Les notes et informations complémentaires sont de la main du P. Georges Leroy, et sont écrites en bleu.
Le premier concile œcuménique de Nicée en 325 décréta que tous les
chrétiens célèbrent la fête de Pâques, non le même jour que les juifs célèbrent leur Pâque de l'ancien testament,
mais le premier dimanche après la première pleine lune du printemps qui a lieu le jour de l'équinoxe du printemps
ou après cet équinoxe, c'est-à-dire après l'époque où le jour et la nuit ont une durée égale.
L'équinoxe du printemps, lors du concile de Nicée, eut lieu le 21 mars ; par conséquent, d'après le
décret du premier concile de Nicée, il faut célébrer la fête de Pâques le premier dimanche après
la première pleine lune du printemps qui aurait lieu le 21 mars ou après ce jour, mais jamais avant.
C'est d'après cette norme commune pour tous les chrétiens tant orientaux qu'occidentaux (catholiques
romains on protestants) que se fixe la date pascale; mais le désaccord sur la fixation de cette date
dépend dans certaines années du canon pascal, dans d'autres du calendrier que suivent les différents chrétiens.
Le canon pascal est une règle qui fixe dans une certaine année l'époque pour célébrer la solennité de la Pâqne.
En fixant cette date pascale, les chrétiens orientaux suivent le canon pascal d'Alexandrie, les chrétiens occidentaux
celui de Rome.
Le canon pascal
d'Alexandrie fut composé au IVe siècle par les évêques d'Alexandrie et depuis la fin de VIIIe jusqu'au XVIe, il
était reconnu de tout l'univers chrétien, tant en orient qu'à l'occident.
Le désaccord entre ces deux canons pascals - de Rome et d'Alexandrie - à l'égard de la fixation de la date pascale vient de ce
que, d'après le canon pascal d'Alexandrie, il faut ajouter trois jours à la date de la première pleine lune
du printemps, et ne célébrer la fête de Pâques que le premier dimanche après ces trois jours.
Cette addition de trois jours fut introduite dans le canon pascal d'Alexandrie parce que, lors du concile
de Nicée, la pleine lune eut lieu, en effet, trois jours plus tard qu'elle ne fut annoncée par les calculs
juliens ; en général, les calculs ne peuvent pas déterminer avec exactitude le jour de la pleine lune.
Ainsi, d'une part, pour ne pas corriger les calculs juliens et d'autre part, pour faire concorder les calculs
avec la réalité, la susdite addition fut introduite dans le canon pascal d'Alexandrie. En même temps,
en mettant un plus grand intervalle entre la Pâque des juifs et celle des chrétiens, elle aida à observer
plus strictement le décret du concile de Nicée, qui défend aux chrétiens de célébrer la fête de Pâques le
même jour que les juifs.
Les chrétiens orientaux tiennent, comme on
le sait, au calendrier julien, dénommé "vieux style", alors que le "nouveau style " désigne le calendrier grégorien.
Les évêques grecs n'acceptèrent pas le calendrier grégorien en se fondant sur le fait que,
d'après ce calendrier, les chrétiens orientaux célébreraient, lors de certaines années, leur Pâque plus tôt que
les juifs (comme l'on fait les chrétiens occidentaux en 1839, 40,42, 43, 45,. 46, 49, 50 et 56), même quelquefois
d'un mois et plus (comme en 1845 et 54), ce qui est contraire au décret du concile de Nicée ; dans d'autres années
ils la célébreraient le même jour que les juifs (comme en 1853 et 57), et ceci est défendu par le septième canon des
saints apôtres et par le premier canon du concile d'Antioche (en 341).
Aujourd'hui, les Églises orthodoxes suivent le "nouveau calendrier", c'est-à-dire le calendrier
grégorien - en ce qui concerne les fêtes fixes - sauf l'Église de Jérusalem, le Monastère du Sinaï, l'Église russe et
les Églises de Serbie et de Géorgie. En ce qui concerne les fêtes mobiles, c'est-à-dire Pâques et les fêtes qui en dépendent,
toutes les Églises orthodoxes (sauf l'Église de Finlande) sont restées fidèles au comput pascal suivant le calendrier julien.
Il est à noter que nombre des Églises mentionnées ci-dessus ont des paroisses et des diocèses qui utilisent un
autre calendrier que celui de leur Église-mère. C'est particulièrement le cas au sein du Patriarcat de Constantinople,
dans la diaspora - et au sein du Patriarcat de Roumanie, en Moldavie.
En terme de nombre de fidèles, une majorité d'orthodoxes utilisent le calendrier julien, appelé "ancien calendrier" (144 millions
versus 41 millions). Si l'on dénombre les Églises concernées, on constate que la majorité des Églises autocéphales
et autonomes utilisent le calendrier grégorien, appelé "nouveau calendrier" (12 Églises versus 8).
Les Églises qui, tout en suivant le calendrier grégorien pour les fêtes fixes, conservent le comput pascal
suivant le calendrier julien, maintiennent cet usage afin de respecter
les canons des saints apôtres et du concile d'Antioche. Voici les textes de ces canons :
Septième canon des saints apôtres : "si un évêque, un prêtre ou un diacre célèbre le saint jour de Pâques avec les
Juifs avant l'équinoxe du printemps, qu'il soit déposé" (Fonti. T. 1, 2. Les canons des synodes particuliers. p. 11).
Premier canon du concile d'Antioche (341): "tous ceux qui oseront enfreindre le décret du grand et saint concile assemblé
à Nicée, en l'auguste présence de l'Empereur Constantin aimé de Dieu, touchant la sainte et salutaire solennité de
Pâques, doivent être excommuniés et rejetés de l'Église, s'ils s'obstinent par esprit de dispute à s'élever contre
ces sages décisions. Et cela pour les laïcs. Quant aux supérieurs ecclésiastiques, évêques ou prêtres ou diacres,
si après le présent décret quelqu'un ose se singulariser en célébrant Pâques avec les Juifs, le saint concile
le tient dès lors séparé de l'Église ; car non seulement il commet une faute, mais il devient pour beaucoup une
cause de trouble et de perdition ; de tels clercs seront dépouillés de leur office, eux et ceux qui resteront
en communion avec eux après la déposition. Les clercs déposés seront privés des honneurs extérieurs auxquels ont
droit ceux qui sont inscrits au saint canon du clergé et le divin sacerdoce" (Fonti. T. 1, 2. Les canons des synodes
particuliers. p. 104-105.
Les 25 canons du concile d'Antioche furent officiellement reçus par le concile oecuménique
de Chalcédoine, qui en invoqua l'autorité.
En 2013, les Pâques occidentales tombaient le 31 mars, en même temps que la Pâque juive, qui s'étend du 26 mars au 2 avril -
ce qui est contraire aux canons que nous venons de citer.
Par suite de l'addition de trois jours à la date de la première pleine lune de printemps, les chrétiens orientaux
ont une règle d'après laquelle,
lorsque la première pleine lune du printemps a lieu un jeudi, vendredi ou samedi, ils ne célèbrent pas leur
Pâques le premier dimanche qui suit ces jours, mais le second, qui arrive ainsi une semaine plus tard. Pour
les chrétiens orientaux, la vraie pleine lune pascale n'a lieu qu'après avoir ajouté trois
jours à la première pleine lune du printemps.
Si donc on ajoute ces trois jours à la première pleine lune du
printemps arrivée un jeudi, vendredi ou samedi, on ne célébrera pas la fête de Pâques le premier dimanche qui
suit ces jours, mais le dimanche de la semaine suivante.
Le canon pascal romain n'ajoute pas ces trois jours
à la première pleine lune du printemps ; par conséquent, dans les années où celle-ci a lieu un jeudi, vendredi
ou samedi, les chrétiens occidentaux fêtent leur Pâque une semaine plus tôt que les chrétiens orientaux.
Ainsi, dans l'année courante 1863, la première pleine lune du printemps aura lieu le vendredi 22 mars (vieux style)
/ 3 avril (nouveau style) ; les chrétiens occidentaux, sans ajouter trois jours à cette date, célébreront leur Pâques
le premier dimanche qui la suit, c'est-à-dire le 24 mars (vieux style) / 5 avril (nouveau style).
Les chrétiens
orientaux, au contraire, ajouteront trois jours à cette première pleine lune du printemps et célébreront leur
Pâques une semaine plus tard, c’est-à-dire le 31 mars (vieux style) / 12 avril (nouveau style), parce que,
d'après le canon pascal d'Alexandrie, la vraie pleine lune pascale n’aura lieu que lundi le 25 mars (vieux style)
/ 6 avril (nouveau style).
Lors de certaines années, ce sont les différents calendriers que suivent les chrétiens
qui causent ce désaccord sur le temps de célébrer la fête de Pâques.Le Calendrier grégorien devance maintenant le
calendrier julien de douze jours (note : aujourd'hui, l'écart est de treize jours); par conséquent, dans certaines
années une pleine lune est, d'après le
calendrier grégorien, une pleine lune du printemps - puisqu'elle a lieu après l'équinoxe du printemps,
le 21 mars, et devient pascale ; tandis que, d'après le calendrier julien, cette même pleine lune n'en est
pas une du printemps - du mois de mars - mais du mois de février, puis-qu'elle précède l'équinoxe du printemps,
et par conséquent elle n'est pas pascale. Voilà pourquoi les chrétiens orientaux attendent jusqu'à une autre
pleine lune, celle d'avril, pour célébrer leur Pâque.
Ainsi, dans ces années, la Pâque orientale a lieu un mois
lunaire plus plus tard que la Pâque occidentale.Prenons un exemple : dans l'année suivante de 1864, d'après le
calendrier grégorien, le première pleine lune du printemps aura lieu le 23 mars (nouveau style), et les
chrétiens occidentaux célébreront Pâques le 27 mars (nouveau style). — Mais comme le 23 mars (nouveau calendrier)
correspond au 11 mars (vieux style), cette pleine lune, d'après le calendrier julien, n'est pas pascale, puisqu'elle
précède la date du 21 mars (vieux style) et les chrétiens orientaux régleront lenr Pâque d'après la pleine lune
suivante, celle d'avril qui aura lieu le 10 avril (nouveau style) / 22 avril (vieux style) et célébreront leur
Pâque le 19 avril (vieux style) / 1 mai (nouveau style).
Enfin, dans les années où la première pleine lune
du printemps a lieu, d'après les deux calendriers, après l'équinoxe du printemps, le 21 mars, et un des premiers
jours de la semaine, — dimanche, lundi, mardi ou mercredi, tous les chrétiens célèbrent la fête de Pâques
le même jour ; parce que, quand même les chrétiens orientaux ajouteraient - d'après le canon pascal
d'Alexandrie - trois jours à la pleine lune qui aurait lieu les susdits jours, les deux Pâques arriveraient
le même dimanche. Par exemple : en 1865 la première pleine lune aura lieu mardi le 30 mars
(vieux style) / 11 avril (nouveau style), et les chrétiens orientaux comme ceux de l'occident célébreront
la Pâques le même jour le 4 avril (nouveau style) / 16 avril (ancien style).
Le désaccord entre les chrétiens
orientaux et les chrétiens occidentaux sur l'époque de célébrer la fête de Pâques vient donc, comme on le voit,
tantôt du canon pascal, tantôt des différents calendriers ; par conséquent, pour que tous les chrétiens puissent
célébrer cette solennité toujours le même jour, il faudrait que tous, ils tiennent au même canon pascal
et au même calendrier.
Berlin,le 20 février (nouveau style) / 4 mars (ancien style) 1863.
Les chrétientés d'Occident ont perdu la mémoire de leurs racines orientales. Les conciles
œcuméniques n'occupent plus une place déterminante dans leur perspective. Dans l'Église ancienne, les pasteurs
veillaient à distinguer nettement entre la Pâque juive, qui fait mémoire de la libération du peuple d'Israël
de la servitude de l'Égypte, et les Pâques chrétiennes, qui célèbrent la Résurrection du Christ, vrai homme
et vrai Dieu. Ils ont exprimé cette préoccupation en insistant sur le fait qu'il ne convient pas de célébrer
les Pâques chrétiennes en même temps que la semaine de la Pâque juive. Cette préoccupation pastorale fut
complètement oubliée en Occident.
D'autre part, on peut aisément s'apercevoir que le comput de Pâques
suivant le canon pascal alexandrin ne tient plus compte, à l'heure actuelle, des données astronomiques réelles :
la date de l'équinoxe se trouve retardée de 13 jours, suivant le retard que le calendrier julien accuse par
rapport au calendrier grégorien - tandis que la date de la pleine lune pascale est calculée suivant des tables
anciennes, et peut varier aujourd’hui de trois à quatre jours par rapport à la lune observée.
Enfin, la méthode
de calcul de la date de Pâques ne figure pas dans les canons du concile de Nicée. C'est donc un usage, une coutume,
qui n'est pas inscrite dans les canons de l'Église. Certains ont proposé que tous les chrétiens célèbrent en même
temps la fête de Pâques, le dimanche suivant la pleine lune qui elle-même suit l'équinoxe de printemps, en tenant
compte des données astronomiques réelles. Pour ma part, j'estime que pour les questions qui n'ont rien d'essentiel,
il est périlleux de vouloir faire une réforme qui n'aboutirait qu'à un seul résultat : introduire un nouvel usage
et multiplier encore davantage les désaccords existants. Car la date de Pâques est « quelque chose qui se voit ».
Si l'on introduit un nouveau comput pascal, quel qu'il soit, il se trouvera toujours des gens pieux qui diront :
« nous formons l'Église véritable, car nous gardons l'ancienne et authentique date de Pâques ! ». Comme il est
bien évident que le calcul de la date de Pâques ne constitue pas le centre de la Foi, le plus sage est de conserver
l'usage établi, tout en restant libre d'en constater les insuffisances.
En ce qui nous concerne, nous vivons sous
une latitude nordique. Une date de Pâques tardive nous convient très bien : l'ancien calendrier nous permet de
ne pas célébrer la fête de Pâques avec de la neige jusqu'aux genoux… Car, après tout, Pâques est une fête printanière -
la fête de la vie qui revient après une mort apparente. Célébrer Pâques dans une tempête de neige et au milieu
du blizzard n'est pas très évocateur… Lors des Pâques occidentales, si tout est déjà en fleur dans le monde
méditerranéen, nous sommes bien souvent encore en plein hiver. Avec le comput pascal suivant l'ancien calendrier,
nous avons quelque chance de bénéficier d'un temps clément et de voir pousser les premiers brins de verdure,
en signe du retour de la vie.
Tout ceci ne constitue pas pour autant une hymne inconditionnelle en faveur de l'ancien calendrier,
car, dans la Chapelle sainte Marie-Madeleine, les fêtes fixes sont célébrées suivant le calendrier grégorien,
tandis que bien sûr, nous suivons l'usage de l'ensemble de l'Église orthodoxe, en ce qui concerne le comput
pascal (on peut noter que l'Église orthodoxe de Finlande célèbre Pâques suivant la date occidentale - c'est un
signe de plus du fait que le calcul de la date de Pâques n'est pas une notion dogmatique de l'Église). Cet usage
"mixte" du nouveau et de l'ancien calendrier est employé par le Patriarcat Oecuménique, l'Église de Grèce et de
nombreuses autres Églises orthodoxes. Cela offre l'avantage d'éviter certains inconvénients liturgiques, comme
par exemple une fête de l'Annonciation qui tombe en pleine Semaine Sainte ou en plein Dimanche de Pâques, ce qui
peut se produire avec un usage intégral de l'ancien calendrier.
Tableau de la Pascalie