Orthodoxie en Abitibi

Adieu au Positivisme

Étude I : l'Adieu à une vision positiviste du monde

- P. Georges Leroy -

Cliquer ci-dessous, pour vous retrouver aux points correspondants du texte :

Un changement d'univers
Une science qui sait qu'elle ne sait pas
La Grande Unification
La pluralité des Univers

Quels sont les objectifs que nous nous proposons d'atteindre ?

Nous tâcherons de répondre à ces questions :
- quels sont les principes qui ont dirigé la conception scientifique du monde depuis Newton ?
- ces principes sont-ils toujours d'application dans la conception scientifique du monde actuelle ?
- la conception scientifique du monde contemporaine a-t-elle des conséquences quant à la conception de l'espace-temps ?

Un changement d'Univers

Lorsque je feuillette la bonne vieille encyclopédie aux gros volumes parsemés de gravures, dont le copyright porte le millésime 1937, je retrouve toute la vision du monde qui fut celle qui me fut enseignée lors de mon enfance. On y décrit un univers, certes vaste mais très sécurisant, car dominé par des grandes lois universelles et inflexibles. Les planètes circulent sagement le long de leur orbite en suivant la loi de Newton, exprimée ainsi : « la matière attire la matière en raison directe des masses et en raison inverse du carré de la distance ». Jusqu'à l'infini des espaces stellaires, cette loi s'applique uniformément et permet de prédire sans aucune erreur les orbites de toutes les planètes. Kepler vient à la rescousse, pour nous dire que « les planètes se meuvent sur des orbites elliptiques dont le Soleil occupe l'un des foyers ». Les systèmes solaires, de tailles diverses, se rassemblent en « nébuleuses », dont certaines « développent une allure spirale tout à fait remarquable ». Tout cela est fait d'espace et de matière, celle-ci ayant une « structure granulaire», car constituée de molécules « séparées les unes des autres par des espaces vides à la manière des étoiles dans le firmament ». Cette matière est donc pratiquement à l'image de la structure interstellaire. Cette matière est passive, caractérisé par sa masse, son poids, son volume, son inertie. Ces caractéristiques et sa position sont modifiées par l'énergie qui y est allouée. «Un corps, un système de corps, contient de l'énergie lorsqu'il est susceptible de faire du travail». Cette énergie peut être mécanique, calorifique, électrique, chimique et « de radiation», comme dans le cas de la luminescence des gaz. Ce domaine est, lui aussi, régi par des grandes lois fondamentales, tel le premier principe de la thermodynamique, énoncé ainsi : « l'énergie totale d'un système isolé reste constante ». Tout cela est sujet à l'entropie, qui est exprimé par le second principe de la thermodynamique, appelé principe de Carnot, qui se formule ainsi : « dans toute machine thermique, le corps mis en œuvre doit subir une chute de température ; il ne peut y avoir production de travail que par la perte de chaleur du corps passant d'une source chaude à une source froide ». Le «chaud» et le « froid » deviennent « tièdes » ; le plus va vers le moins. Cela condamne à l'inexistence tout « mouvement perpétuel ».

Le premier grand coup de boutoir qui fut asséné à cet univers sagement obéissant aux grandes lois physiques, fut la découverte des « transmutations radioactives », dont notre encyclopédie parle déjà timidement. Pierre et Marie Curie ont découvert le rayonnement du radium. Désormais, la matière n'est plus « passive » : elle peut d'elle-même générer de l'énergie ! La théorie de la relativité viendra sonner le glas de l'antique théorie de la « matière passive » : la relativité nous fait découvrir tout d'abord que la matière est un fantastique concentré d'énergie. Mais cette nouvelle théorie de la relativité ne fait pas que cela : elle nous montre que les coordonnées d'espace-temps, valables dans le monde où nous vivons, ne s'appliquent pas de la même façon dans des ensembles qui circulent à très grande vitesse par rapport à nous.

Comment comprendre cela sans passer par des équations? Supposons un instant que nous avons devant nous un laser, à l'intérieur duquel deux miroirs parfaitement parallèles se renvoient des milliards de fois un rayon lumineux. Supposons d'autre part qu'il y ait un autre laser parfaitement identique, à bord d'un vaisseau spatial qui s'éloigne de nous à grande vitesse. À l'intérieur de ce « laser spatial » la lumière rebondit entre les miroirs, elle aussi, des milliards de fois. Les personnes qui sont à bord de ce vaisseau spatial ne perçoivent pas le mouvement qui les anime. Pourtant ce mouvement existe, par rapport à nous. De notre côté, le chronomètre en main, nous mesurons très précisément la distance parcourue par le rayon de lumière, pendant une seconde, à l'intérieur de notre laser. Les passagers du vaisseau spatial font la même chose, de leur côté. Ils obtiennent précisément le même résultat que nous. Sauf qu'au cours de la seconde très précisément mesurée, « leur lumière » n'a pas fait que rebondir entre les deux miroirs du laser. Puisque celui-ci était animé d'une grande vitesse relative, cette lumière s'est déplacée en suivant un chemin en forme de « w » qui est nettement plus long que le trajet parcouru par la lumière confinée dans notre laser. Si ce chemin est plus long, « leur lumière » ne s'est pas déplacée pour autant plus rapidement, puisque la vitesse de la lumière est constante, quel que soit l'endroit de l'univers où elle se déplace. Si ce n'est pas la vitesse de la lumière qui s'est accélérée, c'est nécessairement le temps qui a ralenti, dans le vaisseau spatial lancé à haute vitesse.

C'est un exemple intuitif du fait que les coordonnées d'espace-temps varient dans les ensembles se déplaçant à grande vitesse les uns par rapport aux autres. Cela a des effets sur notre réalité, même si cela n'apparaît pas au premier abord : les GPS ont pris une importance considérable, dans notre vie quotidienne. Ils reçoivent leurs informations de satellites. Les données que fournissent les horloges portées par ces satellites doivent subir des « corrections relativistes », car le temps fourni par ces horloges qui circulent à grande vitesse sur une orbite présente déjà une différence mesurable par rapport au temps terrestre - et cela affecterait très sensiblement l'exactitude des GPS. À notre époque, la théorie de la relativité n'est jamais très loin de nous...

Si les coordonnées d'espace-temps varient, le temps, quant à lui, s'écoule toujours dans la même direction. Cela peut nous surprendre : tant qu'à bouleverser les schémas fondamentaux de nos perceptions, pourquoi ne pas remonter le temps ? La « dilatation du temps » à des vitesses proches de celle de la lumière nous donne une réponse fort originale à cette question : « pourquoi le temps s'écoule-t-il toujours dans le même sens ? » Quelqu'un qui circule à une vitesse proche de la lumière vit dans un temps qui ralentit, par rapport à une autre personne qui poursuit son existence sur une planète dont l'horloge sert d'étalon temporel. Ce « temps qui ralentit » deviendrait théoriquement nul à la vitesse de la lumière, puis négatif - une fois que cette vitesse est dépassée. Cette personne qui circule à une vitesse supérieure à celle de la lumière reculerait dans le temps... Cela bouleverserait totalement la relation de causalité, ce qui est impossible. Ajoutons à cela le fait que la masse varie en fonction de la vitesse : à une vitesse proche de la lumière, la masse tend vers l'infini - et il faut donc pour obtenir une augmentation de vitesse un apport d'énergie qui lui aussi tend vers l'infini : là aussi, nous touchons à la frontière de l'impossibilité.

Toujours à propos de cette question du temps qui va obstinément dans le même sens, nous pouvons ajouter un autre motif à notre argumentation, en envisageant cette fois-ci la problématique sous l'angle de l'information : si nous filmons une tasse de porcelaine qui tombe d'une table et se brise sur le sol, il nous est parfaitement possible de faire passer la bobine dans l'autre sens, puis la voir se reconstituer, remonter sur la table et s'y poser, intacte. Il n'en est pas de même dans la réalité! Pourquoi ? À cause de l'entropie : nous sommes toujours en phase de déperdition d'énergie. L'information - qui est une forme d'énergie - contenue dans la tasse intacte, est plus grande que celle qui est contenue dans les débris. La tasse a perdu la plus grande partie de sa forme ; elle a perdu sa fonction ; elle a émis des bruits et dispersé son énergie en frottement et en chaleur. Toutes choses qui font que l'on ne peut pas remonter la pente. Il est vrai qu'un tel raisonnement pose autant de problèmes qu'il en résout : les notions de « forme » et de « fonction » n'existent pas concrètement, dans le monde des choses. Faut-il pour autant imaginer que ces notions existent dans un « monde des idées » ? On n'est pas loin de le penser : c'est toute la question de la « déraisonnable efficacité des mathématiques » (Trinh Xuan Thuan. Le Chaos et l’harmonie – la fabrication du réel. Gallimard Folio Coll. Essais 366 p. 531.) L’Univers est explicable mathématiquement, et s'y prête admirablement. Généralement, les mathématiques sont créées bien avant que les découvertes physiques ne viennent confirmer la validité du système mathématique en question. Sans doute le Nombre est-il l'essence de la Nature.

Il existe une sorte de « généalogie » des mathématiciens: les uns posent des questions, et les mathématiciens des générations suivantes tâchent d’y répondre, tout en posant des questions nouvelles. En 1900, le mathématicien nommé Hilbert (ibid. p. 540) lança un défi remarqué : il s'agissait de démontrer la cohérence des axiomes de l'arithmétique. Si l'on y parvenait, on aurait trouvé la véracité de tout énoncé mathématique. C'était en quelque sorte, le « Saint Graal » des mathématiques, qui les auraient rendues à jamais incontestables. L'enjeu était de taille ! Un autre mathématicien, un certain Gödel, s'attela au problème et donna son « théorème d'incomplétude » qui démontra, contre toute attente, qu'une telle prétention était insoutenable. Tout énoncé mathématique est incomplet en lui-même : il lui faut recourir à des axiomes qui lui sont extérieurs. Nous voyons ici le premier surgissement d'un phénomène qui aura d'immenses conséquences à notre époque : la science est parvenue à un état suffisant d'avancement pour être capable d’identifier de façon parfaitement scientifique les domaines qui resteront à jamais hors de son atteinte.

Revenons à notre vieille encyclopédie. Elle montre un univers où une matière passive est mue par de l'énergie qui lui est extérieure. Tous les points de cet univers sont déterminés par des grandes lois universelles immuables : si l'on avait une connaissance parfaite de chacun des éléments de cet univers à un moment précis, ces mêmes lois permettraient de prévoir l’évolution de chaque élément de l’univers, dans la suite des temps. C'est un univers parfaitement déterministe. L'évolution de ce monde se produit au long d'une unique ligne du temps : il s'agit d'une ligne de longueur infinie sur laquelle se déplace à une vitesse uniforme un point représentant le présent. Derrière ce point, s'étend la longueur pratiquement infinie du passé; devant ce point, s'étend la distance pratiquement infinie de l'avenir qui lui reste à parcourir. Il n'existe qu'un seul espace-temps : les trois dimensions de l'espace et la dimension temporelle qui forment notre cadre de vie.

- Il n'y a aucune raison de supposer que cette ligne du temps ait commencé en un point précis, supposé être celui de la Création.

- Il n'y a aucune raison non plus de supposer que cette ligne du temps cesse en un point donné, que l'on appellerait « fin des temps ».

- Dans cette perspective, le monde est exclusif : il n'existe et ne peut exister qu'un seul espace-temps : le nôtre. Si quelque chose d'autre se passe, cela doit nécessairement se situer avant ou après l'Histoire de l'humanité.

- C'est un monde clos sur lui-même : dans cette perspective, il est inimaginable de soutenir qu'une Volonté qui est située en dehors du monde puisse agir de quelque façon que ce soit dans cet univers, car cette action bousculera nécessairement les lois immuables de la nature, auxquelles on ne peut admettre aucune exception.

- Dans cette perspective toujours, il s'agit d'un monde déterministe : aucun espace de liberté n'est consenti aux éléments qui le constituent, car leur comportement est entièrement dicté par des lois connues, ou qui restent à découvrir.

- Dans cette perspective enfin, c'est la matière qui possède toutes les caractéristiques de la divinité : elle est éternelle - du moins en ses constituants fondamentaux - elle est omniprésente - ou du moins constitue tout ce qui est digne d'attention dans l'univers; elle est toute-puissante, car l'ensemble de l'énergie contenue dans l'univers agit par elle ; elle s'étend jusqu'à l'infini, car la science de l'époque pouvait imaginer que l'univers n'avait pas de limites.

Nous comprenons donc que cette vision du monde, élaborée au XIXème siècle et qui à cette époque possédait la force de l'évidence, est incompatible avec le Christianisme, et surtout avec l'idée chrétienne d'une action permanente de Dieu dans la création.


Une science qui sait qu’elle ne sait pas

Jamais le monde n'a eu de plus grandes possibilités, parce que jamais la science n'a eu un tel pouvoir... et c'est magnifique ! Mais justement, à l'immensité de ce pouvoir il faut un esprit accordé, il faut un coeur capable de grandeur, qui pourra mettre en oeuvre tous ces instruments sans vouloir posséder un monde qui autrement se réduirait à rien. - C'est au contraire pour en dilater les frontières, afin qu'il apparaisse vraiment ce qu'il est dans le regard de l'éternel Amour, comme un réalité qui ne s'épuisera jamais, parce que son secret est caché dans le coeur de Dieu.

Maurice Zundel. Ta Parole comme une source. éd. Anne Sigier. p. 25 - 26.

Qu'en est-il aujourd'hui ?

Qu’on le veuille ou non, notre vision du monde est dictée par la science de notre époque. Et notre vision du monde, en ce début du XXIème siècle, est vraiment très différente de celle qui faisait consensus au cours du XIXème, même si déjà certains mathématiciens et physiciens pressentaient les changements à venir. Les grandes lois de la nature restent toujours valables ; mais elles ne le sont véritablement qu'en notre échelle de grandeur. Elles deviennent manifestement inadéquates lorsqu'on traite des grandes dimensions - celles de l'univers, et lorsqu'on s'approche de l'extrême petitesse - celle des particules élémentaires.

La science contemporaine affirme que le monde a un début : le « Big-Bang », survenu il y a 13,7 milliards d'années. Bien sûr, les scientifiques ne parleront certainement pas de création ! Mais l'univers a un début ponctuel : il n'est pas éternel.

- L'univers n'est pas infini : il est en expansion, et suscite l'espace-temps dans lequel il se déploie.

- L'univers n'est pas cyclique : nous savons désormais qu’il ne contient pas assez de matière pour que les forces de gravité puissent le faire retomber ultimement en son point de départ. Bien au contraire, la « force noire » augmente toujours la vitesse de l'accélération de l'univers.

- L'astronomie d'aujourd'hui ne nous dit pas précisément que l'univers a une fin, mais nous connaissons l'état final de la matière : les « trous noirs ». Il s'agit d'une matière qui a atteint la limite extrême de l'inertie et de l'attraction gravitationnelle, ce qui lui fait « percer » l'espace-temps.

Un des aspects les plus remarquables de la science aujourd'hui, c'est le fait qu'elle commence à définir les bornes de ses champs de connaissances. Progressivement, la science désigne les domaines où elle ne « sait pas » et où elle sait qu'elle ne « saura jamais ». Nous sommes aujourd'hui bien loin des prétentions hégémoniques et totalitaires de la science du XIXème siècle.

Nous pouvons dresser la carte du ciel tel qu'il était 380 000 ans après le Big-Bang. Avant cela, les températures et pressions étaient telles qu'aucune observation n'est possible. Il existe là un « horizon observable » infranchissable.

Il existe un autre domaine où la science « sait qu'elle ne sait pas » : il s'agit de la « théorie du chaos ». Cette théorie est très mal nommée, car elle n'a aucun rapport avec un « chaos » quelconque, compris comme un désordre incontrôlable. Les irrégularités de l'orbite de la Lune avaient attiré l'attention, depuis Newton. Il s’agissait de tenir compte de l'influence gravitationnelle du Soleil, de la Lune et de la Terre, ce qui fut appelé le « problème des trois corps ». C'était un défi mathématique important. Le mathématicien Henri Poincaré (1854-1912) eut l'idée d'imaginer un plan perpendiculaire à l'orbite lunaire (appelé « plan de Poincaré ») - plan au travers duquel la Lune passe à chaque révolution, en inscrivant sur ce plan un point, lors du passage du centre de l'axe du satellite par ce plan. Comme la lune obéit aux fluctuations gravitationnelles de la Terre et du Soleil (sans compter celles induites par les autres planètes – qui viennent compliquer considérablement les calculs…), l’astre lunaire ne passe pas précisément au même endroit à chaque révolution. Par exemple, après cinq révolutions, elle tracera cinq points distincts sur le plan de Poincaré. Après des milliers de passages, cet ensemble de points va dessiner des figures étonnantes. À l'époque, cela représentait des calculs considérables, exécutés par des équipes de calculateurs humains... Et dire que tout cela fut réalisé avant l'invention de l'ordinateur ! Les figures tracées sur le plan de Poincaré sont très remarquables : si l'on en prend un petit morceau, et qu'on l’agrandit fortement, le même motif réapparaît, et ceci à l'infini… Les points qui retracent le passage de l’astre lunaire tracent des formes que l'on a appelées du nom d’« attracteurs étranges ».

Plus tard, on allait découvrir que ces « attracteurs étranges » possèdent ces caractéristiques, du fait qu'ils ont une « dimension fractale ». Une ligne droite a une seule dimension ; une feuille de papier est un espace à deux dimensions ; l'espace que nous connaissons possède trois dimensions ; et un objet fractal a un nombre de dimensions qui est exprimé par une fraction... Nous rencontrons partout dans la nature des objets « fractals ». Le littoral français, observé par satellite, est un objet fractal. Le dessin d'une feuille, le flocon de neige, un nuage est généralement un objet fractal, lui aussi. La Nature utilise ces caractéristiques, lorsqu'elle veut remplir un espace ou un volume avec la structure la plus efficace possible. Les alvéoles de nos poumons sont organisés de façon fractale, ce qui leur permet d'avoir une surface utilisable absolument extraordinaire, par rapport à leur volume. Généralement, les objets naturels qui ont des formes irrégulières inconnues de la géométrie d’Euclide ont toutes les chances d'être des objets fractals.

Avec l’observation de l’orbite lunaire, on avait découvert un fait étonnant : après un certain nombre de révolutions, la position de la Lune devenait impossible à prévoir. C'est un effet de la théorie du chaos : à partir du moment où nous avons trois éléments en interaction - ou davantage - ils deviennent imprédictibles après un certain nombre d'interactions. Il est impossible de prévoir la position de la Lune, après un certain nombre de milliers de révolutions. De même, on ne peut savoir où se trouvait précisément la Lune lorsqu'on remonte dans l'Histoire. À cet égard, l'orbite de la Lune est « chaotique » - ce qui n'empêche pas une certaine stabilité, dans des limites précises. La théorie du chaos montre que quelque chose n'est pas prévisible, à partir d’un certain stade d’évolution.

Mais elle ne fait pas que cela : trois éléments en interaction - ou davantage - s'avèrent être extrêmement sensibles aux conditions initiales du système. La moindre variation de vitesse ou de position de l'un des éléments, au départ, donne des résultats totalement différents de ce que nous observons, après un certain temps d'évolution. Avec une très légère variation dans les conditions initiales, nous assistons à des divergences d'évolution extrêmement importantes dans l'avenir, sans rapport avec la petitesse presque négligeable de la variation de départ. Cela s'applique partout dans la Nature ; c’est la cause d'innombrables variations et fantaisies qui n'ont rien à voir avec la logique de l'élimination des plus faibles, de la théorie de Darwin. Un oiseau aura des ailes rouge vif, et l'autre aura des ailes bleu électrique, non pas parce que cela leur donne un quelconque avantage évolutif, mais parce qu'à l'origine de leur évolution, une infime variation s'est produite.

Le « chaos » s'applique dans tous les domaines de la Nature : dans la ceinture d'astéroïdes, parmi les centaines de milliers, l'un d'entre eux est brusquement éjecté de son orbite et va s'aventurer au milieu des planètes de façon erratique, avec tous les dangers de collision que cela comporte. L'orbite de cet astéroïde était devenue chaotique. Au milieu de l'océan, la hauteur des vagues suit sagement la loi des probabilités. Mais l'une d'entre elles, brusquement, s’élève à vingt mètres de haut ! Il s'agit d'une « vague meurtrière » qui était le sujet de bien des légendes parmi les marins, mais dont l'existence est prouvée aujourd'hui grâce aux observations des satellites. Un cœur peut tomber en fibrillation, brusquement, sous un effet « chaotique ». Les conséquences du « chaos » sont loin d'être négatives : le « chaos » donne un espace de liberté à la Nature. Elle peut jouer de façon ludique avec ses Lois et créer de la nouveauté. Grâce au « chaos » la Nature nous présente une fantastique richesse formelle, un dynamisme toujours renouvelé. La Nature n'est plus prisonnière ni corsetée par des relations univoques de cause à effet. C’est la fin du déterminisme. La science est volontairement – et très élégamment ! – descendue de son trône d’omniscience.

Nous avons vu que les grandes lois de la nature découverte au XIXème siècle se sont avérées insuffisantes pour cerner la réalité des très grandes dimensions et de l'extrême petitesse. La théorie de la relativité et la physique quantique sont venus prendre le relais pour décrire ces univers exotiques.

La validité de la théorie de la relativité a été surabondamment prouvée par les observations astronomiques. Les « lentilles gravitationnelles » avaient été prévues par Einstein - des arcs de lumière qui sont observables autour de certaines nébuleuses, arcs qui trahissent la présence d'une étoile très lointaine, située exactement dans l’axe de cette nébuleuse. Cette étoile lointaine émet une lumière qui est courbée par l'effet gravitationnel de la nébuleuse, qui se comporte dans ce cas comme une véritable loupe.

Par contre, ce qu'Einstein n'a pas prévu et ne voulait pas prévoir, c'est l'expansion de l'univers. Il voulait que l'univers soit stable, et a introduit à cet effet dans ses équations une « constante cosmologique » afin d'éviter que ses équations ne décrivent un univers en expansion. Les découvertes astronomiques ultérieures ont montré que c'était une erreur : le « décalage vers le rouge » que nous observons dans la lumière que nous recevons des galaxies lointaines, montre que celles-ci s'éloignent à grande vitesse. On a découvert que récemment que non seulement elles s'éloignent, mais qu’elles accélèrent ! Ce phénomène avait déjà été observé dans le comportement de la sonde « Voyager » qui, après avoir observé les planètes, poursuit son chemin dans l'espace intersidéral. Cette sonde devrait théoriquement ralentir du fait de l'effet gravitationnel du soleil, qui reste sensible même à cette distance. Or les mesures ont montré qu'elle accélère ! On a d'abord pensé qu'il s'agissait d'une erreur, mais cette accélération a été confirmée par des mesures subséquentes. Des nouvelles mesures concernant des supernovae lointaines (grosses étoiles en fin de vie qui « explosent » en émettant une luminosité tout à fait exceptionnelle), et le fait que l'âge des galaxies très éloignées - et donc très anciennes - ne correspondait pas avec l’évaluation de l'âge de l'univers, tout cela s'avérait être cohérent avec l'hypothèse de l’accélération. Il existe donc une sorte d'énergie suffisamment puissante pour contrebalancer la gravitation. On appelle cette énergie « énergie noire » du simple fait que l'on ne connaît pratiquement rien à son sujet. Mais elle présente une menace considérable pour le « modèle standard » qui explique la structure de l'univers jusqu'à présent.

Rien n'est simple et tout se complique : la gravité que génère la matière que nous observons dans l'univers ne peut en aucun cas suffire à justifier la position des galaxies : leur puissance gravitationnelle est largement insuffisante pour générer l'ordre et les structures que nous observons. En fait, elles « tiennent en place » grâce à l'action gravitationnelle d'une matière invisible et inobservable, dont nous constatons cependant les effets gravitationnels. Il existe donc dans l’univers une « matière noire » - elle aussi appelée de ce nom du fait que l’on ne connaisse pratiquement rien à son sujet, à part son influence gravitationnelle.

Dans l'état actuel des choses, la matière que nous pouvons observer forme un petit 4 % de l'univers. À cela, il faut ajouter 23% de « matière noire » et 73 % d'« énergie noire ». 94 % de l'univers nous est donc totalement inconnu ! La science ne couvre, à l'heure actuelle, qu'une frange assez réduite du réel, même si elle connaît l’univers matériel bien mieux qu’elle ne le faisait au XIXème siècle. Paradoxalement, la science d’aujourd’hui est bien plus « modeste » que sa sœur positiviste, tout en présentant un bilan de connaissances considérablement plus étoffé que celle-ci ne pouvait le faire.

La physique quantique est présente un peu partout dans notre univers contemporain. Les diodes (ces petites lampes qui illuminent tout en consommant des quantités remarquablement faibles d'électricité), les écrans plats de nos téléviseurs et ordinateurs, les ordinateurs eux-mêmes où les électrons progressent dans les circuits imprimés en suivant les modèles quantiques, plusieurs produits qui paraissent comme fruit de la nanotechnologie, tout cela fait émerger la physique quantique dans notre vie quotidienne.


La Grande Unification

Pour aboutir à une explication globale de l'univers, il est nécessaire d'unifier ces deux grandes théories. Mais avant d’en venir à la question de la « Grande Unification », ouvrons à nouveau notre vieille encyclopédie. Celle-ci nous présente une description de l’atome - ce qui était remarquable à l’époque, vu les moyens d’observation et de calcul dont ils disposaient. Des électrons gravitent autour du noyau, répartis en plusieurs couches. Le noyau, quant à lui, est fait de neutrons et de protons. Les neutrons n’ont pas de charge – d’où leur nom – tandis que les protons sont d’une charge opposée à celle des électrons, ce qui assure l’équilibre de l’atome. L'encyclopédie précise avec modestie : « il est bien évident que la constitution d'un atome est plus complexe que celle que nous lui avons attribuée, mais ces schémas sont probablement exacts dans leurs grandes lignes et les découvertes futures ne feront que les préciser » (Grand mémento encyclopédique Larousse, tome II, p. 437. Edition 1937.). Mendeleïev (1834-1907) organisa les éléments suivant leur masse atomique, en dressant son célèbre tableau, dont les cases ont été complétées au fur et à mesure des découvertes.

Comme d’habitude, tout se complique… On ne peut connaître en même temps la position et la vitesse d’un électron. Il y a à cela une raison bien simple : pour voir un objet, il faut l'éclairer. Et pour l'éclairer, il faut braquer dessus une lumière dont la longueur d'onde soit nettement inférieure à la taille de l'objet : pour regarder quelqu'un, si l'on braque sur son visage un projecteur qui émet des ondes radio d'une longueur d'onde de plusieurs mètres, nous ne verrons absolument rien, même avec un récepteur adéquat. Pour observer les électrons, il faut les baigner d'un flot de rayonnement de très courte longueur d'onde - et par là même, très énergétique. Cette radiation perturbe l'électron, ce qui nous empêchera de mesurer sa vitesse. Par contre, si nous l'observons avec une radiation moins énergétique, nous ne serons pas en mesure de connaître sa position. Vitesse ou position, impossibilité de connaître l'un et l'autre. Tout cela rentre dans le cadre du « flou quantique », défini par le principe d'incertitude d'Heisenberg (1901-1976). Ce physicien nous dit que l'incertitude sur la position multipliée par l'incertitude sur l'impulsion est supérieure ou égale à la constante de Planck divisée par 2 Π.

La constante de Planck intervient dans le calcul de l'énergie d'un quantum (photon). Sa valeur est : 6,62606896 x 10 puissance -34 J.s dans le système international d'unités (les unités fondamentales étant le mètre, le kilogramme et la seconde). Elle joue un grand rôle dans le monde de l'infiniment petit, où les lois de la Physique classique ne s'appliquent plus ; il faut avoir recours à la Physique quantique. Mais si on peut reconstituer l'évolution de notre univers, en remontant très loin, jusqu'aux tout premiers instants qui ont suivi le Big Bang, on se heurte à un instant-butoir, appelé le Mur de Planck et qui se situe à 10 puissance -43 s environ de l'instant zéro. Pendant cette infime fraction de seconde, les lois connues de la Physique ne s'appliquent plus, et notre connaissance s'arrête là ; il semble que l'espace et le temps n'étaient pas dissociés : nous n'avons ni les outils nécessaires pour décrire le début de l'évènement, ni la faculté cérébrale d'imaginer la situation !

Tamara Chirinsky

Avec le principe d'incertitude d'Heisenberg, tout est désormais une question de probabilités. C’est la fin des certitudes absolues. D’ailleurs, les propriétés étonnantes des particules découvertes lors du développement de la théorie des quanta sont souvent des attentats contre notre bon sens, et sont bien difficiles à imaginer. Le réel quantique nous parle d’une réalité globale où tout est en interrelation probabiliste.

Revenons à notre atome, fait d’électrons, de protons et de neutrons. La force électromagnétique fait que des particules de charge opposée s’attirent, ce qui fait que les électrons sont attirés par les protons du noyau. Le force électromagnétique n’est pas très puissante, mais agit à grande portée. Dans le noyau, les protons, étant de même charge, ont tendance à se repousser, à l’instigation de la force électromagnétique. Mais il existe une force nucléaire forte qui « soude » le noyau atomique, tout en ayant une portée très réduite. Le neutron, quant à lui, aide à maintenir la cohésion du noyau atomique. Le neutron a la même masse que le proton – masse qui est 2000 fois plus élevée que celle de l’électron. Proton et neutron sont deux états physiques d’une seule et même particule, le nucléon, et diffèrent par une caractéristique de symétrie appelée isospin. Ensuite, on a découvert que tout est fait de quarks : le proton est fait de 2 quarks « up » et d’un quark « down » ; le neutron est fait de 2 quarks « down » et d’un quark « up » - tous deux font partie de la famille des « hadrons », qui sont sujets à la force nucléaire forte. Quant à l’électron, c’est un « lepton », tout comme le muon, le neutrino, le tau… La matière est faite de quarks et de leptons. Après la force électromagnétique et la force nucléaire forte, il faut citer la force nucléaire faible (de très courte portée), responsable de la radioactivité, et la force de gravité.

La force électromagnétique est transmise par des photons virtuels (sans masse et sans charge) ; la force nucléaire forte est transmise par 8 sortes de particules messagères appelées « gluons » (eux aussi sans masse et sans charge) ; la force nucléaire faible est transmise par des particules messagères appelées bien peu poétiquement : W+, W- et Z. Ce sont d’énormes particules : W a 85 fois la masse du proton, et Z, 95 fois. Les photons, W et Z sont des « bosons » qui ont un « spin » (rotation) de 1 – correspondant à la constante de Planck. Les « bosons » W+, W- et Z furent détectés au Centre Européen de Recherche Nucléaire (CERN) à Genève, en 1982. Ces particules étaient prédites par la théorie depuis les années 60. Il s’agit de la théorie électrofaible, qui postule le fait qu’au tout début de l’existence de l’univers (10-12 secondes après le Big-Bang, à une température de 1015 degrés kelvin [les degrés kelvin sont une échelle de température analogue aux degrés Celsius, mais dont le zéro est établi au niveau du froid absolu : 1°Celsius = K - 273,15]), la force électromagnétique et la force nucléaire faible étaient unifiées, formant la force électrofaible. La force électrofaible ne faisait qu’un avec la force nucléaire forte, à un stade d’évolution de l’univers encore plus proche du Big-Bang (10-35 secondes après le Big-Bang, à une température de 1027 degrés kelvin.). Quant à la gravité, nul ne le sait… Le « boson de Higgs » (Ou plutôt « Boson de Brout-Englert-Higgs » (BEH), du nom de ses découvreurs. Le Boson a 125 fois la masse du proton (GEV).), particule prédite par la théorie, confère leur masse à toutes les autres particules. Le « boson de Higgs » a été détecté par Alice et Atlas(dont le poids est respectivement de 10.000 et 7.000 tonnes…), les détecteurs du LHC (« Grand Collisionneur de Hadrons » : un somptueux appareil, qui coûta pas moins de 9 milliards d’Euros.), ce tunnel de 27 km de circonférence foré à 175 mètres de profondeur, près de Genève.

Les « leptons » et « quarks » sont des « fermions » dont le « spin » est un multiple demi-entier de la constante de Planck. Quant au « graviton » qui servirait de particule messagère à la gravité, aucune expérience n’en a jusqu’à présent trahi la présence… Que de chemin parcouru, depuis les électrons, protons et neutrons de notre encyclopédie !

Intéressons-nous à la gravité, qui est une force bien remarquable. Je regarde dans l'index de ma vieille encyclopédie, et je n'y trouve pas le terme de « « gravité ». Par contre, dans le chapitre « pesanteur », je trouve la remarque suivante : l'accélération de la pesanteur est constante ; elle est sensiblement égale à 981 m/s par seconde à la puissance 2. Tout le monde a l'air de trouver cela tout à fait normal, alors que c'est très étonnant : quelqu'un qui tombe d'une très haute tour, en même temps qu'une plume - si l'on fait abstraction de tout frottement de l’air - tous deux tombent suivant une vitesse identique… La gravité est une accélération, parce qu'en fait, il s'agit d'une déformation de l'espace-temps. Supposons que nous avons devant nous un trampoline qui est d'une élasticité parfaite. Nous posons en son milieu une sphère d'acier qui figure la terre, et qui déforme très sensiblement le tissu élastique du trampoline. Nous lançons une petite bille d'acier qui figure la lune (toujours en faisant abstraction de tout frottement et de toute résistance de l'air), et nous la verrons rouler sur le tissu du trampoline suivant une orbite en forme d'ellipse. La petite bille d'acier déformera elle-même le tissu élastique, figurant la gravité qu'elle génère. La gravité est d'une remarquable faiblesse, par rapport aux trois autres forces fondamentales. Mais sa portée est considérable. Elle s'est « séparée » des autres forces à l'extrême début de l'univers (10-43 secondes après le Big-Bang, à une température de 1032 degrés kelvin.). Cette force pose de nombreuses questions non résolues ; sans doute la théorie de la « Grande Unification » (si elle survient) lèvera-t-elle enfin le mystère...


La pluralité des univers

Nous avons vu qu’il existe quatre forces fondamentales de l’univers, et que celles-ci – à l’exception de la gravité – étaient unies dans les premiers (et extrêmement brefs) instants d’existence de l’univers. La théorie des cordes permettrait de donner une vision unifiée de ces forces. Dans ce cas, l’élément fondamental de l’univers ne serait pas une particule, mais un objet unidimensionnel dont la dimension serait celle de la constante de Planck. Cette « corde » vibre, et la vibration de ces « cordes » nous apparaît comme étant une particule. La théorie des cordes décrit un univers qui a dix, onze ou vingt-six dimensions. Dans notre univers, ces dimensions existeraient bel et bien, mais seraient « enroulées » à une échelle immensément petite, petitesse qui les rend indécelables par les accélérateurs de particules, si grands et performants qu’ils soient. La théorie des cordes (ou la théorie des supercordes) ouvre notre esprit à l’idée qu’il existe un plus grand nombre de dimensions du réel que les trois dimensions de l’espace et la dimension du temps – auxquelles nous sommes habitués.

Nous vivons dans un espace à quatre dimensions. Dès que nous ajoutons une autre dimension – une ou plusieurs – nous sommes incapables de visualiser ce que nous évoquons. Un univers à cinq ou six dimensions (ou davantage) est pour nous une abstraction mathématique, quelque chose que nos mots ne parviennent pas à définir, car nos concepts sont étroitement adaptés à l’univers où nous vivons. Lorsque nous décrivons un monde où une ou plusieurs dimensions s'ajoutent à celles qui règnent dans notre univers, nous sommes en présence d'un autre univers, que nous ne pouvons pas nous figurer autrement que par une abstraction mathématique. Ainsi donc, la théorie des cordes familiarise notre esprit avec l'idée qu'il existe d'autres univers, dont certains peuvent éventuellement interagir avec le nôtre.

Revenons à la théorie du chaos. Lors du « Big-Bang », l'univers à sa naissance était extrêmement sensible aux conditions initiales : une infime variation de l'une de ses caractéristiques allait produire par la suite un univers totalement différent que celui que nous connaissons. Ces caractéristiques sont appelées « constantes physique ». Il s'agit de nombres tels que la vitesse de la lumière, la constante gravitationnelle, la masse de l’électron, la constante de Planck - dont nous avons déjà parlé - etc. L'ensemble de ces constantes doit être réglé de façon extrêmement fine, afin qu'une conscience puisse surgir dans l'univers à un moment donné de son évolution. Qu’une constante varie un tant soit peu, et nous sommes en présence d'un univers vide ou stérile, à moins qu'il ne s'agisse d'un univers totalement différent du nôtre. « Cette précision du réglage se révèle époustouflante : par exemple, le taux d'expansion initiale de l'univers a dû être réglé avec une précision comparable à celle d'un archer désireux de planter une flèche dans une cible d'un centimètre carré placé de l'autre côté de l'univers à 15 milliards d'années-lumière (Trinh Xuan Thuan. Le Chaos et l’harmonie – la fabrication du réel. Gallimard Folio Coll. Essais 366 p. 383.) ». L'idée que ces constantes physiques aient été réglées avec une telle précision dans le but qu'une conscience apparaisse dans l'univers à un moment donné, cette idée est appelée « principe anthropique ». Les spiritualistes sont pour, les matérialistes sont contre : le débat fait rage.

Il est certain que l'idée d'une Volonté supérieure antérieure à l'univers, qui réglerait les constantes physiques afin que l'être humain puisse apparaître au terme de l'évolution - cette idée n'a rien de scientifique. Mais la science n'a aucune autorité pour affirmer que cette idée soit absurde... C'est tout simplement en dehors du domaine de la science. Celle-ci peut affirmer : « nous sommes en présence de l'univers tel qu'il existe, et le rôle de la science se limite à tâcher de comprendre son fonctionnement et son évolution».

D’autre part, les spiritualistes ont tort de prétendre trouver à partir de cela, un argument coercitif qui obligerait en quelque sorte à reconnaître la présence de ce qui pourrait être appelé une « volonté divine ». Notre liberté, à nous qui sommes des êtres humains conscients, est la pierre angulaire de toute démarche spirituelle. Toute tentative de violation de cette liberté, tout essai d'établir une sorte de « vérité obligatoire », a comme effet immédiat de tuer l'existence de la vie spirituelle, qui ne peut s'épanouir que dans un climat de totale liberté personnelle. C'est pourquoi nous devons nous tenir sur nos gardes, garder une prudente réserve envers tout essai totalitaire d'établir une vérité de type religieux. Ce qui viole la liberté d'esprit de l'être humain est nécessairement faux. Nous pouvons considérer que la convergence étonnante des constantes physiques est un indice - mais rien de plus que cela - qui nous permet d'en inférer l'existence d'une Volonté supérieure et bienveillante. Mais nous ne pouvons pas aller plus loin, sans risquer de détruire ce que nous nous efforçons d'établir, en enlevant à cet édifice la pierre angulaire qu'est la liberté.

Récapitulons ce que nous venons de voir : Nous sommes partis de la science du XIXème siècle, science totalitaire, autoritaire, qui nous montrait un monde infini et éternel, situé dans un espace-temps unique. En considérant cette cosmologie, on a vraiment l'impression d'apercevoir un monde ancien, avec Jérusalem en son centre, et les terres entourées d'un océan circulaire... Car notre vision du monde a énormément évolué, suivant le développement de la théorie quantique et les applications de la Relativité. Le monde qui se déploie devant nos yeux est un univers qui a un début, qui est fini, quoiqu'en expansion accélérée, dont les espace-temps varient suivant la vitesse relative des systèmes où ils règnent, et qui n'exclut nullement l'existence d'autres univers caractérisés par des dimensions supplémentaires par rapport aux nôtres. Cette science respire une liberté nouvelle, car elle définit elle-même les limites du champ de ses connaissances, et elle est la première à nous affirmer le caractère imprédictible des innombrables variations que nous donne l'application de la théorie du chaos.

L'« ancien monde » était inhospitalier et hostile à la vision chrétienne du monde, qui postule un début de l'univers - la Création - et une fin de celui-ci : la « Fin des Temps » marquée par le Jugement. L'« ancien monde » était hostile à toute idée d'intervention d'une autre dimension dans notre univers, car cet « ancien monde » était hermétiquement verrouillé par des relations de cause à effet, censées ne pouvoir se dérouler que dans un seul système de références. Le «nouveau monde» est ouvert aux influences émanant d'autres dimensions, et témoigne d’une inventivité et d’une liberté de formes qui font notre émerveillement. Le déterminisme est mort ; la matière a perdu sa centralité : il est davantage question d’énergie et d’information.


L'objectif tracé initialement a-t-il été atteint ? ?

Nous avons trouvé les principaux éléments de réponse à ces questions :
- nous avons vu que la conception scientifique positiviste du XIXe siècle dépeint l'univers comme étant exclusif - avec un seul et unique espace-temps; comme étant clos sur lui-même, sans autre action que celle des lois immuables de la Nature; et comme étant déterministe, sans liberté possible en son sein.
- ces principes sont devenus obsolètes dans la conception scientifique du monde actuelle, qui décrit un univers possédant un début et une fin, car la matière est détrônée de son éternité ; un univers où la créativité est possible notamment grâce à la "loi du chaos"; et un univers où la réalité quantique ne répond plus aux impératifs du "bon sens" commun.
- enfin, la conception contemporaine du monde familiarise notre esprit avec le concept de l'existence de plusieurs espace-temps, ce qui entraîne de grandes conséquences pour notre conception de l'univers.

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T. des Matières

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