Orthodoxie en Abitibi

Évangile de Jean : Les apparitions du Christ ressuscité aux Disciples

Étude XXXVIII : Évangile de Jean : Les apparitions du Christ ressuscité aux Disciples

- P. Georges Leroy -

Cliquer ci-dessous, pour vous retrouver aux points correspondants du texte :

Le Don de l'Esprit-Saint aux Disciples
La destinée de Pierre et Jean
L'attouchement de Thomas
La pêche miraculeuse
Le nombre 153
La conclusion de l'Évangile
La synthèse des apparitions du Christ ressuscité

Quels sont les objectifs que nous nous proposons d'atteindre ?

Nous abordons maintenant la fin du texte de l'Évangile de Jean. La première partie du texte qui se présente à nos yeux est ce qu'il est convenu d'appeler « la Pentecôte johannique ». C'est l'épisode où Jésus donne l'Esprit en soufflant sur ses disciples. Nous nous interrogerons sur la signification de ce « souffle » octroyé par Jésus et sur la raison pour laquelle il existe deux « Dons de l'Esprit » : la Pentecôte telle qu'elle est décrite au deuxième chapitre du Livre des Actes des Apôtres, et l'épisode du Christ soufflant sur ses apôtres, texte que nous trouvons dans l'Évangile de Jean. Nous avons ensuite l'épisode bien connu de l'attouchement de Thomas. Nous nous interrogerons sur la nature du changement d'esprit qui affecta Thomas, au toucher du côté du Christ. Ensuite, nous assistons à l'apparition du Christ au bord de la mer de Tibériade, et à cette pêche remarquable que les apôtres firent à cette occasion. Nous nous interrogerons sur la signification du nombre des poissons qui se sont retrouvés dans le filet apostolique. Enfin, nous nous pencherons sur les paroles relativement mystérieuses que le Christ adressa à ses disciples Pierre et Jean. Cela nous entraînera à traiter inévitablement de la question de la primauté de Pierre. La parole que le Christ adresse à Jean nous permettra d'approfondir le processus de la vie spirituelle. Enfin, nous conclurons ce chapitre en voyant comment l'évangéliste Jean nous présente les diverses apparitions du Christ ressuscité.


LES APPARITIONS DU CHRIST RESSUSCITÉ AUX DISCIPLES (20 ; 19 - 21 ; 25)

Voici le texte :

20 19 Le soir, ce même jour, le premier de la semaine, et les portes étant closes, là où se trouvaient les disciples, par peur des Juifs, Jésus vint et se tint au milieu et Il leur dit : « Paix à vous ! »
20 Ayant dit cela, Il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie à la vue du Seigneur.
21 Il leur dit alors, de nouveau : « Paix à vous ! » Comme le Père m'a envoyé, Moi aussi Je vous envoie ».
22 Ayant dit cela, Il souffla sur eux et leur dit : « Recevez l'Esprit Saint.
23 Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus ». 24 Or Thomas, l'un des Douze, appelé Didyme, n'était pas avec eux, lorsque vint Jésus.
25 Les autres disciples lui dirent donc : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur dit : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, et si je ne mets pas ma main dans son côté, je ne croirai pas ».
26 Huit jours après, ses disciples étaient de nouveau à l'intérieur et Thomas avec eux. Jésus vient, les portes étant closes, et Il se tint au milieu et dit : « Paix à vous ».
27 Puis Il dit à Thomas : « Porte ton doigt ici : voici mes mains; avance ta main et mets-la dans mon côté, et ne deviens pas incrédule, mais croyant ».
28 Thomas lui répondit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »
29 Jésus lui dit : « Parce que tu me vois, tu crois. Heureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru ». 30 Jésus a accompli en présence des disciples encore bien d’autres signes, qui ne sont pas relatés dans ce livre.
31 Ceux-là l’ont été pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la Vie en son Nom.
21 1 Après cela, Jésus se montra de nouveau aux Disciples sur le bord de la mer de Tibériade. Il se manifesta ainsi.
2 Simon-Pierre, Thomas, appelé Didyme, Nathanaël, de Cana en Galilée, les fils de Zébédée et deux autres de ses disciples se trouvaient ensemble.
3 Simon-Pierre leur dit : « Je m'en vais pêcher. » Ils lui dirent : « Nous venons, nous aussi, avec toi. » Ils sortirent, montèrent dans le bateau et, cette nuit-là, ils ne prirent rien.
4 Or, le matin déjà venu, Jésus se tint sur le rivage ; pourtant les disciples ne savaient pas que c'était Jésus.
5 Jésus leur dit : « Les enfants, vous n'avez pas du poisson ? » Ils lui répondirent : « Non ! »
6 Il leur dit : « Jetez le filet à droite du bateau et vous trouverez », Ils le jetèrent donc et ils n'avaient plus la force de le tirer, tant il était plein de poissons.
7 Le disciple que Jésus aimait dit alors à Pierre : « C'est le Seigneur! » À ces mots : « C'est le Seigneur! » Simon-Pierre mit son vêtement - car il était nu - et il se jeta à l'eau.
8 Les autres disciples, qui n'étaient pas loin de la terre, mais à environ deux cents coudées, vinrent avec la barque, traînant le filet de poissons.
9 Une fois descendus à terre, ils aperçoivent, disposé là, un feu de braise, avec du poisson dessus, et du pain.
10 Jésus leur dit : « Apportez de ces poissons que vous venez de prendre ».
11 Alors Simon-Pierre monta dans le bateau et tira à terre le filet, plein de gros poissons : cent cinquante trois; et quoiqu'il y en eût tant, le filet ne se déchira pas.
12 Jésus leur dit : «Venez déjeuner. » Aucun des disciples n'osait lui demander : « Qui es-tu ? », sachant que c'était le Seigneur.
13 Jésus vient, il prend le pain et il le leur donne; et de même le poisson.
14 Ce fut là la troisième fois que Jésus se manifesta aux disciples, une fois ressuscité d'entre les morts. 15 Quand ils eurent déjeuné, Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m'aimes-tu plus que ceux-ci ? » II lui répondit : « Oui, Seigneur, tu sais que je T'aime. » Jésus lui dit : « Pais mes agneaux ».
16 Il lui dit à nouveau, une deuxième fois : « Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ? » - « Oui, Seigneur, lui dit-il, tu sais que je T'aime. » Jésus lui dit : « Pais mes brebis ».
17 Il lui dit pour la troisième fois : « Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ? » Pierre fut peiné de ce qu'Il lui eût dit pour la troisième fois : « M'aimes-tu ? », et il Lui dit : « Seigneur, Tu sais tout, Tu sais bien que je T'aime. » Jésus lui dit : « Pais mes brebis.
18 En vérité, en vérité, Je te le dis, quand tu étais jeune, tu mettais toi-même ta ceinture, et tu allais où tu voulais ; quand tu auras vieilli, tu étendras les mains, et un autre te ceindra et te mènera où tu ne voudrais pas ».
19 Il signifiait, en parlant ainsi, le genre de mort par lequel Pierre devait glorifier Dieu. Ayant dit cela, il lui dit : «Suis-moi».
20 Se retournant, Pierre aperçoit, marchant à leur suite, le disciple que Jésus aimait, celui-là même qui, durant le repas, s'était penché sur sa poitrine et avait dit : « Seigneur, qui est-ce qui te livre ? »
21 Le voyant donc, Pierre dit à Jésus : « Seigneur, et lui ? »
22 Jésus lui dit : « Si je veux qu'il demeure jusqu'à ce que Je vienne, que t'importe ? Toi, suis-moi ».
23 Le bruit se répandit alors chez les frères que ce disciple ne mourrait pas. Or Jésus n'avait pas dit à Pierre : « II ne mourra pas », mais : « Si je veux qu'il demeure jusqu'à ce que Je vienne ».
24 C'est ce disciple qui témoigne de ces faits et qui les a écrits, et nous savons que son témoignage est véridique.
25 Il y a encore bien d'autres choses qu'a faites Jésus. Si on les mettait par écrit une à une, je pense que le monde lui-même ne suffirait pas à contenir les livres qu'on en écrirait.


Ce texte comprend quatre unités autonomes :

- Le Don de l'Esprit-Saint aux Disciples (20 ; 19 - 23)
- L'apparition du Christ ressuscité à Thomas (20 ; 24 - 29)
- L'apparition du Christ ressuscité au bord du lac de Tibériade(21 ; 1 - 14)
- La destinée de Pierre et Jean (21 ; 15 - 25)
Avec un verset de transition, entre la 2e et la 3e partie : 20 ; 30.
Chacune de ces parties, à l’exception du verset central, possède une structure symétrique.


PREMIÈRE PARTIE : la PENTECÔTE JOHANNIQUE
le Don de l'Esprit-Saint aux Disciples

Première partie (20 ; 19 - 23) :

20 19 Le soir, ce même jour, le premier de la semaine, et les portes étant closes, là où se trouvaient les disciples, par peur des Juifs, Jésus vint et se tint au milieu et Il leur dit : « Paix à vous ! »
20 Ayant dit cela, Il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie à la vue du Seigneur.
21 Il leur dit alors, de nouveau : « Paix à vous ! » Comme le Père m'a envoyé, Moi aussi Je vous envoie ».
22 Ayant dit cela, Il souffla sur eux et leur dit : « Recevez l'Esprit Saint.
23 Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus ».

Il s’agit du « premier jour de la semaine » - le même jour où Marie-Madeleine se rendit au Tombeau.
C’est le Jour fondamental, le Jour UN de la Révélation du Christ ressuscité.

Maintenant se réalise ce qui est dit dans le Discours des Adieux :

Je prierai le Père et Il vous donnera un autre Paraclet, pour être avec vous à jamais, l’Esprit de Vérité, que le monde ne peut recevoir.
Jn. 14 ; 16 – 17.

Le Christ affirme également :

Le Paraclet, l’Esprit-Saint, que le Père enverra en mon Nom, vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que Je vous ai dit. Je vous laisse ma paix ; Je vous donne ma paix ; Je ne vous la donne pas comme la monde la donne.
Jn. 14 ; 26 – 27.

C’est cette paix que le Christ donne maintenant aux Disciples, leur disant à deux reprises : « Paix à vous » (Jn. 20 ; 21).

La Rédemption est accomplie. A ce point d’accomplissement de la mission du Christ parmi les êtres humains, il Lui reste un acte fondamental à poser : l’envoi de l’Esprit-Saint. Il le fait en soufflant sur ses disciples, comme le Nouveau Créateur qui insufle une « haleine de Vie » (Gen. 1 ; 7) qui transforme la glaise du sol en un être vivant en plénitude.

Le pardon des péchés est en relation immédiate avec le Baptême. Saint Pierre dit dans son discours à la foule, au deuxième chapitre des Actes : « Repentez-vous, et que chacun se fasse baptiser au nom de Jésus-Christ pour la rémission de ses péchés, et vous recevrez alors le Don du Saint-Esprit » (v. 38).
Mais que donne-t-Il au juste à ses Disciples ? Pour le savoir, il faut élargir la perspective :

L'expérience fondatrice fut celle qui se produisit lors du baptême du Christ au Jourdain : Dieu se révéla tel qu'Il est :
- le Père, par sa voix ;
- le Fils, prenant l'ensemble des péchés de l'humanité sur ses épaules en se faisant baptiser ;
- et l'Esprit, apparaissant sous la forme de ce qui apporta la bonne nouvelle du Salut à l'Arche voguant sur les flots. Dans l'Église orthodoxe, la fête de la Théophanie est célébrée avec une solennité toute particulière qui reflète l’importance de ce fait sacré.

Le Christ est venu pour nos annoncer le Père : « qui M'a vu, a vu le Père ». Le père est Source de la Vie qui est au-delà de toute finitude et de toute mortalité. Cette Vie, nous la découvrons par le Christ : « nul ne va au Père que par Moi ; JE SUIS le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn. 13 ; 5). Nous allons au Père, par le Christ, dans l'Esprit : « quand viendra le Paraclet, que Je vous enverrai d’auprès du Père, l'Esprit de Vérité, qui procède du Père, Il Me rendra témoignage ». (Jn. 15 ; 26). La manifestation de Dieu à la créature humaine va DU Père PAR le Fils DANS l'Esprit-Saint. Le Père glorifie le Fils de la gloire que le Fils avait auprès du Père avant que fût le monde (Jn. 17 ; 5).

C'est le Christ qui envoie l'Esprit-Saint à ses Apôtres. Dans cette optique de manifestation, il existe une réciprocité de service entre le Christ et l'Esprit : le Christ se retire, afin que l'Esprit puisse être donné en plénitude aux Apôtres - le Christ dit : « si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas à vous » (Jn. 16 ; 7). Inversement, c'est l'Esprit qui repose sur le Christ et c'est l'Esprit qui non seulement manifeste le message du Christ, mais modifie la vision de l'être humain - transformant les yeux de chair en œil spirituel, afin de rendre visible la réalité spirituelle, comme ce fut le cas lors de la Transfiguration sur le Mont Thabor.

Lorsque Dieu se manifeste à sa créature, c'est un mouvement qui va du Père par le Fils, et est vécu dans l'Esprit-Saint. Cette manifestation de Dieu à sa créature se fait dans une réciprocité de service entre le Fils et l'Esprit : l'un se retire afin que l'autre puisse agir ; l'autre, en agissant, manifeste le premier.

C'est le Saint-Esprit en particulier, qui révèle le Fils dans le monde. Il suffit de se souvenir que Jésus fut conçu dans le sein virginal de Marie par l'activité du Saint-Esprit (Mt. I, 18, 20 ; Le. I, 35). Plus tard le Saint-Esprit descend sur Jésus dans le baptême (Me. I, 10 et parall. ; cf. Jo. I, 33), le fait monter au désert (Me. I, 12 et parall.) et manifeste sa présence par les miracles du ministère public de Jésus (Me. III, 22-30 et parall.). Dans les Évangiles synoptiques, où l'idée de la filiation divine dans le mystère de la Sainte Trinité est encore voilée (cf. toutefois Mt. XI, 27, Lc. X, 22), la conception du Saint-Esprit révélant le Fils ressort avec une grande précision. Le Saint-Esprit est le Facteur divin par excellence dans le ministère de Jésus. Ceci est l'idée de tous les textes que nous venons de citer. Dans le Quatrième Évangile qui est l'Évangile de la Sainte Trinité, nous retrouvons cette idée dans l'interprétation de la Pentecôte (cf. encore XVI, 14-15). Le mystère insondable du retour de Jésus dans la venue du Paraclet est une nouvelle révélation, la plus grande de toutes, de Dieu le Fils par l'activité du Saint-Esprit.
Archimandrite Cassien (Bésobrasoff) La Pentecôte johannique. Les Imprimeries réunies 1939, p. 105.

Il s'agit ici, si l'on peut dire, d'un mouvement descendant : de Dieu, vers sa créature. Dans la vie chrétienne, nous recevons du Père la Vie spirituelle, par le Fils, dans l'Esprit-Saint. Nous constatons à cet égard, une réciprocité d'action entre le Fils et l'Esprit. Par rapport à nous, le Fils et l'Esprit tirent leur « origine » - bien que ce mot soit impropre - de la Personne du Père, qui est la Source absolue. Le Fils et l'Esprit, à cet égard, procèdent du père « comme d'un seul principe », l'un, par procession ; l'autre, par engendrement. Nous voyons donc, dans une certaine mesure, que la doctrine du « filioque » (c’est-à-dire la procession du Fils et de l’Esprit - du Père, comme d’un seul Principe) se vérifie dans l'optique de la manifestation divine. Mais uniquement dans cette optique !

Il est essentiel d'apporter aussitôt une autre précision : Lorsque la créature humaine s'élève vers Dieu, en un mouvement ascendant, le chemin qui est suivi n'est pas le même que celui de la manifestation. Lorsque la créature humaine, créée à l'image de Dieu, progresse dans sa ressemblance avec son Créateur, ce mouvement ne peut pas être envisagé indépendamment de l'Économie du Salut, c'est-à-dire du processus salvateur que nous ont apporté le Christ et l'Esprit-Saint.

Qui est le Christ ? Il est une Personne en deux Natures, comme l'a précisé et confirmé le Concile de Chalcédoine. Le Christ est en deux Natures : humaine et divine ; mais Il est une seule Personne, et cette Personne est divine : la deuxième Personne de la Sainte Trinité. La Personne divine du Christ assume en elle la Nature humaine tout entière. Cela veut dire que la Résurrection et l'Ascension du Sauveur concernent la totalité de l'humanité et non pas seulement l'individu du Christ. C'est notre Nature humaine tout entière que le Christ a apportée auprès du Père et fait siéger à la Droite de Celui-ci. À cet égard, le Christ est le Rédempteur de notre NATURE.

Qu'a fait l'Esprit ? Sous forme de flammes, Il illumina individuellement chacun des Apôtres, à la Pentecôte. La Personne de l'Esprit s'est révélée à chaque Personne chrétienne, lors de la Pentecôte, pour les Apôtres ; lors de la Chrismation, pour chaque Chrétien, et lors de l'Annonciation, pour la Mère de Dieu. À cet égard, l'Esprit est le Rédempteur de chaque PERSONNE humaine.

Bien sûr, il ne faut pas figer cette distinction en un concept intellectuel ou en une idéologie religieuse. Si le Christ est le Rédempteur de notre Nature, nous sommes, chacun d'entre nous, individuellement les disciples du Messie. Si l'Esprit et le Rédempteur de chaque Personne humaine, cela implique également le fait que que la Nature humaine est illuminée, sanctifiée et purifiée par l'Esprit.

Lorsque nous élevons vers Dieu, dans le processus de mise en œuvre de la "Ressemblance", ce sont les deux « bras du Père » - selon l'expression de saint Irénée - qui opèrent cette déification : le Fils et l'Esprit-Saint, qui sont les deux hypostases déificatrices opérant à notre égard la volonté du Père ; nous déifiant selon la Nature et selon la Personne. Dans cette optique ascendante, le Christ agit par Lui-même, en tant qu'engendré du Père ; et l'Esprit-Saint agit par Lui-même, en tant que procédant du Père.

Nous remarquons ainsi que le processus de manifestation divine, et celui de notre divinisation en tant que créatures, ne suivent pas la même voie. Il y a une dissymétrie entre ces deux Économies, entre les deux processus de dispensation du Salut : le chemin qui va dans un sens n’est pas identique à celui qui va dans l’autre…
De même, nous observons en Christ une dissymétrie entre le divin et l’humain : le Christ ne vit pas sa Divinité et son humanité de la même façon.
- Il est Dieu parce qu’Engendré du Père - en tant que deuxième Personne de la Sainte Trinité ;
- Il est homme en tant qu’assumant la Nature humaine tout entière - Nature humaine qui est en-hypostasiée en sa Personne divine : Il présente la particularité unique d’une Personne qui est « connectée » à une autre Nature que celle de cette Personne.
À cet égard on ne peut répartir uniformément en Christ l’humanité et la Divinité, de façon distributive - 50% de chaque côté - comme l’affirmait le « Tome » du Pape Léon à Flavien, évêque de Constantinople, dans les années 450.

Remarquons le fait essentiel que, en Christ, l’humanité et la Divinité ont chacune leur propre dynamisme. C’est exprimé par le terme de « volonté ». Aujourd’hui, nous avons difficile à comprendre les débats qui eurent lieu autour de la question des volontés en Christ. Le Christ a-t-il une ou deux volontés ? Ce débat nous semble tout à fait absurde, baroque. Il nous est difficile d'approuver le choix de l'Église, qui discerna deux volontés en Christ - volontés toujours en parfait accord. Pourquoi deux volontés, alors que dans chaque personne humaine une seule volonté suffit amplement...
Il nous est difficile de comprendre les débats qui eurent lieu au VIIe siècle dans l'église, controverse que saint Maxime le Confesseur paya de sa vie. Pourquoi obstinément vouloir qu'il y ait deux volontés en Christ ; pourquoi mettre en danger la stabilité de l'Empire, qui était en butte aux musulmans, pour une obscure question de volontés ?

En fait, à l’heure actuelle, notre vocabulaire est influencé par la psychologie. La volonté est l'une des caractéristiques de notre psyché ; nous ne parlons pas de la même chose que ce qu'exprime le terme grec. Si nous regardons autour de nous, nous voyons que, dans l'Église catholique romaine ou dans de nombreuses Églises protestantes, personne ne dit ouvertement que le Christ n'est pas Dieu. Il ne s'agit donc pas d'un arianisme avoué, officiel. Mais tout le comportement, toute la célébration liturgique, montrent clairement que l'on ne voit dans le Christ qu'un exemple humain. Le dynamisme du Christ, selon cette perspective, est purement humain : le Christ, suivant cette perspective, nous donne un exemple de bon comportement social, est un modèle de lutte politique pour l'émancipation des minorités opprimées.

À notre époque, où l'esprit penche spontanément du côté humain au détriment du divin, nous pouvons affirmer que nous sommes en présence d'un monothélisme inversé : tout le dynamisme de la personne du Christ est humain, et le divin ne figure plus que comme une étiquette purement passive. Si nous reprenons le vocabulaire ancien, dans cette perspective le Christ n'a qu'une seule volonté : la volonté humaine.

Jadis, l'esprit penchait spontanément du côté du divin, au détriment de l'humain. Nous avons difficile à imaginer une telle mentalité de nos jours. À l'époque de saint Maxime, l'on n'aurait pas eu l'imprudence d'affirmer que le Christ est uniquement Dieu... Là aussi, il ne s'agissait pas d'un arianisme officiel et déclaré. Mais l'on considérait que tout le dynamisme de la personne du Christ était divin, et que son humanité n'était là que comme une étiquette passive, une sorte de rappel purement documentaire. C'était le monothélisme, l'affirmation qu'il n'y avait qu'une seule volonté en Christ, bien sûr la volonté divine. Nous venons de voir que le monothélisme n'est pas mort, même si ce que nous pouvons observer aujourd'hui en est un reflet inversé.

Nous parlions de la dissymétrie entre le divin et l'humain, en Christ. Nous avons évoqué la dissymétrie qui existe également dans les processus ascendants et descendants des relations entre Dieu et sa créature humaine. Si l'on oublie de faire la distinction entre ces deux processus, si l'on confond les deux plans, l'on introduit par là des erreurs importantes dans la pensée trinitaire de l'Église.

Si l'on confond le plan de la manifestation avec celui de la divinisation, nous obtenons la procession de l'Esprit par le Fils, l’Esprit procédant du Père et du Fils comme d'un même principe. La fleur vénéneuse du « filioque » (addition faite à l’époque carolingienne, au texte original du Symbole de Foi de Nicée-Constantinople) germe sur une telle conflagration malencontreuse... C'est le cœur le plus intime de la Foi chrétienne - la pensée trinitaire de l'Église - qui s'en trouve modifiée de façon radicale, et qui va par la suite modifier pratiquement tous les aspects de la vie de l'Église. À cet égard, il s'agit vraiment de l'abomination de la désolation qui est mise dans le Lieu saint. Si l'on mélange les deux plans, les deux «Économies», nous aboutissons immédiatement au « filioque », c'est-à-dire à la réduction de la Trinité en une relation à deux Personnes, et à une « minimisation » progressive mais certaine, de la Personne de l'Esprit-Saint, réduite à n'être qu'une relation.

Cette conception constitue le fond de la pensée théologique de Maurice Zundel, un grand mystique du XXe siècle (1897 - 1975).

Bien sûr, la théologie occidentale a prévu depuis longtemps cette objection. La scholastique nous répond : le fait d'être une relation n'est pas un inconvénient pour une Personne, puisqu'une Personne n'est rien d'autre qu'une « relation subsistante ». Une Personne est une relation qui a la caractéristique de pouvoir exister par elle-même. La relation entre donc dans la définition même de la Personne. À cet égard, la Personne devient une sorte de réalité « creuse ». Elle n'a pas de contenu : elle n'existe en tant que relation.

À ce moment-là, on continue en si bon chemin : la kénose, terme grec que l'on trouve dans l'épître aux Philippiens (2 ; 7), et qui parle de « l'anéantissement » du Christ qui, prenant condition d'esclave, est devenu semblable aux hommes - cet «anéantissement», qui dans l'épître aux Philippiens concerne exclusivement l'incarnation - cette kénose concerne l'Incarnation du Christ ; cette notion n'est pas faite pour être appliquée dans un autre domaine.

Or la pensée « filioquiste » n’hésite pas à appliquer la kénose aux relations interpersonnelles existant dans la Trinité : les Personnes seraient sensées se « vider sacrificiellement » par amour, l’une dans l’autre, au point que la « vacuité » constituerait la nature même de la Personne.

Voici quelques réflexions de Maurice Zundel, que nous trouvons dans son ouvrage « Quel homme et quel Dieu ? » éd. Saint-Augustin.
Les numéros de page figurent à la fin de chaque extrait.

L'amour n'est vraiment lui-même que dans la relation qui le constitue. (105)

Dieu n'a de prise sur son être qu'en le communiquant ; Il ne le possède que par le don qu'Il en fait. (107)

Le « moi » en Dieu, loin d'être solitaire et narcissique, jaillit en trois relations subsistantes - Père, Fils et Saint-Esprit - dont chacune embrasse la totalité de l'être divin, pour le donner dans la transparence absolue d'un éternel dépouillement. (107)

La suprême grandeur est constituée par ce dépouillement objectif qui fait de chaque personne divine un pur élan vers l'autre. (111)

C'est tout l'être divin qui est consubstantiellement, c'est-à-dire identiquement, intégralement, également et éternellement impliqué dans chaque relation et qui la porte, pour jaillir en elle en forme de don, dans une infinie désappropriation de soi. (113)

Il nous faut cette rencontre avec la désappropriation qui constitue le personnalisme divin, pour découvrir que l'être atteint son sommet dans l'amour, quand il n'est plus qu'une relation à l'autre, en se vidant de soi pour s'ouvrir à lui. (114)

Les relations intra-divines excluent explicitement, en Dieu, toute possession de soi par soi. Elles attestent, aussi bien, qu'Il n'a prise sur son être qu'en le communiquant, que le « moi » en Lui est pur altruisme ; qu'Il est uniquement constitué, autrement dit, par ce rapport à l'autre où Il se désapproprie de soi. (118)

Dans cette perspective, les Personnes trinitaires n'existeraient pas en tant que telles ; elle n'existeraient que dans la mesure où Elles se donnent l'une à l'autre en un don sacrificiel, kénotique, dans un anéantissement de soi-même, au profit de l'autre.

Poursuivons notre lecture de la pensée trinitaire de Maurice Zundel - cette fois-ci dans l'une des homélies collationnées dans le volume « Ta Parole comme une source » éd. Anne Sigier. p. 141 - 142 et 166.

Ce Dieu qui se vide éternellement de lui-même, qui est incapable de se complaire en soi, ce Dieu dont l'unique propriété est la désappropriation, apparaît immédiatement comme le Dieu Saint, comme le Dieu dont la valeur spirituelle est infinie, comme le Dieu qui ne peut jamais être un despote, un dominateur, un maître, comme Celui qui, ne pouvant s'atteindre lui-même que dans un contact virginal et totalement désapproprié, ne peut nous toucher également que par un amour qui engendre notre liberté.

La filiation en Dieu est éternelle comme la paternité. Elle est consubstantielle, elle est égale, elle a même rang, elle correspond à la même vocation, elle est articulée sur le même vide de soi. Elle est constituée tout entière par cette filiation, comme la paternité et comme l'aspiration du Saint-Esprit, parce que c'est l'un vers l'autre où « Je est un autre ».

C'est parce que Jésus n'a rien, parce que son humanité est totalement vidée d'elle-même, qu'elle ne subsiste pas en elle-même, qu'elle ne s'appartient pas, mais qu'elle est emportée dans la vague, dans la vague merveilleuse, dans la vague infinie qui constitue la personnalité du Verbe.

C'est cette désappropriation qui est tout le mystère de la personnalité du Verbe, comme de celle du Père et de l'Esprit-Saint.

Notre-Seigneur vit l'universel parce que le dépouillement total de son être atteint jusqu'aux racines de sa Vie. Il ne peut respirer que dans l'universel. Il ne peut aimer que dans l'universel. Il ne peut vivre qu'à l'échelle de l'universel.

En Dieu tout est désappropriation ; en Dieu aucune possession n'est possible.

La grandeur de Dieu, c'est qu'Il se vide éternellement de Lui-même. La grandeur de Dieu, c'est qu'Il est vide de soi.

C'est assurément une grande et noble pensée. Dans cette perspective, chaque personne ne serait soi qu'en étant hors de soi. Elle serait posée dans l'être en étant posée dans l'autre. La Personne serait alors une « coquille vide », dont le contenu n'est rien d'autre que le fait de se donner sacrificiellement aux autres. Cela a des conséquences pour la spiritualité : la sainteté ne consisterait pas dans l'épanouissement de soi en contact avec Dieu, mais dans le don sacrificiel de soi-même jusqu'à l'épuisement de la totalité de son être.

Selon cette optique, en pratique, la sainteté ne serait pas compatible avec quelqu'un qui est bien portant : l'idéal pour être Saint selon certaines formes de spiritualité occidentales des XVIIe et XIXème siècles, c'est d'être malade, ou de mourir prématurément. De même que la pensée trinitaire « filioquiste » aboutit à une minimisation de la Personne de l'Esprit-Saint, une certaine anthropologie chrétienne occidentale aboutit de son côté, à une « minimisation » de l'être humain.
Finalement, au XXe siècle, on aboutira à une forme de sainteté victimaire, et la mode sera aux enfants analphabètes qui reçoivent des visions de la Vierge, dans les « apparitions » mariales mensongères et illusoires du Catholicisme du XIXe siècle - ou à des religieuses qui décèdent à vingt ans de tuberculose, dans la froidure et l'humidité des cloîtres. Tout cela ne rend pas la sainteté particulièrement attirante !

La théologie « filioquiste » prétend connaître à la fois la Personne et la Nature ; elle prétend pouvoir en donner une définition adéquate de chacun : - Qu'est-ce que la Personne ? C'est une relation subsistante. - En quoi consiste la Nature divine ? C'est l'Amour. En disant cela, on prétend donner une définition exacte de ces deux termes. Une telle affirmation vient se heurter de front avec l'apophase, qui est une caractéristique essentielle de la théologie orthodoxe.

L’apophase permet d'éviter de se laisser enfermer dans des catégories et des concepts philosophiques. Dieu n'est pas défini adéquatement par le concept de Bonté, de Bien, d'Être. Dieu est au-delà de la Bonté telle qu'elle est humainement comprise, au-delà du Bien, tel que nous pouvons le concevoir, au-delà de l'Être, selon les catégories de l'esprit humain. Les concepts ne définissent pas ce que Dieu est ; ils le font que l'indiquer, le suggérer.

À ce titre, ces concepts sont des symboles : un symbole diffère d'un signe, par le fait qu'il contient en lui-même ce qui est représenté. Une icône est un symbole, car elle contient en elle-même la présence de celui qui y est représenté. Le caractère presque « abstrait » de la peinture d'une icône de bonne iconographie, montre que celle-ci n'est figurativement, qu'une « allusion » à une réalité qui la dépasse. Par contre, une icône qui prétend représenter « photographiquement »la réalité telle qu’elle s’est passée, ou plutôt telle qu’on pourrait s’imaginer qu’elle se soit passée, cette « icône » n’est en fait qu’un tableau religieux, un « chromo » qui entraîne celui qui le regarde, vers une doucereuse sentimentalité religieuse, plutôt qu’une authentique vie spirituelle.

De la même façon, les concepts utilisés dans la théologie ne doivent pas viser à définir adéquatement ce qu’ils désignent, mais seront plutôt des allusions à une réalité spirituelle qui les dépasse.
Le contenu des concepts de Nature et de Personne ne peut être connu de façon exhaustive par l’instrument de la raison discursive ; en Dieu, la Nature et la Personne fait allusion à une réalité qui nous dépasse, et désigne, d’une part, ce qui est commun aux Personnes – et d’autre part, ce qui est particulier à chacun, dans la Nature. Là s’arrête la capacité de compréhension de notre esprit.
L’apophase se situe au cœur de chaque concept, comme le montre le symbole du « Yin » et du « Yang » : au cœur de chaque mot de la théologie surgit le point de l’inconnaissance. C’est ce qui empêche la théologie de se métamorphoser en une philosophie religieuse.

Où se trouve le point de jonction entre la théologie et l’apophase ? en d’autres termes, comment se fait-il qui nous puissions dire quelque chose à propos de Dieu, alors que nous affirmons du même souffle qu’Il est inconnaissable dans ses profondeurs ultimes ?

On pourrait dire :
- l’apophase, c’est le fait de dire ce que Dieu n’est pas : Il n’est pas seulement bon, beau et grand ; Il est au-delà de toute beauté, bonté et grandeur, comprises suivant les concepts humains : c’est cela l’apophase.
- Par contre, la théologie positive – c’est-à-dire, ce que nous pouvons affirmer au sujet de Dieu, c’est la cataphase.
C’est inexact : l’inconvénient de cette présentation des choses, c’est de disqualifier pratiquement la théologie positive, c’est à dire toute la réflexion que les êtres humains peuvent élaborer au sujet de la Révélation. La pensée théologique fondamentale serait l’apophase - l’inconnaissance, tandis que la théologie positive serait en quelque sorte une « pensée de seconde zone », incomplète en son essence.
De cette façon, on a tendance à disqualifier la pensée humaine, lorsqu’ elle s’applique à Dieu : la pensée humaine s’arrêterait là où commence le Divin. C’est une conception inexacte, car Dieu est aussi le Verbe ; ce Verbe divin fait écho à la pensée humaine qui est capable de contempler et de formuler adéquatement les Mystères divins, pourvu que Dieu se révèle Lui-même.

On pourrait dire :
- l’apophase se situe dans la Nature de Dieu, qui reste inconnaissable.
- Par contre, la cataphase se situerait au niveau des Personnes divines : c’est par les Personnes du Christ et de l’Esprit que Dieu se manifeste.
Cela est tout-à-fait faux, car il s’agit là d’une confusion entre deux points de vue hétérogènes : celui de « commun » et du « particulier », qui produit les notions de Nature et de personne ; et celui de l’inaccessible et du participable, qui produit les notions d’Essence et d’Énergies : Dieu est inaccessible en son Essence, et participable dans le rayonnement de ses Énergies - rayonnement qui est éternel, et ne dépend pas de l’existence éventuelle de créatures.

Pourquoi cette confusion entre apophase/Nature et cataphase/Personne est-elle fausse ? Parce qu’en mettant la Personne dans la « cataphase », nous pouvons prétendre la connaître. Or la Personne est tout aussi inconnaissable que la Nature. Ce n’est pas seulement un jeu de mots : Dieu est inconnaissable parce qu’il est trois Personnes, tout comme chacun d’entre nous, nous sommes tout aussi inconnaissables, parce que chacun d’entre nous est une Personne. La Personne est un infini de potentialités : elle n’est pas un objet. Il est impossible de « faire le tour » d’une Personne. Chaque Personne est d’une infinie richesse, comme Image de Dieu. Si l’on tue une Personne, on détruit un Univers entier. Le caractère infini de la Personne est la source de notre dignité humaine : tout régime totalitaire tend à réduire une Personne à un objet, pour pouvoir en abuser.

C’est au cœur de chaque terme que se trouve le point d’inconnaissance. Le mot « Dieu » désigne adéquatement la réalité trinitaire. Mais le mot « Dieu » est un puits de signification, totalement intarissable. Chaque terme et concept de la théologie, de la pensée humaine sur Dieu, contient en lui-même l’inconnaissable, tout comme au cœur de chaque galaxie, se trouve un « trou noir ». Cela n’empêche pas la galaxie d’exister ; c’est même une condition essentielle à la fois de sa formation et de sa cohésion. De même, le « trou noir » de l’inconnaissance est une condition essentielle pour que chaque concept faisant partie du langage humain, ne se fige pas en une idole ou en une figure morte.

Le nom des Saints, des Personnes divines - lorsque nous les chantons dans l'Office divin ou lorsque nous les récitons dans nos prières personnelles - est une icône, car il contient la présence de celui qui est cité. L'homme lui-même est Symbole, car il contient en lui-même la flamme de la Présence divine, dans le fond de son âme.

L'apophase nous dit que les concepts de Nature et de Personnes ne peuvent désigner adéquatement ce qu'est réellement Dieu. Ce sont pas des définitions qui enfermeraient Dieu dans une réalité conceptuelle ; il s'agit plutôt d'un regard posé sur notre Créateur : si nous contemplons les Personnes divines en ce qu'elles ont de commun, notre contemplation nous montrera un reflet de la Nature divine. Si nous contemplons la Nature divine en ce que chacun a de particulier et propre, notre contemplation nous montrera les Personnes divines du Christ et de l'Esprit, car elles se sont manifestées, le Père restant non-révélé. Modifions tout de suite ce que nous venons de dire : Nature et Personne existent réellement, indépendamment du regard que nous posons sur elles. Mais il est important de dire qu'il ne s'agit pas de concepts fermés sur eux-mêmes.

Nous avons vu que le Christ divinise notre Nature, et que l’Esprit illumine notre Personne. Nous avons vu également qu’une telle distinction doit être abondamment nuancée : le Christ ne possède pas, en quelque sorte, le « monopole » de la Nature, tout comme l’Esprit ne détient nullement un « monopole » de la Personne.

La physique moderne nous montre que les lois de la Nature diffèrent suivant que nous nous situons dans l’infiniment petit ou dans l’infiniment grand. Il en est de même dans la théologie : les distinctions qui sont incompatibles dans la réalité concrète, se rejoignent lorsque nous arrivons dans le voisinage immédiat de Dieu. En Dieu, les parallèles se rejoignent. La distinction entre Nature et Personne, en ce qui concerne l’action salvatrice (l’« Économie du Salut ») du Christ et de l’Esprit, cette distinction est proche du divin, et par le fait même, change de nature : il s’agit en fait, d’une distinction-identité. Elle est toujours valable, mais devient transparente : lorsque nous parlons de Nature, nous voyons se profiler la Personne en transparence, et lorsque nous parlons de Personne, la Nature se laisse deviner en arrière-plan.

Nous avons abordé également la distinction entre l’inaccessible et le participable, qui produit les notions d’Essence et d’Énergies : Dieu est inaccessible en son Essence, et participable dans le rayonnement de ses Energies - rayonnement qui est éternel, et ne dépend pas de l’existence éventuelles de créatures.
Ce n’est pas seulement un jeu de mots : notre religion n’est pas celle d’un Dieu éloigné, distant des êtres humains, qui donne des récompenses aux êtres humains moyennant leur « bonne conduite », mais jamais ne Se donnerait Lui-même. Dans notre vie de prière, nous accédons à la Lumière divine, dans laquelle Dieu Se donne en plénitude, tout en demeurant inaccessible en son Essence.
Le mot « Énergies » n’est pas très adéquat. L’électricité est partout dans notre vie quotidienne, et le mot « Énergie » nous fait penser à un fluide qui viendrait animer la réalité. Il faudrait plutôt parler ici d’ « Agir ». Dieu est totalement présent dans son « Agir », qui rayonne pré-éternellement à toute création. Mais le mot « Agir » est assez peu euphonique, et celui d’« Énergies » est consacré par l’usage. Nous continuons donc d’employer le terme d’« Énergies », tout en prenant nos distances par rapport à toute idée de fluide cosmique issue du panthéisme, et non du Christianisme.

Qu’est-ce que le Christ a soufflé sur ses Disciples ? L’Esprit-Saint bien sûr, comme Il l’affirme (Jn. 20 ; 22). Mais il s’agit d’autre chose que l’Esprit qui reposa sur la tête des Disciples sous forme de flammes, comme nous le relate le livre des Actes (2 ; 3). Clairement, les Actes nous montrent la Personne de l’Esprit reposant individuellement sur les Personnes des Apôtres. Par contre, le souffle du Christ est collectif : le Christ souffle sur tous les Apôtres en même temps. Que donne-t-Il ? S’il ne s’agit pas de la Personne, donnerait-Il la Nature de l’Esprit ? Cela n’a pas de sens : notre Nature humaine est divinisée par le Christ. La Nature divine n’est pas objet de communication. En fait, si le Christ ne donne pas la Nature de l’Esprit, Il donne l’Esprit dans sa plénitude et sa totalité, en l’Énergie divine.
Il faut absolument éviter toute expression du genre : « le Christ n’a pas donné l’Esprit-Saint aux Disciples, mais bien les Énergies divines ». C’est tout-à-fait faux, car Dieu est totalement présent dans ses Énergies. La difficulté de la formule « le Christ a donné l’Esprit-Saint sous forme d’Énergies » tient à la fois à l’ambiguïté du terme d’« Énergies » et à la maladresse liée à l’usage du mot « forme ». Les Énergies ne sont pas une « forme » du Divin, mais bien le Divin vu sous l’angle de la participation - le Divin, en tant que participable. Il serait plus approprié de dire, en évitant le terme d’« Énergies » : « le Christ donne à ses Disciples l’Esprit-Saint en plénitude, en son Agir ».

Nous avons vu la notion de « distinction – identité ». Les distinctions sont justifiées, correspondent à la réalité, et sont indispensables pour notre pensée. Mais lorsqu’elles se rapprochent du Divin, les règles tendent à changer, et les distinctions se fondent en identité. La distinction entre Nature et Personne tend à se fondre, lorsque nous considérons l’Agir divin, les « Énergies ».
L’Agir divin est toujours trinitaire : lorsque Dieu agit, ce sont toujours les Trois Personnes qui agissent.
Et pourtant l’Agir divin, les « Énergies » sont toujours personnelles : le Fils et l’Esprit agissent personnellement auprès des êtres humains. Même le Père, qui ne s’est pas révélé, agit en tant que Père, en faisant entendre sa voix, disant : « Je L’ai glorifié, et je Le glorifierai à nouveau » (Jn.12 ; 28).
Il s’agit bien là d’une distinction – identité : l’Energie divine exprime prioritairement l’Agir d’une Personne trinitaire, tout en exprimant indissolublement l’Agir de la Trinité tout entière. L’Énergie de l’Esprit est l’Agir de l’Esprit, troisième Personne de la Trinité – tout en n’empêchant nullement le fait qu’il s’agisse identiquement de l’Agir de la Trinité dans son ensemble. Les deux aspects sont inséparables. Le Christ souffle donc l’Esprit-Saint en sa plénitude, en tant qu’Énergie divine.

DERNIÈRE PARTIE : la destinée de Pierre et Jean

parallèle à : Dernière partie (21 ; 15 - 25) :

21 15 Quand ils eurent déjeuné, Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m'aimes-tu plus que ceux-ci ? » II lui répondit : « Oui, Seigneur, tu sais que je T'aime. » Jésus lui dit : « Pais mes agneaux ».
16 Il lui dit à nouveau, une deuxième fois : « Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ? » - « Oui, Seigneur, lui dit-il, tu sais que je T'aime. » Jésus lui dit : « Pais mes brebis ».
17 Il lui dit pour la troisième fois : « Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ? » Pierre fut peiné de ce qu'Il lui eût dit pour la troisième fois : « M'aimes-tu ? », et il Lui dit : « Seigneur, Tu sais tout, Tu sais bien que je T'aime. » Jésus lui dit : « Pais mes brebis.
18 En vérité, en vérité, Je te le dis, quand tu étais jeune, tu mettais toi-même ta ceinture, et tu allais où tu voulais ; quand tu auras vieilli, tu étendras les mains, et un autre te ceindra et te mènera où tu ne voudrais pas ».
19 Il signifiait, en parlant ainsi, le genre de mort par lequel Pierre devait glorifier Dieu. Ayant dit cela, il lui dit : «Suis-moi».
20 Se retournant, Pierre aperçoit, marchant à leur suite, le disciple que Jésus aimait, celui-là même qui, durant le repas, s'était penché sur sa poitrine et avait dit : « Seigneur, qui est-ce qui te livre ? »
21 Le voyant donc, Pierre dit à Jésus : « Seigneur, et lui ? »
22 Jésus lui dit : « Si je veux qu'il demeure jusqu'à ce que Je vienne, que t'importe ? Toi, suis-moi ».
23 Le bruit se répandit alors chez les frères que ce disciple ne mourrait pas. Or Jésus n'avait pas dit à Pierre : « II ne mourra pas », mais : « Si je veux qu'il demeure jusqu'à ce que Je vienne ».
24 C'est ce disciple qui témoigne de ces faits et qui les a écrits, et nous savons que son témoignage est véridique.
25 Il y a encore bien d'autres choses qu'a faites Jésus. Si on les mettait par écrit une à une, je pense que le monde lui-même ne suffirait pas à contenir les livres qu'on en écrirait.

CETTE PARTIE POSSÈDE SA STRUCTURE PROPRE :

Première partie La Voie de Pierre (21 ; 15 - 17) :

21 15 Quand ils eurent déjeuné, Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m'aimes-tu plus que ceux-ci ? » II lui répondit : « Oui, Seigneur, Tu sais que je T'aime. » Jésus lui dit : « Pais mes agneaux ».

16 Il lui dit à nouveau, une deuxième fois : « Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ? » - « Oui, Seigneur, lui dit-il, Tu sais que je T'aime. » Jésus lui dit : « Pais mes brebis ».

17 Il lui dit pour la troisième fois : « Simon, fils de Jean, m'aimes-tu ? » Pierre fut peiné de ce qu'Il lui eût dit pour la troisième fois : « M'aimes-tu ? », et il Lui dit : « Seigneur, Tu sais tout, Tu sais bien que je T'aime. » Jésus lui dit : « Pais mes brebis.

On a l’impression que l’Évangéliste répète trois fois la même chose. C’est une impression qui est donnée par la traduction. En fait, deux verbes sont employés pour exprimer le terme « aimer » : philô et agapaô.

Première partie :
La parole du Christ : « Simon de Jean, m’aimes-tu (d’un amour au-delà de l’amitié : agapas me) plus que ceux-ci ? »
La réponse de Pierre : « Oui, Seigneur, Tu sais que je T’aime » (comme un ami : philô se).
La parole du Christ : Nourris (donne la pâture à : boske) mes brebis.

Deuxième partie :
La parole du Christ : « Simon de Jean, m’aimes-tu (d’un amour au-delà de l’amitié : agapas me) » ?
La réponse de Pierre : « Oui Seigneur, Tu sais que je T’aime » (comme un ami : philô se).
La parole du Christ : fais paître mon troupeau.

Troisième partie :
La parole du Christ : « Simon de Jean, m’aimes-tu (comme un ami : phileis me) » ?
La réponse de Pierre : « Seigneur, Tu sais tout, tu sais que je T’aime » (comme un ami : philô se).
La parole du Christ : Nourris (donne la pâture) au troupeau.

1) Le Christ pose la question « Simon de Jean, m’aimes-tu (d’un amour parfait, un amour d’« agapè ») plus que ceux-ci ? »
Pierre répond : « Oui, Seigneur, Tu sais que je suis ton ami (il emploie le verbe « philô »).
Pierre n’aime pas encore le Christ, de l’amour que le Seigneur lui demande. Son amour est encore limité dans la dimension humaine. Il est encore de l’ordre de l’amitié. Il n’est pas encore absolu. À cet égard, Pierre n’aime pas le Christ plus que les autres disciples. Mais c’est déjà suffisant pour « nourrir les brebis », c’est-à-dire pour dispenser aux fidèles l’enseignement qui leur est nécessaire.

2) Ensuite, le Christ pose la même question, avec le même verbe, mais sans plus mentionner les autres Disciples.
À cette même question, Pierre répond donne la même réponse, avec le même verbe.
Cet amour qui est encore humain, qui n’est pas encore absolu, est suffisant pour « faire paître le troupeau », c’est-à-dire pour gérer l’organisation de l’Église.

3) Enfin, le Christ se met au niveau de l’interlocuteur, lui posant la question : « est-ce que tu es mon ami ? »
Pierre prend cela pour un doute, et cela lui fait de la peine. Il répond « Tu sais tout ; Tu sais que je suis ton ami ».
Et le Christ lui donne la troisième réponse « nourris le troupeau » - avec le sujet de la première réponse, et le complément de la seconde : la mission de Pierre dans l’Église, est à la fois une mission d’enseignement et d’organisation.

Mais tout de suite après (21 ; 18 – 19), le Christ dit à Pierre comment il découvrira l’amour absolu, en réalisant sa parole « il n’est pas de plus grand amour (agapèn) que de donner sa vie pour ses amis (huper tôn philôn autou) » (Jn. 15 ; 13).

Le Christ dit à Pierre de « paître ses brebis ».
Est-ce que le Christ confère à Pierre une primauté sur les autres Apôtres ?

Tout d’abord, remarquons le fait que l’image de la pierre est bien présente dans les Écritures :
Isaïe avait dit :

Ainsi parle le Seigneur Dieu : voici que Je pose à Sion une pierre témoin, angulaire, précieuse, fondamentale. Celui qui croit ne bronchera pas.
Isaïe, 28 ; 16.

Saint Paul reprend l’image de la fondation, en disant :

De fondement, nul n’en peut poser d’autre que celui qui s’y trouve, à savoir Jésus-Christ.
I Co. 3 ; 11.

La pierre – fondement, ici, c’est le Christ.

Isaïe avait dit :

Le Seigneur Dieu, c’est Lui qu’il faut sanctifier (…) ; Il est le Sanctuaire et la pierre d’achoppement.
Is. 8 ; 14.

Saint Pierre développe l’image du Sanctuaire, en liaison avec celle de la pierre :

Vous-mêmes, comme pierres vivantes, prêtez-vous à l’édification d’un édifice spirituel, pour un sacerdoce saint, en vue d’offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu en Jésus-Christ.
I P. 2 ; 5.

Les pierres, ici, ce sont les membres de l’Église.

Les trois synoptiques rapportent la parabole des vignerons homicides (Lc. 20 ; 9 – 18 // Mc. 12 ; 1 – 11 // Mt. 21 ; 33 – 44), dans laquelle le Christ cite le psaume 117 v. 22 – 23 :

La pierre qu’ont rejeté les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle ; c’est l’œuvre du Seigneur ; elle est admirable à nos yeux.
Ps. 117 ; v. 22-23.

Les trois synoptiques rapportent également le récit de la Confession de Pierre (Lc. 9 ; 18 – 22 // Mc. 8 ; 27 – 8 ; 31 // Mt. 16; 13 – 21). À la question du Christ : « qui les gens disent-ils qu’est le Fils de l’Homme ? », les Disciples rapportent les opinions diverses qui circulent : Élie, un des prophètes anciens revenu à la vie… Le Christ pose une question plus précise : « mais vous, qui dites-vous que Je suis ? » C’est Pierre qui répond au nom des autres disciples, en disant :

Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant !
Mt. 16 ; 16 et sq.

L’Évangile de Matthieu est le seul à nous donner la réponse du Christ :

Tu es bien heureux, Simon fils de Jonas ; car ce n’est pas la chair et le sang qui te l’ont révélé, mais mon Père qui est dans les Cieux. Et Moi Je te dis que tu es « Pierre » et que sur cette pierre je bâtirai mon Église...

C’est la seule fois dans tout l’Évangile où le Christ emploie le mot « Eglise ».

- et que les portes de l’Enfer ne prévaudont pas contre elle. Je te donnerai les clefs du Royaume des Cieux ; Et ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les Cieux ; et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les Cieux.
Mt. 16 ; 17 – 19.

Pierre confesse sa Foi dans le Christ, au nom de tous les Disciples. La conséquence directe de cette confession de Foi est la reconnaissance de Simon comme Pierre fondamentale de l’Église. Cette Pierre, c’est la Foi, que l’Apôtre Pierre partage avec tous les autres Apôtres, et qu’il exprime au nom de tous.

Luc est le seul à transmettre la parole du Christ à l’Apôtre Pierre, prophétisant son reniement :

Simon, Simon ! Voici que Satan vous a réclamés pour vous cribler comme le froment… Mais J’ai prié pour toi, afin que ta Foi ne défaille pas. Et toi, quand tu seras revenu, affermis tes frères.
Lc. 22 ; 31 – 32.

Le Christ donne à Pierre la mission d’affermir dans la Foi les autres Disciples.

Ensuite, nous avons la triple injonction du Christ à Pierre, lui ordonnant de paître ses brebis (Jn. 21 ; 15 – 19 : texte cité ci-dessus).

Dans la liste des 12 Apôtres donnée par Matthieu, « Simon que l’on appelle Pierre » est cité « en tête » prôtos Mt. 10 ; 2).

Dans les Actes des Apôtres, c’est Pierre qui s’adresse à la foule, en tant que chef du groupe apostolique : « Pierre alors, debout avec les Onze, éleva la voix… » (Ac. 2 ; 14).

Les Apôtres comparaissent devant le Sanhédrin, et c’est Pierre qui répond au nom des Onze : « Pierre, rempli de l’Esprit-Saint, leur dit… » (Ac. 4 ; 8).

Dans la question de la fraude d’Ananie et de Saphire, c’est Pierre que s’adresse d’abord à Ananie, puis à Saphire, avec des conséquences fatales pour tous deux (Ac. 5 ; 4 et 9).

Pierre est le premier à baptiser un païen : le centurion Corneille (Ac. 10 ; 1 – 48). Il a la vision des aliments impurs qui descendent du ciel sur une nappe. L’Esprit-Saint descendit sur les païens avant même le baptême, lors du discours de Pierre (Ac. 10 ; 44 – 48).

Pierre possède donc une incontestable primauté, au sein du Collège des Apôtres.

Mais il y a un « bémol »…
À la fin du douzième chapitre des Actes, nous voyons Pierre quitter Jérusalem : « Puis il sortit et s’en alla en un autre endroit » ( eis heteron topon ) Actes 12 ; 17.

À partir de ce verset, nous n’entendons plus parler de primauté de Pierre.

La primauté de Pierre s’exerçait au sein du collège apostolique. À partir du moment où les Apôtres sont dispersés, il n’existe plus de primauté de Pierre.

Lors de la controverse à Jérusalem, Pierre prend encore la parole (Ac. 15 ; 7 – 11). Mais c’est Jacques qui donne la conclusion et prend la décision finale : « c’est pourquoi, je juge, moi… » (Ac . 15 ; 19). Dans l’Église de Jérusalem, la primauté passe à Jacques. On le voit dans l’épître aux Galates, où saint Paul dit : « reconnaissant la grâce qui m’avait été départie, Jacques, Céphas et Jean, ces notables, ces colonnes, nous tendirent la main, à moi et à Barnabé, en signe de communion » (Gal. 2 ; 9). Jacques est nommé en premier.

Dans l’Apocalypse, la Jérusalem messianique « repose sur douze assises portant chacune le Nom de l’un des douze Apôtres de l’Agneau » (Apoc. 21 ; 14). Il n’est plus question de primauté.

Nous voyons ainsi que les textes du Nouveau Testament donnent à l’Apôtre Pierre une primauté très limitée dans le temps. Faire de cette primauté une idéologie religieuse valable pour tous les siècles et pour la terre entière, revient à faire violence aux textes, d’une façon vraiment inacceptable.

L’injonction de faire paître les brebis spirituelles, et la permission de lier et de délier ont été comprises par l’Église ancienne, comme donnée à chaque Apôtre, et de là, à tous les évêques qui célèbrent l’Eucharistie dans l’Église locale dont ils sont responsables devant Dieu. L’Église ancienne n’a en aucune manière compris cela comme un monopole qui puisse être revendiqué par un seul individu ou par une seule Église locale.

De toute manière, la question même de l'autorité dans l'Église a été clairement résolue par le Christ Lui-même : lorsque les Disciples avaient discuté en chemin de savoir qui est le plus grand parmi eux (Mc. 9 ; 33 – 37), le Christ prit un enfant, l’embrassa (Marc est le seul qui nous dit ce détail), le plaça au milieu d’eux, et dit :

Celui qui se fera humble comme cet enfant,
c’est celui-là qui est le plus grand
dans le Royaume des Cieux.
- Mt. 18 ; 5 -

La Révélation est manifestée aux humbles, ce qui ressort du miracle de Cana. Et si quelqu’un « veut être le premier, il sera le dernier de tous, et le serviteur de tous » (Mc. 9 ; 35). « Celui qui, parmi vous tous, est le plus petit – c’est lui qui est grand » (Lc. 9 ; 48).

L’être humain étant ce qu’il est (Jésus « sait ce qu’il y a dans l’homme » Jn. 2 ; 25), les luttes de pouvoir ont tenu une large place dans l’Histoire de l’Eglise, d’une façon bien éloignée des prescriptions du Christ, en ce qui concerne l’exercice de l’autorité.

Parallèle à : Dernière partie La Voie de Jean (21 ; 24 - 25) :

21 24 C'est ce disciple qui témoigne de ces faits et qui les a écrits, et nous savons que son témoignage est véridique.
25 Il y a encore bien d'autres choses qu'a faites Jésus. Si on les mettait par écrit une à une, je pense que le monde lui-même ne suffirait pas à contenir les livres qu'on en écrirait.

De quel disciple s’agit-il ? Il s’agit du « disciple que Jésus aimait » d’un amour au-delà de l’amitié (21 ; 20 : hon ègapa ho hièsous).

Nous savons que son témoignage est véridique, de la véracité même dont témoigne l’amour mutuel entre Jésus et Jean.
- Pierre peut paître le troupeau du Christ, du fait qu’il aime Jésus ;
- Jean peut témoigner à propos du message du Christ, du fait qu’il aime et est aimé par le Christ.

Le témoignage de Jean est fait d’un choix opéré par l’Évangéliste, parmi les œuvres de Jésus.


Deuxième partie La destinée de Pierre (21 ; 18 - 19) :

18 En vérité, en vérité, Je te le dis, quand tu étais jeune, tu mettais toi-même ta ceinture, et tu allais où tu voulais ; quand tu auras vieilli, tu étendras les mains, et un autre te ceindra et te mènera où tu ne voudrais pas ».
19 Il signifiait, en parlant ainsi, le genre de mort par lequel Pierre devait glorifier Dieu. Ayant dit cela, Il lui dit : «Suis-Moi».

Jésus prédit le martyre de Pierre.
Il dit à Pierre : « suis-moi ».
C’est le même ordre que celui que Jésus donna à Philippe de Bethsaïde, la ville d’André et de Pierre (Jn. 1 ; 43).

Parallèle à : Avant-dernière partie La destinée de Jean (21 ; 21 - 23) :

21 Le voyant donc, Pierre dit à Jésus : « Seigneur, et lui ? »
22 Jésus lui dit : « Si Je veux qu'il demeure jusqu'à ce que Je vienne, que t'importe ? Toi, suis-Moi ».
23 Le bruit se répandit alors chez les frères que ce disciple ne mourrait pas. Or Jésus n'avait pas dit à Pierre : « Il ne mourra pas », mais : « Si Je veux qu'il demeure jusqu'à ce que Je vienne ».

Jésus prédit à propos de Jean : il demeurera jusqu’à ce que le Christ revienne. « Suis-Moi » L’injonction du Christ à Pierre est reprise : « Suis-Moi ».
Comment comprendre la parole de Jésus : « si Je veux qu’il demeure jusqu’à ce que Je vienne » - parole qui est reprise deux fois ?
- le sens de « demeurer » s’éclaire au vu du verset de la première épître de Jean : « Dieu est amour-parfait, et celui qui demeure en l’amour-parfait demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui » (I Jn. 4 ; 16).

Jean demeure en Dieu, parce qu’il vit l’amour absolu avec Lui. Il vit en disant en son cœur : Viens, Seigneur Jésus !

Partie centrale (21 ; 20) :

20 Se retournant, Pierre aperçoit, marchant à leur suite, le disciple que Jésus aimait, celui-là même qui, durant le repas, s'était penché sur sa poitrine et avait dit : « Seigneur, qui est-ce qui Te livre ? »

Rappelons le fait que cette DERNIÈRE PARTIE que nous étudions à présent (Jn. 21 ; 15 - 25),
est parallèle à la PREMIÈRE PARTIE, qui nous raconte le Don de l’Esprit aux Apôtres par le Christ (Jn. 20 ; 19 - 23).

Or, le verset central de ce récit fait référence à la Pentecôte personnelle de Jean, qui reçut l’Esprit en se penchant sur la poitrine du Christ (Jn. 13 ; 25),
- tout comme Thomas reçut l’Esprit en touchant le côté du Christ – ce qui rendit l’Apôtre Thomas capable de s’exclamer « Mon Seigneur et mon Dieu » - car, comme le dit l’Apôtre Paul : nul ne peut dire « Jésus est Seigneur » si ce n’est dans l’Esprit-Saint (I Co. 12 ; 3).

Lors du Repas, Jean demanda à Jésus qui venait d’annoncer que l’un des Disciples Le livrera : « Seigneur, qui est-ce ? » (Jn. 13 ; 25)
- Ici, en voyant Jean marcher à leur suite, Pierre demande à Jésus : « Seigneur, et lui ? » (Jn. 21 ; 21)

Lors du Repas, en guise de réponse à question de Jean, Jésus désigne Judas en lui donnant la bouchée (Jn. 13 ; 26).
- Ici, en guise de réponse à Pierre, qui est l’anti-Judas (Pierre, comme Judas, a trahi, mais il s’est repenti et fut nommé le Premier des Apôtres - alors que - comme conséquence de sa trahison, Judas fut exclu du Corps des Apôtres) Jésus désigne Jean (Jn. 21 ; 22).

Ainsi donc, toute cette partie (21 ; 15 – 25) décrit la Voie de Pierre et la Voie de Jean.

La Voie de Pierre est celle des médiations : au départ d’un amour simplement humain, le Chrétien approfondit sa vie intérieure au-travers des médiations. Celles-ci sont d’une part, l’organisation de l’Église et d’autre part, l’écoute active de la prédication de la Foi et sa mise en pratique, par la sanctification du temps dans l’Office divin, par la participation à la Communion eucharistique et par le service après du prochain. L’approfondissement de la vie intérieure ainsi obtenu aboutit à l’amour absolu envers Dieu, qui culmine dans l’expérience du martyre – le fait de donner sa vie pour ses amis, quelle que soit la forme de ce don.

La voie de Jean est celle de l’amour immédiat : au départ d’une expérience personnelle - qui fut, pour Jean, la compréhension instantanée de la Résurrection du Christ au vu du Tombeau vide – au départ également d’une effusion de l’Esprit-Saint – que Jean vécut sur la poitrine du Christ – le Chrétien est plongé d’emblée au cœur de l’expérience de la Vie en Christ. Ensuite, il faut qu’il « demeure » jusqu’à ce que le Christ revienne : tout le défi est de « rester » dans la flamme de cette expérience initiale, dans l’attente de la venue du Christ à la fin des temps, ou à la fin de notre propre parcours terrestre – soupirant à tout instant : « viens, Seigneur Jésus ».

Les deux Voies sont différentes, mais indissociables dans l’expérience de l’Église.

La Voie de Jean :

Jésus demande à Jean, et à tout croyant, de « demeurer » jusqu’à ce qu’Il revienne. Jésus nous demande, après l’élan du début, l’exercice difficile de la patience et de la persévérance : « vous serez haïs de tous à cause de mon Nom. Mais pas un cheveu de votre tête ne périra. Par votre persévérance, vous sauverez vos âmes ! » (Lc. 21 ; 17 – 18).

Tout être humain qui ressent l’appel de Dieu et y répond, reçoit au début de son chemin de grandes grâces. Celles-ci peuvent être des sentiments de joie profonde, de proximité du Divin, ou tout simplement, des « grâces d’aveuglement » : ne pas voir les aspects négatifs de l’institution ecclésiastique et des gens qui la composent, ne pas être immédiatement conscient de ses propres limites et de ses incapacités.

En avançant dans la vie spirituelle, ces grâces se raréfient, pour pratiquement disparaître. Cela exprime le fait que Dieu veut que nous Le connaissions par pure Foi. Si nous approchons de Lui pour le plaisir – tout spirituel – des grâces qu’Il nous donne, ce n’est pas pour Lui uniquement que nous parcourons ce chemin. Nous cheminons pour – ne fût-ce que partiellement – continuer à goûter les grâces spirituelles. Notre démarche est ambiguë. Il est indispensable que nous soyons sevrés de ces goûts spirituels, pour que Dieu seul soit notre horizon.

Outre la Foi seule exigée par Dieu, il existe une autre raison : Dieu est venu parmi nous, Il a parlé notre langage – mais Il est resté en même temps totalement inaccessible et incompréhensible. Lorsqu’Il nous parle, il est très exceptionnel qu’Il utilise nos « mots », nos concepts. Nous nous attendons à ce qu’Il nous parle en utilisant notre propre langage : l’« ouragan », le « tremblement de terre », le « feu » du prophète Élie – ce qui impressionne les masses, le langage de puissance et de menaces compris de tous. Or Dieu se fait entendre dans la « brise légère » (I Rois, 19 ; 12) : ce langage auquel il faut prêter l’oreille, qui disparaît derrière les rumeurs du monde.

Dans l’espoir que nous avons de parvenir à rencontrer Dieu, nous risquons de nous laisser influencer – même inconsciemment - par l’imagerie de la peinture baroque qui montre les Saints ravis en extase, ou mieux, en lévitation à cinquante centimètres au-dessus du sol. Cela est sans doute arrivé dans l’histoire, mais uniquement à des Saints dont l’amour-propre ne risquait pas de se gonfler à l’occasion d’une faveur aussi visible ! Dans l’immense majorité des cas, le langage divin est incompréhensible au monde, invisible, inaudible, discret…

Au cours de l’avancement spirituel, non seulement les grâces initiales s’évanouissent, mais il peut en être de même, pendant de longues périodes, pour le sentiment de présence de Dieu. C’est une épreuve qui est généralement inattendue, car elle survient après que l’on ait goûté les premiers biens, et alors même que l’on mène une vie irréprochable... Cela fait partie de ce que l’on peut appeler la « stratégie de la Foi pure », que le Créateur essaie de nous inculquer. Nous sommes appelés à apprendre existentiellement, par notre vie même, que la présence de Dieu est totalement indépendante du sentiment que l’on peut en avoir. Nous arrivons ainsi à un au-delà du sentiment.

Tout ce qui, dans notre piété, est mièvre, « à l’eau-de-rose » est impitoyablement balayé par l’océan démonté de l’existence. Et ce n’est pas une métaphore : c’est la vérité littérale du mûrissement. Il ne reste, après des années, que le roc dur de la Foi. Le romantisme des beaux chants, des lampades brasillant devant les icônes, de la pénombre douce de l’église, tout cela a perdu de ses couleurs, a laissé place à une sobriété qui est infiniment plus solide que ces effusions.

La Tradition orthodoxe, au-delà de la floraison des textes liturgiques et de la richesse des symboles, pratique ce retrait du sentiment qui est typique de la sobriété religieuse. Il s’agit de cette dimension d’austérité qui est partout perceptible sous la profusion des formes. L’icône de la Nativité nous montre un bel exemple de cette abstention volontaire de tout sentimentalisme : Marie se détourne de l’enfant divin, bien loin de Le tenir dans ses bras ; Et l’Enfant divin Lui-même est emmailloté dans les bandelettes de la mort, sur fond d’une caverne obscure qui évoque le Tombeau où surviendra la Résurrection. Rien n’évoque la tendresse que l’être humain ressent naturellement pour un nouveau-né, sentiment qui imprègne toute l’expressivité occidentale pour Noël. Les milliers de tropaires et de Canons qui sont lus et chantés dans l’Église orthodoxe ne détrônent en rien la primauté de la prière du cœur.

Les fondations de la maison de notre vie spirituelle s’approfondissent jusqu’à reposer sur la pierre originelle de la Foi. Cette érosion du sentimentalisme, au fur des épreuves de la vie, ne souffre pas d’exception : nous devons tout lâcher, jusqu’à l’image que nous désirons présenter de nous-mêmes. Adieu, le désir que nous avions de paraître comme de parfaits chrétiens, ou d’élégants moines : à chacun d’entre nous sera réclamée une petite partie de la vocation d’un Fol-en-Christ.

La tentation contre laquelle nous préviennent un grand nombre d’auteurs spirituels, est de vouloir revenir à un état spirituel antérieur, pour goûter à nouveau de ces grâces initiales, qui étaient si douces… On se dit : « je fais sûrement fausse route, car je ne ressens plus rien de ce que je goûtais auparavant, et de plus, le Seigneur m’a quitté ». En fait, non seulement le Seigneur ne m’a pas quitté, mais Il n’a jamais été aussi proche, aussi intimement présent. Je dois faire l’acte de Foi en sa Présence, ce qui est infiniment plus précieux à Ses Yeux, que toutes les délices spirituelles possibles. Le tout est de ne pas reculer sur notre chemin, sous prétexte de faveurs spirituelles sensibles et de vertus trop apparentes.

Tout ceci est un bagage commun d’un grand nombre d’écrivains spirituels. La privation du sentiment de Présence est souvent décrite comme une Nuit spirituelle dans le contexte de la mystique occidentale – « Nuit » séparée assez artificiellement de l’état d’Union à Dieu, alors que parmi les auteurs orientaux, la sobriété recouvre la même réalité ; cette dimension subsiste au cœur même de l’Union avec Dieu la plus profondément vécue.

Il n’est pas besoin d’être dans un monastère ou de vivre dans la solitude pour parcourir ce chemin. Ce dépouillement nécessaire dans le parcours de la Voie, est la Croix que chacun est appelé à prendre sur ses épaules. Et à ce titre, le Christ peut vraiment dire : « mon joug est doux et mon fardeau léger ». Car la joie profonde et intérieure que l’on vit en progressant avec le Christ et dans l'Esprit est réellement sans comparaison avec les douleurs et les arrachements qui sont vécus, et qui ne sont rien d’autre qu’une authentique libération.

Pourtant, le début de cette recherche semble inaccessible à la plupart des gens qui nous entourent. Les gens sont frappés du « syndrome du tout-ou-rien ». Soit, on est sensé vivre avec Dieu et en Dieu, soit, on se considère comme totalement étranger au monde spirituel. Il devrait exister un état intermédiaire, une sorte de marchepied qui permette d’accéder au premier mètre du sentier à parcourir. Et quel est-il ? Pour le savoir, interrogeons-nous sur ce qu’ont fait les Pères, ceux qui nous ont précédés et qui n’avaient pas plus que nous, de « science infuse » pour parcourir les premiers pas.

Les Pères spirituels avaient une attitude d’étude envers eux-mêmes : ils observaient ce qui se passait en eux lorsqu’ils priaient, quant ils étaient en cet état d’écoute attentive de leur monde intérieur. Devant le Don divin, celui de notre propre existence, celui du Cosmos qui nous entoure, que puis-je faire d’autre, que de le recevoir ? S’il s’agit de le recevoir, que se passe-t-il en moi, lorsque je prends conscience que je le reçois ? Toute leur attitude était faite d’attention à soi-même. La prière est une réponse à Dieu ; la prière ne sert pas à faire quelque chose avec elle. En l’absence de cette attention à soi-même, nous vivons dans la distraction, nous vivons à côté de nous-mêmes, sans nullement nous connaître. Celui qui n’est pas vigilant envers lui-même ne peut devenir pur de cœur.

Que se passe-t-il ne nous lorsque nous nous questionnons ? Il s’agit de la Question primordiale, la source de toutes les autres. Il s’agit de cet ébranlement de l’être qui nous porte à nous demander : « qu’est-ce que je fais dans cet univers ? quel est le sens de ma vie ? - il est impossible que tout ce que je suis cesse à ma mort ! » La plupart du temps, cet ébranlement se produit à l’occasion de malheurs et d’accidents ; l’être humain ne s’interroge guère lorsque tout va bien… Et c’est pourquoi cette Question primordiale est ressentie comme quelque chose de pénible et d’importun. Mais elle n’a rien de négatif en elle-même. Si nous sommes attentifs à ce qui se passe dans notre monde intérieur, nous nous apercevons vite que la Question se pose à tout instant.

Lorsque nous sommes attentifs à nous-mêmes, et que nous nous situons en attitude de témoin à côté de ce Questionnement, que se passe-t-il ? En fait, cette attitude de témoin est très féconde : lorsque nous observons en nous-mêmes ce qui se passe, en nous tenant imperceptiblement à côté de l’événement, nous découvrons bien des choses. L’attitude de témoin permet de ne pas être immergé dans ce qui se passe. Lorsque nous nous questionnons, il arrive quelque chose de très remarquable : l’énergie nécessaire pour résoudre ce Questionnement apparaît. Il s’agit de l’éveil de l’âme. Le Créateur agit en synergie avec l’être humain qui se penche sur son être intérieur : le Créateur agit avec lui, et donne ce qui est nécessaire pour que le Questionnement se poursuive et aboutisse. Cette énergie est sans commune mesure avec celle dépensée par l’être humain. Les deux phénomènes sont simultanés : l’action divine ne précède pas l’initiative humaine ; elle est une réponse immédiate à celle-ci.

Encore faut-il ne pas neutraliser cette action. Nous avons fait un pas de côté, pour observer la petite pousse verte qui vient de sortir du sol. Si nous déversons dessus un camion de pavés en pierre, eh bien, il ne se passera plus rien… Les pavés ne sont pas mauvais en soi – mais ils ont la capacité d’étouffer ce qui vient de commencer à pousser. Et c’est ce qui se fait la plupart du temps : nous déversons sur la petite pousse tendre de la vie spirituelle le camion des pensées conceptuelles et des sentiments qui nous animent. Nous submergeons ainsi l’organe de la connaissance profonde de notre âme. Nous neutralisons immédiatement le Questionnement par un flot de pensées, une tourmente d’émotions ou un débordement d’activités physiques. Et une fois de plus, la « petite pousse » a disparu. Nous recommencerons cette manœuvre autant de fois que nécessaire, tout au long de notre vie, sans même nous en apercevoir, et la vie spirituelle demeurera pour nous lettre morte : nous ne saurons même pas qu’elle existe. Même si nous sommes nés en milieu chrétien, notre Christianisme demeurera inexistant, limité à des pratiques extérieures, si elles existeront encore… Si nous faisons de bonnes actions, celles-ci se cantonneront dans le domaine moral, sans susciter de progrès spirituel.

Les Pères ascétiques ne nous disent rien d’autre lorsqu’ils affirment qu’une « pensée » qui survient en notre âme n’est pas un péché, tant que nous n’y attachons pas notre attention. Il ne s’agit pas de lutter contre le surgissement des « pensées » qui battent constamment le rivage de notre âme, comme les vagues une côte sablonneuse. Mais une « pensée » devient un péché, disent-ils, lorsque nous y attachons notre âme, et la laissons croître en nous, devenant une « passion » qui se nourrit de notre énergie spirituelle, comme un parasite, comme le gui se nourrit de la sève de l’arbre sur lequel il pousse.

Ce langage qui pose la question en terme de « péché », a l’immense inconvénient d’être devenu incompréhensible à l’heure actuelle. La notion de « péché » est compris comme un manquement à une liste de règles arbitraires, et nous fait glisser dans le domaine de la culpabilité et des interdits. Et ce n’est pas du tout de cela dont il s’agit. Par contre, ce qui reste toujours vrai, est ceci : lorsque nous recouvrons notre organe de connaissance intérieure par une pensée, par une impulsion, par une association d’image – dont le premier but est d’étouffer dans l’œuf ce Questionnement – alors, cet ensemble d’émotions devient impossible à surmonter, et ne peut être renouvelé que par un autre train de pensées, d’impulsions, d’associations d’images qui viennent recouvrir le précédent. Recouvert par des « strates » psychiques toujours plus nombreuses et plus pesantes, notre monde intérieur nous devient de plus en plus lointain, étranger, tandis que devient invincible ce carcan psychique qui nous domine de plus en plus totalement. Ce « cercle vicieux » de l’extériorité peut être brisé, en faisant un retour sur soi, en se mettant en position de silence, de vacuité, d’accueil, d’attente, et en observant au plus profond de soi, ce qui se passe… L’être humain retrouve ainsi ce pouvoir de recueillir l’énergie de l’âme, qui lui est donné en abondance dès lors qu’il accueille en lui le Questionnement. Tout cela est dit dans le langage traditionnel : il s’agit de « découvrir où se trouve le cœur », de plonger dans notre propre intériorité, et de faire avec vigilance la « garde du cœur », de sorte que l’on ne recouvre pas avec tout l’amoncellement de notre vie psychique la fragile pousse qui vient de naître, et afin de ne pas la déraciner par notre agitation.

L’attention à nous-mêmes, la vigilance intérieure est le point de départ de toute vie spirituelle. L’Église a montré le but : l’union à Dieu, mais a le plus souvent négligé de montrer les instruments nécessaires pour franchir la première marche. Le langage des Pères ascétiques est devenu incompréhensible, car il a été compris comme s’il traitait purement des choses extérieures. Les Pères nous mettent en garde contre une attention excessive donnée au « monde extérieur ». Il ne s’agit pas nécessairement du monde qui est géographiquement en-dehors de nous ; il s’agit plutôt de tout le complexe psychique des réactions de désir et de rejet qui canalisent nos énergies vers l’extérieur. La « virginité » ne se limite pas à être un état du corps. Il s’agit de cette disponibilité, de cette pureté et vacuité intérieure qui n’est pas envahie par toutes les constructions mentales toujours prêtes à se cristalliser dans notre âme, si nous perdons notre attention envers nous-mêmes. Le corps, quant à lui, reçoit toutes les impressions et toutes les matières de l’Univers. Tout cela concerne des états mentaux, des degrés de la croissance spirituelle.

Toutes ces notions qui sont très simples, sont découvertes et vécues intuitivement par tous les croyants qui cultivent la vie spirituelle. Chacun a trouvé le chemin de son cœur, trouvé de « lieu » au plus profond de lui-même, où il entre en contact avec Dieu, lieu secret où brûle la lampe précieuse de la Présence aimante du Créateur, où resplendit l’Image sacrée, qui nous attire vers sa Ressemblance. De là jaillit la fontaine vivifiante de la force divine, qui irrigue tout l’être du croyant.

La Voie de Pierre :

Lorsque nous lisons certains auteurs spirituels, nous avons souvent l’impression qu’il existe une « religion à deux vitesses » : la « véritable » spiritualité, celle de l’élite, qui est la prière intérieure, la méditation silencieuse, et une « spiritualité de deuxième zone », accessible à la masse, qui constitue en l’assistance à l’Eucharistie, en la réception des Sacrements et, dans les Monastères, au chant de l’Office divin. Cela nous donne l’impression d’être en présence d’une religion qui n’a rien à voir avec l’Incarnation, puisque l’essentiel se passe mentalement, tandis que les formes plus « élémentaires » de la religion comportent un aspect matériel. Selon cette perspective, ce qui est matériel serait un obstacle au spirituel.

Nous avons vu plus haut, en quoi consiste l’apophase et la cataphase. Nous avons vu qu’il s’agit d’une distinction-identité, dont les deux termes ne peuvent être divisés – tout comme les notions d’Essence et d’Energies. Il en est de même ici : la spiritualité apophatique, qui culmine dans un silence vigilant devant Dieu, ne peut être séparée de la spiritualité cataphatique des médiations, que nous avons appelée « la Voie de Pierre ». Dans la vie chrétienne, la méditation solitaire est vécue de façon conjointe avec tout ce que l’Eglise nous donne comme Sacrements et formes rituelles de prière.

Le Baptême immerge dans l’eau ; la Chrismation oint avec de l’huile ; l’Eucharistie prend du pain et du vin. Tout ceci montre que la MATIÈRE n’est pas étrangère à notre processus de croissance spirituelle. Bien plus : elle est inséparable de ce processus, car nous sommes des êtres situés entre le matériel et le spirituel. Nous ne sommes pas que matière, et c’est pourquoi la mort nous paraît si cruellement étrangère à notre Nature.

Du côté divin, Dieu s’est incarné : à un moment de l’Histoire, Il est devenu matière ; le Christ a pris toute notre dimension, Il s’est meurtri les pieds sur les cailloux de nos chemins. Il a pris de sa salive et en a fait de la boue pour en guérir les yeux de l’aveugle. Il a mangé un rayon de miel devant ses disciples, après sa Résurrection. La matière que le Christ donnait à ses disciples n’était pas que matière : Il souffla sur eux et ils reçurent l'Esprit. Cela nous dévoile une vérité fondamentale : la matière pénétrée de l'Esprit devient un levier puissant de notre vie spirituelle. Notre vie en Dieu se fait AVEC la matière – pas sans elle, et surtout pas contre elle. Le Christianisme n’est pas seulement une religion de l’intellect ; il concerne l’être humain tout entier, y compris l’intégralité de sa condition matérielle.

À la suite du Christ, l’Église garde ce sens de la matière. L’Église bénit les eaux, et demande que « cette eau ait les mêmes pouvoirs que les eaux du Jourdain » où le Christ s’est plongé pour purifier les êtres humains qui s’y immergent à leur tour dans le Baptême, que ces eaux dans lesquelles le Christ fut immergé par le Baptiste, prophétisant la Mort et la Résurrection prochaines, et où surtout se sont manifestées les Trois Personnes divines. Le Christianisme n’est pas seulement une question d’intellect. Il contient tout, notre cœur, et aussi notre corps. Imprégné d’Esprit, notre corps est lui aussi, instrument de notre Salut ; lui aussi, il participera à la Résurrection, dans sa dimension glorifiée, totalement transparent à la Lumière incréée.

Nous embrassons la Croix, et ce n’est pas un geste de politesse… Cette matière imprégnée d’Esprit, comme le fer chauffé à blanc est imprégné de chaleur, nous donne la grâce spirituelle. Nous embrassons l’Evangéliaire et le prêtre embrasse l’angle du saint Autel, dans le même sens. La matière chargée d’Esprit fore un « trou dans l’espace-temps » qui fait communiquer le divin avec notre dimension humaine. Alors que dans l’univers physique, un trou dans l’espace-temps est en réalité un « trou noir », limite ultime de l’entropie, où tout finit - horizon extrême de l’évolution – dans l’Église, il s’agit en réalité d’un surgissement de Lumière, où tout commence, par des commencement qui n’ont pas de fin, comme le dit saint Grégoire de Nysse.

Une fois que nous avons trouve le chemin de notre temple intérieur, il est essentiel de ne pas l’encombrer du « bazar » de nos impressions multiformes et de nos constructions mentales ; sinon, la lampe s’éteint et la source se tarit.
Si ce Temple intérieur est rempli de ces concrétions, les « pensées/passions » deviennent pratiquement invincibles : il n’est pas plus possible à l’être humain de dominer ces « pensées » que d’inverser le cours d’une rivière ou de déplacer l’Himalaya. Une fois enlisé dans cette accumulation, l’être humain ne peut plus même concevoir qu’une vie spirituelle puisse exister : tout ce qui s’y rapporte est réellement pour lui, invisible et inconcevable. Ces « pensées » gouvernent l’être humain, et toute tentative d’améliorer l’être humain en modifiant ses pensées et son comportement de l’extérieur, est promise à l’échec et reste sans effet. Voilà pourquoi une morale purement extérieure est totalement inefficace, et la simple action sociale impuissante à modifier durablement l’être humain.

Que vais-je faire, concrètement ? Vais-je me mettre à méditer ? Oui, certes, il n’y a rien de mieux que de cultiver la vie intérieure. Mais tout dépend de l’esprit dans lequel on le fait… Si je médite en me disant : « je vais acquérir de nouveaux pouvoirs », je tombe immédiatement dans ce gonflement de l’Ego qui rend impossible toute approche de la vie spirituelle. - La méditation est la meilleure chose possible, si elle est ouverture à Dieu, vigilance spirituelle, silence attentif… Par contre, s’il s’agit d’un temps passé dans la distraction, dans la succession d’images mentales, ou si nous le faisons pour donner de nouvelles facultés à notre « Moi », à ce moment-là, c’est une idole subtile. Bien des gens payent en espèces sonnantes et trébuchantes des stages et des séjours, pour « apprendre la méditation », persuadées qu’elles vont acquérir « quelque chose de plus », et par là s’éloignent de la Présence divine qui ne s’achète ni ne s’échange contre des biens terrestres.

Les Actes des Apôtres nous disent des disciples, que « jour après jour, ils fréquentaient assidûment le Temple et rompaient le pain dans leurs maisons » (Ac. 2 ; 46). Nous voyons en ce verset les deux composantes de la prière de l’Eglise : la sanctification du temps, et la célébration de l’Eucharistie : le fait de « rompre le pain ». Les lectures et chants des psaumes, plusieurs fois par jour – initialement suivant la pratique synagogale - font partie de la vie spirituelle des premières communautés chrétiennes, dès les origines. Tout cela va s’épanouir en un Office divin constitué, dès l’apparition du Monachisme – avec de nombreuses variantes locales. Pourtant, l’Office divin n’est pas la spécialité des Moines et des Moniales. D’ailleurs, les Moines et Moniales ne sont rien d’autre que des Chrétiens qui ont mis en œuvre tous les moyens à leur disposition, pour se lancer dans la quête spirituelle.

L’Office divin est la sanctification du temps, l’offrande à Dieu de la seule chose qui nous appartienne vraiment : le temps… Bien des gens nous diront : « mais je n’ai pas le temps ! » Nous avons tout le temps nécessaire pour ce qui nous intéresse. D’innombrables gens passent de nombreuses heures, et parcourent de très nombreux kilomètres pour se retrouver debout ou assis sur d’inconfortables sièges en plastique, afin d’assister à quelque événement sportif. Si vous dites, comme s’il s’agissait d’une évidence : « je n’ai pas le temps » pour Dieu, dites tout simplement, de façon plus sincère et réaliste : « Dieu ne m’intéresse pas ». Ce sera plus près de la réalité.

En chantant l’Office divin, nous nous mettons en position d’écoute, tandis que toutes les icônes verbales présentes dans les textes liturgiques métamorphosent progressivement notre âme : ces icônes verbales érodent lentement les excroissances de l’Ego, éveillent le cœur spirituel, approfondissent la personne en l’ouvrant à l'Esprit-Saint et en lui accordant une transparence nouvelle. Tout cela demande des années. Rien ne se fait au « presse-bouton » ! Mais c’est un moyen sûr, à l’abri des entreprises du « Moi », car ce n’est pas « mon » œuvre : je ne fais que laisser passer par moi un langage qui me dépasse, qui est celui de l’Eglise, traversant les siècles et parcourant l’espace.

L’Office divin nous transforme réellement, bien que ce soit un phénomène lent. Très souvent, un verset biblique nous « accroche », et nous révèle un sens caché du texte inspiré. Existe-t-il un moyen plus rapide ? C’est un peu décourageant de nous entendre dire : « oh, après vingt-cinq ans, cela devient plus facile… ». Eh non ! Sauf miracle, tout prend du temps, et particulièrement la transformation de nous-mêmes. Ce n’est pas en quelques jours que le granite se transforme en une chair chaude, souple et vivante.

Pourquoi tant de mots, pour ces réalités qui n’ont pas besoin de cela pour exister ? La plupart des croyants expérimentent tout cela intuitivement, sans se poser de question particulière. Tout d’abord, parce que certains concepts nous aident à vivre, mettant un mot sur une réalité que nous avions jusque là des difficultés à cerner et identifier. Et surtout, parce que ces concepts simples nous permettent de vivre l’unité des deux grands domaines de la pensée chrétienne : la théologie positive, et la théologie ascétique – la cataphase et l’apophase, comme nous l’avons vu.

Dans le champ de la recherche intérieure, il s’agit de retrouver le chemin du cœur, d’être attentif et vigilant à ce qui s’y passe, d’être témoin de l’éveil de notre âme et de ne pas ensevelir le miracle de cette éclosion par l’envahissement des réactions psychiques. À ce moment, nous nous apercevons de la très grande force spirituelle que Dieu nous accorde, parallèlement à l’éveil de notre cœur. C’est ce cœur agissant qui nous donnera des yeux spirituels nouveaux, avec lesquels autant l’Ecriture que la Théologie nous apparaîtront vivantes et fécondes, bien plus et bien autre chose que du papier imprimé !

DEUXIÈME PARTIE : L'ATTOUCHEMENT DE THOMAS

Deuxième partie : Thomas reconnaît le Christ ressuscité (20 ; 24 - 28) :

20 24 Or Thomas, l'un des Douze, appelé Didyme, n'était pas avec eux, lorsque vint Jésus.
25 Les autres disciples lui dirent donc : « Nous avons vu le Seigneur ! » Mais il leur dit : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, et si je ne mets pas ma main dans son côté, je ne croirai pas ».
26 Huit jours après, ses disciples étaient de nouveau à l'intérieur et Thomas avec eux. Jésus vient, les portes étant closes, et Il se tint au milieu et dit : « Paix à vous ».
27 Puis Il dit à Thomas : « Porte ton doigt ici : voici mes mains; avance ta main et mets-la dans mon côté, et ne deviens pas incrédule, mais croyant ».
28 Thomas lui répondit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »
29 Jésus lui dit : « Parce que tu me vois, tu crois. Heureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru ».

CETTE PARTIE POSSÈDE SA STRUCTURE PROPRE :

Première partie Le témoignage des Disciples(20 ; 24 - 25a) :

20 24 Or Thomas, l'un des Douze, appelé Didyme, n'était pas avec eux, lorsque vint Jésus.
25 Les autres disciples lui dirent donc : « Nous avons vu le Seigneur ! »

Les Disciples témoignent auprès de Thomas, de la Résurrection du Christ.

Parallèle à : Dernière partie Le témoignage de Thomas(20 ; 28 - 29) :

20 28 Thomas lui répondit : « Mon Seigneur et mon Dieu ! »
29 Jésus lui dit : « Parce que tu me vois, tu crois. Heureux ceux qui n'ont pas vu et qui ont cru ».

Thomas reconnaît – en une admirable Confession de Foi – la Résurrection du Christ. Il fait l’expérience spirituelle fondatrice, tout comme Pierre et Jean l’on faite, en d’autres circonstances.

Le Christ nous donne la Béatitude des croyants, qui nous est adressée tout particulièrement à nous, qu’une longue période de temps sépare de l’événement historique. Nous sommes appelés à faire ce que Thomas s’est initialement refusé à accepter : croire sans avoir vu.


Deuxième partie Le doigt et le côté : le doute de Thomas(20 ; 25b) :

20 25b Mais il leur dit : « Si je ne vois pas dans ses mains la marque des clous, si je ne mets pas mon doigt dans la marque des clous, et si je ne mets pas ma main dans son côté, je ne croirai pas ».

Parallèle à : Avant-dernière partie Le doigt et le côté : Thomas est incité à la Foi par le Christ(20 ; 27) :

20 27 Puis Il dit à Thomas : « Porte ton doigt ici : voici mes mains; avance ta main et mets-la dans mon côté, et ne deviens pas incrédule, mais croyant ».

Il faudrait que nous nous demandions quel était le degré d'incrédulité de Thomas (...). La traduction littérale des Paroles que le Seigneur lui adresse (mè ginou apistos, alla pistos) est non pas « ne sois pas incrédule, mais croyant », mais : « ne le deviens pas ». Ceci est le sens de « ginou ». Thomas hésitait. Il avait deux voies devant lui : celle de la Foi et celle de l'incrédulité. L'apparition du Seigneur l'affermit dans la Foi.

Archimandrite Cassien (Bésobrasoff) La Pentecôte johannique. Les Imprimeries réunies 1939, p. 118.

En fait, Thomas est croyant, dès lors qu'il toucha le côté du Seigneur. De la liberté de choix entre le Bien et le Mal, entre la Foi et l'incroyance, il est passé à la liberté de croissance, à la stabilité dans le Bien. Cette stabilité dans le Bien est la forme de liberté que devait revêtir l'être humain global, s'il avait répondu positivement à la Question Fondamentale posée par le Créateur. Et c'est la forme de liberté qu'adopte l'être humain qui, aujourd'hui, vit le « déclenchement de la Foi » en répondant au Créateur : « Mon Seigneur et mon Dieu », en confessant sa Foi en la Résurrection.

L'attouchement comme forme d'expérience a droit à une attention spéciale de notre part. En commentant l'histoire de Thomas, saint Cyrille d'Alexandrie qui a témoigné d'une pénétration profonde de l'esprit du Quatrième Évangile, pensait à l'attouchement qui s'effectue dans « l'Eulogie » et qui est rendu possible par le don du Saint-Esprit. L'« Eulogie » est le terme que saint Cyrille emploie pour désigner l'Eucharistie. Par conséquent, c'est l'Eucharistie qu'il interprète comme un attouchement du Seigneur, en la rapprochant de l'expérience de Thomas. Nous retrouvons ce rapprochement dans la vie liturgique de l'Église orthodoxe. Dans les prières qui sont récitées par les croyants quand ils s'approchent de la Communion, il est dit : « ... Étant herbe, je communie au feu et, ô terrible miracle, je suis arrosé sans être brûlé, de même qu'anciennement le Buisson Ardent était enflammé sans être brûlé » (prière VII, de saint Siméon le Nouveau Théologien). Or, dans l'Office dédié à la mémoire de saint Thomas, l'Église chante : « Ô nouveau miracle, ô glorieuse image, comment se fait-il que la main de l'apôtre n'avait pas été brûlée comme l'herbe par le feu de la Divinité ? » (Mercredi de la deuxième semaine après Pâques, Matines). Cette idée de feu qui a laissé intacte la main de Thomas est répétée de différentes manières pendant les services de la deuxième semaine après Pâques, dédiée tout entière à sa mémoire (cf. encore le premier dimanche après Pâques, Matines, Canon, « Ikos », etc.). Il existe un parallélisme frappant entre cette idée est celle que nous avons observée dans les prières de préparation à la sainte communion. Le sens de ce parallélisme est que la conscience de l'Église rapproche l'attouchement de Thomas de l'expérience eucharistique : nous sommes toujours dans la ligne de l'exégèse de saint Cyrille.
Ibid. p. 131 - 132.

Partie centrale La venue du Christ ressuscité auprès de ses Apôtres(20 ; 26) :

20 26 Huit jours après, ses disciples étaient de nouveau à l'intérieur et Thomas avec eux. Jésus vient, les portes étant closes, et Il se tint au milieu et dit : « Paix à vous ».


AVANT-DERNIÈRE PARTIE : le récit de la Pêche Miraculeuse
Jean reconnaît le Christ ressuscité

La deuxième partie est parallèle à : L'avant-dernière partie (21 ; 1 - 14) :

La pêche miraculeuse

21 1 Après cela, Jésus se montra de nouveau aux Disciples sur le bord de la mer de Tibériade. Il se manifesta ainsi.
2 Simon-Pierre, Thomas, appelé Didyme, Nathanaël, de Cana en Galilée, les fils de Zébédée et deux autres de ses disciples se trouvaient ensemble.
3 Simon-Pierre leur dit : « Je m'en vais pêcher. » Ils lui dirent : « Nous venons, nous aussi, avec toi. » Ils sortirent, montèrent dans le bateau et, cette nuit-là, ils ne prirent rien.
4 Or, le matin déjà venu, Jésus se tint sur le rivage ; pourtant les disciples ne savaient pas que c'était Jésus.
5 Jésus leur dit : « Les enfants, vous n'avez pas du poisson ? » Ils lui répondirent : « Non ! »
6 Il leur dit : « Jetez le filet à droite du bateau et vous trouverez », Ils le jetèrent donc et ils n'avaient plus la force de le tirer, tant il était plein de poissons.
7 Le disciple que Jésus aimait dit alors à Pierre : « C'est le Seigneur! » À ces mots : « C'est le Seigneur! » Simon-Pierre mit son vêtement - car il était nu - et il se jeta à l'eau.
8 Les autres disciples, qui n'étaient pas loin de la terre, mais à environ deux cents coudées, vinrent avec la barque, traînant le filet de poissons.
9 Une fois descendus à terre, ils aperçoivent, disposé là, un feu de braise, avec du poisson dessus, et du pain.
10 Jésus leur dit : « Apportez de ces poissons que vous venez de prendre ».
11 Alors Simon-Pierre monta dans le bateau et tira à terre le filet, plein de gros poissons : cent cinquante trois; et quoiqu'il y en eût tant, le filet ne se déchira pas.
12 Jésus leur dit : «Venez déjeuner. » Aucun des disciples n'osait lui demander : « Qui es-tu ? », sachant que c'était le Seigneur.
13 Jésus vient, il prend le pain et il le leur donne; et de même le poisson.
14 Ce fut là la troisième fois que Jésus se manifesta aux disciples, une fois ressuscité d'entre les morts.

Sept Disciples sont nommés dans le récit :
1) Simon-Pierre,
2) Thomas, appelé Didyme,
3) Nathanaël, de Cana en Galilée,
4, 5) les fils de Zébédée
6, 7) et deux autres de ses disciples se trouvaient ensemble (21 ; 2).
Le mot « disciple » apparaît sept fois dans le récit.


CETTE PARTIE POSSÈDE SA STRUCTURE PROPRE :

Première partie (21 ; 1) :

21 1 Après cela, Jésus se manifesta de nouveau aux disciples sur le bord de la mer de Tibériade. Il se manifesta ainsi.

Ce verset situe géographiquement la manifestation du Christ ressuscité.

Parallèle à : Dernière partie (21 ; 14) :

21 14 Ce fut la troisième fois que Jésus se manifesta aux disciples, une fois ressuscité d'entre les morts.

Ce verset situe temporellement la manifestation du Christ ressuscité.

Deuxième partie (21 ; 2 - 6) :

21 2 Simon-Pierre, Thomas, appelé Didyme, Nathanaël, de Cana en Galilée, les fils de Zébédée et deux autres de ses disciples se trouvaient ensemble.
3 Simon-Pierre leur dit : « Je m'en vais pêcher. » Ils lui dirent : « Nous venons, nous aussi, avec toi. » Ils sortirent, montèrent dans le bateau et, cette nuit-là, ils ne prirent rien.
4 Or, le matin déjà venu, Jésus se tint sur le rivage ; pourtant les disciples ne savaient pas que c'était Jésus.
5 Jésus leur dit : « Les enfants, vous n'avez pas du poisson ? » Ils lui répondirent : « Non ! »
6 Il leur dit : « Jetez le filet à droite du bateau et vous trouverez », Ils le jetèrent donc et ils n'avaient plus la force de le tirer, tant il était plein de poissons.

1) - Les Disciples sont dans la barque, mais ne prennent rien.
2) - Jésus se tient sur le rivage.
3) - Jésus pose la question : « n’avez-vous pas de la nourriture (prosphagion)» ?
4) - Jésus dit aux Disciples : « jetez le filet à droite du bateau »
5) - Les Disciples ne savaient pas que c’était Jésus.

Parallèle à : Avant-dernière partie (21 ; 8 - 13) :

21 8 Les autres disciples, qui n'étaient pas loin de la terre, mais à environ deux cents coudées, vinrent avec la barque, traînant le filet de poissons.
9 Une fois descendus à terre, ils aperçoivent, disposé là, un feu de braise, avec du poisson dessus, et du pain.
10 Jésus leur dit : « Apportez de ces poissons que vous venez de prendre ».
11 Alors Simon-Pierre monta dans le bateau et tira à terre le filet, plein de gros poissons : cent cinquante trois; et quoiqu'il y en eût tant, le filet ne se déchira pas.
12 Jésus leur dit : «Venez déjeuner. » Aucun des disciples n'osait lui demander : « Qui es-tu ? », sachant que c'était le Seigneur.
13 Jésus vient, il prend le pain et il le leur donne; et de même le poisson.

1) - Les Disciples sont dans la barque, traînant le filet rempli de poissons.
2) - Jésus se tient sur le rivage, où est disposé un feu de braises avec du poisson et du pain.
3) - Simon Pierre tire le filet où se trouvent 153 gros poissons.
4) - Jésus dit aux Disciples : « venez déjeuner ».
5) - Les Disciples ne posent pas de question, car ils savent que c’est le Christ.

Ce qui est assez curieux, c'est qu'ils n'ont pas prélevé le poisson cuit pour le repas, parmi tous ces poissons qu'ils venaient de prendre. En fait, Jésus les attendait, ayant préparé à l'avance un feu de braise, avec du poisson et du pain. Assez étrangement, Il demande à ses disciples de leur apporter « de ces poissons que vous venez de prendre » (apo tôn opsiariôn) alors que, visiblement, Il n'en avait pas besoin, le repas étant d'ores et déjà préparé. Le poisson du repas était différent du poisson qui venait d'être pêché. Cela nous permet de voir en l'apôtre Pierre qui tire à terre le filet, la symbolisation de la Fin des Temps. Le repas eucharistique est quelque chose de fondamentalement différent du Jugement eschatologique. Le « poisson eucharistique » n'a rien à voir avec les « poissons » du Jugement. Bien naturellement, tous les apôtres « communient » au « poisson eucharistique » offert par le Christ. Il est donc très significatif que le Christ demande à ses apôtres de lui apporter « de ces poissons », c'est-à-dire une partie des poissons récoltés, et non pas « tous les poissons ». Car seuls se retrouvent auprès du Christ ceux pour lesquels le Jugement eschatologique a été favorable.

En s'adressant aux disciples, le Seigneur les appelle paidia (v. 5). La traduction habituelle : « enfants », est littérale, mais non pas correcte. Paidia n'est pas un synonyme de teknia. L'équivalent français de paidia serait « bonnes gens » ou « compagnons ». Paidia est à sa place dans la bouche d'une personne d'un certain âge ou d'une certaine position parlant à des interlocuteurs d'âge ou de position inférieurs. C'est ainsi que l'on s'adressait à des ouvriers, lorsqu'ils étaient occupés de leur travail. Ce n'est pas le Maître qui parle ici à ses disciples, c'est un passant qui s'adresse aux pêcheurs. Il leur demande : mè ti prosphagion echete ; cette fois encore la traduction habituelle : « N'avez-vous rien à manger ? » doit être rejetée. Prosphagion n'est pas un synonyme de brôsimon (cf. Lc. 14 ; 41, où cette traduction est parfaitement justifiée). Dans le Nouveau Testament prosphagion ne se rencontre plus. Dans les papyrus, on trouve l'expression « arton kai prosphagion ». Le pain étant l'aliment principal, prosphagion est un supplément au pain. Un synonyme de prosphagion serait non pas brôsimon mais opson ou opsarion,ce qui signifie déjà chez Platon et Ménandre « poisson ». Cet usage d' opsarion se retrouve dans le Quatrième Evangile où duo opsaria (Jn. 6 ; 9) figure à la place de duo ichthuas des synoptiques (cf. Mt. 14 ; 17, Mc. 6 ; 38, Lc. 9 ; 13). Dans Jn. 21 ; 10, Jésus, déjà reconnu par le disciple qu'Il aimait, donne l'ordre aux pêcheurs d'apporter de ces poissons qu'ils viennent de prendre. Le terme pour les poissons est de nouveau opsaria et non pas ichthues qui est employé par l'évangéliste (cf. versets 6, 8, 11). La question du Seigneur est la question d'un passant, peut-être d'un marchand qui voudrait acheter du poisson. Il interroge les pêcheurs sur leur pêche. Même le verbe echete dans sa question, pourrait être interprété dans le sens technique de « prendre ». Le Seigneur que les disciples n'ont pas reconnu (cf. verset. 4b) ne fait rien pour se faire reconnaître. Tout au contraire, on dirait qu'Il voulait qu'on Le prît pour un autre. Involontairement, on se rappelle sa tactique avec les disciple d'Emmaüs (cf. Lc. 24 ; 28). Aussi les disciples persistent-ils dans leur erreur. À la question de Jésus ils lui répondent tout court : "ou" (non), sans ajouter : Kyrie (Seigneur) ou Didaskale (Maître). Ils n'ont pas le moindre soupçon du fait que ce soit Jésus qui leur parle.

Archimandrite Cassien (Bésobrasoff) La Pentecôte johannique. Imprimeries Réunies 1939. p. 142-144.

Le nombre 153

Le jour de la Pentecôte, « il y avait, résidant à Jérusalem, des gens pieux venus de toutes les nations qui sont sous le ciel » (Actes 2 ; 5).

Ces gens étaient des :
1) Parthes,
2) Mèdes ,
3) et Élamites,
4) habitants de Mésopotamie,
5) de la Judée
6) et de Cappadoce,
7) du Pont
8) et d'Asie,
9) de Phrygie
10) et de Pamphylie,
11) d'Égypte
12) et de cette partie de la Libye qui est proche de Cyrène,
13) Romains en séjour ici,
14) Juifs
15) et prosélytes,
16) Crétois
17) et Arabes… (Actes 2 ; 9 – 10)

Donc en tout, 17 « nations » écoutèrent les Apôtres inspirés par l’Esprit, le jour de la Pentecôte.

Si nous prenons 17 billes et les disposons en une rangée, puis nous superposons 17 rangées de billes, chaque rangée diminuée d’une bille, de la base jusqu’au sommet, nous obtenons un triangle équilatéral de 17 billes de côté. Ce triangle équilatéral sera fait de 153 billes.

153 est le « nombre triangulaire » de 17.

153 désigne symboliquement l’ensemble des peuples illuminés par les Trois Personnes divines.

C’est ce que dit ce tropaire du Triode :

Ayant jeté dans l’océan de la vie * les filets de vos divins enseignements * en plus des cent cinquante-trois poissons, * saints Apôtres, vous avez pris * mystiquement les nations, * comme jadis en Galilée, * pour les offrir au Seigneur.

Jeudi de la 2ème deuxième semaine, 2ème tropaire du 2ème canon de la 4ème Ode de Matines.

Des esprits ingénieux ont trouvé d’autres propriétés remarquables du nombre 153 :

153 est la somme Pythagoricienne des 17 premiers nombres :
1 + 2 + 3 + 4 + 5 + 6 + 7 + 8 + 9 + 10 +... + 17 = 153

153 est la somme des cubes des nombres qui le constituent :
(1) 3 + (5) 3 + (3) 3 = 1 + 125 + 27 = 153

153 est la somme des factorielles des 5 premiers nombres :
153 = 1 ! + 2 ! + 3 ! + 4 ! + 5 ! 153 = 1 + 2 + 6 + 24 + 120

153 divisé par la somme des nombres qui le constituent donne 17 : 153 ÷ (1 + 5 + 3) = 17

153 est le produit de trois premiers :
3 × 3 × 17 = 153

Ces considérations mathématiques sont certainement étrangères à l'Évangéliste Jean. Par contre, le fait que 17 soit la valeur gématrique du mot hébreu tov, qui veut dire « bon, bien », peut être significatif : tov s’écrit avec trois lettres - teth, vav et beith - qui sont respectivement les 9e, 6e et 2e lettres de l’alphabet hébreu ; 9 + 6 + 2 = 17.

Partie centrale (21 ; 7) :

21 7 Le disciple que Jésus aimait dit alors à Pierre : « C'est le Seigneur ! »
À ces mots : « C'est le Seigneur! » Simon-Pierre mit son vêtement - car il était nu - et il se jeta à l'eau.

Le disciple que Jésus aimait reconnaît le Christ ressuscité.


PARTIE CENTRALE : Conclusion de l'Évangile

Partie centrale (20 ; 30 - 31) :

20 30 Jésus a accompli en présence des disciples encore bien d’autres signes, qui ne sont pas relatés dans ce livre.
31 Ceux-là l’ont été pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la Vie en son Nom.

Jean appose comme point final de son Évangile ces deux versets, d’une importance capitale. Il dit à nouveau ce qu’il affirme en 21 ; 25, lorsqu’il parle de « la Voie de Jean » : Il y a encore bien d'autres choses qu'a faites Jésus. Si on les mettait par écrit une à une, je pense que le monde lui-même ne suffirait pas à contenir les livres qu'on en écrirait. Jean a opéré un choix parmi les œuvres et paroles de Jésus, afin de susciter en nous la Foi. Si nous croyons que Jésus est le Christ, si nous croyons que Jésus est véritablement l’Homme-Dieu, le Fils Unique du Père, dans ce cas s’opère en nous un changement fondamental : nous nous connectons à la Vie véritable, celle qui est au-delà de la mort et de la finitude, nous recevons par le Christ et dans l’esprit, la Vie qui est données du sein du Père.

Si nous avons la Foi, nous « avons la Vie en Son Nom » - nous recevons la Vie donnée par le Père, dans le Nom du Christ. Tout au long de l’Evangile de Jean, nous avons vu à quel point la notion de Nom divin est importante. Les Noms divins sont une série de pierres précieuses qui balisent le chemin qui mène à la Vérité.


La synthèse des apparitions du Christ ressuscité

Saint Paul donne une liste des apparitions du Christ après sa résurrection :

Il a été mis au tombeau ; Il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures ; Il est apparu à Céphas, puis aux Douze. Ensuite, Il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois – la plupart d'entre eux vivent encore et quelques-uns sont morts ; ensuite Il est apparu à Jacques, puis à tous les apôtres et en tout dernier lieu, Il m'est apparu à moi aussi, comme à l'avorton.
I Co. 15 ; 3 - 8.

Saint Paul fait allusion à l'apparition du Christ aux portes de Damas (Actes 9 ; 3 - 9), qui a déterminé sa conversion.

Quels sont les récits de l'apparition de Jésus ressuscité à ses disciples, dans les Évangiles ?

1) - Jésus apparaît à sainte Marie-Madeleine, au Jardin (Jn. 20 ; 11 - 18 // Mc. 16 ; 9, 10 // Mt. 28 ; 9, 10). En Mt. 28 ; 10, nous lisons l'ordre que Jésus donne à ses apôtres : « allez annoncer à mes frères qu'ils doivent partir pour la Galilée, et là ils Me verront ».

2) - Luc et Marc racontent l'apparition de Jésus ressuscité aux disciples d'Emmaüs (Lc. 24 ; 13 - 32 // Mc. 16 ; 12).

3) - Marc nous dit : « Enfin, Il se manifesta aux Onze eux-mêmes pendant qu'il étaient à table, et Il leur reprocha leur incrédulité et leur obstination à ne pas ajouter foi à ceux qui L'avaient vu ressuscité » (Mc. 16 ; 14 - 18).

4) - Luc et Jean racontent l'apparition de Jésus ressuscité aux disciples, Thomas étant absent (Lc. 24 ; 36 - 42 // Jn. 20 ; 19 - 23).

5) - Jean nous rapporte le récit de l'apparition de Jésus ressuscité en présence de Thomas (Jn. 20 ; 24 - 29).

6) - Jean nous raconte l'apparition de Jésus ressuscité sur les rives du Lac de Tibériade (Jn. 21 ; 1 - 23).

7) - Matthieu nous informe de l'apparition de Jésus ressuscité sur une colline de Galilée (Mt. 28 ; 16 - 20).

L'ordre d'aller en Galilée nous est parvenu dans les Évangiles selon saint Matthieu et Saint Marc :

- Dans l'Évangile de Matthieu, l'Ange dit aux femmes myrophores : « allez dire à ses disciples : Il est ressuscité d'entre les morts, et Le voilà qui vous précède en Galilée ; c'est là que vous Le verrez » (Mt. 28 ; 7).

Dans l'Évangile de Marc, l'Ange dit : « allez dire à ses disciples, et notamment à Pierre, qu'Il vous précède en Galilée : là vous Le verrez, comme Il vous l'a dit » (Mc. 16 ; 7).

Ensuite, c'est Jésus Lui-même qui apparaît aux femmes myrophores et les charge de transmettre cet ordre à ses frères : « Et voici que Jésus vint à leur encontre : "Je vous salue", dit-il. Et elles de s'approcher et d'étreindre ses pieds en se prosternant devant Lui. Alors Jésus leur dit : "ne craignez point ; allez annoncer à mes frères qu'ils doivent partir pour la Galilée, et là ils Me verront" » (Mt. 28 ; 9-10).

La rencontre avec les disciples en Galilée après la résurrection a été prédite par Jésus, pendant la Dernière Cène : « Après ma résurrection, Je vous précéderai en Galilée » (Mt. 26 ; 32 // Mc. 14 ; 28).

Cet ordre d'aller en Galilée est accompli en Mt. 28 ; 16-17a : « quant aux onze disciples, ils se rendirent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait donné rendez-vous. Et quand ils Le virent, ils se prosternèrent ».

L'ordre de rester à Jérusalem et d'y attendre l'accomplissement de la promesse du Père appartient à la tradition de Saint Luc :

D'après Saint Luc, les apparitions du Seigneur eurent lieu à Jérusalem et dans ses environs. Ce sont :

- l'apparition de Jésus à deux disciples sur le chemin d'Emmaüs (24 ; verset 13 et suivants) ;

- l'apparition à Simon, qui est citée dans un unique verset : 24 ; 34, lorsque les deux disciples d'Emmaüs rapportent au Onze et à leurs compagnons, leur expérience de l'apparition du Christ ressuscité ;

- l'apparition dans un local, où les Onze étaient réunis avec leurs compagnons et les disciples d'Emmaüs (24 ; 36-43). Le Christ mangea un morceau de poisson grillé sous les yeux des disciples, pour les persuader de la réalité de sa résurrection.

Le dernier ordre que Jésus donne à ses disciples est de rester à Jérusalem et d'y attendre la venue du Saint-Esprit :

« Pour Moi, voici que Je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis. Vous donc, demeurez dans la ville jusqu'à ce que vous soyez revêtus de la force d'en haut » (Lc 24 ; 49).

Nous retrouvons cet ordre de rester à Jérusalem, au début du livre des Actes des Apôtres : « Au cours d'un repas qu'Il partageait avec eux, Il leur enjoignit de ne pas quitter Jérusalem, mais d'y attendre ce que le Père avait promis » (Act. 1 ; 4) « Vous allez recevoir une force, celle de l'Esprit-Saint qui descendra sur vous. Vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux confins de la terre ». (verset 8).

L'évangéliste Luc a soin de rappeler que les disciples ont obéi à cet ordre : après l'Ascension, « ils revinrent à Jérusalem en grande joie, et ils étaient continuellement dans le temple a loué Dieu » (Lc. 24 ; 52b-53).

Dans les Actes des Apôtres, nous lisons qu'après l'Ascension, « du Mont des Oliviers, ils s'en retournèrent à Jérusalem ; la distance n'est pas grande : celle d'un chemin de sabbat » (Act. 1-12) - suit le récit de l'élection de Mathias, puis de la Pentecôte. Ensuite, dans le récit de Luc, il n'est plus question d'apparitions de Jésus en Galilée.

Il existe un apparent parallélisme dans le récit de l'envoi de l'Esprit par le Christ aux disciples, dans l'Évangile de Jean (21 ; 19-23) et dans l'apparition de Jésus ressuscité aux apôtres, que nous trouvons dans l'Évangile de Luc (24, verset 36 et suivants), là où le Christ montra ses mains et ses pieds à ses disciples, et mangea devant eux un morceau de poisson grillé.

Ces deux passages évangéliques ne décrivent pas le même événement.
- Dans le texte de l'Évangile de Jean, la résurrection a lieu devant les disciples qui croient déjà à la résurrection du Maître: il n'est pas question de leur incrédulité.
Dans le texte de l'Évangile de Luc, la joie des disciples les empêche de croire : « saisis de stupeur et d'effroi, ils s'imaginaient voir un esprit » (24 ; 37). Le but de l'apparition est, avant tout, de les affermir dans la Foi.
L'apparition du Christ ressuscité, décrite dans le texte de l'Évangile de Luc, se situe avant l'Ascension.


La synthèse de Jean :

La synthèse de Jean nous permet de séparer les apparitions de Jésus à Jérusalem et dans les environs de la Ville sainte - de ses apparitions en Galilée.

Les apparitions du Christ ressuscité à Jérusalem eurent lieu AVANT L'ASCENSION.

Leur but premier est de fournir des preuves de la résurrection : la mort est vaincue, mais la glorification se poursuit, aboutissant à l'Ascension. Les apôtres sont réunis, les portes fermées, par crainte des Juifs.

Les apparitions du Christ ressuscité en Galilée eurent lieu APRÈS L'ASCENSION.

Ce sont des apparitions du Christ dans le Saint-Esprit ; elles confèrent un Don du Saint Esprit

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Tout d'abord, nous avons les apparitions de l'Ange (dans l'Évangile de Luc 24 ; 4 : « deux hommes en habits éblouissants ») aux saintes femmes, ainsi que l'apparition du Christ ressuscité à Marie-Madeleine dans le jardin.

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Ensuite, l'Évangéliste Luc mentionne trois apparitions du Christ ressuscité, devant ses disciples, dans les vingt-quatre heures qui suivent la résurrection :

1) l'apparition devant les disciples d'Emmaüs (Lc. 24 ; verset 13 et suivants) ;
2) l'apparition à Simon (Lc. 24 ; 34), et
3) l'apparition dans un local, où le Christ mangea un morceau de poisson (Lc. 24 ; 36-43).

Il s'agit des apparitions qui se situent à Jérusalem, AVANT L'ASCENSION.

Par contre, l'Évangéliste Jean ne donne qu'une seule apparition du Christ ressuscité, dans les vingt-quatre heures qui suivent la résurrection, en Jn. 26 ; 1 - 14, lorsque Jésus demande à Thomas de toucher son côté.
La contradiction existe et apparemment ne peut être éliminée (Mgr. Cassien - La Pentecôte johannique, p. 33, 34).

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Nous avons deux apparitions du Christ ressuscité, en Galilée, APRÈS L'ASCENSION :

1) Au 21e chapitre de l'Évangile de Jean, nous avons l'apparition du Christ ressuscité, au bord du lac de Tibériade. C'est l'épisode où Pierre se jette à l'eau, et où les disciples remontent à terre un filet plein de 153 gros poissons.

2) Nous avons aussi, à l'extrême fin de l'Évangile selon saint Matthieu, l'apparition en Galilée de Jésus à ses disciples et l'injonction qu'Il leur donne, de baptiser les nouveaux croyants au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit (Mt. 28 ; 16-20).

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Selon l'Archimandrite Cassien, il faut situer APRÈS L'ASCENSION les deux apparitions du Christ ressuscité, à Jérusalem, que nous trouvons dans l'Évangile de Jean :

- la « Pentecôte joannique » (Jn. 20 ; 19-23), où le Christ souffle sur ses Disciples pour leur donner le Saint-Esprit,

- et l'apparition en présence de Thomas, où le Christ demande à son disciple de toucher ses mains et son côté (Jn. 20 ; 24 - 29).

Selon l'Archimandrite Cassien, la « Pentecôte Joannique » (Jn. 20 ; 19-23) doit être assimilée à la Pentecôte elle-même, telle qu'elle est décrite au deuxième chapitre des Actes. Écoutons ce que nous dit l'auteur :

En abordant un sujet synoptique, le quatrième évangéliste ne se contente jamais de répéter ses prédécesseurs. Il donne toujours un récit indépendant (...) Il serait conforme à la manière générale de Saint-Jean de reparler de la Pentecôte d'une façon complètement différente de celle dont elle est racontée dans les Actes en faisant ressortir, cette fois encore, le côté purement spirituel de l'événement.

Archimandrite Cassien (Bésobrasoff) La Pentecôte johannique. Les Imprimeries réunies 1939, p. 38, 39.

Il n'y a qu'une seule interprétation qui corresponde au contexte : celle qui identifie le prochain retour de Jésus avec la Pentecôte. Le retour de Jésus s'accomplit dans la venue du Paraclet. Le prochain retour de Jésus est inséparablement lié à la promesse du Paraclet.

ibid. p. 45.

Première particularité :
D'après Jn. 20 ; 19, le Seigneur ressuscité est apparu à ses disciples « tè hèmera ekeinè ». On traduit cette expression, la plupart du temps, « ce même jour ». Mais, si on la prend séparément, elle ne signifie pas « ce même jour ». Saint Luc, par exemple, pour désigner « ce même jour », se servait de l'expression « en autè tè hèmera » (Lc. 24 ; 13). Il serait intéressant de noter que la traduction Slavonne, qui est toujours littérale, a simplement « ce jour ». De même, la Vulgate : « die illo ». Ceci est exact. La traduction « ce même jour » est due au contexte. Elle est plutôt une interprétation qu'une traduction.

ibid. p. 48.

Si l'on traduit ces mots par « ce jour », il s'agit du « jour un », le premier jour de la semaine. Ainsi donc, il ne s'agirait pas du même jour que celui où s'est produite l'apparition de Jésus ressuscité à Sainte Marie-Madeleine au jardin, mais, «ce jour», c'est-à-dire le dimanche. D'après Mgr. Cassien, ce dimanche peut fort bien se situer après l'Ascension. Dans ce cas, l'événement de l'Ascension serait sous-entendu dans le texte johannique, entre la fin du récit de l'apparition à Marie de Magdala (Jn. 20 ; 18) et le début du récit de l'apparition du Christ ressuscité devant ses disciples, toutes portes closes (Jn. 20 ; 19).

Deuxième particularité :
La deuxième particularité qui exige notre attention dans la promesse du Paraclet est la joie des disciples lors du prochain retour de Jésus. L'Évangéliste mentionne la joie des disciples à l'apparition de Jésus ressuscité (Jn. 16 ; 22).

Troisième particularité :
La troisième particularité et la promesse de la paix, dans les discours après la Cène. La paix est une promesse qui sera accomplie dans le Saint-Esprit, lors du prochain retour de Jésus. Le Don de la paix, de même que celui de la joie, est dû à l'activité du Saint-Esprit. Le Don de la paix est l'une des conséquences du retour de Jésus dans le Saint-Esprit. Il appartient à cette plénitude de la Vie qui est l'aspect du royaume de Dieu dominant dans le quatrième Évangile. Le Saint-Esprit apportant avec lui la paix et la joie, était déjà là, lorsque Jésus avait fait son apparition au milieu des disciples. La paix et la joie sont les dons du Saint-Esprit dont la venue a amené le retour de Jésus.

Une objection se présente : les paroles de Jésus : « recevez le Saint Esprit » (au verset 22), sembleraient inutiles, si le retour de Jésus témoigne de la venue du Paraclet.
ibid. p. 49 - 51.

« Le retour de Jésus serait sa descente du Père dans le Saint Esprit ». - Cette affirmation nous paraît confuse... L'archimandrite Cassien reconnaît qu'« il est indéniable que les documents de l'Église que nous avons étudiés ne supportent pas cette interprétation ».

Bref, nous avons :

Trois apparitions du Christ ressuscité, devant ses disciples, à Jérusalem, AVANT L'ASCENSION, dans les vingt-quatre heures qui suivent la résurrection, apparitions racontées par l'Évangéliste Luc :

1) l'apparition devant les disciples d'Emmaüs (Lc. 24 ; verset 13 et suivants) ;
2) l'apparition à Simon (Lc. 24 ; 34), et
3) l'apparition dans un local, où le Christ mangea un morceau de poisson (Lc. 24 ; 36-43).

- Ces apparitions se situent dans un local fermé par crainte des Juifs.
- Elles visent à affermir la Foi des disciples,
- et à fournir les preuves de la Résurrection.

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Deux apparitions du Christ ressuscité, devant ses disciples, à Jérusalem, APRÈS L'ASCENSION :

1) la « Pentecôte joannique » (Jn. 20 ; 19-23), où le Christ souffle sur ses Disciples pour leur donner le Saint-Esprit,
2) et l'apparition en présence de Thomas, où le Christ demande à son disciple de toucher ses mains et son côté (Jn. 20 ; 24 - 29).

- la première apparition provoque la joie parmi les disciples,
- lors des deux apparitions, le Seigneur y donne la Paix.
- Chaque apparition confère un Don du Saint-Esprit : Les Énergies de l'Esprit-Saint, dans la première apparition, et la Confession de Foi en le Christ, que l'apôtre Thomas proclame dans l'Esprit.

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Deux apparitions du Christ ressuscité, devant ses disciples, en Galilée, APRÈS L'ASCENSION :

1) l'apparition du Christ ressuscité, au bord du lac de Tibériade (Jn. 21).
2) l'apparition en Galilée de Jésus à ses disciples et l'injonction qui leur donne, de baptiser les nouveaux croyants au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit (Mt. 28 ; 16-20).

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Pourquoi placer la Pentecôte johannique et l'apparition du Christ à Thomas APRÈS l'Ascension ?

Dans ce cas, l'expression tè hèmera ekeinè « le soir de ce jour-là » qui introduit le récit où Jésus souffle sur ses disciples, leur donnant l'Esprit (Jn. 20 ; 19) - cette expression ne veut pas dire « le soir de ce même jour » - le jour où Marie rencontra Jésus ressuscité au Jardin - mais « le soir de ce jour là, le premier jour, le dimanche » - un dimanche situé bien après l'événement du Jardin.

Si l'attouchement de Thomas se serait passé le même jour que l'apparition de Jésus-jardinier à Marie-Madeleine, l'attouchement du Christ aurait été interdit le matin et permis le soir ! C'est pour le moins étrange :

Si Marie-Madeleine n'avait pas reçu la permission de toucher le Maître, ce serait parce qu'elle ne l'aurait pas fait afin d'obtenir une preuve de la Résurrection. L'élan de Marie-Madeleine serait une expression d'amour. Cette interprétation qui a été répétée très souvent remonte à saint Jean Chrysostome. Il parlait d'un sentiment trop humain qui aurait été la cause des paroles que le Seigneur avait adressées à Marie-Madeleine (homélies sur saint Jean, 86). Mais cette interprétation est contredite par les faits qui sont racontés dans l'Évangile selon saint Matthieu (28 ; 9-10). Lorsque Jésus, le jour de sa Résurrection, se fut présenté devant les femmes, dont une était Marie-Madeleine, « elles s'approchèrent et embrassèrent ses pieds » sans être arrêtées dans leur élan qu'il faudrait interpréter, cette fois encore, comme une expression d'amour. On voit bien que cette distinction ne tient pas. Et même si elle tenait, une question surgirait à laquelle il nous serait impossible de répondre. L'expression de l'amour, prohibée avant l'Ascension, serait-elle possible, et sous quelle forme, après l'Ascension? Et encore, peut-on être sûr que Marie-Madeleine en s'approchant de Jésus voulait exprimer l'amour ? Ceci n'était pas l'opinion des premières générations chrétiennes. Quelle que soit l'origine de la longue finale de l'Évangile selon saint Marc (16 ; 9-20), il ne peut pas y avoir de doute que ce document remonte à une époque très ancienne. Or, l'apparition de Jésus à Marie-Madeleine est mise dans ce document à la tête de toute une série d'apparitions dont le but unique est de convaincre les incrédules de la réalité de la Résurrection. (...) De nos jours il est assez fréquent de comprendre le mè mou aptou de Jn. 20 ; 17, non pas dans le sens habituel : « Ne me touche point », mais dans le sens : « Ne me retiens pas ». Il faut avouer que cette nouvelle interprétation n'est pas plus heureuse que l'ancienne. Si Jésus pouvait être empêché dans sa montée vers le Père par l'attouchement de Marie-Madeleine, pourquoi ne le serait-il pas par son séjour avec les disciples ? (...) Nous manquons de données positives qui nous permettent d'établir une différence entre l'expérience de Marie-Madeleine et celle des apôtres. Ce qui avait été impossible le matin fut possible le soir...
Archimandrite Cassien (Bésobrasoff) La Pentecôte johannique. Les Imprimeries réunies 1939, p. 27 - 29.

Si nous désirons nous exprimer d'une façon plus contemporaine, nous pouvons dire ceci : il est assez étrange de constater que la démarche d'une femme soit presque automatiquement suspectée, alors que la démarche d'un homme est considérée d'un point de vue à-priori favorable. Il semble que nous pouvons déceler un machisme implicite, dans cette façon d'analyser la cène impliquant sainte Marie-Madeleine, et celle qui implique l'apôtre Thomas. Ce machisme imprégnait - et imprègne toujours - la société du Moyen-Orient ; il était tout naturel pour les commentateurs des siècles précédents. Aujourd'hui, cela pose question, dans le contexte culturel occidental.
Continuons notre réflexion, en nous plaçant sur le plan théologique :

Nous avons vu antérieurement que dans l'Évangile de Jean, la « glorification » est en fait un continuum Passion / Résurrection / Ascension, qui s'effectue en un seul et même mouvement. Il s'agit de l'anabase de Jésus, qui passe par la proclamation de la résurrection dans l'Hadès, pour se terminer dans le fait que Jésus siège éternellement à la droite du Père.

Sainte Marie-Madeleine ne peut pas toucher au Christ ressuscité qu'elle rencontre dans le jardin, Le prenant pour le jardinier, car le processus de glorification de Jésus n'est pas terminé. Le Christ est en train de parcourir son anabase, qui Le mènera à l'Ascension.

Par contre, l'apôtre Thomas peut toucher au Christ ressuscité après l'Ascension, car Il est totalement glorifié, et son anabase est accomplie en plénitude.

Il y a réellement une différence d'état, mystérieuse mais incontestable, entre ce qu'est Jésus ressuscité, présent dans le jardin, devant Sainte Marie-Madeleine - et ce qu'est Jésus ressuscité, présent devant ses disciples, et se faisant toucher par l'apôtre Thomas.

Que l'apôtre Thomas soit un homme, et que sainte Marie-Madeleine soit une femme, ne change rien à cette question.
De même, la qualité de l'amour que sainte Marie-Madeleine porte au Christ, et la qualité de l'amour que l'apôtre Thomas porte au Christ, n'interviennent pas davantage dans cette question.

Le fait de pouvoir toucher au Christ - ou de ne pas être autorisé à le faire - est le symptôme d'une différence d'état qui existe pour Jésus ressuscité, « avant » ou « après » l'Ascension.

L'attouchement interdit à Marie-Madeleine et autorisé à Thomas, dépend de l'anabase de Jésus.
Ibid. p. 134.

Pour que ce sens mystique apparaisse, il est indispensable que la « Pentecôte johannique » et que l'épisode de l'apparition du Seigneur ressuscité à l'apôtre Thomas, en présence des disciples, soient situés après l'Ascension.

Ainsi donc, l'Ascension du Christ est sous-entendue à l'intersection de l'épisode de l'apparition de Jésus à Marie de Magdala, et du texte de la Pentecôte johannique, c'est-à-dire au chapitre 20 de l'Évangile de Jean, entre les versets 18 et 19.

L'Ascension est prévue dans Jn. 6 ; 62 : « Sachant Lui-même que ses disciples murmuraient à ce sujet, Jésus leur dit : cela vous scandalise ? et quand vous verrez le Fils de l'Homme monter là où Il était auparavant ? » et sous-entendue après Jn. 20; 17 - 18.
Ibid. p. 102.

Voici la deuxième raison qui justifie le point de vue de Mgr. Cassien :

Si nous postposons après l'Ascension la Pentecôte johannique et l'apparition du Christ à Thomas, l'harmonie entre les récits évangéliques des apparitions du Christ ressuscité est rétablie :

Les trois apparitions du Christ ressuscité, devant ses disciples, à Jérusalem, avant l'Ascension, sont racontées par l'Évangéliste Luc ET SONT OMISES DANS L'ÉVANGILE DE JEAN :
1) l'apparition devant les disciples d'Emmaüs (Lc. 24 ; verset 13 et suivants) ;
2) l'apparition à Simon (Lc. 24 ; 34), et
3) l'apparition dans un local, où le Christ mangea un morceau de poisson (Lc. 24 ; 36-43).

JEAN NOUS DONNE trois apparitions du Christ ressuscité, devant ses disciples, après l'Ascension :
à Jérusalem :
1) la « Pentecôte joannique » (Jn. 20 ; 19-23), où le Christ souffle sur ses Disciples pour leur donner le Saint-Esprit,
2) l'apparition en présence de Thomas, où le Christ demande à son disciple de toucher ses mains et son côté (Jn. 20 ; 24 - 29).
en Galilée :
3) l'apparition du Christ ressuscité, au bord du lac de Tibériade (Jn. 21).

JEAN OMET l'apparition en Galilée de Jésus à ses disciples et l'injonction qu'Il leur donne, de baptiser les nouveaux croyants au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit - récit que nous trouvons à l'extrême fin de l'Évangile selon saint Matthieu (Mt. 28 ; 16-20).

Saint Jean, en comptant les apparitions du Seigneur, ne donne place qu'aux trois apparitions qui eurent lieu après l'Ascension. Il passe sous silence les apparitions antérieures.
Ibid. p. 94.

- Jean omet délibérément les apparitions qui se situent avant l'Ascension, et qui sont rapportées par Luc ;
- Jean nous donne trois apparitions du Christ ressuscité, situées après l'Ascension ;
- et pour s'en tenir à trois apparitions, il omet celle qui est rapportée à la fin de l'Évangile de Matthieu.

L'harmonisation des deux traditions synoptiques dans le récit johannique de la résurrection - que nous venons de démontrer - est un argument de plus en faveur de l'interprétation « pentecostale » de Jn. 20 ; 19 - 23, dont cette harmonisation est la conséquence.
Ibid. p. 74.

Jésus avait promis le Don de l'Esprit-Saint à ses disciples : « si vous M'aimez, vous garderez mes commandements. Et je prierai le Père, et il vous donnera un autre Paraclet, pour être avec vous à jamais, l'Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir » (Jn. 14 ; 15 - 17). « Le Paraclet, l'Esprit-Saint, que le Père enverra en mon Nom, vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que Je vous ai dit » (Jn. 14 ; 26).

Dans le « polyptyque aux cinq volets » que nous avons analysé précédemment, et qui concerne le texte Jn. 13 ; 1 - 17 ; 26, dans le « deuxième volet » (Jn. 13 ; 31 - 14 ; 31), qui concerne le « nouveau commandement » et l'annonce de l'envoi du Paraclet, nous avons la description du processus de la vie spirituelle (Jn. 14 ; 21 - 23) :

- il s'agit d'abord de « garder les commandements », c'est-à-dire d'aimer son prochain , ce qui est le signe tangible de l'amour que l'on porte au Christ ;
- celui qui aime le Christ sera aimé du Père ;
- en retour, le Christ aimera celui qui est aimé par le Père ;
- le Christ se manifestera à celui qui est aimé par le Père ;
- le Père et le Fils feront leur demeure en l'âme du croyant.

Cette « inhabitation » du Père et du Fils dans le croyant se fait en l'Esprit : « le Paraclet, l'Esprit-Saint, que le Père enverra en mon Nom, vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que Je vous ai dit » (Jn. 14 ; 26). Cette anamnèse de l'œuvre du Christ est accomplie par l'Esprit-Saint.

Comme il existe une « réciprocité de service » dans la manifestation des deux « Mains du Père » que sont le Fils et l'Esprit, il est nécessaire que le Fils s'en aille, afin que les disciples reçoivent l'Esprit : « si Je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas à vous » (Jn. 16 ; 7). Le « départ » du Christ est le préalable au Don de l'Esprit : l'Ascension précède la Pentecôte johannique, où Jésus souffle sur ses disciples afin de leur donner l'Esprit-Saint en tant qu'Énergie trinitaire ; l'Ascension précède également la Pentecôte - telle qu'elle est décrite au deuxième chapitre des Actes des Apôtres - et où se trouve rapporté le fait que l'hypostase de l'Esprit-Saint a été donnée à chacune des personnes apostoliques. C'est le don de l'Esprit-Saint qui rend possible l'« inhabitation » du Père et du Fils dans le cœur du croyant.

Le retour de Jésus s'accomplit dans la venue du Paraclet. La première fois que le Seigneur arrive à parler de son prochain retour, il aborde ce sujet immédiatement après la promesse du Paraclet (cf. 14 ; 16 - 17 et 18 - 24) qu'il répète pour la deuxième fois (versets 25-20) après avoir prédit son prochain retour. Dans le contexte du chapitre 14, le prochain retour de Jésus est inséparablement lié à la promesse du Paraclet. Dans le chapitre 16 le thème du prochain retour est repris (versets 16 - 28) cette fois encore immédiatement après la promesse du Paraclet (versets 7 - 15). (...) La conclusion que nous tirons du contexte est corroborée par ce fait que le ministère du Paraclet serait, d'après les Discours après la Cène, de rappeler tout ce que le Seigneur avait dit à ses disciples et de les guider dans toute la vérité en révélant les choses qui dépassaient leur intelligence lors du ministère de Jésus (cf. 14 ; 26, 16 ; 12 - 16). Le ministère du Paraclet ne peut pas être séparé du ministère de Jésus, dont il est l'accomplissement et le but. La continuité du ministère est assurée par ce fait que la venue du Paraclet est le retour de Jésus.

Archimandrite Cassien (Bésobrasoff) La Pentecôte johannique. Imprimeries Réunies 1939. p. 45.

Lorsque le Christ adresse ses paroles à ses disciples, avant sa Passion, Il leur annonce : « sous peu, vous ne Me verrez plus ; et puis un peu encore, et vous Me verrez ». C'est bien sûr l'annonce de la Passion et de la Résurrection. Le Christ annonce ses disciples également la venue de l'Esprit-Saint : « votre tristesse se changera en joie (...) et votre joie, nul ne pourra vous la ravir » (Jn. 16 ; 20, 22).

Le « prochain retour » de Jésus consisterait-il en ses apparitions aux disciples, après sa Résurrection ?

La première impression que l'on a de ces passages est que le Seigneur y parle de sa résurrection. Il se sépare des siens dans la mort, il revient dans la Résurrection. Mais cette première impression ne peut être défendue. Jésus promet son prochain retour à ceux qui lui auront témoigné l'amour en gardant ses commandements (14 ; 21 - 24). Or, pendant la Passion tous les disciples l'ont abandonné. La seule exception du disciple que Jésus aimait ne fait que ressortir la défaillance des autres. Les disciples n'ayant pas répondu à la condition que le Seigneur leur avait posée, il est impossible d'interpréter les apparitions de Jésus après sa Résurrection comme l'accomplissement de la promesse des Discours après la Cène.
Ibid. p. 42.

Le « prochain retour » de Jésus serait-il la fin des Temps, la Parousie ?

Est-ce la Parousie? C'est une deuxième interprétation qui paraît au premier abord presque aussi vraisemblable que la première. À commencer par le terme ekeinè hè hèmera qui sert à désigner, d'une manière tout à fait spéciale, le jour du prochain retour de Jésus (14 ; 20, 16 ; 23 - 26) et qui est le terminus technicus que différents auteurs du Nouveau Testament emploient quand ils parlent de la Parousie (II Thess. 1 ; 10 ; II Tim. 1 ; 12, 18 ; 4 ; 8, cf. Mt. 7 ; 22 ; Luc 21 ; 34). Mais l'interprétation eschatologique du prochain retour de Jésus est tout aussi intenable que la première. Dans son enseignement eschatologique, Jésus compare sa venue en gloire à l'éclair qui brille d'un bout du ciel à l'autre (Luc 17 ; 24 ; cf. Mt. 24 ; 27). Au contraire, la joie de son prochain retour est réservée à un nombre restreint de fidèles que Jésus oppose au monde (Jn. 14 ; 21 - 24 ; cf. 16 ; 19 - 22). Cette objection n'est pas la seule qui empêche l'interprétation eschatologique du prochain retour de Jésus. Il serait faux d'affirmer que la doctrine eschatologique soit étrangère au Quatrième Évangile. La résurrection de Lazare, qui est le type du Christ vainqueur de la mort, est le symbole de la Résurrection générale qui aura lieu le dernier jour (cf. 11 ; 24). Il serait intéressant de noter que dans l'Église Orthodoxe, les leçons évangéliques qui sont employées dans les services funèbres sont tirées exclusivement des passages du Quatrième Évangile qui parlent de la future Résurrection (cf. 5 ; 26, 28 - 29 ; 6 ; 39 - 40, 44, 54) [ces péricopes sont les suivantes : Jn. 5 ; 17 - 24, 24 - 30. 6 ; 35 - 39, 40 - 48, 48 - 54]. L'enseignement eschatologique n'est pas absent des Discours après la Cène. Le verset 14 ; 3 ne peut être interprété que par rapport à la Parousie. Et ce sont les choses à venir que le Paraclet annoncera aux disciples (16 ; 13). Néanmoins, il est indéniable que dans le Quatrième Évangile l'accent eschatologique n'est pas si prononcé que chez les synoptiques. La plénitude de la Vie dans l'union complète du croyant avec Jésus peut être atteinte en ce monde. La Prière Sacerdotale (Jn. 17) est pénétrée de cette idée. La limite qui sépare cette vie de la vie future s'efface. Et pour cette raison, l'attente de la parousie dans le quatrième Évangile est moins intense que chez saint Paul (cf. I Thess. 4 - 5. I Co. 15, etc.) et les synoptiques. Une confusion entre la destruction de Jérusalem et la fin du monde, qui a été possible pour Saint Matthieu (Mt. 24) et saint Marc (Mc. 13) ne l'est plus pour saint Jean. La conséquence de ce changement et que la catastrophe eschatologique, sans être niée, se perd dans le futur. Il serait absolument contraire à l'esprit du quatrième Évangile d'envisager la venue de Jésus en gloire, comme son prochain retour. (...) Il n'y a qu'une seule interprétation qui correspond au contexte : celle qui identifie le prochain retour de Jésus avec la Pentecôte. Le retour de Jésus s'accomplit dans la venue du Paraclet. Dans le contexte du chapitre 14 de l'Évangile de Jean, le prochain retour de Jésus est inséparablement lié à la promesse du Paraclet.
Ibid. p. 43.

Le « prochain retour » du Christ, tel qu'il est prédit dans l'enseignement que le Christ a dispensé à ses apôtres, avant sa Passion, est donc l'apparition du Christ ressuscité parmi ses disciples, après son Ascension, lorsqu'Il souffla sur ses apôtres pour leur communiquer l'Esprit-Saint. À ce moment-là, Jésus réalisa la promesse qu'Il avait donnée à ses disciples, dans les Discours après la Cène.

La « glorification » du Christ est un seul et même mouvement, qui comprend la Passion, la Résurrection et le don de l'Esprit-Saint aux apôtres. « Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l'on aime » : c'est ce que le Christ a fait, lors de sa Passion. Il a été le premier à réaliser le « commandement d'amour » qu'Il a donné à ses disciples. En mourant sur la croix, Il a « rendu l'Esprit » au Père, et Il a fait siéger notre Nature humaine à la droite du Père. Une fois ressuscité, Il est apparu auprès de ses disciples et des femmes myrophores, et Il leur a donné l'Esprit. Cette donation fut confirmée à la Pentecôte. Le Don de l'Esprit permet au Père et au Fils d'établir leur demeure dans le cœur du croyant. La divinisation est ainsi totalement accomplie. Cela nous explique pourquoi saint Jean ne décrit pas explicitement l'Ascension, car ce mouvement d'anabase - de « montée » - est vécu sur la Croix, aux derniers instants de la vie terrestre de Jésus.

L'objectif tracé initialement a-t-il été atteint ? ?

En étudiant le court texte qui nous raconte la « Pentecôte johannique », nous avons constaté que la révélation de Dieu à sa créature humaine se fait du Père, par le Christ, dans l'Esprit. Nous avons constaté la « réciprocité de service » qui existe entre les deux hypostases manifestatrices que sont le Christ et l'Esprit. Nous avons vu dans quelle mesure le Christ peut être appelé le « Rédempteur de notre Nature », tandis que l'Esprit peut être appelé le « Rédempteur de notre personne », ceci en évitant toute problématique exclusive. Nous avons constaté qu'en Christ, chacune de ses deux Natures possède sa propre dynamique.
- La distinction nettement maintenue entre la vie intra-trinitaire et l'Économie permet d'éviter tout glissement de langage vers le filioquisme. Nous avons vu ce que l'on peut penser à propos de la théologie scolastique et de sa conception de la personne comme étant une « relation subsistante ».
- Nous avons différencié la signification des concepts de signe et de symbole. Nous avons distingué entre apophase et cataphase, et situé précisément l'endroit où se situe le point d'inconnaissance. Nous avons distingué entre Essence et Énergies, et avons constaté que le « souffle » que le Christ avait émis sur ses disciples consistait en l'Énergie trinitaire, sous l'égide de l'Esprit.
- En contemplant la destinée des apôtres Pierre et Jean, nous avons constaté que la destinée de Pierre est une mission d'enseignement et d'organisation, sur le plan des médiations. La destinée de Jean est celle de l'amour immédiat ; nous nous sommes attardés sur le processus de la vie spirituelle dont Jean est un parfait modèle.
- Quant à la primauté de Pierre, nous nous sommes aperçus qu'elle s'exerçait au sein du collège apostolique, pendant le temps de l'existence de ce collège apostolique. À la fin du 12e chapitre du livre des actes, nous assistons à la dispersion des apôtres, et à l'extinction de la primauté de Pierre en tant que telle (Ac. 12 ; 17).
- Dans le récit de l'attouchement de Thomas, nous découvrons la « béatitude des croyants », qui nous concerne tout particulièrement, nous qui ne sommes plus des témoins oculaires.
- Nous voyons en l'apôtre Thomas, se produire le « déclenchement de la foi » qui est à la source de toute démarche religieuse. Nous avons constaté qu'après ce déclenchement, la liberté de Thomas était celle d'une stable croissance dans le bien.
- Lors de l'épisode de la pêche miraculeuse, nous avons découvert que le nombre 153 est en fait le « nombre triangulaire » du chiffre 17, qui est le nombre de peuples à qui s'est adressé le discours de Pierre, au deuxième chapitre du Livre des Actes des Apôtres. Nous avons distingué entre le « poisson eucharistique » et les « poissons du Jugement »...
- Nous voyons que l'évangéliste Jean « réorganise » l'ensemble des récits des apparitions de Jésus ressuscité devant ses disciples et apôtres, négligeant les récits de Luc, qui décrivent les apparitions de Jésus ressuscité à Jérusalem, avant l'Ascension. Nous prenons conscience du fait que Jean désire nous transmettre la vision du processus de la vie spirituelle, tel que le Christ nous l'a donné dans ses Discours après la Cène. Car il s'agit, pour l'Évangéliste, de garder l'unité de vision du processus de « glorification » du Christ, qui est le continuum Passion / Résurrection / Don de l'Esprit-Saint - processus qui ne saurait être segmenté.
- Le Christ a réalisé en acte, dans les événements de sa Passion de sa Résurrection, le processus de la Vie spirituelle qu'Il proposait à ses disciples, et qu'Il propose en tout temps aux croyants. Avec le don de l'Esprit Saint, se réalise l'inhabitation des Personnes trinitaires dans le cœur du croyant, ce qui constitue l'accomplissement de la divinisation.
- Tout ceci témoigne de l'incroyable richesse de sens et de signification que contiennent les textes que nous venons d'analyser. Ces textes sont véritablement les pierres de fondement du Christianisme, car le Christianisme n'est pas une «religion» parmi d'autres : c'est la démarche de ceux qui croient en la divinité et en l'humanité du Christ ; qui croient en sa Résurrection selon la chair, et qui reçoivent par Lui l'Esprit-Saint qui rend possible la croissance le progrès de la vie spirituelle en la totalité de leur être.

Cette Étude est résumée en la cellule en bas à droite - au niveau 12, dans notre tableau récapitulatif :

La structure de l'Évangile de Jean
- 1 -
Le Prologue : Chapitre 1, versets 1 à 18.
(Péricope 1) Étude 23
- 2 -
Le pôle central de l’Évangile de Jean :
La traversée de la mer :
chapitre 6, versets 16 à 21.
JE SUIS. Ne craignez pas.
(Péricope 12) Étude 24
- 3 -
Et sur l’autre versant :
le Parallèle qui est la Péricope
de la multiplication des pains :
chapitre 6, versets 1 à 15.
(Péricope 11) Étude 25
- 3 -
Sur un versant de l’Évangile, nous avons la
Révélation du Nom divin :
JE SUIS le Pain de Vie :
chapitre 6, versets 22 à 51.
(Péricope 13) Étude 25
- 4 -
Sur l’autre versant, nous avons le récit
de la guérison du paralytique de Béthesda,
chapitre 5 ; versets 1 à 18 (« ne pèche plus »).

Le récit lui-même est suivi d’un
premier texte doctrinal
précisant les relations entre le Père et le Fils :
chapitre 5, versets 19 à 30,

et d’un deuxième texte doctrinal
qui nous parle du
témoignage en faveur du Fils :
celui des « œuvres »,
témoignage qui est plus grand que
celui de Jean-Baptiste :
chapitre 5, versets 31 à 47.
(Péricope 10) Étude 26
- 4 -
Sur un versant de l’Évangile, nous avons la
Révélation du Nom divin :
JE SUIS la Lumière du monde
du chapitre 7 ; 1 au chapitre 8 verset 59.
Jésus à la Fête des Tabernacles :
Discours sur l'Eau vive.

Inclusion de la « Femme adultère »
Chapitre 8, versets 1 à 11.
(Péricope 14) Étude 26
- 5 -
Sur l’autre versant, nous avons le récit
de la guérison du fils du fonctionnaire royal,
chapitre 4 ; versets 46 à 54.
Il s'agit du reflet inversé du récit
de la guérison de l'aveugle-né.
(Péricope 9) Étude 27
- 5 -
Sur un versant de l'Évangile (9; 1 - 10; 21),
nous avons la Révélation des Noms divins :
JE SUIS la Porte / le bon Berger.
Guérison de l'aveugle-né :
chapitre 9, 1 - 38. Le récit lui-même est suivi
d'un TEXTE DOCTRINAL où se trouve l'intitulé
des Noms divins : chapitre 9 ; 39 à 10 ; 21.
Ce texte montre l'exclusivité de la Voie
présentée par le Christ.
(Péricope 15) Étude 27
- 6 -
Sur l’autre versant, nous avons
l'accueil des Samaritains.
(Péricope 8) Étude 28
- 6 -
Sur un versant de l'Évangile (10; 22 - 39),
nous avons le Discours de la Dédicace :
Révélation de la consubstantialité
Père / Fils :
Moi et mon Père,
nous sommes UN
.
Divorce entre le peuple d'Israël
et le Messie.
(Péricope 16) Étude 28
- 7 -
Sur l’autre versant, nous avons le récit
de la rencontre avec la Samaritaine.
(4; 4 - 38)
(Péricope 7) Étude 29
- 7 -
Sur un versant de l'Évangile (10; 40, 12; 11),
nous avons l'Onction à Béthanie : 12; 1-8
Judas proteste.
Prophétie involontaire de Caïphe.
Inclusion de la Résurrection de Lazare
11; 1 - 44
JE SUIS la Résurrection et la Vie..
La nouvelle Annonciation ;
Confession de Foi de Marthe.
(Péricope 17) Étude 29
- 8 -
Sur l’autre versant (3; 22 - 4; 3) :
la joie de l'Ami de l'Époux.
Second témoignage de Jean-Baptiste
(Péricope 6) Étude 31
- 8 -
Sur un versant de l'Évangile (12; 12 - 50) :
Je L'ai glorifié, et Je Le glorifierai à nouveau.
Entrée à Jérusalem.
Jugement du monde.
Incrédulité des Juifs.
(Péricope 18) Étude 31
- 9 -
Sur l’autre versant (3; 1 - 21) :
l'entretien avec Nicodème.
(Péricope 5) Étude 32
- 9 -
Sur un versant de l'Évangile,
nous avons un polyptique,
avec cinq volets ou panneaux :
(13; 1 - 17; 26) :

PREMIER VOLET :
(13 ; 1 – 30)
Récit du lavement des pieds
Je vous le dis, avant que cela n’arrive,
afin que vous croyez quand cela arrivera
que JE SUIS (13 ; 19)

DEUXIÈME VOLET :
(13 ; 31 – 14 ; 31)
Le Nouveau Commandement
et l’annonce de l’envoi du Paraclet
Là où JE SUIS,
vous aussi, vous serez.
JE SUIS la Voie et la Vérité et la Vie

TROISIÈME VOLET :
(15 ; 1 – 25)
La Vigne véritable
JE SUIS la Vigne véritable,
et mon Père est le Vigneron.

QUATRIEME VOLET :
(15 ; 26 – 16 ; 33)
Le départ du Christ
et l’envoi du Paraclet

Le Christ enverra le Paraclet,
l'Esprit qui procède du Père;
la tristesse se changera en joie,
que nul ne pourra ravir

CINQUIÈME VOLET :
(17 ; 1 – 26)
La prière de Jésus au Père,
pour les Disciples

L'Heure est venue,
de la glorification du Fils;
le Christ nous a révélé le Nom du Père.
(Péricope 19) Étude 33
- 10 -
Sur l’autre versant (2; 13 - 25) :
Jésus chasse les marchands
du Temple
.
Détruisez ce sanctuaire ;
en trois jours
Je le rebâtirai
LE TEMPLE DU CORPS
(Péricope 4) Étude 35
- 10 -
Sur un versant de l'Évangile,
nous avons un polyptique,
avec cinq volets ou panneaux :

PREMIER VOLET :
(18 ; 1 – 12)
JE SUIS
au Jardin des Oliviers
La trahison de Judas

DEUXIÈME VOLET :
(18 ; 13 – 27)
L'Anti-Nom
pour le peuple qui trahit
La comparution
devant le Grand-Prêtre
La messianité de Jésus

TROISIÈME VOLET :
(18 ; 28 – 19 ; 16a
La comparution
devant Pilate

QUATRIEME VOLET :
(19 ; 16b – 30)
Le sacrifice ultime
La remise de l'Esprit

CINQUIÈME VOLET :
(19 ; 31 – 42)
La descente de Croix
Témoignage de
Jean l'Évangéliste.
(Péricope 20) Étude 34
- 11 -
Sur l’autre versant (2; 1 - 12) :
Les Noces de Cana
La Nouvelle annoncée aux petits.
(Péricope 3) Étude 37
- 11 -
Sur un versant de l'Évangile,
nous avons le
Récit du Tombeau vide :
(20 ; 1 – 18)
Apparition du Christ ressuscité
à Marie de Magdala
(Péricope 21) Étude 36
- 12 -
Sur l’autre versant :
(1; 19 - 51)
Voir au-delà des apparences

(Péricope 2) Étude 39
- 12 -
Sur un versant de l'Évangile,
nous avons un texte (20;19 - 21;25)
en 4 unités autonomes :

PREMIÈRE PARTIE :
(20 ; 19 – 23)
Le Don de l'Esprit-Saint
aux Disciples

DEUXIÈME PARTIE :
(20 ; 24 – 28)
L'apparition
du Christ ressuscité
à Thomas

PARTIE CENTRALE :
(20 ; 31)
verset de transition

TROISIÈME PARTIE :
(21 ; 1 – 14)
Apparition au Lac
de Tibériade

QUATRIEME PARTIE :
(21 ; 15 – 25)
La destinée
de Pierre et Jean

(Péricope 22) Étude 38

ligne ornementale


T. des Matières

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