint Grégoire de Nysse –
La Création de l’homme. IX). Il est fait à l’image de Dieu : Adam, « terre rouge » ne se limite pas à la matière dont
il est composé. C’est de la matière rougie au feu de l'esprit divin. « Il était nécessaire qu’une certaine affinité avec le
divin soit mêlée à la nature humaine pour que cette correspondance la fasse tendre vers ce qui lui est apparenté.
Saint Grégoire de Nysse.
Catéchèse de la Foi. 2, 5.
Ce mélange fait la richesse de l’être humain, mais aussi sa complexité. Il n’est pas intégré
totalement à son milieu biologique, comme l’est l’oiseau qui picore l’herbe des champs. L’être humain est un être matériel,
mais infini, et qui est à la recherche de Dieu et de l’éternité. S’il nie cet aspect de son être, il réduit au silence
une partie essentielle de ce qui le constitue, et perd son équilibre interne.
Enfin, le texte précise la relation existant entre l’être humain et le cosmos qui l’entoure. Il n’est pas une créature
parmi les autres. C’est lui qui donne son nom aux êtres animés (Gn. 2 ; 19) : il est la « courroie de transmission »
entre Dieu et ses créatures. L’être humain est l’interface entre Dieu et l’univers.
Quand {Dieu} crée l’homme, il place
en lui une dualité de principe : il y mêle le divin et le terrestre, pour que ces deux principes mettent l’homme en accord
et en conformité avec la double jouissance de Dieu par la nature divine, et des biens terrestres par la sensation qui
est de même nature qu’eux.
Saint Grégoire de Nysse – La Création de l’homme. II.
C’est par l’homme que Dieu dispense sa Lumière créatrice au cosmos. Si l’homme s’opacifie, l’univers se trouve plongé dans l’obscurité, et ultimement, dans l’inexistence – si par contre, l’homme fait ce pourquoi il est constitué, s’il est transparent comme un cristal, Dieu peut illuminer de sa Lumière spirituelle l’univers entier, qui se trouve divinisé. L’homme est le médiateur entre le Créateur et ses créatures, et c’est ce qui constitue sa centralité dans l’univers.
Les merveilles de l’univers trouveront
en {l’homme} leur contemplateur et leur maître ; ainsi, jouissant de ces merveilles, il aura l’intelligence de son bienfaiteur.
Saint Grégoire de Nysse – La Création de l’homme. II.
Ces significations sont faciles à saisir. Cependant, l’histoire du Paradis et de la Chute nous donnent accès à
divers sens plus profonds. L’être humain se trouve aujourd’hui dans un univers qui n’est plus le Paradis. Le texte de la Genèse veut nous
dire que le monde actuel n’est pas conforme au projet divin, et que cette divergence trouve entièrement son origine dans la responsabilité
de l’être humain. Pour savoir cela, nous avons besoin d’une Révélation inspirée, car rien, dans l’univers physique qui nous entoure,
ne permet d’en venir à une telle conclusion.
Posons-nous la question : à quoi peut bien servir un projet divin qui n’a, semble-t-il, jamais connu de réalisation, et dont il ne reste
plus la moindre trace aujourd’hui ?
Il n’est pas difficile de faire comprendre un « péché originel » qui serait la résultante collective de l’ensemble des imperfections humaines
dont l’accumulation, au fur de l’Histoire, pèse aujourd’hui sur nos épaules. Les sciences de l’environnement font admirablement comprendre
ce principe. Elles nous nous ont fait découvrir sur le globe terrestre, une globalité et une solidarité insoupçonnées au dix-neuvième
siècle. Nos nuisances, notre inconséquence ont des conséquences dans le monde entier, et affectent le sort des générations futures.
Mais par contre, le « mal cosmique », l’entropie, l’entre-dévorement dont le monde est le théâtre depuis les origines, les souffrances
de la créature écrasée par un tremblement de terre ou noyée par un ouragan, la facilité déconcertante avec laquelle le mal se répand sur
la terre et la fragilité corrélative de l’amour et de la vie, tout cela constitue un puissant argument contre la notion de la toute-puissance
d’un Dieu bon.
Dieu a créé un homme à son image, c’est-à-dire UN (ou plus exactement, à la fois Un et Multiple, à l’image du Dieu trinitaire : un
dans sa Nature, et multiple dans ses personnes – au moins deux…D’où la présence d’Eve, pour affirmer la multiplicité
des hypostases humaines). Il s’agit d’un être global, symbole de l’humanité entière, tout comme le Christ Lui-même comprend
l’ensemble de l’humanité en la nature humaine qu’il a assumée.
Voilà pourquoi un seul homme désigne l’ensemble de l’espèce, parce que pour la puissance de Dieu il n’y a ni passé,
ni futur; l’avenir comme le présent sont soumis à son activité qui enveloppe l’univers. Toute la nature humaine, des
origines jusqu’à la fin, est donc une seule image de Celui qui est.
Saint Grégoire de Nysse – La Création de l’homme. XVI.
Dieu a donc créé un être unique, à son image, au sein d’un univers parfaitement harmonieux, sans entropie. À cet être, Il a posé cette question : « veux-tu collaborer à mon oeuvre, faire passer par toi ma lumière, afin de diviniser le Cosmos qui t’entoure ? Le but est que, de façon parfaitement libre, tu décides de toi-même de participer, en tant que créature, à la vie des Personnes trinitaires, et d’y trouver un bonheur absolu. C’est l’exercice de ta liberté qui fait tout le prix de ton adhésion. Une collaboration forcée ne sert à rien, pour cette fin. Tu es également libre de répondre « NON », car dans ce cas, tu ne voudrais pas collaborer à l’œuvre divine. A cela il ne peut y avoir qu’une seule raison : tu n’accepterais pas que tu ne sois pas le terme et le but de toute la création ; tu refuserais d’être partie prenante d’une dynamique qui te dépasse. Dans ce cas, tu préférerais renoncer à ton bonheur et à ton accomplissement, pour pouvoir dire : je suis le terme, le but et le centre de toutes choses. Rien ne te contraint à répondre oui ou non : cela dépend entièrement de ta liberté ».
Un tel choix, au nom de toute l’humanité, n’a rien d’invraisemblable : cela s’est produit une autre fois, avec Marie.
Elle « globalisait » en elle-même toute l’expérience spirituelle de l’Ancienne Alliance – comme le montre bien cette
synthèse qu’est le « Magnificat ». L’Ange lui posa cette même question, mettant en œuvre sa liberté : « veux-tu collaborer
à l’œuvre divine ? Tu es parfaitement libre de répondre oui ou non. La poursuite ou l’échec de l’œuvre divine de la
Rédemption en dépend. Si tu réponds « non », tout est à recommencer. Ton acquiescement est indispensable, car Dieu
n’agit qu’AVEC la liberté de l’être humain.»
En quoi consistait le projet divin, si l’être global qu’était Adam avait répondu positivement à cette mise à l’épreuve de la
liberté? Il se serait développé dans un cosmos harmonieux, qu’il aurait progressivement illuminé de la lumière divine passant
par lui-même.
Ainsi, ce qui était fait de terre s’élèverait par son union avec la divinité, et une seule et même grâce
se répandrait à travers toute la création, la nature inférieure se mêlant à celle qui est au-dessus du monde.
Saint Grégoire de Nysse. Catéchèse de la Foi. 2, 6.
La reproduction de l’être humain se serait opérée par une intervention immédiate du Créateur, comme cela est décrit pour Ève dans le Genèse.
L’humanité aurait ainsi grandi jusqu’au terme défini par le dessein du Créateur. Si quelqu’un se déclare
bien en peine de savoir comment se serait effectuée la génération humaine si l’homme n’avait pas eu besoin du concours
du mariage, nous lui renverrons sa question en lui demandant, à propos du mode d’existence des Anges, comment il se fait
que ceux-ci, dont on voit des myriades infinies, sont à la fois espèce unique et foule nombreuse. La réponse appropriée
que nous ferons à qui nous objecte l’impossibilité pour l’homme d’exister sans le mariage consistera à dire qu’il sera comme
les Anges, que ne se marient pas, car la ressemblance de l’homme d’avant la faute avec les Anges est prouvée par la ressemblance
qu’il aura avec eux quand il sera rétabli dans son état premier.
Saint Grégoire de Nysse. La Création de l’homme. XVII.
Dans cette perspective, rien ne vient jeter une ombre sur la sexualité humaine ni sur sa corporéité.
À la fin de l’évolution, lorsque dans la totalité du cosmos régnerait la plénitude de la lumière divine, aurait eu lieu
l’apocatastase, la réunion de toutes choses dans la vie divine, ce qui a été rendu possible par la collaboration de
la liberté humaine.
Ce plan divin était cohérent, et pouvait parfaitement se réaliser. L’union de l’humanité et de la divinité en Christ se serait
réalisée, à un certain stade de développement, mais la Croix aurait été uniquement un symbole de la structure de l’univers,
et jamais un instrument de supplice… La souffrance n’aurait pas existé ; nous ne pouvons dire que Dieu l’ait voulue.
Une objection subsiste cependant : si tout est suspendu au « Oui » qui est la réponse que la créature humaine adresse à
la proposition du Plan divin, cette Création exempte de Chute aurait été à tout moment menacée de disparition : à tout
moment, l’être humain aurait pu commettre l’acte irréparable d’Adam, c’est-à-dire répondre « Non » au désir de Dieu.
La Création exempte de Chute n’aurait eu aucune stabilité. A cet égard, elle serait totalement irréelle.
Ce n’est pas une question gratuite, de pure théologie spéculative. En fait, cela pose toute la question de la liberté humaine,
qui est l’une de ces grandes questions fondamentales qui se pose à tout homme qui s’interroge sur sa destinée.
Interrogeons-nous sur ce don particulier parmi tout ceux que contient la Sagesse créée qui nous est dispensée.
La question de la liberté est l'une de ces grandes interrogations fondamentales qui se présente à tout homme qui
s'interroge sur sa destinée. Encore eût-il fallu que l'homme ait eu « sur Dieu des pensées en rapport avec la grandeur
de Dieu. Car la gloire de l'homme, c'est Dieu » - nous dit saint Irénée - « d'autre part, le réceptacle de l'opération
de Dieu et de toute sa puissance, c'est l'homme » (Adv. Haer. III, 20, 2. p. 372).
Si l'homme avait gardé une telle pensée à propos de ses relations avec Dieu, bien des définitions fausses de la liberté
auraient été évitées, notamment le rejet de la présence divine au profit du mirage de l'autonomie de la créature. Une
conception statique du choix entre le bien et mal est une définition très insuffisante de la liberté. La liberté est une
Voie que nous sommes appelé à parcourir : « vous avez été appelés à la liberté » (Gal. 5 ; 13). C'est un bien qui demande
une lutte pour que nous n'en soyons pas dépossédés : « c'est pour que nous restions libres que le Christ nous a libérés.
Donc tenez bon... » (Gal. 5 ; 1). C’est dans un événement historique que le peuple de Dieu a été libéré - la libération
de l'esclavage en Égypte (Ex. 1 – 15), et cette libération a été faite pour faire parcourir la voix du désert et par là du
rapprochement avec Dieu : « je vais la séduire, la conduire au désert et parler à son cœur » (Os. 2 ; 16). Là se produisent
les fiançailles « dans la justice et dans le droit, dans la tendresse et dans l'amour » (Os. 2 ; 21). C'est également dans
l'événement historique de la venue du Christ nous sommes libérés, comme il est dit dans le magnifique passage de l'apôtre Paul :
Car le Seigneur, c'est l'Esprit, et où est l'Esprit du seigneur, là est la liberté. Et nous tous qui,
le visage découvert, réfléchissons comme en un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transfigurés de gloire en gloire,
comme il convient à l'action du Seigneur, qui est Esprit.
II Co. 3 ; 17.
La liberté est donc la voie d'accomplissement de la vocation qui nous est donnée par Dieu,
et non point un simple concept.
Mais l'homme ne s'est pas dirigé vers Dieu, n'a pas rempli la mesure qui lui était donnée, comme le désirait le Seigneur.
Le Créateur a accordé aux intellects qu'il a créés la liberté de leurs mouvements et de leur volonté, pour que le
bien leur appartînt en propre, maintenu par leur volonté propre ; mais la paresse et le dégoût de l'effort pour conserver le bien,
l'aversion pour le progrès et la négligence furent le début de l'éloignement du bien.
Origène. De Princ. II, 9, 2. p. 127.
Après Origène, saint Grégoire de Nysse souligne également cette liberté qui nous est donnée par Dieu :
Celui qui a la libre disposition de toutes choses, poussant jusqu'à l'extrême son respect de l'homme,
a permis que nous ayons aussi notre domaine propre, dont chacun serait seul maître : c'est la volonté, faculté qui ignore
l'esclavage, qui est libre et fondé sur l'indépendance de notre raison.
Catéchèse, § 30. p. 80.
Une liberté comprise comme le choix entre le bien et le mal ne saurait être la participation à la liberté divine. Car Dieu n'a nullement à choisir : Il se réalise Lui-même dans la plénitude du bien en la communion vivante de l'Amour trinitaire. D'autre part, une liberté de choix mettrait le mal, ne fût-ce que comme potentialité, au cœur même de la conscience divine, ce qui est une contradiction dans les termes.
Il n'y a pas de cas où l'apparition du mal ait eu son principe dans la Volonté divine ; car le mal échapperait
au blâme s'il pouvait se réclamer de Dieu comme de son Créateur et de son Auteur. C'est au-dedans que le mal prend naissance,
c'est le libre choix qui lui donne sa consistance, chaque fois que l'âme s'éloigne du bien.
Catéchèse, p. 33 – 34.
La liberté de choix est le reste amoindri de la liberté véritable, dans la vie de la créature en proie au péché et à la mort. La liberté véritable est croissance en Dieu, sans nul contact avec les ténèbres.
Le vrai bien est par nature incomposé et d'une forme unique, étranger à toute duplicité et à toute union
avec son contraire.
Création, p. 114.
Origène voit l'apparition du mal en « la paresse et le dégoût de l'effort », la satiété du bien. Mais ce ne peut être qu'un début d'explication. Comment montrer que cette satiété ne peut se produire dans le Royaume ? Le Christ est entré UNE FOIS POUR TOUTES dans le sanctuaire, et le salut est définitif. « Une fois pour toutes » (ephapax) Hb. 9 ; 12. Cette affirmation scripturaire est mise en danger par cette possibilité toujours imminente de négligence dans le Service divin. Ainsi peut naître cette théorie extraordinaire de la chute qui aurait pu survenir dans le Royaume, chute qui serait à l'origine d'une corporéité nouvelle pour les âmes coupables de cette satiété, et à l'origine également de la création d'autres mondes. C'est une vue de l'esprit très originale, qui n'est pas à proprement parler la théorie de la métempsycose, ni non plus la répétition du cycle pythagoricien. Origène a été inévitablement accusé de soutenir cette théorie (Lettre de Jérôme à Avitus, ép. 124, § 52, De Princ. p. 279.). Mais il s'en défend, tout en laissant la question ouverte :
Il me paraît impossible qu'un monde puisse commencer une seconde fois, avec le même ordre et les mêmes
caractéristiques pour ceux qui naissent et qui meurent et pour ceux qui agissent. Il se peut en revanche que des mondes divers existent,
avec des changements considérables (...) J'avoue ne pas savoir quel nombre et quel type de monde cela peut être. Si quelqu'un pouvait
me l'expliquer, je l'apprendrais volontiers.
De Princ. II, 3, 4. p. 89.
Dix-neuf siècles plus tard, cette question ouverte vient s'enrichir de nouveaux éléments, du fait de l'immense
élargissement de la vision que nous avons de l'univers. Sans pour autant affaiblir la centralité de la Rédemption en Christ, il
nous est désormais possible de penser à d'autres mondes, non point se succédant dans le temps, mais se répartissant en l'espace.
Nous disions donc que le Salut est définitif. Saint Grégoire de Nysse est allé plus loin. Essayons de donner une comparaison : en
géographie, certaines régions sont dites « de partage des eaux ». En effet, de ces endroits s'écoulent les rivières et les
fleuves vers des directions opposées, descendant du point élevé où ils prennent leur source. Imaginons la destinée humaine
comme prenant son point de départ d'une telle région spirituelle. De ce plateau élevé, il est possible de s'écouler, soit
vers l'Orient, soit vers l'Occident. Et une fois le versant choisi, l'orientation est irréversible, car si l'on voulait
aller en direction opposée, il faudrait d'abord remonter de l'altitude d'où l'on est parti.
La comparaison est imparfaite,
comme toutes les figures. Car vers l'Orient, les eaux écouleraient vers le bas, alors que vers l'Orient spirituel qui est
le Christ, c'est d'une ascension qu'il s'agit. Mais l'image est bonne, car le choix ne se fait pas uniquement dans la
direction du mal, comme c'est le cas pour la négligence, qui est exclusivement négative.
Sous ce point de vue, saint
Grégoire de Nysse approfondit la doctrine d'Origène, et alla plus loin qu'une simple théorie du choix entre le bien et le mal.
Lorsque le choix s'est fixé sur l'Occident spirituel, la chute ne peut plus que faire « boule de neige », entraînée toujours
plus loin dans l'obscurité :
Une fois que celui qui avait fait naître en lui même la jalousie en se détournant du bien, se mit à pencher vers
le mal - et une pierre détachée du sommet d'une montagne que son propre poids entraîne le long de la pente - (...) il fut
automatiquement emporté comme par son propre poids vers la plus extrême perversité.
Catéchèse. p. 37 – 38.
Par contre, lorsque l'homme s'est tourné vers l'Orient spirituel, il ne s'agit pas seulement de stabilité dans le bien, comme un coquillage fixé sur la coque d'un bateau, mais d'une ascension infinie :
Si les êtres qui connaissent le Beau en soi aspirent à y participer, dès lors que celui-ci est infini,
nécessairement le désir de celui qui cherche à y participer sera coextensif à l'infini et ne connaîtra pas le repos.
Vie de Moïse. Préface 7 S.C. N°1 p. 51.
Et saint Grégoire poursuit, en l'un des plus beaux passages que l'on puisse lire :
C'est là réellement voir Dieu que de ne jamais trouver de satiété à ce désir. Mais il faut, regardant toujours
à travers ce qu'il est possible de voir, être enflammé du désir de voir davantage par ce qu'il est déjà possible de voir. Et
ainsi nulle limite ne saurait interrompre le progrès de la montée vers Dieu, puisque d'un côté le Beau n'a pas de borne et
de l'autre la progression du désir tendu vers Lui ne saurait être arrêtée par aucune satiété.
Ibid. II, 239 p. 271.
En ce texte admirable, saint Grégoire dépasse explicitement la théorie de la satiété, et ses invincibles difficultés. La simple liberté de choix n'est qu'un écho assourdi de la « radieuse liberté des enfants de Dieu » (Rm. 8 ; 21), qui s'accomplit parfaitement en cette ascension toujours commençante :
Si ce mouvement va dans la direction du bien (...) jamais il ne trouvera la limite de l'objet de sa recherche.
Création. p. 116.
Si ce mouvement va vers le mal, il ne reste effectivement qu'une liberté de choix, liberté déchue. D'autre part, c'est un mouvement tout aussi irréversible que celui vers le bien, à cause de l'apparition de la corruption, de la pthora. L'irréversibilité du mouvement vers le bien consiste en l'Infini de Dieu, et c'est pour cela que la Chute n'avait rien d'inéluctable - le choix fait, il n'y a nul retour en arrière - tandis que l'irréversibilité du mouvement vers le mal est due à la corruption, comme semblait irréversible la mort de Lazare « qui sentait déjà » (Jn. 11 ; 39).
La connaissance du mal, que l'on acquiert par l'expérience que l'on en fait, c'est le principe et le fondement
de la corruption et de la mort.
Création p. 155.
Toutes cette grande question de la définition de la liberté est essentielle pour comprendre la
crédibilité du Projet divin : après avoir répondu positivement à l'invitation divine de partager le Projet de la Création,
l'être humain global pouvait progresser vers la connaissance de Dieu et vers la familiarité, l'intimité avec son Créateur,
non seulement sans mettre en danger sa liberté, mais en accomplissant par là-même la plénitude de la liberté qui lui
était donnée.
Mais cette question de la définition de la liberté est essentielle aussi pour notre propre vie spirituelle : lorsque, à l'exemple
de Samuel, nous disons à Dieu : « parle, Seigneur, ton serviteur écoute » (I Sam. 3 ; 9) – lorsque, à l’exemple de Marie,
nous avons répondu à Dieu « qu'il en soit fait selon ta Parole », nous atteignons progressivement une stabilité dans le bien.
Cela ne veut nullement dire que nous soyons à l'abri, d'une quelconque façon, du péché et de la tentation. Mais, au fur et à
mesure que nous édifions dans notre cœur le Temple où Dieu va résider, nous n'avons pas à chaque fois à en recommencer les
fondations. À un moment donné, nous savons par une évidence intérieure que Dieu existe authentiquement, et qu'Il nous est
présent. Nous découvrons les réalités spirituelles. Aux yeux de notre cœur commencent à apparaître la présence et l'action
divines, qui restent invisible à ceux qui ne font pas de démarche spirituelle.
Revenons à la question de la Récapitulation. Est-il vraiment nécessaire de souscrire à cette notion de création initiale
d’un d’être humain global ? Cela semble être une théorie gnostique, trop exotique pour faire réellement partie de la
cosmologie chrétienne… Par contre, si nous n’y souscrivons pas, que faire de l’affirmation de Paul :
Comme la faute d’un seul a entraîné sur tous les hommes une condamnation, de même l’œuvre de justice d’un
seul procure à tous une justification qui donne la vie.
Rm. 5 ; 18.
S’agit-il seulement d’une figure de style ? Si tel est le cas, ce genre de formulation est particulièrement maladroite. C’est comme si l’on disait : « De même que le Phénix renaît de ses cendres, ainsi la Résurrection est-elle véridique »… L’invraisemblance de la comparaison vient compromettre ce que l’on voulait démontrer. Nous trouvons en de très nombreux textes patristiques ce parallélisme entre Adam et le Christ :
Le Verbe, artisan de l’univers, avait ébauché d’avance en Adam la future Economie [dans le sens de
«dispensation du Salut», dessein divin à notre égard.] de l’humanité dont se revêtirait le Fils de Dieu, Dieu ayant
établi en premier lieu l’homme psychique afin, de toute évidence, qu’il fût sauvé par l’Homme spirituel. En effet,
puisqu’existait déjà Celui qui sauverait [Il s’agit de la préexistence éternelle du Verbe ]], il fallait que ce
qui serait sauvé vînt aussi à l’existence, afin que ce Sauveur ne fût point sans raison d’être.
Saint Irénée. Contre les hérésies, III, 22, 3.
Nous ne croyons pas qu’il s’agisse simplement d’un parallélisme purement gratuit, d’une figure de
style sans contenu réel. Car la réponse libre d’un être global, habilité à répondre au nom de toute l’humanité, reporte sur
l’être humain le pleine responsabilité de l’écart qui existe entre la création que voulait élaborer un Dieu bon, et le monde
tel qu’il existe concrètement depuis l’aube des temps, où la compétition pour la vie et l’entre-dévorement sont la norme.
Le mal cosmique ne peut être conforme à la volonté divine, dès lors que l’on affirme la bonté absolue de Dieu.
Adam répondit « non », et aussitôt, l’unité du cosmos vola en éclats, comme une vitre de verre trempé éclate sous un
impact. Comme il s’agit d’un acte absolu, il eut des conséquences dans la totalité des dimensions de l’espace-temps : toute
la création fut récapitulée, recommença sur de nouvelles bases, depuis le début. Cette notion de récapitulation est essentielle.
Saint Irénée nous dit :
Récapitulant en Lui l’homme tout entier du commencement à la fin, {le Christ} a récapitulé aussi sa mort.
Il est donc clair que le Seigneur a souffert la mort par obéissance à son Père le jour même où Adam mourut pour avoir désobéi
à Dieu. Or le jour où celui-ci mourut est aussi celui où il avait mangé du fruit défendu, car Dieu avait dit : « le jour
où vous en mangerez, vous mourrez » (Gn. 2 ; 17). Récapitulant en Lui ce jour-là, la Seigneur vint donc à sa Passion la
veille du Sabbat, qui est le sixième jour de la création, celui où l’homme fut modelé, octroyant ainsi à celui-ci, au moyen
de sa Passion, le second modelage, celui qui se fait à partir de la mort.
Saint Irénée. Contre les hérésies, V, 23, 2.
Chacun de nos actes est soumis à l’espace-temps dans lequel nous vivons. Cet espace-temps est univoque :
il s’écoule dans un seul sens, du passé vers le futur, du plus vers le moins, de la concentration vers la dispersion.
Au sein même de cette entropie s’élabore une complexification de l’information, qui suscite la vie biologique qui est
la nôtre. Il est important de comprendre qu’un acte de portée absolue n’est pas soumis à l’espace-temps. Pour nous,
c’est difficile à imaginer, car rien de ce qui nous entoure n’échappe à cet ordre des choses. Qu’est-ce qui échappe à
l’espace-temps ? L’acte de la Chute originelle, l’acte de la Rédemption, et la communication avec l’Absolu, c’est-à-dire
la prière.
Tous nos actes s’écoulent du passé vers le futur, tout simplement parce qu’il y a perte d’information, dans un univers
soumis à l’entropie. Lorsque je casse une tasse de porcelaine, les événements se déroulent suivant cet ordre : nous avons
une tasse entière, puis un impact, puis des débris… Si cette séquence est filmée, il est possible de la visionner en marche
arrière. Cela nous donne les événements suivants : des débris, puis un impact, puis une tasse entière. Pour que cela se
déroule dans cet ordre, il faut un apport d'information, car il y a davantage d’informations en l’objet entier qu’en ses
fragments désorganisés. Et l’entropie s’oppose à cela. Si nous créons de l’information, c’est au prix d’une désorganisation
bien plus étendue que ce que nous parvenons à créer. Nous élaborons un ordinateur, mais en le faisant nous produisons un tas
de débris, et notre organisme même a consommé une multitude de choses et produit quantité de gaz carbonique… Dans notre monde,
le moins l’emporte toujours sur le plus. La seule chose qui soit réellement créatrice de sens est la parole – et
c’est pourquoi la parole créatrice, ou au moins intercédante, est si importante dans l’univers religieux.
Par contre, un acte absolu, qui échappe par là à l’espace-temps, a des conséquences à la fois dans le futur et dans
le passé. Notre prière peut agir dans trois siècles, ou peut avoir un effet bénéfique quelque part au quinzième siècle ;
elle peut agir à des milliers de kilomètres de distance, ou en nous-mêmes… Elle est indépendante du temps et de l’espace.
De la même façon, la Résurrection du Christ a bien sûr un effet dans le futur, mais agit aussi dans le passé :
Le Seigneur est Celui qui a récapitulé en Lui-même toutes les nations dispersées à partir d’Adam,
toutes les langues et les générations des hommes, y compris Adam lui-même. C’est aussi pour cela que Paul appelle Adam
lui-même la « figure de Celui qui devait venir » (Rm. 5 ; 14) : car le Verbe, Artisan de l’univers, avait ébauché d’avance
en Adam la future « économie » (« dispensation du Salut ») de l’humanité dont se revêtirait le Fils de Dieu, Dieu ayant établi
en premier lieu l’homme psychique afin, de toute évidence, qu’il fût sauvé par l’Homme spirituel (I Cor. 15 ; 46).
En effet, puisqu’existait déjà Celui qui sauverait, il fallait que ce qui serait sauvé vînt aussi à l’existence, afin
que ce Sauveur ne fût point sans raison d’être.
Saint Irénée de Lyon, Contre les Hérésies, III, 22, 3.
Il est facile de nous opposer une objection, disant : saint Irénée n’a jamais voulu dire tout ce que vous extrayez de cette notion de Récapitulation. Cette notion exprime, pour saint Irénée, le fait que rien n’est étranger au Salut du Christ :
Le nœud de la désobéissance d’Eve a été dénoué par la désobéissance de Marie, car ce que la Vierge Ève avait
lié par son incrédulité, la Vierge Marie l’a délié par sa foi.
Saint Irénée de Lyon, Contre les Hérésies, III, 22, 4.
De même, le Christ devait « dénouer » le nœud serré par Adam, en passant par toutes les étapes de la vie de celui-ci,
- pour qu’il n’y eût pas un autre ouvrage modelé et que ce ne fût pas un autre ouvrage qui fût sauvé,
mais que celui-là même fût récapitulé, du fait que serait sauvée la similitude.
Saint Irénée de Lyon, Contre les Hérésies, III, 21, 10.
Il n’est pas question d’une éventuelle « action vers le passé ».
Certes, mais la notion de Récapitulation que nous donne saint Irénée, se révèle être d’une exceptionnelle fécondité à l’époque actuelle,
où la science contemporaine nous a appris à « relativiser » la temporalité. C’était un exercice mentalement impossible pour les
générations précédentes. Nous ne citons pas les Pères pour rester prisonniers de la lettre de leurs écrits, mais afin de regarder
au loin, comme des nains sur les épaules des géants – nains que nous sommes, en comparaison des géants intellectuels et
spirituels que furent les Pères de la Foi.
Par sa Résurrection, le Christ libère les âmes des Justes de l’Ancienne Alliance, murées dans une impasse
ontologique car leur mort ne pouvait déboucher sur la Vie. Cela est exprimé d’une façon symbolique par l’Hadès. Cette figure mythologique n’est pas
l’Enfer. Il s’agit d’un monstre qui engloutit les âmes des Justes vétéro-testamentaires, et qui est obligé de les recracher
après avoir été transpercé par l’épieu de la Croix. Ce monstre avait avalé toutes ses victimes, y compris le Christ,
nouveau Jonas. Ayant cru avaler un homme, il tomba sur un Dieu, et dut rendre tous ses prisonniers. C’est une façon de
dire que les Justes de l’Ancienne Alliance devaient « attendre » le Salut apporté par la Résurrection du Christ,
alors qu’il ne s’agit pas d’une « attente » proprement dite, puisque le temps n’existe pas dans l’au-delà, faute
d’inertie matérielle. Il fallait désigner l’inexprimable – une « attente » en-dehors du temps, et une conséquence
dans le passé d’un acte présent… L’Hadès a permis de le chanter dans les textes liturgiques et de le figurer dans
l’art iconographique.
Si la Résurrection du Christ, en tant qu’acte absolu, échappe aux limites de l’espace-temps, et a des conséquences dans le passé,
il ne fut de même de la réponse de l’Homme global. En disant NON à son Créateur, Adam a fait se récapituler toute la création,
c’est-à-dire l’a fait recommencer depuis le début, sur de nouvelles bases. Ces bases nouvelles, tenant compte du refus de la
créature libre, sont les constantes cosmologiques qui dirigent notre univers. Le « Big Bang » se produisit, et commença la longue
évolution que nous décrivent les sciences.
Dieu a fait un formidable INVESTISSEMENT d’énergie et par là, de matière, afin de susciter une conscience libre,
après une très longue évolution historique. Car s’il y a une évolution matérielle, une lente complexification de l’information
régissant le développement des organismes, il existe aussi une INTENTION. Dieu a investi une bonne quantité d’énergie, de
lumière créée, puis il a surveillé une très longue évolution cosmique – que lui importent les milliards d’années ? – pour
qu’enfin surgisse un être intelligent qui, de façon tout à fait libre, sans aucune contrainte, élève les mains en signe de
prière pour établir le contact avec son Créateur. Ce qui fait d’un bipède simiesque un être humain, ce ne sont pas les
outils (car certains animaux utilisent des brindilles ou des pierres en guise d’outils), ce n’est pas le
langage (car les animaux communiquent entre eux de manière complexe), c’est la prière, c’est cette offrande du monde entier
par la médiation d’un être humain. Inversement, un être humain qui ne cultive pas en lui cette faculté de prière, stérilise
partie importante de son humanité.
Cette évolution n’est pas seulement le fait de la biologie. Dieu se trouvait devant le défi de se révéler à l’être humain, sans
violer sa liberté. Si l’homme ne peut faire autrement que constater la présence divine, sa liberté est détruite, et tout le plan
divin est détruit. Dieu n’a pas besoin d’esclaves à sa solde ; il désire une démarche d’amour qui est libre par essence.
Il fallait donc faire progresser la conscience humaine. Il fallait que l’être humain prenne conscience qu’il est autre chose
que son environnement. Il n’est pas seulement l’une des composantes de la nature, dont toutes les forces seraient divines.
Dieu se révéla comme « Celui qui est », et il fut dit à l’homme qu’il est fait à son image – et non point à celle
des « animaux sans raison ».
Il existe une longue évolution dans la mentalité religieuse. Tout d’abord, elle s’étend du particularisme à l’universel.
Comme point de départ, nous avons le Dieu de la tribu : mon Dieu est plus puissant ceux de la peuplade voisine ; c’est pourquoi
nous gagnons le combat contre cette ethnie ennemie, et la massacrons. Cependant, le sort ne fait pas toujours remporter la victoire.
Lorsqu’est venue l’heure de la défaite, les infidélités du peuple contre son Dieu sont invoquées pour justifier cette entorse
à l’ordre établi. Cette conception particulariste de Dieu doit progressivement s’ouvrir à l’idée que Dieu s’adresse à tous,
et que son message est significatif pour l’univers entier.
C’est dans le troisième Isaïe que l’idée de l’universalité divine surgit avec le plus de clarté :
Que le fils de l’étranger qui s’est attaché au Seigneur n’aille pas dire : certainement, le Seigneur
va m’exclure de son peuple. (…) Les fils d’étrangers qui se sont attachés au Seigneur pour Le servir et pour aimer le
Nom du Seigneur (…) je les conduirait à ma montagne sainte. Je les réjouirai dans ma maison de prière. Leurs holocaustes
et leurs sacrifices seront acceptés sur mon Autel, car ma maison s’appellera maison de prière pour tous les peuples.
Is. 56 ; 6,7.
C’est précisément ce passage que Jésus va citer lorsqu’Il chassera les vendeurs du Temple (Mt. 21 ; 13). L’humanité devra longuement évoluer avant d’être capable de concevoir un Dieu universel, dont le message s’adresse à l’ensemble de l’humanité, indépendamment des clivages ethniques :
De nouvelle lune en nouvelle lune et de sabbat en sabbat, toute chair viendra se prosterner devant ma
face, dit le Seigneur.
Is. 66 ; 23.
Cette évolution sera menée à son aboutissement par l’Apôtre Paul, qui prêchera aux non-Juifs la
Bonne Nouvelle de l’Incarnation et de la Résurrection du Christ.
Le second aspect de l’évolution de la mentalité religieuse va du collectif à l’individuel. Dans la mentalité tribale reflétée
par les textes archaïques de l’Ancien Testament, l’individu n’existe pas ; il est une partie intégrante de son ethnie : seule
importe la survie de la tribu. A l’issue des épreuves de Job, celui-ci est parfaitement content que lui soient accordées d’autres
fils, d’autres filles, d’autres chameaux et d’autres chèvres pour prix de sa fidélité à Dieu. L’idée qu’un individu en saurait
en remplacer un autre n’aurait pour lui pas de sens. Pour ceux qui vivaient en ces époques reculées, il n’y a pas lieu de s’effrayer
de la mort, pourvu que la tribu continue, que la relève soit assurée. Les Patriarches bibliques meurent sereinement, pourvu
que leur postérité « soit nombreuse comme le sable de la mer ». Dans cette perspective, la résurrection individuelle est
dépourvue de sens. De fait, elle n’apparaîtra que très tard dans les Ecritures. Du temps de Jésus, les Sadducéens ne croyaient
pas en la résurrection individuelle, contrairement aux Pharisiens. En cela, les Sadducéens observaient strictement la signification
littérale des Ecritures hébraïques.
Si l’individu n’existe pas, il ne saurait être question de parler de rétribution individuelle. Si Dieu me bénit, je suis riche : j’ai
des enfants, des troupeaux, des serviteurs en abondance. Celui qui est fidèle à Dieu sera béni par Lui, et connaîtra la
richesse matérielle ; celui qui Lui est infidèle périra misérablement :
Si le juste ici-bas reçoit son salaire, combien plus le méchant et le pécheur.
Prov. 11, 31.
Nous trouvons cette conception abondamment illustrée dans le Psautier. C’est notamment dans les Psaumes que nous voyons surgir le doute concernant cette vision des choses : pourquoi le riche réussit-il, alors que moi, qui suis juste, gis dans la pauvreté ? Ce même doute est exprimé par la prophère Jérémie :
Pourquoi ma souffrance est-elle continue, ma blessure incurable, rebelle aux soins ? Ah ! serais-Tu pour moi
comme un ruisseau trompeur, aux eaux décevantes ?
Jr. 15 ; 18.
Lentement, on prend conscience que l’individu existe, et que la réponse au mal commis dans le monde par les êtres humains sera une récompense ou une punition dans l’au-delà :
Ton Père, qui voit dans le secret, te récompensera.
Mt. 6 ; 4.
La Bible oppose une sereine indifférence aux accidents de la sexualité : elle trouve tout naturel
que Juda prenne la première prostituée qui se présente, et lui donne son sceau pour prix de ses services (Gn. 38 ; 15-19).
En fait, il s’agit de sa belle-fille, et les Écritures se montrent fort satisfaites qu’elle engendre des jumeaux issus de cette
union. La Bible ne condamne nullement les filles de Lot qui couchent avec lui en profitant de son ivresse (Gn. 19 ; 30-38).
Elles enfantent chacun un fils, de qui sont issus deux peuples : tout va pour le mieux. On se demande comment les
fondamentalistes parviennent à élaborer une morale puritaine sur de telles bases… La Loi mosaïque oblige une veuve à
se remarier avec le frère du défunt : l’essentiel est que les gènes soient transmis. Il fallait que la collectivité survive
et, de préférence, se développe, malgré les terribles ponctions opérées par la mortalité infantile, les guerres et les maladies
en tous genres.
Après de nombreux siècles d’évolution de la conscience, lorsque le peuple d’Israël en est finalement arrivé à concevoir un
Dieu universel et un être humain individualisé, les conditions sont réunies pour que le message du Christ puisse être compris.
Toute évolution est déterminée par ses conditions initiales d’existence, mais également est aspirée par sa finalité. Tous les êtres
vivants ont évolué vers le surgissement ultime d’une conscience libre. D’autre part, l’évolution de la conscience religieuse
de l’humanité fut conditionnée par l’apparition de Dieu parmi nous.
De même que le premier homme modelé, Adam, a reçu sa substance d’une terre intacte et vierge encore –
« car Dieu n’avait pas encore fait pleuvoir et l’homme n’avait pas encore travaillé la terre » (Gn. 2 ; 5) – et qu’il a été
modelé par la Main de Dieu (Ps. 118 ; 73), c’est-à-dire par le Verbe de Dieu – car « tout a été fait par son entremise » (Jn. 1 ; 3),
et : « le Seigneur prit du limon de la terre et en modela l’homme » (Gn. 2 ; 7) – de même, récapitulant en Lui-même Adam, Lui,
le Verbe, c’est de Marie encore Vierge qu’à juste titre il a reçu cette génération qui est la récapitulation d’Adam. Si donc
le premier Adam avait eu pour père un homme et était né d’une semence d’homme, ils auraient raison de dire que le second
Adam (I Cor. 15 ; 47) a été aussi engendré de Joseph. Mais si le premier Adam a été pris de la terre et modelé par le Verbe
de Dieu, il fallait que ce même Verbe, effectuant en Lui-même la récapitulation d’Adam, possédât la similitude d’une
génération identique. – Mais alors, objectera-t-on, pourquoi Dieu n’a-t-Il pas pris de nouveau du limon et a-t-Il fait
sortir de Marie l’ouvrage qu’Il modelait ? Pour qu’il n’y eût pas un autre ouvrage modelé et que ce ne fût pas un autre ouvrage
qui fût sauvé, mais que celui-là même fût récapitulé, du fait que serait sauvegardé la similitude en question.
Saint Irénée de Lyon. Contre les Hérésies. III, 21, 10.
Le but de l’évolution de l’humanité est l’incarnation du Sauveur qui vient recréer depuis les fondements, l’être humain fait à l’image de Dieu. Le Christ montre clairement ce geste créateur lorsqu’il modèle de la terre pour guérir l’aveugle-né :
Ainsi donc, puisque nous sommes modelés dans le sein maternel par le Verbe, ce même Verbe remodela
les yeux de l’aveugle-né : Il fit ainsi apparaître au grand jour Celui qui nous modèle dans le secret, car c’était bien
le Verbe Lui-même qui s’était rendu visible aux hommes ; Il fit en même temps connaître le modelage originel d’Adam,
c’est-à-dire de quelle manière Adam avait été fait et par quelle Main il avait été modelé (Ps. 118 ; 73), et Il fit voir
le tout à l’aide de la partie, car le Seigneur qui remodela les yeux était Celui qui avait modelé l’homme tout entier
en exécutant la volonté du Père.
Saint Irénée de Lyon. Contre les Hérésies. V, 15, 3.
Le Verbe vient faire surgir une autre création, un « remodelage de l’humanité depuis ses fondements :
Vous avec été engendrés à nouveau, non d’un germe corruptible, mais incorruptible, par la Parole de Dieu,
vivante et qui demeure.
I P. 1 ; 23.
Dans la première Création, l'être humain global était au Paradis. La trahison qu'il a commise l’a
éloigné de l’inimité divine, et l’a propulsé dans une réalité où il se trouve en conflit avec son environnement.
Dans ce monde récapitulé par la Chute, nous sommes maintenant au Jardin de la trahison, à la veille de la réintégration
de l’être humain au Corps spirituel du Christ.
- 1 -
PREMIER VOLET (18; 1-12) : L'arrestation du Christ au Jardin des Oliviers - analyse du texte
Ce premier volet du Récit de la Passion commence par le verset de mise en situation : « Ayant dit cela, Jésus s'en alla avec ses disciples… » (18 ; 1), et se termine par un terme hautement significatif : « le tribun et les gardes des Juifs saisirent Jésus et le lièrent » (18 ; 12).
Première partie (18; 1-3) :
18 1 Ayant dit cela, Jésus s'en alla avec ses disciples de l'autre côté du torrent du Cédron. II y avait
là un jardin dans lequel il entra, ainsi que ses disciples.
2 Or Judas, qui le livrait, connaissait aussi ce lieu, parce que bien des fois Jésus et ses disciples s'y étaient réunis.
3 Judas donc, menant la cohorte et des gardes détachés par les grands prêtres et les Pharisiens, vient là avec des lanternes,
des torches et des armes.
Jésus s’en alla avec ses disciples dans un jardin (kèpos) qui n’est plus le paradis (paradeison)
de Genèse 1 ; 8. Les gardes viennent avec des torches et des flambeaux, arrêter la Lumière du monde.
Nous pouvons noter le fait que le récit de l'Agonie du Christ ainsi que la Prière au Père, figurent dans les Synoptiques
(Mt. 26 ; 36-46 // Mc. 14 ; 32-42 // Lc. 22 ; 40-46) mais sont absents de l'Évangile de Jean.
parallèle à : Dernière partie (18; 10-12) :
18 10 Alors Simon-Pierre, qui portait un glaive, le tira, frappa le serviteur du grand prêtre et lui trancha l'oreille droite. Ce
serviteur avait nom Malchus.
11 Jésus dit à Pierre : « Rentre le glaive dans le fourreau. La coupe que m'a donnée le Père, ne la boirai-je pas ? »
12 Alors la cohorte, le tribun et les gardes des Juifs saisirent Jésus et le lièrent.
- La cohorte et les gardes figurent dans les deux parties et en indiquent le parallélisme.
- Les gardes sont en fait des « subordonnés » (huperetas) des grands-prêtres et des Pharisiens, dans la première partie.
- Dans la dernière partie, on parle des « subordonnés des Juifs » (huperetai tôn ioudaiôn) au verset 12.
- Dans la première partie, Judas mène la cohorte ;
- dans la dernière partie, la cohorte est énumérée avec le tribun (chiliarchos) - chef de millier.
- Dans la première partie, les gardes arrivent avec des armes ;
- dans la dernière partie, une arme est dégainée : l’épée.
Jean est le seul qui mentionne le nom du serviteur : Malchos.
Luc est le seul qui mentionne le fait que le Christ ait guéri Malchos : « Jésus prit la parole et dit : laissez, cela suffit.
Et, lui touchant l’oreille, il le guérit » (Lc. 22 ; 51).
Marc est le seul qui mentionne la présence d’un jeune homme (neaniskos)qui suivait le Christ ; il n’avait « pour tout vêtement qu’un drap,
et on le saisit ; mais lui, lâchant le drap, s’enfuit nu (gumnos) » (Mc. 14 ; 52).
Deuxième partie (18; 4-5) :
18 4 Alors Jésus, sachant tout ce qui allait lui advenir, sortit et leur dit : « Qui cherchez-vous ? »
5 Ils lui répondirent : « Jésus le Nazaréen. » Il leur dit : « Je Suis. » Or Judas, qui le livrait, se tenait là, lui aussi,
avec eux.
Jésus révèle le Nom divin à ceux qui viennent l’arrêter :
Judas - celui qui se perd - se tient avec ceux qui viennent arrêter Jésus, le livrant.
parallèle à : Avant-dernière partie (18; 7-9) :
18 7 De nouveau il leur demanda : « Qui cherchez-vous ? » Ils dirent : « Jésus le Nazaréen. »
8 Jésus répondit : « Je vous ai dit que Je Suis. Si donc c'est moi que vous cherchez, laissez ceux-là s'en aller » ;
9 afin que s'accomplît la parole qu'il avait dite :« Ceux que tu m'as donnés, je n'en ai pas perdu un seul. »
Le parallèle est évident : la même question de Jésus, la même réponse des gardes, et la deuxième Révélation du Nom :
Jésus leur demande de ne pas inquiéter les disciples, afin qu’aucun d’entre eux ne soient perdus.
Partie centrale (18 ; 6) :
18 6 Quand Jésus leur eût dit : « Je Suis », ils reculèrent et tombèrent à terre.
A l’énoncé du NOM, les impies reculent et tombent à terre. C’est la réalisation du psaume 69 :
« qu’ils reculent, couverts de honte, ceux qui me veulent du mal ; qu’ils reculent aussitôt confondus, ceux qui disent :
c’est bien fait ! » (versets 3 et 4)
Le psaume nous montre qu’au-travers de l’échec apparent du Christ arrêté et lié, se profile sa prochaine victoire : les versets
suivants disent : « qu’en Toi jubilent et tressaillent de joie tous ceux qui Te cherchent, Seigneur ; qu’ils disent toujours :
Dieu est grand ! ceux qui aiment ton Salut » (verset 5).
- 2 -
DEUXIÈME VOLET (18; 13-27) : La comparution devant Anne et Caïphe
18 13 Ils le menèrent d'abord chez Anne; c'était en effet le beau-père de Caïphe, qui était grand prêtre
cette année-là.
14 Or Caïphe était celui qui avait donné ce conseil aux Juifs : « II y a intérêt à ce qu'un seul homme meure pour le peuple ».
15 Or Simon-Pierre suivait Jésus, ainsi qu'un autre disciple. Ce disciple était connu du grand prêtre et entra avec Jésus
dans la cour du grand prêtre,
16 tandis que Pierre se tenait près de la porte, dehors. L'autre disciple, celui qui était connu du grand prêtre, sortit
donc et dit un mot à la portière et il fit entrer Pierre.
17 La servante, celle qui gardait la porte, dit alors à Pierre : « N'es-tu pas, toi aussi, des disciples de cet homme ? »
Lui, dit : « Je n'en suis pas ».
18 Les serviteurs et les gardes, qui avaient fait un feu de braise, parce que le temps était froid, se tenaient là et se chauffaient.
Pierre aussi se tenait là avec eux et se chauffait.
19 Le grand prêtre interrogea Jésus sur ses disciples et sur sa doctrine.
20 Jésus lui répondit : « C'est au grand jour que j'ai parlé au monde, j'ai toujours enseigné à la synagogue et dans le
Temple où tous les Juifs s'assemblent et je n'ai rien dit en secret.
21 Pourquoi m'interroges-tu ? Demande à ceux qui ont entendu ce que je leur ai enseigné ; eux, ils savent ce que j'ai dit ».
22 À ces mots, l'un des gardes, qui se tenait là, donna une gifle à Jésus en disant : « C'est ainsi que tu réponds au grand prêtre ? »
23 Jésus lui répondit : « Si j'ai mal parlé, témoigne de ce qui est mal ; mais si j'ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? »
24 Anne l'envoya alors, toujours lié, au grand prêtre Caïphe.
25 Or Simon-Pierre se tenait là et se chauffait. Ils lui dirent : « N'es-tu pas, toi aussi, de ses disciples ? » Lui le nia
et dit : « Je n'en suis pas ».
26 Un des serviteurs du grand prêtre, un parent de celui à qui Pierre avait tranché l'oreille, dit : « Ne t'ai-je pas vu dans
le jardin avec lui ? »
27 De nouveau Pierre nia, et aussitôt un coq chanta.
Le Christ est expulsé du Jardin, et se retrouve en un endroit clos, où il fait froid, et où Pierre dit « je ne suis pas ».
Cette partie fait référence au livre de l'Exode, où précisément se trouve relatée la Révélation du Nom (chap. 3).
- Cette péricope ne se trouve que dans l’Evangile de Jean -
Première partie (18; 13; 18) :
18 13 Ils le menèrent d'abord chez Anne; c'était en effet le beau-père de Caïphe, qui était grand prêtre
cette année-là.
14 Or Caïphe était celui qui avait donné ce conseil aux Juifs : «II y a intérêt à ce qu'un seul homme meure pour le peuple».
15 Or Simon-Pierre suivait Jésus, ainsi qu'un autre disciple. Ce disciple était connu du grand prêtre et entra avec Jésus
dans la cour du grand prêtre,
16 tandis que Pierre se tenait près de la porte, dehors. L'autre disciple, celui qui était connu du grand prêtre, sortit
donc et dit un mot à la portière et il fit entrer Pierre.
17 La servante, celle qui gardait la porte, dit alors à Pierre : « N'es-tu pas, toi aussi, des disciples de cet homme ? »
Lui, dit: « Je n'en suis pas ».
18 Les serviteurs et les gardes, qui avaient fait un feu de braise, parce que le temps était froid, se tenaient là et se chauffaient.
Pierre aussi se tenait là avec eux et se chauffait.
Dans cette partie, nous lisons la prophétie involontaire d’Anne, qui a déjà été citée dans Jn. 11 ; 51.
Jésus assume la destinée d’Adam : saisi par les gardes, Il est expulsé du jardin, puis se retrouve dans une cour fermée,
la création déchue. Le temps est froid, de cette froideur glaciale qui règne pour ceux qui ont trahi Dieu.
parallèle à : Dernière partie (18; 24-27) :
24 Anne l'envoya alors, toujours lié, au grand prêtre Caïphe.
25 Or Simon-Pierre se tenait là et se chauffait. Ils lui dirent : « N'es-tu pas, toi aussi, de ses disciples ? » Lui le nia
et dit : « Je n'en suis pas ».
26 Un des serviteurs du grand prêtre, un parent de celui à qui Pierre avait tranché l'oreille, dit : « Ne t'ai-je pas vu dans
le jardin avec lui ? »
27 De nouveau Pierre nia, et aussitôt un coq chanta.
- Anne et Caïphe sont mentionnées dans les deux parties.
- Dans les deux parties, Pierre confesse l’ANTI-NOM. Pierre nie trois fois, mais il ne profère l’ANTI-NOM que deux fois
(verset 17 et 25). Trois fois, pour la dénégation solennelle ; deux fois, car DEUX est le nombre de la division, du conflit,
de la séparation. La Vérité est Une ou Trine ; l’erreur est double – une seule bi-polarité pourra la neutraliser : la
divino-humanité du Christ.
Deuxième partie (18; 19) :
18 19 Le grand-prêtre interrogea Jésus sur ses disciples et sur sa doctrine.
LE GRAND-PRÊTRE INTERROGE LE CHRIST.
Quelle est cette doctrine à propos de laquelle le grand-prêtre interroge le Christ ?
Dans l’Évangile de Matthieu (Mt. 26 ; 63 – 65), le grand-prêtre dit au Christ, après l’échec de tous les faux témoins : « je
t’adjure par le Dieu vivant, de nous dire si tu es le Christ, le Fils de Dieu ». Et le Christ lui répondit : « tu l’as dit ».
Jésus enchaîne en citant la prophétie de Daniel : « désormais vous verrez le Fils de l’Homme siéger à la droite de la Puissance
et venir sur les nuées du ciel » Mt. 26 ; 64. Le Christ cite le prophète Daniel :
Voici, venant sur les nuées du ciel, comme un Fils d’Homme.
Il s’avança (éphthase de phthanô : arriver le premier, arriver jusqu’à, atteindre) jusqu’à l’Ancien des Jours et
fut conduit en sa présence. À Lui fut conféré Empire, honneur et Royaume, et tous peuples, nations et langues Le servirent.
Son Empire est Empire à jamais (exousia aiônios), qui ne passera point, et son Royaume ne sera point détruit ».
Dn. 7 ; 13.
C'est la prophétie messianique par excellence. Lorsque le Christ se l'approprie, il se déclare Messie,
de toute évidence, et Anne le comprend instantanément : c’est cette revendication qui paraît être un « blasphème »
aux yeux du grand-prêtre et de ceux qui l’entouraient.
Qui est cet « Ancien des jours », qui apparaît dans la prophétie de Daniel - avec un « vêtement blanc comme la neige, les cheveux
de sa tête, purs comme la laine » (Dn. 7 ; 9) ?
Certains sont tentés d'y voir le Père. Dans ce cas, ce passage montre le Christ s’avançant auprès du Père, et l’ensemble de la
Création est conférée au Fils, qui possède la plénitude de la puissance sur toutes choses.
Cette interprétation est une erreur. Il nous faut rappeler l'affirmation du Prologue de l'Évangile de Jean :
« Nul n'a jamais vu Dieu ; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, Lui, L'a fait connaître ». Le Père ne s'est jamais révélé.
C'est le Christ qui révèle le Père, et nous pouvons assimiler cette révélation sous l'impulsion de l'Esprit.
C'est ce que l'on appelle la « Monarchie du Père ».
C'est un point essentiel du christianisme.
Le Père est Source absolue de toutes choses. Il est la Source ultime, d'où tout provient, sans exception. C'est du Père que
le Christ reçoit sa divinité, en étant engendré par Lui. C'est du Père que l'Esprit reçoit sa divinité, en procédant de Lui.
Bien évidemment, le Fils et l'Esprit sont Dieu d'une façon totale et intégrale, car la divinité ne se diminue pas : soit elle
existe, soit elle n'existe pas.
- La révélation du Père se fait par le Fils, dans l'Esprit. Le Fils et l'Esprit sont les deux « Mains du Père », qui Le révèlent.
Partout dans les Écritures, nous voyons le Fils et l'Esprit agir en « réciprocité de service » pour manifester le Père. Mais jamais
le Père ne se révèle directement.
L'« Ancien des Jours » n'est pas le Père, sinon cela ferait mentir la sentence du Prologue. Comme le Père ne s'est jamais
révélé, sinon par le Christ, il ne peut exister d'icône de la première Personne de la Trinité. Car on ne peut représenter par l'image,
que ce qui s'est manifesté. Et ce n'est pas le cas du Père. Les images de « Dieu le Père » avec une barbe blanche, un globe dans
les mains, sont mensongères. Elles ne peuvent exister sans introduire une contradiction dans le message chrétien.
Si l'« Ancien des Jours » de la prophétie de Daniel n'est pas le Père, qui est-il ?
La réponse est toute simple, évidente, mais paradoxale : ce n'est nul autre que le Christ. En fait, c'est le Christ préexistant de
toute éternité. C'est le Christ qui existe avant toute création. C'est bien pourquoi il s'agit de l'« Ancien ». C'est Celui qui possède,
auprès du Père, la gloire, avant que fût le monde (Jn. 17 ; 5).
La vision de Daniel nous montre le Christ préexistant qui donne au Christ incarné, existant dans le temps,
tous les empires, les honneurs, les royaumes, ainsi que tous les peuples, nations et langues de la création (Dn. 7 ; 14).
Et pourquoi se déroule cette donation solennelle ? Pour effectuer le Jugement, car c'est le Père qui donne au Christ le pouvoir
du Jugement final.
Saint Irénée exprime la Tradition originelle de l'Église, qui confesse le fait que le Père Lui-même ne s'est jamais révélé :
- Selon sa grandeur, il est inconnu de tous les êtres faits par Lui.
- Cependant, selon son amour, Il [le Père ] est connu en tout temps grâce à Celui par qui Il a créé toutes choses :
celui-ci n'est autre que son Verbe, notre Seigneur Jésus-Christ.
- Dès le commencement, en effet, le Verbe a annoncé que Dieu [le Fils] seraient vu des hommes, qu'Il vivrait et converserait
avec eux sur la terre, et qu'Il se rendrait présent à l'ouvrage par Lui modelé, pour le sauver et se laisser saisir
par lui. (...) afin que, enlacé à l'Esprit de Dieu, l'homme accède à la gloire du Père.
Irénée de Lyon. Contre les hérésies. IV, 20, 4. p.471.
Selon sa grandeur et son inexprimable gloire, « nul ne verra Dieu et vivra », (Ex. 33 ; 20) car le Père est insaisissable.
– Vu autrefois par l'entremise de l'Esprit, selon le mode prophétique ;
– puis vu par l'entremise du Fils selon l'adoption,
– il sera vu encore dans le Royaume des Cieux selon la paternité :
* l'Esprit préparant d'avance l'homme pour le fils de Dieu ;
* le Fils conduisant au Père,
* et le Père lui [l'être humain] donnant l'incorruptibilité et la Vie éternelle,
qui résulte de la vue de Dieu pour ceux qui le voient.
Car il n'y a de vie que par la participation à Dieu, et cette participation à Dieu consiste à voir Dieu, et à jouir de sa bonté.
Irénée de Lyon. Contre les hérésies. IV, 20, 5. p.472.
Les hommes verront donc Dieu afin de vivre, devenant immortels par cette vue et atteignant jusqu'à Dieu.
– L'Esprit prête de son assistance ;
– le Fils fournit son ministère ;
– le Père notifie son bon plaisir,
et l'homme est rendu parfait en vue du Salut.
Irénée de Lyon. Contre les hérésies. IV, 20, 6. p.472 - 473.
* Il y a diversité de grâces, mais c'est le même Esprit ;
* il est diversité de ministère, mais c'est le même Seigneur [le Fils] ;
* il y a diversité d'opérations, mais c'est le même Dieu [le Père] qui opère tout en tous.
Première épître aux Corinthiens, 12 ; 4-7.
Ainsi, dès le commencement, le Fils est le Révélateur du Père : les visions prophétiques, la diversité des grâces,
ses propres ministères, la manifestation de la gloire du Père, tout cela, à la façon d'une mélodie harmonieusement composée,
Il l'a déroulé devant les hommes, en temps opportun, pour leur profit. C'est pourquoi le Verbe s'est fait le dispensateur
de la grâce du Père pour le profit des hommes, sauvegardant l'invisibilité du Père.
Car la gloire de Dieu, c'est l'homme vivant, et la vie de l'homme, c'est la vision de Dieu.
Si déjà la révélation de Dieu par la création procure la vie à tous
les êtres qui vivent sur la terre, combien plus la manifestation du Père par le Verbe, procure-t-elle la Vie à ceux qui voient Dieu !
Irénée de Lyon. Contre les hérésies. IV, 20, 7. p.473 - 474.
Telle est la Tradition de l'Église.
- Dans la prophétie de Daniel, on voit « des trônes », et un Ancien qui y siège. « Son trône était de flammes de feu, aux roues de feu ardent.
Un fleuve de feu coulait, issu de devant Lui » (Dn. 7 ; 9-10).
- Dans l'Apocalypse, apparaît « un trône blanc, très grand, et Celui qui
siège dessus ». La Mort et l'Hadès sont jetés dans l'étang de feu - ce qui désigne la Résurrection du Christ (Apoc. 20 ; 11-15).
Visiblement, l'Ancien de la prophétie de Daniel et « Celui qui siège sur le trône », dans l'Apocalypse, sont une seule et même
Personne : le Christ.
Ainsi donc, les apparitions de Dieu dans l'Ancien Testament sont en fait des apparitions du Verbe « sans la chair »,
puisque le Christ n'est pas encore incarné.
Augustin d'Hippone a une conception différente :
Il estime que ce n'est jamais le fils de Dieu qui est apparu, mais une créature angélique intermédiaire représentant le Père,
le Fils ou le Saint-Esprit séparément, ou la Trinité entière.
Pour Ambroise de Milan, le Christ est présent en Personne dans l'Ancien Testament. C'est Lui qui descend dans la fournaise
sauver les trois adolescents, Lui qu'Abraham adore au milieu des Anges, Lui que voient Ézéchiel et Isaïe dans les visions
du char. Cette omniprésence du Verbe de Dieu rend possible une interprétation christologique de tel précepte de la Loi,
de tel détail de la vie des patriarches.
Tout autre est la méthode interprétative que développe Augustin dans son « De Trinitate » et dans plusieurs ouvrages.
Pour l'évêque d'Hippone, l'ange de l'Ancien Testament n'est pas le Christ, mais symbolise le Christ. La question du rapport
entre l'Ancien et le Nouveau Testament se ramène donc à la probité de l'exégète : tout devient question d'interprétation.
Tandis qu'Ambroise admettait la présence du Christ « sans la chair » dans l'Ancien Testament, Augustin l'a proscrite.
Laurent Motte. Ambroise et Augustin. In : Dossier H, l'Âge d'Homme 1988. p. 225 - 226.
Bien plus récemment dans l'Histoire, Joachim de Flore (1132-1202) contribua à interpréter les théophanies
de l'Ancien Testament, comme étant des apparitions de la Personne du Père. Dans ses œuvres, il affirmait l'existence d'un
rythme trinitaire de l'Histoire. Il considérait l'Ancien Testament comme l'ère du Père, suivie par le temps du Fils
- commencé dans le Nouveau Testament - puis par celui de l'Esprit, commençant en 1260. Dans cette perspective, il était
naturel de privilégier la Personne du Père, en tout ce qui concerne l'Ancien Testament.
C'est ainsi que fut progressivement oublié le christocentrisme fondamental, qui caractérisait la pensée de l'Église des premiers
siècles.
parallèle à : Avant-dernière partie (18; 21-23) :
18 21 «Pourquoi m'interroges-tu ? Demande à ceux qui ont entendu ce que je leur ai enseigné ; eux,
ils savent ce que j'ai dit».
22 À ces mots, l'un des gardes, qui se tenait là, donna une gifle à Jésus en disant : « C'est ainsi que tu réponds au grand prêtre ? »
23 Jésus lui répondit : « Si j'ai mal parlé, témoigne de ce qui est mal ; mais si j'ai bien parlé, pourquoi me frappes-tu ? »
LE CHRIST INTERROGE LE GRAND-PRÊTRE ET SON SUBALTERNE.
Il s’agit d’un parallèle inversé.
Jean est le seul à rapporter ce dialogue avec le grand-prêtre. Les autres synoptiques rapportent à la fois la trahison et
Pierre et ensuite les outrages des gardes : Luc mentionne que les gardes bafouaient, maltraitaient et insultaient le
Christ (Lc. 22 ; 63 – 65) ; Marc est plus précis, disant que les gardes crachaient sur le Christ, le giflaient et le bourraient
de coups (Mc. 14 ; 65), et Matthieu attribue ces exactions aux membres du Sanhédrin, après que le Christ ait affirmé sa Nature
messianique, par la citation du Prophète Daniel (Mt. 26 ; 67).
La gifle donnée au Fils de l’Homme figure dans la prophétie de Michée :
Maintenant, fortifie-toi, Forteresse !
Ils ont dressé un retranchement contre nous ;
A coups de verge ils frappent à la joue le Juge d’Israël.
Michée 4 ; 14.
Ces versets sont immédiatement suivis par la prophétie concernant Bethléem.
Les souffrances de Job annonçaient celles du Christ :
Mes adversaires aiguisent sur moi leurs regards, ouvrent une bouche menaçante. Leurs outrages m’atteignent
comme des soufflets, ensemble ils s’ameutent contre moi.
Job. 16 ; 9- 11.
Partie centrale (18 ; 20) :
18 20 Jésus lui répondit : « C'est au grand jour que j'ai parlé au monde, j'ai toujours enseigné à la synagogue et dans le Temple où tous les Juifs s'assemblent et je n'ai rien dit en secret.
L’enseignement du Christ est public : rien n’est caché. Pourquoi le centre de ce volet est-il un verset
dont la signification apparemment n’a rien de très remarquable ?
En réponse au grand-prêtre, Jésus cite la Prophétie d’Isaïe, en affirmant qu'Il n'a jamais rien dit en secret :
Cette prophétie d’Isaïe donne une RÉVÉLATION DU NOM DIVIN, apportée par le Christ, en une vision
clairement trinitaire du processus du Salut, tel qu’il est décrit dans l’Evangile de Jean : le Père envoie le Fils, et
le Fils nous donne l’Esprit : « si vous Me connaissez, vous connaissez aussi le Père » (Jn. 14 ; 7) – «et Je prierai
le Père, et Il vous donnera un autre Paraclet» (Jn. 14 ; 16).
Lorsque l’Evangéliste Jean fait une citation prophétique, il est toujours utile de regarder l’environnement de la citation, et
pas uniquement la citation en tant que telle. Saint Jean, en citant une prophétie, nous montre aussi implicitement un message
complémentaire qui a son importance. Ici, que trouvons-nous, quelques versets en amont de la citation de Isaïe 48; 16 – 17 ?
- Nous avons le passage suivant :
Ecoute-Moi Jacob, Israël que J’ai appelé :
JE SUIS le Premier, et JE SUIS Celui qui est dans les siècles.
Ma main a fondé la terre, et ma droite a affermi les Cieux.
Isaïe 48 ; 12 – 13.
Les deux versets qui sont en amont de la citation johannique donnent une autre RÉVÉLATION DU NOM DIVIN, qui
affirme la coéternité du Fils et du Père (cette affirmation se trouve aussi dans Isaïe 44 ; 6).
Dans la première citation, le Fils est révélé comme Dieu, dans la seconde, Il est révélé comme Premier-né du Père,
et partageant l’éternité de Celui-ci.
- 3 -
TROISIÈME VOLET (18; 28 - 19 ; 16a) : La comparution devant Pilate
18 28 Alors ils mènent Jésus de chez Caïphe au prétoire. C'était le matin. Eux-mêmes n'entrèrent pas dans le prétoire,
pour ne pas se souiller, mais pour pouvoir manger la Pâque.
29 Pilate sortit donc au-dehors, vers eux, et il dit : « Quelle accusation portez-vous contre cet homme ? »
30 Ils lui répondirent : « Si ce n'était pas un malfaiteur, nous ne te l'aurions pas livré ».
31 Pilate leur dit : « Prenez-le, vous, et jugez-le selon votre Loi. » Les Juifs lui dirent : « II ne nous est pas permis
de mettre quelqu'un à mort » :
32 afin que s'accomplît la parole qu'avait dite Jésus, signifiant de quelle mort il devait mourir.
33 Alors Pilate entra de nouveau dans le prétoire ; il appela Jésus et dit : « Tu es le roi des Juifs ? »
34 Jésus répondit : « Dis-tu cela de toi-même ou d'autres te l'ont-ils dit de moi ? »
35 Pilate répondit : « Est-ce que je suis Juif, moi ? Ta nation et les grands prêtres t'ont livré à moi. Qu'as-tu fait ? »
36 Jésus répondit : « Mon royaume n'est pas de ce monde. Si mon royaume était de ce monde, mes gens auraient combattu
pour que je ne sois pas livré aux Juifs. Mais mon royaume n'est pas d'ici ».
37 Pilate lui dit : « Donc tu es roi ? » Jésus répondit : « Tu le dis : je suis roi. Je ne suis né, et je ne suis venu dans le
monde, que pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix ».
38a Pilate lui dit : « Qu'est-ce que la vérité ? »
38b Et, sur ce mot, il sortit de nouveau et alla vers les Juifs. Et il leur
dit : « Je ne trouve en lui aucun motif de condamnation.
39 Mais c'est pour vous une coutume que je vous relâche quelqu'un à la Pâque. Voulez-vous que je vous relâche le roi des Juifs ? »
40 Alors ils vociférèrent de nouveau, disant : « Pas lui, mais Barabbas! » Or Barabbas était un brigand.
19 1 Alors, Pilate prit alors Jésus et le fit flageller.
2 Les soldats, tressant une couronne avec des épines, la lui posèrent sur la tête, et ils le revêtirent d'un manteau de pourpre;
3 et ils s'avançaient vers lui et disaient : « Salut, roi des Juifs ! » Et ils lui donnaient des coups.
4 De nouveau, Pilate sortit dehors et leur dit : « Voyez, je vous l'amène dehors, pour que vous sachiez que je ne trouve en lui
aucun motif de condamnation »
5 Jésus sortit donc dehors, portant la couronne d'épines et le manteau de pourpre; et Pilate leur dit : « Voici l'homme ! »
6 Lorsqu'ils le virent, les grands prêtres et les gardes vociférèrent, disant : « Crucifie-le! Crucifie-le ! » Pilate leur
dit : « Prenez-le, vous, et crucifiez-le; car moi, je ne trouve pas en lui de motif de condamnation ».
7 Les Juifs lui répliquèrent : « Nous avons une Loi et d'après cette Loi il doit mourir, parce qu'il s'est fait Fils de Dieu ».
8 Lorsque Pilate entendit cette parole, il fut encore plus effrayé.
9 Il entra de nouveau dans le prétoire et dit à Jésus : « D'où es-tu ? » Mais Jésus ne lui donna pas de réponse.
10 Pilate lui dit donc : « Tu ne me parles pas ? Ne sais-tu pas que j'ai pouvoir de te crucifier ? »
11 Jésus lui répondit : « Tu n'aurais aucun pouvoir sur moi, si cela ne t'avait été donné d'en haut; c'est pourquoi celui qui
m'a livré à toi a un plus grand péché ».
12 Dès lors Pilate cherchait à le relâcher. Mais les Juifs vociféraient, disant : « Si tu le relâches, tu n'es pas ami de César :
quiconque se fait roi, s'oppose à César ».
13 Pilate, entendant ces paroles, amena Jésus dehors et le fit asseoir au tribunal, en un lieu dit le Dallage, en hébreu Gabbatha.
14 Or c'était la Préparation de la Pâque ; c'était vers la sixième heure. Il dit aux Juifs : « Voici votre roi ».
15 Eux vociférèrent : « À mort! À mort! Crucifie-le! » Pilate leur dit : « Crucifierai-je votre roi ? » Les grands prêtres
répondirent : « Nous n'avons de roi que César ! »
16a Alors il le leur livra pour être crucifié.
Les Juifs exigent de Pilate qu'il fasse mettre à mort Jésus, suivant les prescriptions de leur Loi.
Où se trouve cette prescription ? Dans le Lévitique, qui dit : « Qui blasphème le Nom du Seigneur devra mourir ; toute
la communauté le lapidera » (Lév. 24 ; 16). Si le Christ était mort des mains des Juifs, Il aurait été lapidé, plutôt que
crucifié. En Jn. 8 ; 59, les Juifs avaient déjà « ramassé des pierres pour les Lui jeter », lorsque Jésus avait dit : « avant
qu'Abraham fut, JE SUIS » (Jean VIII ; 58 – 59), affirmant par là sa divinité. Ce troisième volet fait donc allusion au
livre du Lévitique, le troisième livre de la Loi mosaïque.
Nous pouvons noter le fait que dans cette péricope, le mot « roi » revient 9 fois. Le mot « royaume » apparaît 3 fois.
Cette partie commence par le transfert de Jésus au Prétoire (18 ; 28) avec une indication de temps : « c’était le matin », et
se termine par le verset-charnière : « il (Pilate) Le leur livra pour être crucifié » (19 ; 16).
Le texte se répartit suivant une alternance entrée / sortie :
Première partie (18 ; 28 – 32) : elle se passe à l’extérieur, car Pilate sort hors du Prétoire, les Juifs
ne voulant pas se souiller.
Deuxième partie (18 ; 33 – 38a) : elle se passe à l’intérieur. Pilate entre dans le Prétoire et y appelle Jésus.
Troisième partie (18 ; 38b – 40) : elle se passe à l’extérieur. Pilate sortit de nouveau, et propose aux Juifs de relâcher
le Roi des Juifs.
Quatrième partie (19 ; 1 – 3) : c’est la partie centrale. On peut présumer qu’elle se passe à l’intérieur. En fait, le lieu n’est
pas précisé : Jésus est flagellé et couronné d’épines.
Cinquième partie (19 ; 4 – 8) : elle se passe à l’extérieur. « Pilate sortit dehors et leur dit : « Voyez, je vous l'amène
dehors, pour que vous sachiez que je ne trouve en lui aucun motif de condamnation. Jésus sortit donc dehors, portant la couronne
d'épines et le manteau de pourpre ; et Pilate leur dit : « Voici l'homme ! »
Sixième partie (19 ; 9 – 11) : elle se passe à l’intérieur. « Il (Pilate) entra de nouveau dans le prétoire et dit à Jésus : « D'où
es-tu ? » Mais Jésus ne lui donna pas de réponse ».
Septième partie (19 ; 12 – 16) : elle se passe à l’extérieur. « Pilate, entendant ces paroles, amena Jésus dehors et Le fit
asseoir au tribunal, en un lieu dit le Dallage, en hébreu Gabbatha ».
Ici, se dessine une particularité : au lieu d’avoir, comme de coutume, une division en cinq parties (deux parties symétriques
autour d’une partie centrale), nous sommes en présence d’une répartition en sept ensembles de versets, répartis en trois
ensembles de versets symétriques, autour de quelques versets formant une partie centrale.
Première partie (18; 28-32) :
18 28 Alors ils mènent Jésus de chez Caïphe au prétoire. C'était le matin. Eux-mêmes n'entrèrent pas dans le prétoire,
pour ne pas se souiller, mais pour pouvoir manger la Pâque.
29 Pilate sortit donc au-dehors, vers eux, et il dit : « Quelle accusation portez-vous contre cet homme ? »
30 Ils lui répondirent : « Si ce n'était pas un malfaiteur, nous ne te l'aurions pas livré ».
31 Pilate leur dit : « Prenez-le, vous, et jugez-le selon votre Loi. » Les Juifs lui dirent : « II ne nous est pas permis
de mettre quelqu'un à mort » :
32 afin que s'accomplît la parole qu'avait dite Jésus, signifiant de quelle mort il devait mourir.
(Jn 18 ; 28 – 32 est absent des Synoptiques)
Quelle est cette parole qu’avait dite Jésus, signifiant de quelle mort Il allait mourir ?
En fait, l’Evangile de Jean rapporte trois paroles prophétiques, que Jésus a émise, parlant de sa mort prochaine :
« Comme Moïse éleva le serpent au désert, ainsi faut-il que soit élevé le Fils de l’Homme, afin que tout homme qui croit
ait par Lui la Vie éternelle » (Jn. 3 ; 14).
« Alors Jésus leur dit : quand vous aurez élevé le Fils de l’Homme, alors vous saurez que JE SUIS » (Jn. 8 ; 27).
« C’est maintenant le jugement de ce monde ; maintenant le Prince de ce monde va être jeté bas ; et Moi, élevé de terre,
J’attirerai tous les hommes à Moi » et l’Évangéliste précise : « Il signifiait par là de quelle mort Il allait
mourir » (Jn. 12 ; 31 – 33).
Dans cette partie :
- Il y a une indication de temps : « c’était le matin ».
- Les Juifs n’entrent pas dans le prétoire, afin de ne pas se souiller.
- Ils Le traitent de malfaiteur, et trahissent leur intention de Le faire mettre à mort.
parallèle à : Dernière et septième partie (19; 12-16) :
19 12 Dès lors Pilate cherchait à le relâcher. Mais les Juifs vociféraient, disant : « Si tu le relâches, tu n'es pas ami de César :
quiconque se fait roi, s'oppose à César ».
13 Pilate, entendant ces paroles, amena Jésus dehors et le fit asseoir au tribunal, en un lieu dit le Dallage, en hébreu Gabbatha.
14 Or c'était la Préparation de la Pâque ; c'était vers la sixième heure. Il dit aux Juifs : « Voici votre roi ».
15 Eux vociférèrent : « À mort! À mort! Crucifie-le! » Pilate leur dit : « Crucifierai-je votre roi ? » Les grands prêtres
répondirent : « Nous n'avons de roi que César ! »
16a Alors il Le leur livra pour être crucifié.
- Il y a une indication de temps : « c’était vers la sixième heure ». Le nombre 6 est celui de
l’imperfection – et c’est le moment où Pilate livre Jésus aux Juifs.
- Les Juifs se souillent en se faisant les sujets de César, un idolâtre.
- Ils renouvellent leur intention de faire mettre à mort Jésus.
Deuxième partie (18; 33-38a) :
33 Alors Pilate entra de nouveau dans le prétoire ; il appela Jésus et dit : « Tu es le roi des Juifs ? »
34 Jésus répondit : « Dis-tu cela de toi-même ou d'autres te l'ont-ils dit de moi ? »
35 Pilate répondit : « Est-ce que je suis Juif, moi ? Ta nation et les grands prêtres t'ont livré à moi. Qu'as-tu fait ? »
36 Jésus répondit : « Mon royaume n'est pas de ce monde. Si mon royaume était de ce monde, mes gens auraient combattu
pour que je ne sois pas livré aux Juifs. Mais mon royaume n'est pas d'ici ».
37 Pilate lui dit : « Donc tu es roi ? » Jésus répondit : « Tu le dis : je suis roi. Je ne suis né, et je ne suis venu dans le
monde, que pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix ».
38a Pilate lui dit : « Qu'est-ce que la vérité ? »
Les précisions sur le fait que la Royauté du Christ n’est pas de ce monde, ne se trouvent que chez Jean.
- Pilate pose une question à Jésus : « es-Tu le Roi des Juifs ? »
- Le Christ répond à la question de Pilate : « tu l’as dit : Je suis Roi ».
- Pilate n’est pas digne de recevoir une Révélation du Nom : l’affirmation n’est pas de forme : egô eimi.
- La Royauté du Christ n’est pas de ce monde. Ceux qui sont de la Vérité écoutent la voix du Christ.
Pilate pose une autre question : « qu’est-ce que la Vérité ? » Le Christ ne lui répond pas. Car la question est mal posée ;
la vraie question est celle-ci : « QUI est la Vérité ? » Car la Vérité n’est pas une chose ou un concept, mais une Personne.
À cette question, le Christ aurait répondu : « C’est Celui qui te parle » - c’est la réponse que Jésus apporta à la
Samaritaine (Jn. 4 ; 26) qui, tout comme Pilate, était étrangère au peuple juif. Mais la Samaritaine avait l’esprit ouvert
à la venue de la Vérité : « je sais que le Messie, celui qu’on nomme le Christ, doit venir » (Jn. 4 ; 25). Pilate n’avait certes
pas l’ouverture d’esprit nécessaire pour poser la véritable question. Tout cela nous montre un fait qui a une grande importance :
la façon de poser une question conditionne la possibilité même de recevoir une réponse. Devant une question mal posée, Dieu
reste muet, et le Ciel reste fermé.
La royauté du Christ n’est pas de ce monde. « Le Prince de ce monde est condamné » (Jn. 16 ; 11) ; le Christ a « vaincu le monde »
(16 ; 33). Le Royaume du Christ est cette nouvelle dimension du réel, qu’Il a inaugurée lors de sa Naissance dans la chair. Le
Royaume du Christ est le fruit de la récapitulation en Lui, de l’ensemble de la Création. L’ancienne Création, le vieux monde,
continue sa destinée, sous le direction destructrice du Prince de ce monde. Le Salut en Christ est la participation au Royaume,
à cette nouvelle dimension, invisible à ceux qui n’ont que les yeux de la chair, qui ne voient que le « monde ». Le Salut en
Christ est authentiquement et réellement une « nouvelle Création », comme l’exprime le premier tropaire du Canon de Noël :
L’homme flétri à cause du péché,
jadis image et ressemblance de Dieu,
puis tout entier soumis à la corruption
et déchu des trésors de la Vie divine,
le sage Créateur le façonne de nouveau,
car Il s’est couvert de gloire.
- Ménée de Décembre, p. 338 -
Et ce tropaire, qui est le premier du Canon des Matines chantées en mémoire des saints Innocents, le 29 décembre :
La création se renouvelle,
la Nature des mortels est recréée,
lorsque le Christ, le Créateur de l’Univers,
est enfanté dans la chair de merveilleuse façon
par la Mère pure et immaculée.
- Ménée de Décembre, p. 394 -
parallèle à : Avant-dernière et sixième partie (19; 9-11) :
19 9 Il entra de nouveau dans le prétoire et dit à Jésus : « D'où es-tu ? » Mais Jésus ne lui donna pas de réponse.
10 Pilate lui dit donc : « Tu ne me parles pas ? Ne sais-tu pas que j'ai pouvoir de te crucifier ? »
11 Jésus lui répondit : « Tu n'aurais aucun pouvoir sur moi, si cela ne t'avait été donné d'en haut; c'est pourquoi celui qui
m'a livré à toi a un plus grand péché ».
- Pilate pose une question à Jésus : « d’où es-Tu ? »
- Jésus ne donne pas de réponse à Pilate.
- Pilate n’est pas digne de recevoir la réponse que Christ peut donner, qui est de dire « Je Suis du Père » - ce
que Pilate ne comprendrait pas, et qu’il n’est pas digne d’entendre.
- Le pouvoir de Pilate lui est donné d’En-Haut.
- À l’inverse de ceux qui sont de la Vérité et qui écoutent la voix du Christ, celui qui a livré le Christ à Pilate
est traître et pécheur.
Troisième partie (18 ; 38b - 40) :
38b Et, sur ce mot, il sortit de nouveau et alla vers les Juifs. Et il leur
dit : « Je ne trouve en lui aucun motif de condamnation.
39 Mais c'est pour vous une coutume que je vous relâche quelqu'un à la Pâque. Voulez-vous que je vous relâche le roi des Juifs ? »
40 Alors ils vociférèrent de nouveau, disant : « Pas lui, mais Barabbas ! » Or Barabbas était un brigand.
Pilate dit aux Juifs qu’il ne trouve en Jésus « aucun motif de condamnation (aucun délit - aitian) »
Les Juifs veulent que l’on relâche Barabbas, à la place de Jésus. De ce fait, ils refusent de laisser Jésus échapper à la mort ; cet acte
est une deuxième condamnation à mort de Jésus, faite cette fois-ci, non plus par les Romains, mais par les Juifs eux-mêmes, délibérément.
Le nom de Barabbas vient de l’araméen Bar-‘abba « Fils du Père ». N’est-ce pas extraordinaire ? Les Puissances des Ténèbres,
pour exécuter le mal, caricaturent toujours le bien. C’est un pseudo-« Fils du Père » qui vient nous dérober le vrai
Fils Premier-né et coéternel au Père, car Barabbas est un brigand, un voleur. Luc précise : « Barabbas avait été jeté en prison
pour une sédition qui avait eu lieu dans la ville, et pour un meurtre » (Lc. 23 ; 19). C’est en quelque sorte, la signature de
celui qui est « meurtrier dès l’origine ». Les Juifs refusent de reconnaître en Jésus leur Roi, mais reconnaissent comme leur
roi un usurpateur, un meurtrier, digne roi de ceux « qui ont pour père le diable », et qui veulent accomplir les désirs de leur
père, meurtrier dès l’origine (Jn. 8 ; 44).
parallèle à : Anté-pénultième et cinquième partie (19; 4-8) :
19 4 De nouveau, Pilate sortit dehors et leur dit : « Voyez, je vous l'amène dehors, pour que vous sachiez que je ne trouve en lui
aucun motif de condamnation »
5 Jésus sortit donc dehors, portant la couronne d'épines et le manteau de pourpre; et Pilate leur dit : « Voici l'homme ! »
6 Lorsqu'ils le virent, les grands prêtres et les gardes vociférèrent, disant : « Crucifie-le! Crucifie-le ! » Pilate leur
dit : « Prenez-le, vous, et crucifiez-le; car moi, je ne trouve pas en lui de motif de condamnation ».
7 Les Juifs lui répliquèrent : « Nous avons une Loi et d'après cette Loi il doit mourir, parce qu'il s'est fait Fils de Dieu ».
8 Lorsque Pilate entendit cette parole, il fut encore plus effrayé.
- dans la troisième partie et dans celle-ci, se trouve la même expression : « je ne trouve en lui
aucun motif de condamnation ».
- dans la troisième partie, Pilate propose de relâcher Barabbas. Ici, Pilate propose aux Juifs de prendre Jésus et de Le crucifier.
Jean est seul à relater cette présentation publique du Christ, avec le manteau de pourpre et la couronne,
et la parole de Pilate : « voici l’Homme ». Par contre, Matthieu est le seul à relater l’épisode du songe de la femme de
Pilate (Mt. 27 ; 19).
Pilate dit ici à deux reprises qu’il ne trouve en Jésus « aucun motif de condamnation ». Cette affirmation de Pilate qui
innocente le Christ, se trouve donc à trois reprises dans le texte, en les mêmes termes, ce qui est un signe de son importance.
Pilate émet cette parole immortelle : « Voici l’Homme ».
Pilate présente aux meurtriers l’Homme véritable, qui nous révèle à tous ce qu’est la nature humaine, dans sa plénitude.
C’est au nom de la Loi que les Juifs réclament la mort du Fils de l’Homme : « nous avons une Loi ».
Les Juifs dévoilent le motif véritable de leur condamnation : « Il s’est fait Fils de Dieu ».
Partie centrale (19; 1 - 3) :
19 1 Alors, Pilate prit alors Jésus et le fit flageller.
2 Les soldats, tressant une couronne avec des épines, la lui posèrent sur la tête, et ils le revêtirent d'un manteau de pourpre;
3 et ils s'avançaient vers lui et disaient : « Salut, roi des Juifs ! » Et ils lui donnaient des coups.
Quel désastre ! Nous voyons jusqu’où peut aller la bêtise, la violence et l’aveuglement humains.
Le Christ, assumant la Nature humaine en sa Personne divine, assume la totalité de l’humanité, puisque son action n’est pas
limitée à l’individualité humaine. Les épines dont Il est percé (les soldats tressèrent une couronne d’épines) sont celles-là
mêmes qu’Adam a rencontrées dans cet univers qui lui est devenu hostile, après la Récapitulation de la Chute :
Maudit soit le sol à cause de toi. À force de peines tu en tireras subsistance, tous les jours de ta vie.
Il produira pour toi épines et chardons et tu mangeras l’herbe des champs.
Gn. 3 ; 17 – 18.
Verset 19 : « à la sueur de ton visage tu mangeras ton pain » - c’est bien le visage du
Christ qui est altéré, lorsqu’Il est couronné d’épines.
Tout ceci réalise la parole du psaume 88, versets 39 à 46 :
Et pourtant, tu as rejeté, méprisé, désarçonné ton Oint. Sur Lui tu as fait lever la main de ses adversaires, tous ses ennemis, tu les as comblés d’allégresse. Tu L’as privé du secours de son glaive (texte hébreu : tu as ôté son sceptre de splendeur), tu ne L’as pas soutenu dans le combat. Tu as mis un terme à sa splendeur, renversé jusqu’à terre son Trône. Tu as abrégé la durée de ses jours, sur Lui tu as déversé la honte.
Dans l’Évangile de Jean, le Christ porte la couronne d’épines et le manteau de pourpre(19 ; 1), mentionnés également par Matthieu et Marc. La pourpre du manteau du Christ est celle de la nappe de la table d’oblation de l’Ancienne Alliance :
Sur la table d’oblation, ils étendront une étoffe de pourpre, sur laquelle ils déposeront les plats,
les coupes, les patères et les aiguières à libation ; le pain de l’oblation perpétuelle y sera aussi.
Nombres 4 ; 7.
Le Christ est à la fois le pain d’oblation et l’Autel de la Nouvelle Alliance.
La flagellation et le couronnement d’épines ne sont pas rapportés par Luc.
Matthieu précise le fait que les soldats mirent un roseau dans sa main droite et « crachant sur lui, ils prenaient le roseau
et en frappaient sa tête » (Mt. 27 ; 30), fait rapporté également par Marc (Mc. 15 ; 16 – 20). Le roseau n’est pas mentionné par Jean.
Les soldats disent l’anti-salutation : « Réjouis-toi, Roi des Juifs ! » :
- 4 -
QUATRIÈME VOLET (19; 16b - 30) : La crucifixion
19 16b Ils prirent donc Jésus.
17 Et il sortit, portant sa croix, et vint au lieu dit du Crâne - ce qui se dit en hébreu Golgotha
18 où ils le crucifièrent et avec lui deux autres : un de chaque côté et, au milieu, Jésus.
19 Pilate rédigea aussi un écriteau et le fit placer sur la croix. Il y était écrit : « Jésus le Nazôréen, le roi des Juifs ».
20 Cet écriteau, beaucoup de Juifs le lurent, car le lieu où Jésus fut mis en croix était proche de la ville, et c'était
écrit en hébreu, en latin et en grec.
21 Les grands prêtres des Juifs dirent à Pilate : « N'écris pas : "Le roi des Juifs", mais : "Cet homme a dit : Je suis
le roi des Juifs" ».
22 Pilate répondit : « Ce que j'ai écrit, je l'ai écrit ».
23 Lorsque les soldats eurent crucifié Jésus, ils prirent ses vêtements et firent quatre parts, une part pour chaque soldat,
et la tunique. Or la tunique était sans couture, tissée d'une pièce à partir du haut ;
24 ils se dirent donc entre eux : « Ne la déchirons pas, mais tirons au sort qui l'aura » : afin que l'Écriture fût accomplie : ils
se sont partagé mes habits, et mon vêtement, ils l’ont tiré au sort. Voilà ce que firent les soldats.
25 Or près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Clopas, et Marie de Magdala.
26 Jésus donc voyant sa mère et, se tenant près d'elle, le disciple qu'il aimait, dit à sa mère : « Femme, voici ton fils ».
27 Puis il dit au disciple : « Voici ta mère. » Dès cette heure-là, le disciple l'accueillit chez lui.
28 Après quoi, sachant que désormais tout était achevé, pour que l'Écriture fût parfaitement accomplie, Jésus dit : « J'ai soif ».
29 Un vase était là, rempli de vinaigre. On mit autour d'une branche d'hysope une éponge imbibée de vinaigre et on l'approcha de sa bouche.
30 Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : « C'est achevé » et, inclinant la tête, il remit l'Esprit.
Le Livre des Nombres commence par le recensement des tribus d’Israël. Le prophète Isaïe
nous dit, dans le quatrième Chant du Serviteur : « Il a été mis au nombre des les malfaiteurs, alors qu’Il supportait les
fautes des multitudes et qu’Il intercédait pour les pécheurs » (Is. 54 ; 12 cité par Mc. 15 ; 28 et Lc. 22 ; 37). Jésus fut mis
au nombre des malfaiteurs, étant crucifié au milieu de deux « autres » (Jn. 19 ; 18).
C’est dans le livre des Nombres que l’on voit le serpent d’airain hissé par Moïse sur le Bois (Nb. 21 : 9), figure prophétique
de la Croix.
Sur la Croix, Pilate apposa le « titulus » sur lequel était écrit : « Jésus le Nazôréen, le roi des Juifs ». Bien sûr, cela fait
référence au lieu de l’enfance de Jésus, Nazareth ville de Galilée. Matthieu dit en 2 ; 23 : « ainsi devait s’accomplir
l’oracle des prophètes : on L’appellera Nazaréen ».
Nazôraios selon Mt, Jn et Ac - Nazarènos selon Mc – Lc ayant les deux graphies. Curieusement, Matthieu invoque un
texte prophétique qui semble ne pas exister dans l’Ancien Testament. D’après le Livre des Juges 13 ; 5, Samson sera « Nazir de
Dieu » Nazir Theou.
L’oracle des prophètes cité par Matthieu serait-il : « on L’appellera Naziréen » ?
Dans le texte des Septante, le terme « Nazir » figure explicitement dans ce passage du Livre des Juges. Par contre, dans le
livre des Nombres, où nous trouvons la législation relative au Naziréat, (6 ; 1 – 21), le terme de « Nazir » est traduit
par euxamenos de euchè, vœu, souhait). Ainsi donc, la référence de Matthieu s’adresse davantage à la figure de Samson
dans le Livre des Juges, qu’au texte de la législation, figurant au Livre des Nombres.
Le Naziréat est un état consacré, qui consiste en trois choses : l’abstention du fruit de la vigne, que ce soit du raison ou
du vin ; l’abstention de toute coupe de cheveux ; l’abstention de tout contact avec un mort. La fin de la période de Naziréat
est marquée par un sacrifice et des offrandes, y compris celle de la chevelure. Le Naziréat pouvait être un état de vie, et
Jean Baptiste était visiblement Nazir. L’Ange dit à Zacharie : « il ne boira ni vin ni boisson enivrante » (Lc. 1 ; 15).
On peut imaginer que Jésus, vivant dans un premier temps dans un milieu proche du Baptiste, ait adopté le mode de vie naziréen.
Pourtant, il ne s’est pas abstenu du « fruit de la vigne » : n’aurait-Il pas bu de ce vin qu’il a offert aux époux de Cana ?
Et Il a utilisé le vin dans la Cène. - Nous ne savons rien sur la coupe de cheveux du Christ…
Au lieu d’imaginer que le Christ eût pu être Nazir, ce qui suscite d’importantes difficultés, le sens de l’allusion prophétique
de Matthieu trouve davantage son sens dans la figure de Samson. La chevelure de Samson lui donne sa force (Jg. 16 ; 17).
Trahi par Dalila, il devient captif des Philistins. Ayant recouvré sa force du fait que sa chevelure avait repoussé, il fit
s’écrouler le temple de Dagôn sur les princes et le peuple idolâtres (Jg. 16 ; 22 – 31). Le sommeil de Samson puis son triomphe
sont une figure typologique de la mort et de la résurrection du Christ. L’apparent sommeil du Christ pendant les trois jours au
tombeau est redoutable, comme l’est celui de Samson, qui se réveillera pour vaincre les adorateurs des idoles. Le sommeil du
Christ au tombeau n’est qu’une apparente impuissante. Pendant que son Corps repose dans le Sépulcre, Il est en train d’annoncer
la victoire sur la mort aux captifs de l’Hadès. Comme dit le psaume 77 : « le Seigneur s’éveilla comme un dormeur, comme un guerrier
terrassé par le vin. Il frappa ses ennemis à revers, de honte pour toujours Il les couvrit » (v. 65 - 66). Le Seigneur s’éveilla
pour la Résurrection ; Il vainquit la Mort ainsi que le Royaume des ténèbres.
Ainsi donc, on peut dire que le "titulus" apposé par Pilate fait explicitement référence au lieu de l’enfance du Christ, mais
se réfère aussi implicitement à la figure du Naziréen Samson, vainqueur des idolâtres. Et la législation du Naziréat se trouve
dans le Livre des Nombres.
Ce texte présente trois scènes :
- Pilate qui appose le « titulus » sur la Croix du Christ ;
- les soldats qui se partagent les vêtements ;
- la mère du Christ est confiée au disciple que Jésus aimait - et l’expiration du Sauveur.
Première partie (19; 16b - 22) :
19 16b Ils prirent donc Jésus.
17 Et il sortit, portant sa croix, et vint au lieu dit du Crâne - ce qui se dit en hébreu Golgotha
18 où ils le crucifièrent et avec lui deux autres : un de chaque côté et, au milieu, Jésus.
19 Pilate rédigea aussi un écriteau et le fit placer sur la croix. Il y était écrit : « Jésus le Nazôréen, le roi des Juifs ».
20 Cet écriteau, beaucoup de Juifs le lurent, car le lieu où Jésus fut mis en croix était proche de la ville, et c'était
écrit en hébreu, en latin et en grec.
21 Les grands prêtres des Juifs dirent à Pilate : « N'écris pas : "Le roi des Juifs", mais : "Cet homme a dit : Je suis
le roi des Juifs" ».
22 Pilate répondit : « Ce que j'ai écrit, je l'ai écrit ».
Voici le comble du paradoxe : c’est Pilate qui affiche la Royauté du Messie, qui est refusée
par le peuple qu’elle concerne.
Le peuple juif a refusé de reconnaître la royauté de son Messie, lui préférant un meurtrier - les Gentils acceptèrent
de reconnaître le Christ comme Roi des siècles.
Maintenant se réalise la parole du Christ : « Voici venue l’heure où le Fils de l’Homme doit être glorifié » (Jn. 12 ; 23).
C’est en tant que Roi qu’Il est glorifié - et ce fait est confirmé par le Père : « Je L’ai glorifié et Je Le glorifierai
à nouveau » (Jn. 12 ; 28).
parallèle à : Dernière partie (19; 25-30) :
19 25 Or près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Clopas, et Marie de Magdala.
26 Jésus donc voyant sa mère et, se tenant près d'elle, le disciple qu'il aimait, dit à sa mère : « Femme, voici ton fils ».
27 Puis il dit au disciple : « Voici ta mère. » Dès cette heure-là, le disciple l'accueillit chez lui.
28 Après quoi, sachant que désormais tout était achevé, pour que l'Écriture fût parfaitement accomplie, Jésus dit : «J'ai soif».
29 Un vase était là, rempli de vinaigre. On mit autour d'une branche d'hysope une éponge imbibée de vinaigre et on l'approcha de
sa bouche.
30 Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : « C'est achevé » et, inclinant la tête, il remit l'Esprit.
- Dans la première partie, Jésus est crucifié au milieu de « deux autres ».
- Dans la dernière partie, le Christ est crucifié auprès des trois Marie et du disciple qu’il aimait.
- Dans la première partie, Pilate désigne Jésus comme étant « le Roi des Juifs ».
- Dans la dernière partie, Jésus désigne le disciple qu’Il aime comme le fils de sa mère, et sa mère, comme celle du disciple
qu’Il aime.
-Dans la première partie, Pilate dit « ce que j’ai écrit, je l’ai écrit ».
-Dans le dernière partie, le Christ dit « c’est accompli ».
Jésus confie sa mère à Jean. Ce passage ne se trouve que dans l’Evangile de Jean. Si Jésus avait eu des frères engendrés par Marie,
et non pas des demi-frères issus d’un premier mariage de Joseph, Il n’aurait pas dû faire cette démarche : ipso facto, c’est
à l’aîné des frères survivants qu’aurait échu la responsabilité de la prise en charge de Marie.
De nombreux exégètes étrangers à l’Orthodoxie sont saisis du désir irrépressible d’attribuer à Jésus des frères selon la chair,
et même une épouse et des enfants, déformant ainsi les textes sacrés selon leurs desseins hérétiques. Tout cela trouve ses
racines dans l’Arianisme le plus extrême : selon cette opinion, Jésus serait totalement investi dans l’humain, sans nulle trace
de Divinité. Or l’Eglise, en accord avec le saint Évangile, a toujours maintenu et affirmé que, en Christ, réside la plénitude de
l’humanité et de la Divinité. Le Christ a une Mère mais pas de père selon la chair ; il a un Père mais pas de mère selon la Divinité.
En cela, un parfait équilibre est maintenu.
Profitons-en pour établir la distinction entre « les trois Jacques » :
- « Jacques le Mineur », fils d'Alphée, premier évêque de Jérusalem ;
- « Jacques le Majeur », fils de Zébédée, frère de Jean, martyrisé par Hérode Agrippa 1er, comme il est rapporté dans les Actes (12 ; 2);
- « Jacques ». Il n'est pas Apôtre. Il est issu d'un premier mariage de Joseph. Il est frère de Joset, Jude et Simon (Marc 6; 3).
Il est « demi-frère » de Jésus.
La soif du Christ se trouve prédite dans le psaume 68 :
« Pour nourriture ils m’ont donné du fiel, dans ma soif ils m’abreuvaient de vinaigre » (Ps. 68 ; 22).
Après tout cela, le Christ peut dire « tout est accompli »
Il inclina la tête et rendit l’Esprit.
Il ne s’agit pas seulement du souffle de son corps ; Il rend au Père l’Esprit qui L’a oint tout au long de sa mission sur terre.
Partie centrale (19 ; 23 – 24) :
19 23 Lorsque les soldats eurent crucifié Jésus, ils prirent ses vêtements et firent quatre parts, une part pour chaque soldat,
et la tunique. Or la tunique était sans couture, tissée d'une pièce à partir du haut ;
24 ils se dirent donc entre eux : « Ne la déchirons pas, mais tirons au sort qui l'aura » : afin que l'Écriture fût accomplie : ils
se sont partagé mes habits, et mon vêtement, ils l’ont tiré au sort. Voilà ce que firent les soldats.
Les exégètes trouvent à redire quant à la présence des soldats romains. Selon eux, il s’agit d’une addition,
puisque selon eux, ce sont les Juifs qui ont crucifié Jésus, tel qu’il apparaît dans le texte : « les grands-prêtres
répondirent (à Pilate) : nous n’avons d’autre roi que César ! Alors, il le leur livra pour être crucifié. Ils prirent
donc Jésus… » (Jn. 19 ; 18 – 19). Il s’agit en fait d’un raccourci du texte – la juridiction juive laissant place à la
juridiction romaine lorsqu’il s’agit d’une exécution capitale : Pilate affirme lui-même qu’il a le pouvoir de faire
crucifier Jésus (19 ; 10), pouvoir que les occupants romains ne concédaient pas aux autorités juives.
La scène des soldats qui se partagent la vêtement du Christ fait référence au psaume 21, versets 18 et 19 : « Ils ont percé
mes mains et mes pieds, ils ont compté tous mes os. Ils m’observent et me regardent ; ils se sont partagé mes vêtements,
ma tunique, ils l’ont tirée au sort ».
Le psaume se termine par cette affirmation : « Tous les confins de la terre, se souvenant, reviendront vers le Seigneur ;
devant Lui se prosterneront toutes les familles des nations. Car au Seigneur appartient la royauté, à Lui l’Empire sur
les nations. Devant Lui se prosterneront tous les puissants de la terre, devant Lui se courberont ceux qui descendent à
la poussière » (versets 28 – 30).
La prophétie de ce psaume voit la passion au-travers de la Résurrection. C’est bien pourquoi L’Évangéliste Jean cite-t-il ce
verset psalmique, alors qu’il ne cite pas le « chant du Serviteur », au chapitre 53 d’Isaïe, alors qu’il s’agit là d’une prophétie
tout-à-fait explicite de la Passion. Mais dans ce chapitre d’Isaïe, il s’agit d’une prophétie de la Passion où ne
figure pratiquement pas d’anticipation de la Résurrection.
La tunique du Christ évoque bien sûr, celle de Joseph, fils de Jacob : « Israël (Jacob) aimait Joseph plus que tous ses
autres enfants, car il était le fils de sa vieillesse, et lui fit faire une tunique à longues manches » (Gn. 37 ; 3).
Les frères de Joseph, mus par la jalousie, précipitèrent Joseph dans une citerne. C’est un sort que partagera le prophète
Jérémie (Jér. 38; 6). Le prophète dit à ce propos :
Mon peuple a échangé sa gloire contre l’impuissance !
Cieux, soyez-en étonnés, stupéfaits, pris d’une énorme épouvante,
oracle du Seigneur.
Car c’est un double méfait que mon peuple a commis :
ils m’ont abandonné, moi, la Source d’Eau vive,
pour se creuser des citernes,
citernes lézardées qui ne tiennent pas l’eau.
- Jérémie, chapitre 2, versets 12 et 13 -
Le Christ est la Source d’Eau vive, Celui qui dit dans le Temple « si quelqu’un a soif, qu’il vienne
à Moi et qu’il boive, celui qui croit en Moi » (Jn. 7 ; 37 – 38).
Les frères de Joseph présentèrent à leur père Jacob la tunique ensanglantée de son fils, pour faire croire à Jacob que Joseph
avait été dévoré par une bête sauvage (Gen. 37 ; 31 – 35). En fait, ils avaient égorgé un bouc, et fait tremper la tunique dans
le sang de cet animal. Joseph – vendu par ses frères, mais qui leur pardonne et sauve le peuple élu de la famine en Egypte
- est une figure du Christ miséricordieux et Ami des hommes, dans l’Ancien Testament. C’est bien cette tunique ensanglantée
du fils bien-aimé, que se partagent les soldats. Cette fois-ci, elle est teinté du sang du Fils de l’Homme, qui prend Lui-même
le rôle de « bouc émissaire » pour les péchés de l’humanité.
Le Christ suscite la question du Prophète Isaïe :
Quel est-il donc Celui qui arrive d’Edom,
de Botcra, en habits tachés de pourpre ?
(…) Pourquoi te drapes-tu de rouge
et te vêts-tu comme un fouleur au pressoir ?
À la cuve, j’ai foulé solitaire.
Des gens de mon peuple, nul n’était avec moi.
Isaïe, 63 ; 1 – 6
- 5 -
CINQUIÈME VOLET (19; 31-42) : La descente de croix et l'ensevelissement de Jésus
le témoignage de l'Évangéliste Jean
19 31 Comme c'était la Préparation, les Juifs, pour éviter que les corps restent sur la croix
durant le sabbat - car ce sabbat était un grand jour -, demandèrent à Pilate qu'on leur brisât les jambes et qu'on les enlevât.
32 Les soldats vinrent donc et brisèrent les jambes du premier, puis de l'autre qui avait été crucifié avec Lui.
33 Venus à Jésus, quand ils virent qu'Il était déjà mort, ils ne Lui brisèrent pas les jambes,
34 mais l'un des soldats, de sa lance, lui perça le côté, et il sortit aussitôt du sang et de l'eau.
35 Celui qui a vu rend témoignage - son témoignage est véritable, et celui-là sait qu'il dit vrai - pour que vous aussi, vous croyiez.
36 Car cela est arrivé afin que l'Écriture fût accomplie : pas un os ne Lui sera brisé.
37 Et une autre Écriture dit encore : Ils regarderont celui qu'ils ont transpercé.
38 Après ces événements, Joseph d'Arimathie, qui était disciple de Jésus, mais en secret par peur des Juifs, demanda à Pilate de
pouvoir enlever le corps de Jésus. Pilate le permit. Ils vinrent donc et enlevèrent son corps.
39 Nicodème - celui qui précédemment était venu, de nuit, trouver Jésus - vint aussi, apportant un mélange de myrrhe et
d'aloès, d'environ cent livres.
40 Ils prirent donc le corps de Jésus et le lièrent de linges, avec les aromates, selon le mode de sépulture en usage chez les Juifs.
41 Or il y avait un jardin, au lieu où il avait été crucifié, et, dans ce jardin, un tombeau neuf, dans lequel personne n'avait
encore été mis.
42 À cause de la Préparation des Juifs, comme le tombeau était proche, c'est là qu'ils déposèrent Jésus.
Le livre du Deutéronome « deuxième Loi », se termine par la mort de Moïse, sur le Mont Nebo,
en terre de Moab – en-dehors de la Terre promise (Dt. 34 ; 1 – 12). Il put apercevoir la Terre promise, mais n’y accéda pas.
- C’est le Christ sur la Croix qui conduisit le Bon Larron au Royaume, où il accéda le premier, avant même Moïse, mais après
Enoch (qui « marcha avec Dieu, puis il disparut, car Dieu l’enleva » Gn. 5 ; 24) et Élie, enlevé sur un char de feu (2 Rois 2 ; 11 – 13).
Dans le livre du Deutéronome, il est prescrit que quand le peuple traversera le Jourdain pour se rendre en Terre promise,
il devra dresser de grandes pierres enduites de chaux, et y écrire toutes les paroles de la Loi (Dt. 27 ; 2).
- Le Christ sur la Croix est Lui-même la Nouvelle Loi, écrite non plus sur des pierres, mais dans des cœurs de chair.
Cette Loi est insuffisante : elle s’arrête – en la personne de Moïse - en-deçà de la limite de la Terre Promise : la Loi est incapable
de vaincre la Mort. Elle ne permet pas d’entrer dans la Terre où règne la Vie. Tout ce qu’elle fait, c’est de faire prendre conscience
à l’être humain de son péché, car l’homme est incapable d’observer intégralement la Loi, comme l’explique saint Paul :
« la Loi est intervenue pour que se multipliât la faute » (Rom. 5 ; 20).
Le Christ accomplit en plénitude ce que Moïse n’avait fait qu’en figure, et partiellement : conduire son peuple dans la
dimension où règne la plénitude de la Vie, immédiatement communiquée par Dieu. Le Christ pénètre à l’intérieur de la Terre Promise,
et nous fait membres de son Royaume qui « n’est pas de ce monde ».
C'est donc le Livre du Deutéronome qui apparaît en
filigrane, au-travers de ce cinquième volet.
Première partie (19; 31):
19 31 Comme c'était la Préparation, les Juifs, pour éviter que les corps restent sur la croix durant le sabbat - car ce sabbat était un grand jour -, demandèrent à Pilate qu'on leur brisât les jambes et qu'on les enlevât.
Ce Sabbat était un grand jour : celui de la Préparation.
Les Juifs demandent à Pilate que l’on brise les jambes des suppliciés, et qu’il enlève les corps.
parallèle à : Dernière partie (19; 38-42) :
19 38 Après ces événements, Joseph d'Arimathie, qui était disciple de Jésus, mais en secret par peur des Juifs, demanda à Pilate de
pouvoir enlever le corps de Jésus. Pilate le permit. Ils vinrent donc et enlevèrent son corps.
39 Nicodème - celui qui précédemment était venu, de nuit, trouver Jésus - vint aussi, apportant un mélange de myrrhe et
d'aloès, d'environ cent livres.
40 Ils prirent donc le corps de Jésus et le lièrent de linges, avec les aromates, selon le mode de sépulture en usage chez les Juifs.
41 Or il y avait un jardin, au lieu où il avait été crucifié, et, dans ce jardin, un tombeau neuf, dans lequel personne n'avait
encore été mis.
42 À cause de la Préparation des Juifs, comme le tombeau était proche, c'est là qu'ils déposèrent Jésus.
Joseph d’Arimathie demande à Pilate d’enlever le corps de Jésus : « ils vinrent et enlevèrent son corps ».
Dans cette partie ainsi que dans la première, le verbe enlever paraît trois fois.
L’indication de temps se retrouve : la « Préparation des Juifs ».
Deuxième partie (1 ; 32 – 34) :
19 32 Les soldats vinrent donc et brisèrent les jambes du premier, puis de l'autre qui avait été crucifié avec Lui.
33 Venus à Jésus, quand ils virent qu'Il était déjà mort, ils ne Lui brisèrent pas les jambes,
34 mais l'un des soldats, de sa lance, lui perça le côté, et il sortit aussitôt du sang et de l'eau.
Le psaume 33 nous dit : « Nombreuses sont les tribulations des justes, mais le Seigneur les délivre
de tout mal. Le Seigneur garde tous leurs os, pas un ne sera brisé » (verset 20 – 21).
Jésus est Le Juste par excellence ; Il assume tous les tourments infligés aux Justes au cours de l’Histoire.
Jésus est Lui-même l’Agneau de Pâques, dont il est dit au livre de l’Exode : « vous ne romprez aucun os de la victime »
(12 ; 46 // Nb. 9 ; 12).
Jésus est le Nouvel Adam, du côté duquel sort Eve, dont le nom veut étymologiquement dire la Vie (de Hb. Havvah vivante ).
Cette Vie se manifeste sous forme de l’Eau du Baptême et du Sang de l’Eucharistie.
parallèle à : Avant-dernière partie (19; 36-37) :
19 36 Car cela est arrivé afin que l'Écriture fût accomplie : pas un os ne Lui sera brisé.
37 Et une autre Écriture dit encore : Ils regarderont celui qu'ils ont transpercé.
Ces deux versets reprennent exactement les thèmes abordés dans la deuxième partie :
comme Agneau pascal, les os de Jésus sont respectés ; la prophétie de Zacharie (12 ; 10) est rappelée.
Or, si nous regardons quelques versets plus loin dans le texte de Zacharie, nous lisons :
En ce jour-là, il y aura une Source ouverte
à la maison de David et aux habitants de Jérusalem,
pour le péché et l’impureté
- Za. 13 ; 1 -
Du côté du Seigneur, jaillit le sang pour effacer les péchés, et l'eau pour purifier les impuretés.
Et plus loin :
En ce jour-là, des eaux vives sortiront de Jérusalem.
(…) Le Seigneur sera Roi sur toute la terre.
En ce jour, le Seigneur sera UN et son Nom UN
Za. 14 ; 8 – 9 Texte de la LXX.
Cette prophétie sera réalisée dans la Jérusalem céleste, telle que décrite dans l'Apocalypse.
Partie centrale (19 ; 35) : le témoignage de l'Évangéliste Jean
19 35 Celui qui a vu rend témoignage - son témoignage est véritable, et celui-là sait qu'il dit vrai - pour que vous aussi, vous croyiez.
Jean témoigne, car il est témoin oculaire ;
Jean témoigne, parce qu’il a la conviction intime, absolue et profonde qu’il dit vrai ;
Jean témoigne, afin que nous croyions.
Le texte que nous venons d’étudier (18 ; 1 – 19 ; 42), se présente comme un polyptyque, avec cinq volets ou panneaux :
PREMIER VOLET :
(18 ; 1 – 12)
L'arrestation du Christ et la trahison de Judas
JE SUIS, au jardin des Oliviers
DEUXIÈME VOLET :
(18 ; 13-27)
La comparution du Christ devant le Grand-Prêtre, et la proclamation de la Messianité
L'Anti-Nom, pour le peuple qui trahit
TROISIÈME VOLET :
(18 ; 28 – 19 ; 16a)
La comparution devant Pilate
Les Juifs n'ont d'autre roi que César
QUATRIEME VOLET :
(19 ; 16b – 30)
Le Sacrifice ultime
La remise de l'Esprit
CINQUIÈME VOLET :
(19 ; 31 – 42)
La descente de Croix et l'ensevelissement
Le témoignage de l'Évangéliste Jean
Voici les parallèles qui existent entre les cinq parties du Récit de la Passion :
Premier volet : le jardin des Oliviers (18 ; 1 – 12)
- De l’autre côté du Cédron, il y avait là un jardin (v. 1)
- C’est la nuit : les gardes viennent avec des lanternes.
- Les gardes se saisirent de Jésus et Le lièrent.
Parallèle à :
Cinquième volet : la témoignage de Jean (19 ; 31 – 42)
- Il y avait un jardin, au lieu où Il avait été crucifié (v. 41)
- Nicodème vient aussi, lui qui était venu trouver Jésus de nuit.
- Joseph d’Arimathie et Nicodème lièrent le corps de Jésus avec des bandelettes.
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Parallèle à :
Quatrième volet : l’ultime Sacrifice (19 ; 16b – 30)
- Conformément à la prophétie de Caïphe, un seul homme (dans le sens de l’Homme par excellence) meurt pour le peuple,
c’est-à-dire pour l’humanité tout entière.
- Jésus fait entrer Marie dans la vie de son disciple bien-aimé.
- C’est devant tous que le Christ rend l’Esprit. Comme nous l’avons vu, la scène des soldats qui se partagent la vêtement du
Christ fait référence au psaume 21. Or au verset 18, nous lisons : « Ils m’observent et me regardent ; ils se sont partagé mes
vêtements, ma tunique, ils l’ont tirée au sort ».
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Volet central (troisième) : la comparution devant Caïphe et Pilate (18 ; 28 – 19 ; 16a)
Comme nous l’avons vu, ce volet est divisé en sept parties, correspondant aux entrées et sorties qui rythment
le récit.
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Première partie (18 ; 28 – 32) : Les Juifs refusent d’entrer au Prétoire, pour ne pas se souiller.
Parallèle à :
Septième partie (19 ; 12 – 16) :
Les Juifs contractent la souillure par excellence, en ne reconnaissant d’autre roi qu’un idolâtre.
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Deuxième partie (18 ; 33 – 38a) :
Le Royaume du Christ n’est pas d’ici, de ce monde.
Parallèle à :
Sixième partie (19 ; 9 – 11) :
Le pouvoir de Pilate lui est donné d’En-Haut.
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Troisième partie (18 ; 38b – 39) :
Parallèle à :
Cinquième partie (19 ; 4 – 8) :
Dans ces deux parties, se trouve à trois reprises l’affirmation de Pilate, qui ne trouve aucun motif de condamnation pour
le Christ.
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Quatrième partie ( partie centrale) (19 ; 1 – 3) :
les soldats donnent à Jésus les attributs de la royauté, et le saluent
en Lui donnant son titre de « Roi des Juifs ».
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Tout converge vers l’attribution à Jésus, du titre de Roi. Les Juifs refusent de lui attribuer ce titre, et préfèrent
reconnaître César comme Roi. C’est Pilate, un non-Juif, qui affiche le titre « Roi des Juifs ».
Jésus affirme que sa royauté est bien réelle, tout en n’étant pas de ce monde. Le Christ est souverain du Royaume, cette nouvelle
dimension qu’il avait inaugurée en son Baptême au Jourdain, et qui ne va cesser de croître, comme la petite graine initiale qui
deviendra un grand arbre.
Le Christ est revêtu de la pourpre de sa Passion, et on lui met dans la main le sceptre de sa puissance.
Le Salut consiste en le fait de s’agréger en ce Royaume, participant ainsi à la puissance du Christ : « l’Ancien rendit jugement
en faveur des Saints du Très-Haut, et le temps vint, et les Saints possédèrent le Royaume » (Dn. 7 ; 22).
Tout ceci nous permet de saisir la remarquable cohérence qui imprègne ce long texte, d'une importance
fondamentale.
L'objectif tracé initialement a-t-il été atteint ? ?
Nous avons découvert que le texte du Récit de la Passion se partage en cinq volets distincts, tout comme c'était le cas pour le
texte précédemment analysé. Nous avons vu que chacun de ces volets se rattache subtilement à l'un des livres de la Loi mosaïque.
Le texte dogmatique que nous avions analysé auparavant - et qui commençait par le « récit du lavement des pieds », se terminant
au seuil du Récit de la Passion - constitue une « Torah théologique », montrant la signification spirituelle du Christianisme
tout entier, ainsi que le processus de l'établissement de la Vie divine en l'être humain. Le texte que nous avons scruté dans
cette Étude est, quant à lui, une « Torah pratique », en cinq livres. Cette « Loi de la Nouvelle Alliance » se décline dans
les événements de la Passion de Jésus. Auparavant, elle était théologique ; maintenant, elle est événementielle.
Nous avons écouté les trois Noms divins donnés solennellement dans le Jardin des Oliviers ; nous avons également l'«Anti-Nom»
donné par Pierre, dans la cour du palais d'Anne. Là se termine le cheminement de Nom divin en Nom divin, que nous avons
parcouru au long de l'Évangile, au départ du pôle central du texte johannique.
Finalement, l'ensemble de ce terrible épisode de la Passion du Christ se termine par l'attribution plénière à Jésus du
titre de Roi de l'humanité ainsi que du Cosmos tout entier.
Cette Étude nous permet d'ajouter une cellule au bas à droite, dans notre tableau récapitulatif :
- 1 - Le Prologue : Chapitre 1, versets 1 à 18. (Péricope 1) Étude 23 |
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- 2 - Le pôle central de l’Évangile de Jean : La traversée de la mer : chapitre 6, versets 16 à 21. JE SUIS. Ne craignez pas. (Péricope 12) Étude 24 |
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- 3 - Et sur l’autre versant : le Parallèle qui est la Péricope de la multiplication des pains : chapitre 6, versets 1 à 15. (Péricope 11) Étude 25 |
- 3 - Sur un versant de l’Évangile, nous avons la Révélation du Nom divin : JE SUIS le Pain de Vie : chapitre 6, versets 22 à 51. (Péricope 13) Étude 25 |
- 4 - Sur l’autre versant, nous avons le récit de la guérison du paralytique de Béthesda, chapitre 5 ; versets 1 à 18 (« ne pèche plus »). Le récit lui-même est suivi d’un premier texte doctrinal précisant les relations entre le Père et le Fils : chapitre 5, versets 19 à 30, et d’un deuxième texte doctrinal qui nous parle du témoignage en faveur du Fils : celui des « œuvres », témoignage qui est plus grand que celui de Jean-Baptiste : chapitre 5, versets 31 à 47. (Péricope 10) Étude 26 |
- 4 - Sur un versant de l’Évangile, nous avons la Révélation du Nom divin : JE SUIS la Lumière du monde du chapitre 7 ; 1 au chapitre 8 verset 59. Jésus à la Fête des Tabernacles : Discours sur l'Eau vive. Inclusion de la « Femme adultère » Chapitre 8, versets 1 à 11. (Péricope 14) Étude 26 |
- 5 - Sur l’autre versant, nous avons le récit de la guérison du fils du fonctionnaire royal, chapitre 4 ; versets 46 à 54. Il s'agit du reflet inversé du récit de la guérison de l'aveugle-né. (Péricope 9) Étude 27 |
- 5 - Sur un versant de l'Évangile (9; 1 - 10; 21), nous avons la Révélation des Noms divins : JE SUIS la Porte / le bon Berger. Guérison de l'aveugle-né : chapitre 9, 1 - 38. Le récit lui-même est suivi d'un TEXTE DOCTRINAL où se trouve l'intitulé des Noms divins : chapitre 9 ; 39 à 10 ; 21. Ce texte montre l'exclusivité de la Voie présentée par le Christ. (Péricope 15) Étude 27 |
- 6 - Sur l’autre versant, nous avons l'accueil des Samaritains. (Péricope 8) Étude 28 |
- 6 - Sur un versant de l'Évangile (10; 22 - 39), nous avons le Discours de la Dédicace : Révélation de la consubstantialité Père / Fils : Moi et mon Père, nous sommes UN. Divorce entre le peuple d'Israël et le Messie. (Péricope 16) Étude 28 |
- 7 - Sur l’autre versant, nous avons le récit de la rencontre avec la Samaritaine. (4; 4 - 38) (Péricope 7) Étude 29 |
- 7 - Sur un versant de l'Évangile (10; 40, 12; 11), nous avons l'Onction à Béthanie : 12; 1-8 Judas proteste. Prophétie involontaire de Caïphe. Inclusion de la Résurrection de Lazare 11; 1 - 44 JE SUIS la Résurrection et la Vie.. La nouvelle Annonciation ; Confession de Foi de Marthe. (Péricope 17) Étude 29 |
- 8 - Sur l’autre versant (3; 22 - 4; 3) : la joie de l'Ami de l'Époux. Second témoignage de Jean-Baptiste (Péricope 6) Étude 31 |
- 8 - Sur un versant de l'Évangile (12; 12 - 50) : Je L'ai glorifié, et Je Le glorifierai à nouveau. Entrée à Jérusalem. Jugement du monde. Incrédulité des Juifs. (Péricope 18) Étude 31 |
- 9 - Sur l’autre versant (3; 1 - 21) : l'entretien avec Nicodème. (Péricope 5) Étude 32 |
- 9 - Sur un versant de l'Évangile, nous avons un polyptique, avec cinq volets ou panneaux : (13; 1 - 17; 26) : PREMIER VOLET : (13 ; 1 – 30) Récit du lavement des pieds Je vous le dis, avant que cela n’arrive, afin que vous croyez quand cela arrivera que JE SUIS (13 ; 19) DEUXIÈME VOLET : (13 ; 31 – 14 ; 31) Le Nouveau Commandement et l’annonce de l’envoi du Paraclet Là où JE SUIS, vous aussi, vous serez. JE SUIS la Voie et la Vérité et la Vie TROISIÈME VOLET : (15 ; 1 – 25) La Vigne véritable JE SUIS la Vigne véritable, et mon Père est le Vigneron. QUATRIEME VOLET : (15 ; 26 – 16 ; 33) Le départ du Christ et l’envoi du Paraclet Le Christ enverra le Paraclet, l'Esprit qui procède du Père; la tristesse se changera en joie, que nul ne pourra ravir CINQUIÈME VOLET : (17 ; 1 – 26) La prière de Jésus au Père, pour les Disciples L'Heure est venue, de la glorification du Fils; le Christ nous a révélé le Nom du Père. (Péricope 19) Étude 33 |
- 10 - Sur l’autre versant (2; 13 - 25) : Jésus chasse les marchands du Temple. (Péricope 4) Étude 35 |
- 10 - Sur un versant de l'Évangile, nous avons un polyptique, avec cinq volets ou panneaux : PREMIER VOLET : (18 ; 1 – 12) JE SUIS au Jardin des Oliviers La trahison de Judas DEUXIÈME VOLET : (18 ; 13 – 27) L'Anti-Nom pour le peuple qui trahit La comparution devant le Grand-Prêtre La messianité de Jésus TROISIÈME VOLET : (18 ; 28 – 19 ; 16a La comparution devant Pilate QUATRIEME VOLET : (19 ; 16b – 30) Le sacrifice ultime La remise de l'Esprit CINQUIÈME VOLET : (19 ; 31 – 42) La descente de Croix Témoignage de Jean l'Évangéliste. (Péricope 20) Étude 34 |